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19/02/2014 | FRANCE | N°12-24724;12-24725;12-24726;12-24729;12-24730;12-24731;12-24732;12-24733;12-24734;12-24735;12-24736;12-24737;12-24738;12-24739;12-24740;12-24741;12-24742;12-24743;12-24744;12-24745

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 février 2014, 12-24724 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° X 12-24.724 à Z 12-24.726 et C 12-24.729 à V 12-24.745 ;
Met hors de cause, sur leur demande, le syndicat CGT de la Compagnie des fromages et Richesmonts et l'union départementale CGT de la Manche ;
Attendu, selon les jugements attaqués, rendus en dernier ressort, que selon un arrêt de la cour d'appel de Caen du 29 mai 2009, ayant fait l'objet d'un pourvoi rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 13 juillet 2010, trois salariés de la société Compagnie des from

ages et Richesmonts (CFR) ont obtenu des rappels de salaire pour non-app...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° X 12-24.724 à Z 12-24.726 et C 12-24.729 à V 12-24.745 ;
Met hors de cause, sur leur demande, le syndicat CGT de la Compagnie des fromages et Richesmonts et l'union départementale CGT de la Manche ;
Attendu, selon les jugements attaqués, rendus en dernier ressort, que selon un arrêt de la cour d'appel de Caen du 29 mai 2009, ayant fait l'objet d'un pourvoi rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 13 juillet 2010, trois salariés de la société Compagnie des fromages et Richesmonts (CFR) ont obtenu des rappels de salaire pour non-application du SMIC ; que par courrier du 29 juin 2006, M. X... et plusieurs autres salariés avaient également mis en demeure la société CFR de régulariser leur situation sur cette même base ; que par une lettre-circulaire du 27 juillet 2009, l'employeur a informé les salariés qu'il ne pouvait être fait droit à leur demande car avant que la question ne soit tranchée par les juridictions et précisait qu'une fois l'arrêt de la Cour de cassation rendu, il tirerait les conséquences de cette décision à l'égard de l'ensemble des salariés concernés; que l'employeur a procédé au paiement de rappels de salaires sur une période courant à compter de juillet 2001 pour les trois salariés ayant initialement saisi la juridiction prud'homale mais seulement à compter de septembre 2005 pour les autres salariés ; que M. Y... et dix-neuf autres salariés ont saisi le conseil de prud'hommes le 13 septembre 2010 pour obtenir la régularisation de leur situation à compter de juillet 2001 ;
Sur les premier et deuxième moyens :
Vu les articles L. 143-14 devenu L. 3245-1 du code du travail, 2244 du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et les articles L. 3245-1 du code du travail, 2240 et 2241 du code civil ;
Attendu que pour faire droit aux demandes de rappel de salaires à compter du juillet 2001 jusqu'en septembre 2005 , les jugements retiennent que la prescription de l'action en paiement d'éléments du salaire court à compter de la date à laquelle il devient exigible, c'est-à-dire le jour où le salarié a fait parvenir à l'employeur sa demande en recommandé avec avis de réception, donc le 29 juin 2006 ; que de plus, dans son courrier recommandé avec avis de réception du 27 juillet 2009, l'employeur s'engage comme suit : « nous tenions à vous préciser que, bien évidemment, la société, une fois l'arrêt de la cour de cassation rendu, tirera les conséquences de cette décision à l'égard de l'ensemble des salariés concernés. » ; que le13 juillet 2010, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société CFR et cette dernière a donc dû verser les rappels de salaires correspondants à la non application du SMIC pour chaque salarié concerné pour la période de juillet 2001 à mai 2006 ; que de ce fait, cette société en n'appliquant pas les rappels de salaires pour les autres salariés demandeurs n'a pas respecté son engagement de tirer les conséquences de la décision de la Cour de cassation sur I' « ensemble » des salariés ;
Qu'en statuant ainsi, alors que si l'engagement de l'employeur emportait renonciation à la prescription acquise au 27 juillet 2009, cette renonciation ne pouvait porter que sur les créances de salaires postérieures au mois de juillet 2004 non atteintes par la prescription à la date du courrier, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation des dispositions des jugements du chef des rappels de salaires entraîne par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, celle des dispositions relatives aux dommages-intérêts pour rappel de salaires ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1147 du code civil ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture d'égalité de traitement, les jugements retiennent que le conseil de prud'hommes constate un préjudice lié à la non-application de l'égalité de traitement et alloue une somme forfaitaire au titre des dommages-intérêts ;
