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11/03/2014 | FRANCE | N°12-21199

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 mars 2014, 12-21199


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que le retard de paiement d'une dizaine de jours de l'entreprise chargée de la démolition en début de chantier n'avait eu qu'une incidence minime sur son déroulement et sans rapport avec les cent trente-huit jours de retard lors de son achèvement, relevé que la cause réelle de ce retard était l'absence de planning des travaux et l'absence de pénalités de retard à la charge des entreprises dans les pièces contractuelles préparé

es par M. X..., maître d'oeuvre, qui connaissait l'ampleur des travaux à ré...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que le retard de paiement d'une dizaine de jours de l'entreprise chargée de la démolition en début de chantier n'avait eu qu'une incidence minime sur son déroulement et sans rapport avec les cent trente-huit jours de retard lors de son achèvement, relevé que la cause réelle de ce retard était l'absence de planning des travaux et l'absence de pénalités de retard à la charge des entreprises dans les pièces contractuelles préparées par M. X..., maître d'oeuvre, qui connaissait l'ampleur des travaux à réaliser dans l'immeuble à usage d'hôtel-restaurant appartenant à la société civile immobilière du Bord de mer (la SCI) et exploité par la société Plancton et les contraintes des maîtres de l'ouvrage qui souhaitaient pouvoir exploiter cet établissement dès le début de la saison touristique, et retenu, par une appréciation souveraine de l'intention des parties, que les maîtres de l'ouvrage, mis devant le fait accompli lors d'une réunion de chantier tenue après l'expiration de la date d'achèvement contractuellement prévue, avaient été dans l'impossibilité de refuser le report de cette date, la cour d'appel, qui en a déduit que M. X... avait commis une faute justifiant l'application des pénalités de retard prévues par les contrats qu'il avait conclus avec ces deux sociétés, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que le contrat conclu par M. X... avec la SCI prévoyait expressément qu'à défaut d'achèvement du chantier avant une date déterminée, une pénalité forfaitaire lui serait appliquée par jour de retard, relevé que ce retard s'élevait à cent trente-huit jours, et retenu que M. X..., qui n'avait pas établi de planning des travaux ni prévu de pénalités de retard dans les contrats des entreprises, avait commis une faute ayant causé ce retard, la cour d'appel, qui en a déduit, abstraction faite d'un motif surabondant relatif au préjudice de la SCI, que la demande de cette société en paiement d'une somme au titre des pénalités de retard était fondée, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la société civile immobilière du Bord de mer et à la société Plancton la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à la SARL LE PLANCTON la somme de 60.000 € et à la SCI DU BORD DE MER une somme de 20.000 €, au titre des pénalités de retard ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'architecte est tenu par une obligation de résultat de faire achever les travaux à la date prévue par le contrat sauf preuve d'une cause étrangère exonératoire tenant à la force majeure, à la faute du maître d'ouvrage ou à un empêchement provenant d'actes des autorités publiques ; en l'espèce, à la date de la signature du contrat d'architecte simplifié, soit le 18 septembre 2002, les parties avaient spécialement prévu que les travaux devaient être achevés pour le 15 mars 2003, soit moins de six mois plus tard ; il ressort du devis estimatif établi par Monsieur X... en décembre 2001 que les travaux représentent plusieurs mois de travail puisqu'il s'agit de faire d'abord des démolitions de gros oeuvre avant de refaire les menuiseries, les cloisons, les revêtements de sol, une partie de l'électricité et la plomberie des sanitaires ; dans ses conclusions, l'architecte indique que les travaux nécessitaient au minimum six mois de réalisation ; les parties n'étaient donc pas sans savoir que les travaux devaient commencer dans les meilleurs délais pour être livrés à temps ; or, à la lecture des pièces versées à la procédure, il apparaît que la demande de déclaration de travaux a été déposée par la SCI DU BORD DE MER le 27 novembre 2002, soit plus de deux mois après la conclusion du contrat d'architecte ; il n'est pas contesté que les parties avaient convenu que c'est la SCI DU BORD DE MER et non l'architecte qui déposerait la déclaration de travaux en mairie ; toutefois, pour pouvoir se prévaloir d'une clause de retard imputable au maître d'ouvrage ou à l'autorité communale, l'architecte, chargé d'une mission complète doit justifier de la date à laquelle il a remis au maître de l'ouvrage le dossier complet indispensable au dépôt de la déclaration de travaux ; en l'espèce, aucune pièce versée au dossier ne permet de savoir à quel moment l'architecte a adressé à son client les documents utiles à l'instruction de la demande ; dans ces conditions, il n'est pas possible d'imputer au maître de l'ouvrage le temps couru jusqu'au dépôt de sa demande ; de même, le délai complémentaire d'instruction de la demande exigé par la commune ne peut constituer un empêchement légitime de nature à suspendre les engagements pris ; il est exacte que suite au