LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 15 novembre 2012), que Mme X... a été opérée en 2006 d'une arthroplastie totale de la hanche gauche, que le 29 juin 2007, la tête céramique de l'implant s'est fissurée, rendant nécessaire une nouvelle intervention en urgence, suivie d'une hospitalisation, que, sur la base d'un rapport d'expertise, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux et des infections nosocomiales (CRCI) Rhône-Alpes a considéré que cet accident médical ouvrait droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale par l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), que ce dernier ayant opposé un refus, Mme X... l'a assigné en indemnisation ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que dans sa rédaction, issue de la loi du 4 mars 2002, applicable au litige, l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dispose que « lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail » ; que, dans sa rédaction antérieure au décret du 19 juin 2011, applicable au litige, l'article D. 1142-1 du code de la santé publique prévoit qu'« un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois » ; qu'il en résulte que le caractère de gravité des conséquences dommageables, nécessaire pour ouvrir droit à indemnisation, peut résulter soit de l'incapacité permanente subie si elle atteint le taux fixé, soit de l'incapacité temporaire de travail, si la durée de cette incapacité est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois ; qu'aucune autre condition que celle de durée n'est prévue s'agissant du déficit fonctionnel temporaire ; que la cour d'appel a constaté que la durée de l'incapacité temporaire était acquise en l'espèce pour une durée totale de neuf mois sur une période douze mois ; qu'en énonçant néanmoins, pour débouter Mme X... de sa demande en indemnisation, que si les dispositions réglementaires prennent en compte la durée de l'incapacité temporaire, elles ne déterminent pas l'importance qui doit être appréciée au regard des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et de la mission de l'ONIAM, en charge de la solidarité nationale dont le propre est de secourir les patients qui n'ont pas d'autre recours et dont les conditions d'existence ont été temporairement ou durablement bouleversées, la cour d'appel a ajouté aux textes une condition qui n'existe pas, en violation des articles L. 1142-1 et D. 1142-1 du code de la santé publique, dans leur rédaction alors applicable ;
2°/ que lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret ; que la condition d'« anormalité » des conséquences préjudiciables de l'accident, distincte de celle de « gravité » de ces conséquences, s'apprécie au regard du seul état de santé antérieur du patient et de son évolution prévisible, sans égard à l'intensité du préjudice définitif subi par la victime du fait de l'accident ; qu'en retenant, pour exclure tout droit à indemnisation de Mme X..., que le résultat de l'arthroplastie après la fracture n'était pas très éloigné du résultat initial, de l'absence d'intensité suffisante de la décompensation psychiatrique pour atteindre le seuil de prise en charge au titre de l'incapacité partielle permanente, de l'absence de préjudice esthétique, de préjudice sexuel, de préjudice d'établissement et de préjudice permanent exceptionnel, l'absence de « conséquences anormales de l'aléa au regard au regard de l'état de santé de Mme X... et de l'évolution prévisible de celui-ci en lien direct avec l'accident médical dont elle a été victime », la cour d'appel, qui a confondu gravité et anormalité des conséquences préjudiciables de l'accident, a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que pendant la plus grande partie de la période d'incapacité partielle, Mme X... n'était astreinte au port d'une canne de marche que par sécurité, ce qui ne l'empêchait pas de vaquer à peu près normalement à ses occupations quotidiennes, dans des conditions habituelles en pareil cas ; qu'elle a, en outre, constaté que le résultat de l'arthroplastie totale de la hanche gauche après la fracture était certes moins bon qu'avant mais n'en était cependant pas très éloigné à 15/17 au lieu de 17/18 , alors que la patiente ne boitait pas, qu'elle n'avait plus recours à la canne et qu'elle n'apparaissait pas spécialement handicapée à la suite de cette deuxième intervention, étant en outre observé que, sur le plan psychiatrique, il existait un état antérieur, qu'elle était sous anxiolytiques et antidépresseurs au moment de l'accident médical et qu'il y avait eu une décompensation psychiatrique qui n'avait pas présenté une intensité suffisante pour dépasser le seuil de prise en charge au titre de l'incapacité permanente partielle ; qu'elle a ainsi caractérisé l'absence de caractère anormal du dommage au regard de l'état de santé antérieur de la patiente ou de son évolution prévisible, excluant par là -même toute indemnisation de son préjudice au titre de la solidarité nationale ;