Qu'en statuant ainsi, en procédant par une fixation forfaitaire du préjudice des salariés, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent l'employeur au paiement de sommes à titre de rappel de salaires, de dommages-intérêts pour rappel de salaire et de dommages-intérêts pour rupture d'égalité de traitement, ordonne la remise de bulletins de paie rectifiés entre 2001 et 2005, les jugements rendus le 28 juin 2012, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Coutances ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits jugements et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Cherbourg ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi n° X 12-24.724 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la Compagnie des fromages et Richesmonts.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription quinquennale des créances salariales, et d'AVOIR en conséquence, déclaré bien fondée la demande de rappel de salaire pour la période comprise entre juillet 2001 et août 2005 et ordonné à la société CFR de verser aux salariés concernés un rappel de salaire à parfaire, sauf à revenir devant le conseil de prud'hommes en cas de difficulté ;
AUX MOTIFS QUE « « Sur la prescription et le rappel de salaires : suivant les termes de l'article L. 3245-1 du code du travail par lequel l'action en paiement se prescrit par 5 ans conformément à l'article 2224 du code civil, la prescription de l'action en paiement d'éléments du salaire court à compter de la date à laquelle il devient exigible, c'est-à-dire le jour ou le salarié a fait parvenir à l'employeur sa demande en recommandé avec AR, donc le 29 juin 2006. De plus, dans son courrier recommandé avec AR du 27 juillet 2009, la compagnie des fromages et Richemonts (CFR) s'engage : « nous tenions à vous préciser que, bien évidemment, la société, une fois l'arrêt de la cour de cassation rendu, tirera les conséquences de cette décision à l'égard de l'ensemble des salariés concernés. » En date du 13 juillet 2010, la cour de cassation a rejeté le pourvoi de la COMPAGNIE DES FROMAGES ET RICHEMONTS et cette dernière a donc dû verser les rappels de salaires correspondants à la non application du SMIC pour chaque salarié concerné pour la période de juillet 2001 à mai 2006. De ce fait, la compagnie des fromages en n'appliquant pas les rappels de salaires pour les autres salariés demandeurs n'a pas respecté son engagement de tirer les conséquences de la décision de la cour de cassation sur I' « ensemble » des salariés. En conséquence, le conseil de prud'hommes condamne la COMPAGNIE DES FROMAGES ET RICHEMONTS à payer à M Ludovic Y... un rappel de salaire correspondant à la période de juillet 2001 à août 2005. La décision ayant été appliquée à compter du 1er septembre 2005 comme le confirme le courrier de la CFR du 27 septembre 2010 Il conviendra aux parties de parfaire leur calcul et en cas de difficultés de revenir devant la présente juridiction. - Sur la régularisation des bulletins de paie Le montant du salaire de base étant rectifié, il conviendra d'ordonner à l'employeur de recalculer l'ensemble des charges et d'établir les bulletins de salaires correspondants. Le conseil de prud'hommes ordonne la réédition des bulletins de salaires dans un délai de 1 mois assortie d'une astreinte de 50¿ par jour à compter du 1er jour du mois suivant le prononcé du jugement. Le conseil de prud'hommes se réserve la liquidation de cette astreinte » ;
ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE le délai de prescription ne peut être interrompu que par une citation en justice, un commandement ou une saisie régulièrement signifiés ; qu'une simple mise en demeure par lettre recommandée n'a dès lors aucun effet interruptif de prescription ; qu'en déclarant non prescrite la demande portant sur des salaires relatifs à la période antérieure au mois d'août 2005, cependant qu'elle constatait que la demande en justice avait été formée en septembre 2010, au motif inopérant que les salariés avaient formulé une demande par lettre recommandée le 29 juin 2006, le conseil de prud'hommes a violé respectivement les articles 2244 et 2277 du Code civil dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble les articles 2241 et 2224 du même Code dans leur rédaction postérieure à ladite loi et l'article L. 3245-1 anciennement L. 143-14 du Code du travail ;
QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QUE la dette de salaire est payable mensuellement et que son exigibilité n'est pas subordonnée à une réclamation préalable du salarié ; qu'en déclarant que la date d'exigibilité d'un élément de salaire était celle de la réclamation du salarié, soit en l'espèce une lettre recommandée en date du 29 juin 2006, pour en déduire que la prescription quinquennale de l'action en paiement dudit élément de salaire courait à compter de cette date, de telle sorte que la prescription n'était pas acquise à la date de saisine de la juridiction prud'homale, le conseil de prud'hommes a violé l'article 1134 du Code civil ensemble les articles L. 1221-1 et L. 3242-1 anciennement article 1er de la Loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE les juges du fond ont constaté que la société CFR avait, dans son courrier en date du 27 juillet 2009, maintenu sa position selon laquelle la prime de pause devait être incluse dans l'assiette du SMIC de telle sorte que les demandes des salariés étaient infondées ; que la seule précision selon laquelle elle « tirerait les conséquences » de la décision à venir de la Cour de cassation sur cette question ne constituait dès lors pas une reconnaissance par le débiteur du droit des salariés à percevoir un rappel de salaire à ce titre, susceptible d'interrompre la prescription sur le fondement de l'article 2240 du Code civil ; qu'en jugeant du contraire, le conseil de prud'hommes a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard du texte susvisé ;