dépôt de la déclaration de travaux, la commune de CARNAC a demandé par courrier en date du 6 décembre 2002 des informations complémentaires pour poursuivre l'instruction du dossier à la SCI DU BORD DE MER qui a répondu à ces demandes le 9 décembre 2002 et ce n'est finalement que par lettre du 24 février 2003 que la commune a décidé que les travaux pouvaient être entrepris à compter du 26 février 2003 ; Monsieur X... devait cependant savoir que la commune était en droit de demander des informations complémentaires touchant à la sécurité et ce, d'autant que les travaux portaient sur un immeuble ouvert à la fréquentation du public ; de plus, la demande d'informations complémentaires s'explique par le projet prévu à l'origine par l'architecte d'équiper certaines chambres de « kitchenettes » ; or, ce projet transformait inévitablement l'hôtel en résidence hôtelière, nécessitant alors l'obtention d'un permis de construire, ce que l'architecte, homme de l'art, était censé connaître et prévoir ; en outre, et en toute hypothèse, il résulte des comptes rendus de chantier que l'architecte n'a pas attendu la réponse positive de la commune pour commencer le chantier et notamment la phase de démolition et de reconstruction initiée dès le mois de janvier 2003 ; le délai complémentaire d'instruction de la demande exigé par la commune ne peut donc constituer un empêchement légitime de nature à suspendre les engagements pris ; Monsieur X..., professionnel de la construction, ne pouvait méconnaître l'existence de tous ces aléas et aurait dû prévoir au contrat de ne faire courir le délai d'exécution qu'à compter de la date d'obtention de l'autorisation administrative ou refuser de s'engager à effectuer les travaux dans un délai qu'il savait très court ; lors de la signature de son engagement le 18/9/2002, il connaissait parfaitement l'ampleur de l'opération à réaliser puisqu'il travaillait sur ce projet depuis plusieurs mois si l'on se réfère au devis estimatif établi le 10/12/2001 ; il a donc pris cet engagement en connaissance de cause et il ne peut s'en prendre qu'à sa seule imprudence sans pouvoir reprocher aux demandeurs une quelconque mauvaise foi dans la demande d'application de l'engagement à respecter des délais qu'il a accepté de souscrire » (jugement, pp. 5 et 6) ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QU'« il est incontestable que le chantier n'a pas été achevé dans les délais convenus puisque l'immeuble n'a pu normalement être exploité qu'à compter du 2 août 2003, les travaux n'ayant été achevés, aux termes d'une attestation de Monsieur X..., que le 3 avril 2004 au lieu du 15 mars 2003 ; ce dernier s'étant contractuellement engagé à achever les travaux à cette date, il lui appartient de démontrer, pour s'exonérer de sa responsabilité, la faute de son contractant, le fait d'un tiers ou la force majeure ; pour expliquer cette situation, le maître d'oeuvre invoque pour seule explication un retard de payement de l'entreprise de gros oeuvre par le maître de l'ouvrage qui aurait gravement perturbé le bon déroulement du chantier ; l'examen des pièces produites révèle que le chantier a débuté le 21 janvier 2003, que la société LE PENDU, titulaire du lot « démolitions gros oeuvre », a adressé sa première situation le 29 janvier à l'architecte qui, le jour même, a transmis une proposition de payement ; aux termes de l'acte d'engagement signé par le maître d'ouvrage et cette société, les factures sont réglées dans le délai de 21 jours à réception. La première situation était exigible vers le 20 février, en fonction de la date de réception de la proposition de payement ; si Monsieur X... verse aux débats une attestation de Monsieur Y... dont il résulte qu'il aurait dès la mi-février, c'est-à-dire avant même la date d'exigibilité de sa facture, réduit ses effectifs sur le chantier, cette attestation précise que la situation a été régularisée début mars, les effectifs repassant alors à huit salariés ; la cour relève, par ailleurs, que les comptes rendus de chantier n° 4 (19 février), 5 (26 février) et 6 (5 mars) ne font nullement état de doléances de l'entreprise de gros oeuvre et d'une décision de réduire ses effectifs ; certes, l'architecte a demandé à cette entreprise de renforcer ses effectifs comme il le fera ultérieurement à de nombreuses reprises (9 avril, 23 avril, 30 avril) ; ainsi et à supposer même que le retard de payement d'une dizaine de jours fin février ait eu une incidence sur le déroulement du chantier, il ne peut s'agir que d'une incidence minime sans rapport avec les 138 jours de retard ; la cause réelle du retard est à rechercher dans la teneur des pièces contractuelles préparées par l'architecte ; comme le lui a fait remarquer le 6 mai 2003, la société LBSO, attributaire du lot « plâtrerie », aucun planning n'a été établi et signé par les entreprises ni de pénalités de retard stipulées aux contrats de celles-ci ; or, ces défaillances graves (absence de planning et absence de pénalités de retard à la charge des entreprises) constitue pour un maître d'oeuvre qui connaissait tant l'ampleur des travaux à réaliser que les contraintes des maîtres de l'ouvrage qui souhaitaient pouvoir exploiter leur établissement dès le début de la saison touristique (ces derniers ont d'ailleurs fait dresser constat par un huissier le 4 avril 2003 démontrant ainsi leurs inquiétudes), une faute