Que la troisième branche n'est pas fondée, ce qui rend la première inopérante comme s'attaquant à des motifs surabondants ;
Et attendu que la deuxième branche n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ; la condamne à payer à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté madame X... de ses demandes en indemnisation dirigées contre l'ONIAM,
AUX MOTIFS QUE la pose de la prothèse constitue un acte de soin ; la mesure de la tête céramique de la prothèse, intervenue 14 mois après la mise en place de la prothèse, est en lien direct avec cette intervention ; qu'il n'est établi aucune faute du médecin ni aucun défaut de la prothèse, ou même d'une pièce de celle-ci de nature à engager la responsabilité du praticien ou du fournisseur ; aucune autre cause n'est mise en évidence ; il s'agit d'un aléa thérapeutique ; qu'il s'ensuit que la rupture de la tête céramique de la prothèse dont madame X... a été victime constitue un accident médical non fautif relevant de l'indemnisation à ce titre de la solidarité nationale ; qu'en vertu des dispositions de l'article D. 1142-1, dans sa version antérieure au décret du 19 janvier 2011 applicable en l'espèce, l'accident médical étant du 29 juin 2007, le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique est fixé à 24 %. Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou non consécutifs sur une période de 12 mois ; qu'il résulte de l'expertise qu'à la suite de la fracture de la tête céramique, madame X... a subi un préjudice tant sur le plan orthopédique que psychiatrique ; que madame X... a dû être réopérée en urgence le 29 juin 2007 et elle a été hospitalisée jusqu'au 12 juillet 2007 ; que l'expert a déterminé les périodes de déficit fonctionnel temporaire ainsi :- du 29 juin 2007 au 12 juillet 2007,- du 12 juillet 2007 au 24 août 2007 puis du 20 novembre 2007 au 29 décembre 2007 correspondant aux périodes d'hospitalisation ;qu'en dehors de ces périodes :- déficit fonctionnel partiel :. à hauteur de 35 % du 25 août 2007 au 19 novembre 2007 madame X... marchant pendant cette période avec une canne en raison d'une boiterie importante, . à hauteur de 20 % du 30 décembre 2007 au 11 juin 2008, madame X... étant pendant cette période porteuse d'une canne par sécurité ;que le déficit fonctionnel permanent global (orthopédique et psychiatrique)est évalué à 8 % ;que madame X... était retraitée, au moment de l'accident médical ; elle n'exerçait aucune activité professionnelle et elle n'a subi aucune perte de revenus, mais l'incapacité temporaire de travail est également prise en compte en ce que pendant cette période la victime est troublée dans ses conditions d'existence ; il s'agit aujourd'hui du déficit fonctionnel temporaire ; que pour les périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel, madame X... a marché avec une canne nécessitée, dans un premier temps, par une boiterie importante, puis dans un second temps, à titre de sécurité ; que si les dispositions réglementaires ci-dessus rappelées prennent en compte la durée de l'incapacité temporaire, acquise en l'occurrence pour une durée totale de neuf mois dans une période de douze mois, elles n'en déterminent pas l'importance qui doit être appréciée au regard des dispositions de l'article L. 1142-1 susvisé et de la mission de l'ONIAM, en charge de la solidarité nationale dont le propre est de secourir les patients qui n'ont pas d'autres recours et dont les conditions d'existence ont été temporairement ou durablement bouleversées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce avec, pendant la plus grande partie de la période d'incapacité partielle, le port d'une canne de marche simplement par sécurité, ce qui n'empêchait pas madame X... de vaquer à peu près normalement à ses occupations quotidiennes, dans des conditions habituelles en pareil cas ; que le résultat de l'arthroplastie totale de la hanche gauche après la fracture est certes moins bon qu'avant mais n'en est cependant pas très éloigné à 15/17 au lieu de 17/18, alors que la patiente ne boîte pas, qu'elle n'a plus recours à la canne et qu'elle n'apparaît pas spécialement handicapée à la suite de cette 2ème intervention ; étant en outre observé que sur le plan psychiatrique, il existait un état antérieur, elle était sous anxiolytiques et anti dépresseurs au moment de l'accident médical et qu'il y a eu une décompensation psychiatrique qui n'a pas présenté une intensité suffisante pour atteindre le seuil de prise en charge au titre de