LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X...a été engagée le 12 janvier 2004 par la société NB international, en qualité de couturière, selon un contrat à durée déterminée de douze mois conclu sur une base de 10 heures de travail hebdomadaire ; que les relations de travail se sont poursuivies au-delà du terme sans qu'aucun contrat ait été signé ; que soutenant qu'après la cession de parts intervenue le 12 janvier 2005, la durée du travail initialement convenue avait été réduite sans son accord, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur et saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes notamment à titre de rappel de salaire et de treizième mois ; que la société NB international a été mise en liquidation judiciaire le 24 septembre 2010, M. Y... ayant été désigné mandataire-liquidateur ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire sur la base de l'horaire initial, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que la poursuite des relations de travail est présumée faite aux mêmes conditions et qu'il appartient à l'employeur qui combat cette présomption de prouver l'existence d'un accord contraire des parties, retient que l'examen des bulletins de paie de la salariée fait apparaître qu'avant même le changement d'associés de la société NB international, le nombre d'heures travaillées chaque mois par l'intéressée était fluctuant et très généralement inférieur à 10 heures par semaine, qu'elle était à temps complet au service d'une autre entreprise et que si elle avait effectivement travaillé dix heures par semaine, elle aurait systématiquement dépassé la durée hebdomadaire moyenne fixée par l'article L. 3121-36 du code du travail ; que ce fait, joint au lien de famille existant entre elle et celle qui fut la représentante légale de NB International jusqu'au 25 juillet 2005, traduit l'existence d'un accord sur des bases différentes de celles du contrat à durée déterminée initial, notamment en ce qui concerne la durée hebdomadaire que conforte encore l'absence de protestation de sa part pendant cinq années ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'accord exprès de la salariée à la modification du nombre d'heures de travail initialement convenu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la cassation du chef de l'arrêt relatif au rappel de salaire entraîne par voie de conséquence celle du chef de l'arrêt relatif au rappel de treizième mois ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande de rappel de salaire et de treizième mois, l'arrêt rendu le 20 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme X...la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame Brigitte X...de sa demande tendant à voir fixer sa créance de rémunération et congés payés sur la base d'un horaire mensuel de 43, 30 heures de travail (10 heures hebdomadaires) et d'AVOIR fixé sa créance dans la liquidation judiciaire de la Société NB International à 1 000 ¿ à titre de dommages et intérêts, 307 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, 202 ¿ à titre d'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE " Sur les rappels de salaire et de treizième mois, la salariée affirme qu'après la cession des parts de la société NB International courant 2005, les stipulations contractuelles n'ont plus été respectées ; qu'elle n'aurait ainsi été payée que pour 3 heures de travail en mars 2009, 29 heures en juin, 16 en juillet, 5 en août et 15 en novembre, dernier mois pour lequel elle aurait été rémunérée, et n'aurait rien perçu les autres mois pendant lesquels elle se tenait pourtant à la disposition de son employeur ; qu'elle chiffre à 1461 le nombre d'heures pour lesquelles elle aurait dû être payée de 2004 à 2010 inclus ; que Maître Y... ès qualités affirme qu'après le 12 janvier 2005, terme du contrat à durée déterminée mentionné plus haut, les relations se sont certes poursuivies mais à des conditions différentes (à la tâche), en considération du fait que Brigitte X...travaillait à temps complet pour la société La Redoute, ce qui ne lui laissait que peu de temps à consacrer à son activité de couturière ; que si l'employeur a effectivement donné son accord, dans le cadre de pourparlers, à une rupture conventionnelle moyennant paiement d'une somme de 5 000 euros toutes causes confondues, il n'a nullement reconnu le bien fondé des prétentions adverses mais au contraire clairement affirmé, en particulier dans une lettre du 15 juin 2010, n'avoir jamais manqué à ses obligations ; qu'il observe que, si Mme X...avait effectivement travaillé 10 heures par semaine pour NB International, elle aurait dépassé les durées maximales journalière et hebdomadaire ; qu'il ajoute qu'il était d'autant plus aisé à l'intéressée de réclamer, de mauvaise foi, des sommes qui ne lui étaient pas dues que le nouveau gérant de NB International, détenteur de l'intégralité des parts depuis le 26 juillet 2005, était en conflit avec l'ancien qui était apparenté avec l'intimée ; que Brigitte X...réplique qu'effectuant à La Redoute un travail posté, elle pouvait parfaitement cumuler les deux emplois ; qu'elle indique que la société La Redoute l'a licenciée pour motif économique le 8 février 2010 ;
QUE les parties sont d'accord sur le fait que l'intéressée a toujours travaillé à temps partiel pour la société NB International, leur divergence ne concernant que le nombre d'heures hebdomadaire ; qu'il résulte également des correspondances échangées que Brigitte X...ayant proposé à son ancien employeur, dans son courrier du 18 janvier 2010 précité, d''envisager une rupture de contrat de travail par le biais d'une rupture conventionnelle une fois les parties d'accord sur le montant de sa créance, une offre de 5 000 euros nette de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu lui a été faite par une lettre du 12 mars 2010 qui ne comportait aucune reconnaissance, fût-elle implicite, du bien fondé de ses prétentions, étant seulement dictée par le souci " d'aller vite et d'éviter les frais d'avocat et de procédure judiciaire ", et dans laquelle il indiquait que Mme X...avait perçu un treizième mois qui ne lui était pas contractuellement dû " (arrêt p. 3 in fine, p. 4 alinéas 1 à 4) ;
