LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Vu les articles L. 452-1 et L. 412-6 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 16 novembre 2004, M. X..., salarié de la société Adecco, entreprise de travail temporaire, mis à la disposition de la société Sita Sud en qualité de chauffeur poids lourd, est tombé dans une fosse à vidange d'un hangar de l'entreprise utilisatrice, où était stationné son véhicule de service ; que les conséquences de cet accident ont été prises en charge au titre de la législation professionnelle ; qu'il a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt, après avoir écarté les déclarations du salarié selon lesquelles le hangar était dépourvu d'éclairage lors de l'accident, retient que l'intéressé ne justifie pas que sa présence aux abords de la fosse résultait d'un ordre d'un supérieur hiérarchique ou des nécessités de la prise en charge de son camion avant son départ, qu'il ne rapporte pas la preuve qu'un texte obligeait l'employeur à obstruer ou à clôturer une fosse à vidange lorsqu'elle n'est pas utilisée et que le reproche fait à la société Sita Sud de laisser un local accessible à tout le personnel, en pleine nuit, sans éclairage, y compris aux abords immédiats d'une fosse non sécurisée, faisant ainsi courir à son personnel un risque de chute qu'elle ne pouvait ignorer, perd toute crédibilité ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés du comportement du salarié, et alors que les dispositions de l'article L. 233-3, alinéa 1er ancien du code du travail imposaient à la société Sita Sud de clôturer la fosse à vidange, de sorte qu'elle aurait dû avoir conscience du danger résultant du risque de chute auquel était exposée toute personne circulant dans le hangar et qu'elle n'avait pris aucune mesure pour y remédier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Adecco et la société Sita Sud aux dépens ;
Vu les article 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la société Adecco et condamne la société Adecco et la société Sita Sud à payer à Me Spinosi la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé qu'aucune faute inexcusable ne peut être reprochée à la société SITA SUD et d'avoir en conséquence débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes en reconnaissance de la faute inexcusable des sociétés SITA SUD et ADECCO, et tendant à ce que la rente soit fixée au maximum, que soit ordonnée une expertise et qu'une provision lui soit accordée ;
Aux motifs propres que « La cour rappelle que, par application des articles L.452-1 du code de sécurité sociale et 1315 du code civil, lorsque le salarié victime d'un accident du travail entend se prévaloir de la faute inexcusable de son employeur, il a la charge de rapporter la preuve de l'existence de cette faute, la présomption instaurée par l'article L.231-8 du code du travail en faveur des salariés intérimaires étant limitée aux postes présentant un risque particulier nécessitant une formation à la sécurité renforcée.
Monsieur X... avait été embauché en qualité de chauffeur poidslourd et l'accident n'est pas survenu lors de la conduite d'un camion, ni sur la route, mais à pied et dans les locaux de la société utilisatrice.
Il ne peut donc se prévaloir de cette présomption.
Monsieur X... a décrit les circonstances de sa chute pendant l'enquête diligentée par ADECCO le jour même puis ultérieurement au cours de la procédure judiciaire.
Il a toujours estimé que sa chute avait deux causes : l'absence d'éclairage du hangar et l'absence de protection de la fosse par des grilles.
Il a déclaré qu'en faisant le tour de son camion pour les vérifications d'usage avant de se mettre en route, il était tombé dans une fosse de vidange qui n'était pas sécurisée.
La chute s'est produite le 16 novembre vers 3 heures du matin, la victime a été secourue par un autre intérimaire, Monsieur Y..., vers 3 heures 5, lequel a averti le frère de la victime vers 3 heures 15.
Les premiers juges se sont étonnés des incohérences du dossier, et notamment ;
- Présence de Monsieur X... dans la partie d'un hangar servant à la vidange des camions, alors que le camion qu'il devait conduire se trouvait dans une autre partie du dépôt et que, comme le soulignait la société SITA SUD, il n'avait rien à faire dans cette partie du bâtiment ;
- Absence d'éclairage alléguée dans ce hangar, alors qu'il prétendait vérifier son camion ; l'absence d'éclairage n'avait pas été mentionnée dans les premières déclarations du salarié.
La cour constate que Monsieur X... n'a fourni ni explications, ni pièces complémentaires pour étayer ses arguments et que l'incohérence de son argumentaire principal subsiste : comment le salarié pouvait-il tourner autour de son camion pour le vérifier en pleine nuit, sans éclairage ?
