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12/03/2014 | FRANCE | N°12-29192

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mars 2014, 12-29192


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 1er juillet 2006 par la société Lancry protection sécurité en qualité d'agent de sécurité ; qu'à la suite de la perte du marché son contrat a été transféré à la société Main sécurité à compter du 1er juillet 2011 ; que par ordonnance de référé du 9 octobre 2011 la société Lancry protection sécurité a Ã

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 1er juillet 2006 par la société Lancry protection sécurité en qualité d'agent de sécurité ; qu'à la suite de la perte du marché son contrat a été transféré à la société Main sécurité à compter du 1er juillet 2011 ; que par ordonnance de référé du 9 octobre 2011 la société Lancry protection sécurité a été condamnée à payer au salarié une certaine somme à titre de complément de salaire du mois de juin 2011 ;
Attendu que pour débouter la société Lancry protection sécurité de sa demande de restitution de cette somme qu'elle a versée, le jugement retient que le contrat de travail a été transféré et qu'elle ne rapporte pas la preuve que la créance d'heures n'a pas été transférée au preneur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la reprise du contrat de travail d'un salarié en exécution d'un accord collectif organisant le transfert des contrats de travail en cas de changement de prestataire n'emporte pas en soi, dans les rapports entre le salarié et son nouvel employeur, les effets d'un transfert relevant de l'article L. 1224-1 du code du travail si elle ne s'accompagne pas du transfert d'une entité économique autonome, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 29 octobre 2012, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Chambéry ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Lancry protection sécurité.
Le moyen fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que le contrat de travail de Monsieur Daniel X... n'avait pas été exécuté de bonne foi par la SAS LANCRY PROTECTION SECURITE, d'avoir dit que la condamnation de la SAS LANCRY PROTECTION SECURITE à l'encontre de Monsieur Daniel X..., par ordonnance de référé du 19 octobre 2011 était justifiée et d'avoir en conséquence débouté la SAS LANCRY PROTECTION SECURITE de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE, « l'avenant 7.2.4.2. de l'avenant n°4 à l'accord d'entreprise dispose que « si les sommes versées aux salariés en application de la règle du lissage sont supérieures au temps de travail effectivement réalisé, hormis les périodes d'absence ayant donné lieu à indemnisation, une régularisation devra être opérée par la société sur la dernière échéance de paie ou par remboursement direct du salarié. Par contre, si le déficit d'heures travaillées relève d'une insuffisance de planification de la part de l'employeur, il ne sera opéré aucune régularisation. En cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'entreprise pour un motif économique ou pour cause réelle et sérieuse le trop perçu restera acquis au salarié. » ; Qu'en l'espèce, le transfert du contrat par une application légale (L. 1224-1 du Code du travail) ou conventionnelle (accord de branche du 5 mars 2002) sont des dispositions spécifiques non assimilables à la rupture d'un contrat de travail ; Qu'en conséquence, l'alinéa 3 de l'article 7.2.4.2. n'est pas applicable en l'espèce ; Attendu que l'article L. 1224-1 du Code du travail dispose que « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise » ; Qu'en l'espèce, à la date du 1er juillet 2011, le contrat de travail de Monsieur Daniel X... a été transféré au preneur ; que la SAS LACRY PROTECTION SECURITE ne rapporte pas la preuve que la créance d'heures n'a pas été transférée au preneur ; Qu'en conséquence, le Conseil la déboutera de sa demande répétition de l'indu ; Attendu au surplus que l'article L. 1222-1 du Code du travail dispose « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi » ; Qu'en l'espèce, la modulation prévue par l'accord d'entreprise prévoit une période basse minimum de 108 heures mensuelles sur les mois de janvier, février, avril et octobre ; Que ledit accord prévoit une période haute maximum de 192 heures mensuelles sur les mois de mai, juillet, août et décembre ; que la modulation du salarié concerné est sur l'année civile ; Que Monsieur Daniel X... a effectué sur le premier semestre 2011 une programmation de travail par son employeur de 133 heures sur février et mars, 136 heures sur janvier, 138 heures sur avril et 145 heures sur juin ; Que dès lors, le Conseil constate qu'aucune programmation n'a été effectuée par l'employeur au-delà du temps plein (151,67 heures mensuelles) sur cette période ; Qu'en conséquence, le Conseil considère que la SAS LANCRY PROTECTION SECURITE n'a pas programmé le travail de Monsieur Daniel X... lui permettant d'avoir un cycle de modulation équilibré ; Que c'est en partie cette situation qui a mis Daniel X... dans la situation d'un horaire de travail effectif plus bas que l'horaire rémunéré ; Qu'en conséquence, le contrat n'a pas été exécuté de bonne foi » ;
ALORS d'une part QUE l'article L. 1224-1 du Code du travail n'est applicable que dans l'hypothèse du transfert d'une entité économique autonome, conservant son identité, laquelle entité économique se définit comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre ; que dès lors, les dispositions de cet article ne trouvent pas à s'appliquer dans le cas de la perte de marché au profit d'un concurrent ; que le Conseil de prud'hommes qui a constaté que le contrat de travail de Monsieur X... avait été transféré à la société MAIN SECURITE à la suite de la perte du marché sur lequel il était affecté par la société LANCRY PROTECTION SECURITE ne pouvait par conséquent valablement se fonder sur les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail pour débouter la société de sa demande de restitution en relevant qu'elle ne rapportait pas la preuve que la créance d'heures n'avait pas été transférée au repreneur sans avoir recherché préalablement si le nouveau titulaire du marché avait repris des éléments d'actif corporels ou incorporels nécessaires à l'exploitation de l'entité, seules circonstances de nature à justifier l'applicabilité de l'article L. 1224-1 du Code du travail ; qu'en statuant ainsi, le Conseil a privé sa décision de base légale au regard de ces dispositions ;