l'incapacité permanente partielle ; qu'en ce qui concerne le préjudice esthétique, l'expert indique que la cicatrice de la hanche gauche est identique à la cicatrice de la hanche du côté opposé où la patiente n'a bénéficié que d'une seule intervention et conclut à un préjudice esthétique permanent nul ; que l'expert ne retient aucun préjudice sexuel, aucun préjudice d'établissement, aucun préjudice permanent exceptionnel et aucun préjudice extra patrimonial évolutif en lien avec la rupture de tête céramique ; qu'il ne résulte pas de ces constatations des conséquences anormales de l'aléa au regard de l'état de santé de madame X... et de l'évolution prévisible de celui-ci en lien direct avec l'accident médical dont elle a été victime ; qu'en conséquence, madame X... ne remplit pas les conditions exigées par l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique pour donner lieu à une indemnisation par l'ONIAM ; elle doit dès lors être déboutée de sa demande et le jugement déféré doit être infirmé ;
1) ALORS QUE dans sa rédaction, issue de la loi du 4 mars 2002, applicable au litige, l'article L 1142-1 du code de la santé publique dispose que « lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail » ; que, dans sa rédaction antérieure au décret du 19 juin 2011, applicable au litige, l'article D 1142-1 du code de la santé publique prévoit qu'« un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois » ; qu'il en résulte que le caractère de gravité des conséquences dommageables, nécessaire pour ouvrir droit à indemnisation, peut résulter soit de l'incapacité permanente subie si elle atteint le taux fixé, soit de l'incapacité temporaire de travail, si la durée de cette incapacité est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois ; qu'aucune autre condition que celle de durée n'est prévue s'agissant du déficit fonctionnel temporaire ; que la cour d'appel a constaté que la durée de l'incapacité temporaire était acquise en l'espèce pour une durée totale de neuf mois sur une période douze mois ; qu'en énonçant néanmoins, pour débouter madame X... de sa demande en indemnisation, que si les dispositions réglementaires prennent en compte la durée de l'incapacité temporaire, elles ne déterminent pas l'importance qui doit être appréciée au regard des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et de la mission de l'ONIAM, en charge de la solidarité nationale dont le propre est de secourir les patients qui n'ont pas d'autre recours et dont les conditions d'existence ont été temporairement ou durablement bouleversées, la cour d'appel a ajouté aux textes une condition qui n'existe pas, en violation des articles L. 1142-1 et D 1142-1 du code de la santé publique, dans leur rédaction alors applicable ;
2) ALORS QUE, subsidiairement, la cour d'appel a constaté d'une part que madame X... avait subi des périodes d'hospitalisation correspondant à un déficit fonctionnel temporaire total pendant 96 jours ; et, d'autre part, que madame X... avait subi un déficit fonctionnel partiel, à hauteur de 35 %, du 25 août 2007 au 19 novembre 2007, soit 86 jours, « marchant pendant cette période avec une canne en raison d'une boiterie importante » ; qu'en énonçant, pour débouter madame X... de sa demande en indemnisation, que ses conditions d'existence n'avaient pas été temporairement bouleversées, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, et a violé les articles L. 1142-1 et D. 1142-1 du code de la santé publique, dans leur rédaction alors applicable ;
3) ALORS QUE lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret ; que la condition d'« anormalité » des conséquences préjudiciables de l'accident, distincte de celle de « gravité » de ces conséquences, s'apprécie au regard du seul état de santé antérieur du patient et de son évolution prévisible, sans égard à l'intensité du préjudice définitif subi par la victime du fait de l'accident ; qu'en retenant, pour exclure tout droit à indemnisation de madame X..., que le résultat de l'arthroplastie après la fracture n'était pas très éloigné du résultat initial, de l'absence d'intensité suffisante de la décompensation psychiatrique pour atteindre le seuil de prise en charge au titre de l'incapacité partielle permanente, de l'absence de préjudice esthétique, de préjudice sexuel, de préjudice d'établissement et de préjudice permanent exceptionnel, l'absence de « conséquences anormales de l'aléa au regard au regard de l'état de santé de madame X... et de l'évolution prévisible de celui-ci en lien direct avec l'accident médical dont elle a été victime », la cour d'appel, qui a confondu gravité et anormalité des conséquences préjudiciables de l'accident, a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.