Au surplus, il est difficile d'admettre, comme il le prétend, que le personnel de l'entreprise aurait pu travailler plusieurs jours de suite dans un hangar privé d'éclairage alors qu'au mois de novembre, la seule lumière naturelle est insuffisante, à supposer que le hangar soit pourvu de vitrages, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier.
Il ne justifie pas davantage que sa présence aux abords de la fosse résulterait d'un ordre d'un supérieur hiérarchique, ni même des nécessités de la prise en charge de son camion avant le départ.
Il ne rapporte pas la preuve qu'un texte obligerait l'employeur à obstruer ou à clôturer une fosse de vidange lorsqu'elle n'est pas utilisée.
Dès lors, le reproche fait à la société SITA SUD de laisser un local accessible à tout le personnel en pleine nuit, sans éclairage, y compris aux abords immédiat d'une fosse non sécurisée, faisant ainsi courir à son personnel un risque de chute qu'elle ne pouvait ignorer, perd toute crédibilité.
Les raisons réelles qui ont amené Monsieur X... à circuler en pleine nuit dans une partie du hangar où il n'avait pas à se trouver, sans en avoir reçu l'ordre de son supérieur hiérarchique, ne pouvaient être que personnelles.
En conséquence, la cour constate que l'appelant n'a pas rapporté la preuve que la société SITA SUD, entreprise utilisatrice, a manqué à son obligation de sécurité en l'exposant à un danger qu'elle ne pouvait ignorer, et qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Aucune faute inexcusable ne peut être reprochée à la société SITA SUD.
Les demandes dirigées contre la société ADECCO, employeur de Monsieur X..., sont infondées.
La cour confirme le jugement déféré, déboute l'appelant de toutes ses demandes et fait droit aux demandes des intimées formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « Monsieur X... ne rapporte pas plus d'élément permettant de déterminer le caractère obligatoire d'une grille de sécurité apposée sur une fosse à vidange ;
En l'état de ces éléments, Monsieur X... ne rapporte pas la preuve de la conscience que l'employeur avait du danger que courrait son salarié et de l'absence de moyens mis en oeuvre pour y remédier ;
Il ne démontre donc pas l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de l'accident du travail du 16 novembre 2004 » ;
Alors, d'une part, qu'il résulte des articles R.4224-1 et suivants du code du travail, relatifs à la sécurité des lieux de travail, que l'employeur a l'obligation d'aménager les lieux de travail intérieurs et extérieurs de telle façon que la circulation des piétons et des véhicules puissent se faire de manière sûre ; que manque à cette obligation, et commet dès lors une faute inexcusable, l'employeur qui laisse sans protection une fosse à vidange, notamment pour prévenir les défaillances de l'éclairage des locaux ; qu'en décidant cependant que la faute inexcusable de la société utilisatrice et de l'employeur n'est pas démontrée, en relevant que le salarié ne rapporte pas la preuve qu'un texte obligerait l'employeur à obstruer ou à clôturer une fosse à vidange lorsqu'elle n'est pas utilisée, la Cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article L.452-1 du code de sécurité sociale ;
Alors, d'autre part, que le salarié faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 7 et 8) qu'à la suite d'une visite effectuée dans les locaux de la société utilisatrice le 25 août 2004, une inspectrice du travail avait demandé, par courrier adressée à celle-ci, que la fosse à vidange soit protégée par un parquet jointif ou un garde-corps périphérique ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen de nature à établir que la société utilisatrice avait connaissance du danger auquel étaient exposés ses salariés du fait de l'absence de protection de la fosse à vidange, tout en décidant qu'il n'est pas démontré que celle-ci a manqué à son obligation de sécurité de résultat en exposant le salarié à un danger qu'elle ne pouvait ignorer, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, en tout état de cause, qu'en retenant que le salarié ne justifie pas que sa présence aux abords de la fosse résulterait d'un ordre d'un supérieur hiérarchique, ni même des nécessités de la prise en charge de son camion avant le départ et que les raisons réelles qui l'ont amené à circuler en pleine nuit dans cette partie du hangar ne pouvaient être que personnelles, quand la faute éventuelle de la victime ne permet pourtant pas d'écarter la faute inexcusable de l'employeur, la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant en violation de l'article L.452-1 du code de sécurité sociale.