ALORS d'autre part QUE l'article 3-1-2 de l'accord de branche du 28 janvier 2011 qui énumère les éléments contractuels transférés à l'entreprise entrante en cas de changement de prestataire ne mentionne ni la durée du travail du salarié ni, a fortiori, les modalités d'organisation de son temps de travail ; que parallèlement, l'article 3-2 du même accord, fait obligation à l'entreprise sortante d'établir un arrêté des comptes et de régler au salarié transféré toute rémunération et toute indemnité acquise au moment du transfert ; qu'il découle de ces dispositions que le transfert de Monsieur X... à la société MAIN SECURITE par application de l'accord susvisé n'entraînait pas, en lui-même, le transfert subséquent à cette société de la créance d'heures détenue par la société LANCRY PROTECTION SECURITE à l'encontre de ce salarié ; que, dès lors, en retenant que cette société ne rapportait pas la preuve que la créance d'heures n'avait pas été transférée au repreneur pour la débouter de sa demande au titre de la répétition de l'indu, le Conseil de prud'hommes a inversé la charge de la preuve et, ce faisant, violé les dispositions susvisées de l'accord de branche du 28 janvier 2011, ensemble l'article 1315 du Code civil ;
ALORS par ailleurs QUE l'article 7.2. de l'avenant n°4 à l'accord d'entreprise relatif à la réduction et l'aménagement du temps de travail définit la période de modulation de base ainsi que les modalités selon lesquelles la durée du travail des salariés peut varier sur cette période ; que ce même article prévoit les conditions dans lesquelles sont opérées des régularisations lorsque le volume d'heures travaillées d'un salarié ne correspond pas au volume contractuel ; que le Conseil de prud'hommes qui n'a constaté aucun manquement de la société LANCRY PROTECTION SECURITE dans l'application de ces stipulations à l'égard de Monsieur X... ne pouvait dès lors valablement considérer comme injustifiée la régularisation opérée par la société conformément à ces stipulations et débouter cette dernière de ses demandes à ce titre ; qu'en statuant ainsi, le Conseil de prud'hommes a violé les stipulations conventionnelles susvisées ;
ALORS ensuite QUE le Conseil de prud'hommes a constaté que le cycle de modulation du salarié est sur l'année civile ; qu'il en découle que le caractère équilibré de ce cycle ne peut être apprécié qu'à l'issue de celui-ci, soit à la fin de l'année civile ; qu'en considérant néanmoins que, sur le premier semestre 2011, la société LANCRY PROTECTION SECURITE n'avait pas programmé le travail de Monsieur X... lui permettant d'avoir un cycle de modulation équilibré, le Conseil de prud'hommes a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a, ce faisant, violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS encore QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, pour justifier le nombre d'heures relativement faible réalisé par Monsieur X... sur le premier semestre 2011, la société LANCRY PROTECTION SECURITE faisait valoir d'une part que ce premier semestre comporte de nombreux mois en période basse puisque seul le mois de mai est en période haute et d'autre part que Monsieur X... n'avait pris, sur cette même période, aucun jour de congé augmentant ainsi d'autant le compteur final d'heures à réaliser ; qu'en considérant néanmoins que la société employeur n'avait pas programmé le travail du salarié lui permettant d'avoir un cycle de modulation équilibré et qu'elle avait ainsi manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, sans s'expliquer sur ces moyens de nature à exclure toute responsabilité de l'entreprise dans le faible nombre d'heures réalisé sur la période en cause, le Conseil de prud'hommes a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS enfin à titre subsidiaire, QUE les dommages et intérêts dus en cas d'inexécution d'un contrat par le débiteur ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution du contrat ; qu'il en découle que, lorsqu'il est établi que l'inexécution par le débiteur n'est pas la seule cause du dommage subi par le créancier, il ne saurait être tenu de la réparation de ce dommage dans son intégralité ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que le manquement de la société LANCRY PROTECTION SECURITE à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail était « en partie » seulement à l'origine de la situation dans laquelle s'était trouvé Monsieur X... d'un horaire de travail effectif plus bas que l'horaire rémunéré, le Conseil de prud'hommes a néanmoins jugé que la condamnation prononcée à l'encontre de la société LANCRY PROTECTION SECURITE de restituer à Monsieur X... l'intégralité de la retenue sur salaire correspondant au nombre d'heures de travail non réalisées ; qu'en statuant comme il l'a fait alors que la responsabilité partielle de la société employeur dans la survenance du dommage dont Monsieur X... demandait réparation aurait dû la conduire à évaluer la part de ce dommage constituant une conséquence directe de l'inexécution de son obligation d'exécution loyale du contrat de travail et limiter à cette part la condamnation de la société, le Conseil de prud'hommes a violé les dispositions de l'article 1151 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-29192
Date de la décision : 12/03/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 29 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 mar. 2014, pourvoi n°12-29192


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.29192
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