justifiant l'application des pénalités de retard prévues au contrat d'architecte ; Monsieur X... ne saurait tirer argument de ce que lors de la réunion de chantier du 26 mars 2003 (après l'expiration des délais), il a été convenu de reporter au 2 juin l'achèvement total des travaux, les maîtres de l'ouvrage se trouvant placés devant le fait accompli et dans l'impossibilité de refuser ce report compte tenu de l'état du bâtiment (cf constat du 4 avril 2003), sauf à aggraver leur préjudice financier ; la cour observe d'ailleurs que la date du 2 juin 2003 ne sera pas davantage respectée ainsi qu'il ressort de l'examen des comptes rendus de chantier dressés ultérieurement ; les maîtres de l'ouvrage sont, en conséquence, fondés à solliciter qu'il soit fait application des pénalités convenues » (arrêt pp. 4 et 5) ;
ALORS QUE 1°), Monsieur X... faisait valoir, dans ses conclusions (pp. 14 à 16) que le maître d'ouvrage avait tardé à payer l'entreprise, chargée des travaux de démolition et gros oeuvre, qui intervenait nécessairement avant tout autre constructeur sur le chantier, et que cette entreprise avait en conséquence fait le choix de réduire ses effectifs jusqu'à début de mars 2003 de sorte que, les travaux s'étalant sur une période déjà courte en délai de réalisation, et chaque intervenant sur le chantier devant faire face au retard accumulé par ses prédécesseurs, le retard de paiement imputable au maître d'ouvrage, même de quelques semaines, avait entraîné une véritable désorganisation du chantier à l'origine du dépassement du délai d'exécution initialement prévu ; qu'en se bornant à affirmer que l'incidence du retard de paiement d'une dizaine de jours était minime et sans rapport avec les 138 jours de retard comptabilisés au total, sans rechercher, ainsi que l'y invitait l'exposant, si le retard de paiement de la première entreprise intervenant sur le chantier, exclusivement imputable au maître d'ouvrage, n'était pas à l'origine du retard accumulé de manière exponentielle dans l'exécution du chantier, dont le délai d'exécution contractuellement fixé était déjà très court, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS QUE 2°), subsidiairement, en affirmant que le retard d'exécution des travaux aurait duré du 15 mars au 2 août 2003, pour condamner en conséquence Monsieur X... à indemniser les maîtres d'ouvrage de la perte subie sur cette période, quand elle constatait pourtant l'accord des parties aux contrats pour reporter au 2 juin 2003 la date initialement prévue pour la fin des travaux, de sorte que la période à prendre en compte pour le calcul des pénalités ne pouvait débuter à une date antérieure au 2 juin 2003, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
ALORS QUE 3°), subsidiairement, en dehors de l'hypothèse - non invoquée en l'espèce - d'un vice du consentement, l'accord de l'architecte et des maîtres d'ouvrage pour reporter la date de fin des travaux à une date ultérieure s'imposait aux parties, notamment pour le calcul des pénalités de retard ; qu'en constatant que, lors de la réunion de chantier du 26 mars 2003, il avait été convenu entre l'architecte et les maîtres d'ouvrage de reporter du 15 mars au 2 juin 2003 la date d'achèvement des travaux (arrêt p. 5), pour néanmoins retenir la période du 15 mars au 2 août 2003 pour calculer les pénalités de retard dues par l'architecte, au motif que les maîtres d'ouvrage s'étaient trouvés devant le fait accompli et auraient dès lors été dans l'impossibilité d'accepter un report de la fin des travaux pour des questions financières, quand ces considérations étaient étrangères à la détermination de la durée du retard d'exécution des travaux à prendre en compte pour le calcul des pénalités contractuelles, lesquelles ne pouvaient, en l'état de l'accord exprès des parties, débuter qu'à compter du 2 juin 2003, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à la SCI DU BORD DE MER une somme de 20.000 €, au titre des pénalités de retard ;
AUX MOTIFS QUE « la SCI DU BORD DE MER sollicite qu'il lui soit alloué au titre des pénalités de retard une somme qu'elle limite volontairement à 20.000 € ; elle précise que cette somme correspond à la perte de loyer qu'elle a subie pendant la période considérée ce dont elle justifie suffisamment ; il est incontestable que le retard de livraison a également causé un préjudice à la bailleresse qui est fondée à réclamer l'application des pénalités de retard stipulées ; la somme de 20.000 ¿ lui sera allouée de ce chef et le jugement infirmé dans cette limite » (arrêt p. 5) ;
ALORS QU'en se bornant à affirmer, pour condamner Monsieur X... à payer à la SCI DU BORD DE MER une somme de 20.000 €, au titre des pénalités de retard, qu'« il était incontestable » que le retard de livraison avait causé un préjudice à la SCI DU BORD DE MER, sans indiquer sur quel élément de preuve elle se fondait pour procéder à une telle affirmation et en déduire qu'il existait un lien de causalité entre le retard de livraison de l'ouvrage et la prétendue perte de loyers alléguée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 12-21199
Date de la décision : 11/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 19 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 11 mar. 2014, pourvoi n°12-21199


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.21199
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