ALORS, ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT, QU'en supposant même que le courrier en date du 27 juillet 2009 ait eu un effet interruptif de prescription, méconnaît les conséquences légales de ses propres constatations le conseil de prud'hommes qui considère que les demandes salariales comprises entre le mois de juillet 2001 et le 24 juillet 2004 ne sont pas prescrites ; qu'en statuant de la sorte, les juges du fond ont violé, pour cette raison supplémentaire, l'article 2277 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l'article 2224 du même Code dans sa rédaction postérieure à ladite loi et l'article L. 3245-1 anciennement L. 143-14 du Code du travail.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR condamné la société CFR à payer aux défendeurs aux pourvois une somme à titre de « dommages et intérêts pour rappel de salaire » ;
AUX MOTIFS QUE « de juillet à août 2005, le salarié a subi un préjudice mensuel qui justifie l'octroi de dommages et intérêts. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision » ; (¿) Le syndicat CGT COMPAGNIE DES FROMAGES ET RICHESMONTS a subi un préjudice qui justifie l'octroi de dommages et intérêts. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision. En conséquence le conseil de prud'hommes condamne la société CFR au versement de la somme de 175 ¿ pour le dossier du salarié : M. Y... Ludovic » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation s'étendra, conformément aux prévisions de l'article 624 du Code de procédure civile, au chef du dispositif critiqué par le second moyen ;
ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE les juges du fond qui accordent le paiement d'une somme déterminée ne peuvent allouer des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires sans constater l'existence, pour le créancier, d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par le débiteur et causé par sa mauvaise foi ; qu'en accordant aux salariés concernés, en sus du rappel d'indemnités de congés payés et de droit individuel à la formation qu'ils estimaient leur être dû, une somme à titre de dommages et intérêts sans caractériser le préjudice subi par les salariés, indépendamment du retard apporté au paiement par le débiteur, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du Code civil.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR dit que les salariés défendeurs au pourvoi avaient été victimes d'une inégalité de traitement, et d'AVOIR en conséquence condamné la société CFR à leur payer une somme à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la rupture d'égalité de traitement, la structure de la rémunération entre les établissements «anciens CDF» et « anciens RICHEMONTS » n'est pas identique. Il y a égalité de salaire mais pas égalité de traitement de base (taux horaire différent et temps de pause). Le principe : « A travail égal, salaire égal » est bien respecté. Cependant la différence qui est constatée entre les salariés des différentes entités est une différence de structure de rémunération. A cet égard, la prime de pause est une composante automatique du salaire global. Il conviendra de refaire les calculs des salaires avec le taux unique horaire qui viendra en compensation des sommes déjà versées globalement. Les sommes finales à régulariser étant nulles, il n'y a pas lieu d'ordonner la réédition des bulletins de salaires sur l'inégalité de traitement. Conformément à l'arrêt du 28 octobre 2009 de la cour de cassation, celle-ci ayant précisé qu'un accord collectif ne peut créer une disparité de traitement entre les salariés d'établissements distincts d'une même entreprise, il y a donc lieu d'ordonner également l'application par l'employeur de la grille des salaires de base « ex établissements RICHEMONTS » à compter du 01 mai 2011. Néanmoins, le conseil des prud'hommes constate un préjudice lié à la non application de l'égalité de traitement et alloue une somme forfaitaire au titre des dommages et intérêts d'un montant de 400 ¿ » ;
ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE méconnaît les conséquences légales de ses propres constatations le conseil de prud'hommes qui constate que l'ensemble des salariés perçoivent une rémunération conforme au principe « à travail égal, salaire égal » mais qui considère néanmoins qu'il existe une inégalité de traitement injustifiée au titre de la « structure de la rémunération », tout en relevant que les sommes à régulariser pour remédier à cette prétendue inégalité de traitement sont nulles ; qu'en condamnant néanmoins la société CFR à payer des dommages et intérêts, tout en constatant l'inexistence d'une quelconque disparité de traitement dans le montant de rémunération des salariés, le conseil de prud'hommes n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le principe « à travail égal, salaire égal », ensemble les articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail ;
QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QU'en relevant expressément que les sommes à régulariser pour remédier à la prétendue « inégalité de traitement » étaient nulles, ce qui implique que celle-ci n'était pas préjudiciable aux salariés concernés, et en affirmant néanmoins que ceux-ci avaient subi un préjudice, le conseil de prud'hommes a statué par des motifs contradictoires et a ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être forfaitaire ; qu'en fixant le préjudice causé par la prétendue violation du principe d'égalité de traitement à une somme forfaitaire, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1147 du Code civil, ensemble le principe « à travail égal, salaire égal » ;
ALORS, DE QUATRIÈME PART, QU'en ne précisant pas en quoi consistait la différence dans la structure de la rémunération prétendument constitutive d'une inégalité de traitement, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement, ensemble les articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS, DE CINQUIÈME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE la société CFR faisait valoir dans ses conclusions (pages 23 et suivantes) que la différence dans la structure de rémunération entre les salariés qui faisaient initialement partie, antérieurement à la fusion à l'origine de sa création, de la société COMPAGNIE DES FROMAGES et ceux qui faisaient initialement partie de la société FROMAGERIES RICHEMONTS provenait du maintien, pour les salariés concernés et en l'absence d'accord de substitution, d'un accord d'entreprise conclu le 18 janvier 2001 au sein de la société COMPAGNIE DES FROMAGES et que cette circonstance était de nature à justifier l'inégalité de traitement entre les anciens salariés de chacune de ces deux structures ; qu'en laissant sans réponse ce moyen de défense décisif de l'employeur, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du Code de procédure civile.Moyens produits au pourvoi n° Y 12-24.725 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la Compagnie des fromages et Richesmonts.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription quinquennale des créances salariales, et d'AVOIR en conséquence condamné la société COMPAGNIE DES FROMAGES ET RICHESMONTS à payer aux salariés défendeurs une somme à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre juillet 2001 et août 2005 ;
AUX MOTIFS QUE «Sur la prescription et le rappel de salaires : suivant les termes de l'article L.3245-1 du code du travail par lequel l'action en paiement se prescrit par 5 ans conformément à l'article 2224 du code civil, la prescription de l'action en paiement d'éléments du salaire court à compter de la date à laquelle il devient exigible, c'est-à-dire le jour ou le salarié a fait parvenir à l'employeur sa demande en recommandé avec AR, donc le 29 juin 2006. De plus, dans son courrier recommandé avec AR du 27 juillet 2009, la COMPAGNIE DES FROMAGES ET RICHEMONTS (CFR) s'engage : « nous tenions à vous préciser que, bien évidemment, la société, une fois l'arrêt de la cour de cassation rendu, tirera les conséquences de cette décision à l'égard de l'ensemble des salariés concernés. » En date du 13 juillet 2010, la cour de cassation a rejeté le pourvoi de la COMPAGNIE DES FROMAGES ET RICHEMONTS et cette dernière a donc dû verser les rappels de salaires correspondants à la non application du SMIC pour chaque salarié concerné pour la période de juillet 2001 à mai 2006. De ce fait, la compagnie des fromages en n'appliquant pas les rappels de salaires pour les autres salariés demandeurs n'a pas respecté son engagement de tirer les conséquences de la décision de la cour de cassation sur I' « ensemble » des salariés. En conséquence, le conseil de prud'hommes condamne la COMPAGNIE DES FROMAGES ET RICHEMONTS à payer à M. Régis X... un rappel de salaire correspondant à la période de juillet 2001 à Aout 2005. La décision ayant été appliquée à compter du 1er septembre 2005 comme le confirme le courrier de la CFR du 27 septembre 2010, soit la somme de 297,36 ¿. - Sur la régularisation des bulletins de paie le montant du salaire de base étant rectifié, il conviendra d'ordonner à l'employeur de recalculer l'ensemble des charges et d'établir les bulletins de salaires correspondants. Le conseil de prud'hommes ordonne la réédition des bulletins de salaires dans un délai de 1 mois assortie d'une astreinte de 50¿ par jour à compter du ter jour du mois suivant le prononcé du jugement. Le conseil de prud'hommes se réserve la liquidation de cette astreinte » ;
ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE le délai de prescription ne peut être interrompu que par une citation en justice, un commandement ou une saisie régulièrement signifiés ; qu'une simple mise en demeure par lettre recommandée n'a dès lors aucun effet interruptif de prescription ; qu'en déclarant non prescrite la demande portant sur des salaires relatifs à la période antérieure au mois d'août 2005, cependant qu'elle constatait que la demande en justice avait été formée en septembre 2010, au motif inopérant que les salariés avaient formulé une demande par lettre recommandée le 29 juin 2006, le conseil de prud'hommes a violé respectivement les articles 2244 et 2277 du Code civil dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble les articles 2241 et 2224 du même Code dans leur rédaction postérieure à ladite loi et l'article L. 3245-1 anciennement L. 143-14 du Code du travail ;
QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QUE la dette de salaire est payable mensuellement et que son exigibilité n'est pas subordonnée à une réclamation préalable du salarié ; qu'en déclarant que la date d'exigibilité d'un élément de salaire était celle de la réclamation du salarié, soit en l'espèce une lettre recommandée en date du 29 juin 2006, pour en déduire que la prescription quinquennale de l'action en paiement dudit élément de salaire courait à compter de cette date, de telle sorte que la prescription n'était pas acquise à la date de saisine de la juridiction prud'homale, le conseil de prud'hommes a violé l'article 1134 du Code civil ensemble les articles L. 1221-1 et L. 3242-1 anciennement article 1er de la Loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE les juges du fond ont constaté que la société CFR avait, dans son courrier en date du 27 juillet 2009, maintenu sa position selon laquelle la prime de pause devait être incluse dans l'assiette du SMIC de telle sorte que les demandes des salariés étaient infondées ; que la seule précision selon laquelle elle « tirerait les conséquences » de la décision à venir de la Cour de cassation sur cette question ne constituait dès lors pas une reconnaissance par le débiteur du droit des salariés à percevoir un rappel de salaire à ce titre, susceptible d'interrompre la prescription sur le fondement de l'article 2240 du Code civil ; qu'en jugeant du contraire, le conseil de prud'hommes a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard du texte susvisé ;
ALORS, ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT, QU'en supposant même que le courrier en date du 27 juillet 2009 ait eu un effet interruptif de prescription, méconnaît les conséquences légales de ses propres constatations le conseil de prud'hommes qui considère que les demandes salariales comprises entre le mois de juillet 2001 et le 24 juillet 2004 ne sont pas prescrites ; qu'en statuant de la sorte, les juges du fond ont violé, pour cette raison supplémentaire, l'article 2277 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l'article 2224 du même Code dans sa rédaction postérieure à ladite Loi et l'article L. 3245-1 anciennement L. 143-14 du Code du travail.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR condamné la société CFR à payer aux défendeurs aux pourvois une somme à titre de « dommages et intérêts pour rappel de salaire » ;
AUX MOTIFS QUE « de juillet à août 2005, le salarié a subi un préjudice mensuel qui justifie l'octroi de dommages et intérêts. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision » (¿) que le syndicat CGT COMPAGNIE DES FROMAGES ET RICHESMONTS a subi un préjudice qui justifie l'octroi de dommages et intérêts. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision. En conséquence le conseil de prud'hommes condamne la société CFR au versement de la somme de 175 ¿ pour le dossier du salarié : M. X... Régie » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation s'étendra, conformément aux prévisions de l'article 624 du Code de procédure civile, au chef du dispositif critiqué par le second moyen ;
ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE les juges du fond qui accordent le paiement d'une somme déterminée ne peuvent allouer des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires sans constater l'existence, pour le créancier, d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par le débiteur et causé par sa mauvaise foi ; qu'en accordant aux salariés concernés, en sus du rappel d'indemnités de congés payés et de droit individuel à la formation qu'ils estimaient leur être dû, une somme à titre de dommages et intérêts sans caractériser le préjudice subi par les intéressés, indépendamment du retard apporté au paiement par le débiteur, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du Code civil.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR dit que les salariés défendeurs au pourvoi avaient été victimes d'une inégalité de traitement, et d'AVOIR, en conséquence condamné la société COMPAGNIE DES FROMAGES ET RICHESMONTS à leur payer une somme à titre de dommages et intérêts pour rupture d'égalité de traitement ;