QUE " Lorsque les relations de travail se poursuivent, après le terme du contrat à durée déterminée initial, pour une durée indéterminée conformément aux dispositions de l'article L. 122-3-10, devenu L. 1243-11 du code du travail, cette poursuite est présumée faite aux même conditions ; qu'il appartient à l'employeur qui combat cette présomption de prouver l'existence d'un accord contraire des parties ;
QUE l'examen des bulletins de paye de l'intimée fait apparaître qu'avant même le changement d'associés de la société NB International, le nombre d'heures travaillées chaque mois par Mme X...était fluctuant et très généralement inférieur à 10 heures par semaine (29 en février, 50 en mars, 25 en avril, 27 en mai, 42 en juin, 40 en juillet, 26 en août) ; qu'il résulte également des bulletins établis par la société La Redoute pour les mois de janvier 2009 à février 2010 7 inclus qu'elle était à temps plein au service de celle ci depuis le 16 mars 1974 ; que si elle avait effectivement travaillé dix heures par semaine, Brigitte X...aurait systématiquement dépassé la durée hebdomadaire moyenne fixée par l'article L. 3121-36 du code du travail ; que ce fait, joint au lien de famille existant entre elle et celle qui fut la représentante légale de NB International jusqu'au 26 juillet 2005, traduit l'existence d'un accord sur des bases différentes de celles du contrat à durée déterminée initial, notamment en ce qui concerne la durée hebdomadaire de travail, que conforte encore l'absence de protestation de sa part pendant 5 années ; qu'il y a donc lieu à infirmation du jugement sur le rappel de salaire et les congés payés afférents (¿) " (p. 4 alinéas 5 à 7) ;
1°) ALORS QUE la durée du travail hebdomadaire ou mensuelle figurant dans le contrat de travail écrit à temps partiel constitue un élément de ce contrat qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié ; que par ailleurs, l'acceptation par un salarié d'une modification de son contrat de travail ne peut résulter de la seule poursuite par lui de l'exécution du contrat de travail aux nouvelles conditions et ne peut résulter que d'un consentement exprès de sa part ; qu'en déduisant l'accord de Madame X...pour une modification de la durée du travail convenue dans le contrat de travail signé avec la Société NB International de circonstances ¿ durée réelle du travail " fluctuante ", occupation d'un emploi à temps complet pour le compte d'un tiers, liens familiaux avec le représentant légal de la société, absence de protestation ¿- qui ne caractérisaient pas son accord exprès à la modification de la durée de travail convenue dans son contrat à temps partiel écrit, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 3123-14 du Code du travail ;
2°) ET ALORS en outre QU'en cas de cumul par le salarié de deux emplois entraînant un dépassement de la durée légale maximale autorisée, l'employeur ne peut lui imposer sans son accord exprès une modification de son contrat de travail à temps partiel par réduction unilatérale de l'horaire de travail ; qu'en déduisant, en l'absence d'accord exprès, l'accord de Madame X...à la réduction de la durée de travail convenue aux termes de son contrat de travail à temps partiel à un horaire de travail " fluctuant et très généralement inférieur à 10 heures par semaine " de motifs inopérants déduits de ce que la poursuite de l'horaire de 10 heures hebdomadaires convenu aux termes de son contrat de travail écrit aurait entraîné, compte tenu de l'emploi à temps complet occupé par ailleurs, un dépassement de la durée légale maximale de travail, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 3123-14 du Code du travail, ensemble l'article L. 8261-1 du Code du travail ;
3°) ALORS très subsidiairement QUE le contrat de travail à temps partiel suppose un accord des parties sur une durée de travail déterminée inférieure à la durée légale ; qu'en l'absence d'écrit, il appartient à l'employeur de démontrer d'une part la durée du travail convenue, d'autre part, la possibilité, pour le salarié, de prévoir son rythme de travail ; qu'à défaut, le contrat de travail est présumé à temps complet ; qu'en déboutant Madame X...de sa demande en rappel de salaires sur la base de la durée du travail mentionnée sur son contrat de travail écrit au motif que ce contrat aurait fait l'objet d'un " ¿ accord sur des bases différentes de celles du contrat à durée déterminée initial, notamment en ce qui concerne la durée hebdomadaire de travail ¿ " quand il ressortait de ses de ses propres constatations qu'en l'absence d'écrit et en l'état d'un horaire de travail qu'elle-même avait qualifié de " fluctuant ", l'employeur ne justifiait pas de la durée exacte du travail convenu, de sorte que les " bases différentes " de la novation prétendument intervenue ne pouvaient être que celles d'un temps complet la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 du Code civil et L. 3123-14 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame X...de sa demande tendant à voir fixer sa créance dans la liquidation judiciaire de la Société NB International au titre de la prime de 13ème mois ;
AUX MOTIFS QUE " S'agissant du 13ème mois, son paiement systématique depuis 2004 alors que ni le contrat ni la convention collective (23 juin 1970 brochure 3044) ne le prévoyait ne traduit pas l'existence d'un usage d'entreprise sur ce point, en l'absence de tout élément permettant de retenir sa généralité ; que le jugement sera infirmé de ce chef également " (arrêt p. 4 dernier alinéa, p. 5 alinéa 1er) ;
QU'en statuant ainsi sans rechercher si le versement constant et la mention sur les bulletins de salaire, pendant toute la durée de la relation de travail d'une prime et 13ème mois d'un montant fixe égal au douzième de la rémunération annuelle de la salariée ne caractérisait pas l'engagement unilatéral de l'employeur à lui verser ce montant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.