AUX MOTIFS QUE « sur la rupture d'égalité de traitement : la structure de la rémunération entre les établissements « anciens CDF » et « anciens RICHEMONTS » n'est pas identique. Il y a égalité de salaire mais pas égalité de traitement de base (taux horaire différent et temps de pause). Le principe : « A travail égal, salaire égal » est bien respecté. Cependant la différence qui est constatée entre les salariés des différentes entités est une différence de structure de rémunération. A cet égard, la prime de pause est une composante automatique du salaire global. Il conviendra de refaire les calculs des salaires avec le taux unique horaire qui viendra en compensation des sommes déjà versées globalement. Les sommes finales à régulariser étant nulles, il n'y a pas lieu d'ordonner la réédition des bulletins de salaires sur l'inégalité de traitement. Conformément à l'arrêt du 28 octobre 2009 de la Cour de Cassation, celle-ci ayant précisé qu'un accord collectif ne peut créer une disparité de traitement entre les salariés d'établissements distincts d'une même entreprise, il y a donc lieu d'ordonner également l'application par l'employeur de la grille des salaires de base « ex établissements RICHEMONTS » à compter du 01 mai 2011. Néanmoins, le conseil des prud'hommes constate un préjudice lié à la non application de l'égalité de traitement et alloue une somme forfaitaire au titre des dommages et intérêts d'un montant de 400 ¿ » ;
ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE méconnaît les conséquences légales de ses propres constatations le conseil de prud'hommes qui constate que l'ensemble des salariés perçoivent une rémunération conforme au principe « à travail égal, salaire égal » mais qui considère néanmoins qu'il existe une inégalité de traitement injustifiée au titre de la « structure de la rémunération », tout en relevant que les sommes à régulariser pour remédier à cette prétendue inégalité de traitement sont nulles ; qu'en condamnant néanmoins la société COMPAGNIE DES FROMAGES ET RICHESMONTS à payer des dommages et intérêts, tout en constatant l'inexistence d'une quelconque disparité dans le traitement de rémunération des salariés, le conseil de prud'hommes n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le principe « à travail égal, salaire égal », ensemble les articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail ;
QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QU'en relevant expressément que les sommes à régulariser pour remédier à la prétendue « inégalité de traitement » étaient nulles, ce qui implique que celle-ci n'était pas préjudiciable aux salariés concernés, et en affirmant néanmoins que ceux-ci avaient subi un préjudice, le conseil de prud'hommes a statué par des motifs contradictoires et a ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être forfaitaire ; qu'en fixant le préjudice causé par la prétendue violation du principe d'égalité de traitement à une somme forfaitaire, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1147 du Code civil, ensemble le principe « à travail égal, salaire égal » ;
ALORS, DE QUATRIÈME PART, QU'en ne précisant pas en quoi consistait la différence dans la structure de la rémunération prétendument constitutive d'une inégalité de traitement, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement, ensemble les articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS, DE CINQUIÈME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE la société CFR faisait valoir dans ses conclusions (pages 23 et suivantes) que la différence dans la structure de rémunération entre les salariés qui faisaient initialement partie, antérieurement à la fusion à l'origine de sa création, de la société COMPAGNIE DES FROMAGES et ceux qui faisaient initialement partie de la société FROMAGERIES RICHEMONTS provenait du maintien, pour les salariés concernés et en l'absence d'accord de substitution, d'un accord d'entreprise conclu le 18 janvier 2001 au sein de la société COMPAGNIE DES FROMAGES et que cette circonstance était de nature à justifier l'inégalité de traitement entre les anciens salariés de chacune de ces deux structures ; qu'en laissant sans réponse ce moyen de défense décisif de l'employeur, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-24724;12-24725;12-24726;12-24729;12-24730;12-24731;12-24732;12-24733;12-24734;12-24735;12-24736;12-24737;12-24738;12-24739;12-24740;12-24741;12-24742;12-24743;12-24744;12-24745
Date de la décision : 19/02/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Coutances, 28 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 fév. 2014, pourvoi n°12-24724;12-24725;12-24726;12-24729;12-24730;12-24731;12-24732;12-24733;12-24734;12-24735;12-24736;12-24737;12-24738;12-24739;12-24740;12-24741;12-24742;12-24743;12-24744;12-24745


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.24724
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