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18/02/2014 | FRANCE | N°12-29483

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 18 février 2014, 12-29483


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Riom, 1er octobre 2012), que M. et Mme X... ont assigné M. et Mme Y... en libération du chemin qu'ils qualifient de « chemin d'exploitation » leur permettant d'accéder au tènement dont ils sont propriétaires et qui traverse les parcelles C 263 et 259 appartenant à M. et Mme Y... ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le cadastre ne portait aucune mention d'un chemin débouchant sur les parcelles

de M. et Mme X..., que les titres de propriété respectifs ne comportaient a...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Riom, 1er octobre 2012), que M. et Mme X... ont assigné M. et Mme Y... en libération du chemin qu'ils qualifient de « chemin d'exploitation » leur permettant d'accéder au tènement dont ils sont propriétaires et qui traverse les parcelles C 263 et 259 appartenant à M. et Mme Y... ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le cadastre ne portait aucune mention d'un chemin débouchant sur les parcelles de M. et Mme X..., que les titres de propriété respectifs ne comportaient aucune mention spécifique précise concernant l'emplacement et l'assiette d'un chemin reliant la voie communale au fonds de M. et Mme X... et que les attestations produites étaient trop imprécises pour définir les parcelles desservies par ce chemin, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, en a souverainement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant, que l'existence d'un chemin n'était pas établie ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 682 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande en reconnaissance d'un droit de passage pour cause d'enclave l'arrêt relève qu'à supposer l'enclave existante, le droit de passage ne peut résulter d'une simple possession et que son admission suppose, d'une part, la démonstration de l'enclave, et d'autre part, le respect des prescriptions de l'article 683 du code civil et au besoin celles de l'article 648 du même code si, comme le soutiennent les intimés, l'enclave alléguée provient de la division d'un même fonds ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il était demandé, si le fonds de M. et Mme X... n'était pas enclavé en l'absence de chemin reliant leur tènement à la voie publique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande en reconnaissance d'une servitude légale pour cause d'enclave, l'arrêt rendu le 1er octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom, autrement composée ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme Y... à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. et Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de leur demande tendant à voir dire que le chemin reliant leurs parcelles à la voie communale n° 1 de la Croix-saint Bonnet et traversant, notamment, les parcelles cadastrées C n° 263 et 259 appartenant à M. et Mme Y... était un chemin d'exploitation et tendant à voir condamner ces derniers à retirer tous obstacles mis en travers du chemin et à remettre les lieux en l'état, et de les avoir déboutés de leur demande en paiement de dommages-intérêts,
AUX MOTIFS QUE " prétendant que les époux Y... les privaient de la possibilité d'accéder aux diverses parcelles qu'ils avaient acquises en 2007, les époux X... ont saisi le tribunal de grande instance aux fins ci-dessus rappelées ; qu'en cause d'appel, ils reprennent leurs prétentions et revendiquent, rapports d'expertise qu'ils ont fait établir unilatéralement à l'appui, la reconnaissance d'un chemin d'exploitation et subsidiairement d'une servitude de passage pour cause d'enclave ;
Mais attendu que les nouveaux éléments d'appréciation produits ne sont pas de nature à faire reconsidérer la décision du premier juge ; qu'avant de s'interroger sur la qualification juridique d'un chemin, encore faut-il justifier de l'existence même d'un tel chemin ; qu'il n'est pas inintéressant de relever qu'au départ les époux X... n'étaient guère convaincus eux-mêmes de cette existence puisqu'ils s'étaient contentés de solliciter la création d'une servitude de passage fondée sur l'enclave, proposant même en contrepartie le versement d'une indemnité ; qu'ils ne se considéraient dès lors nullement copropriétaires indivis d'un chemin ; que le simple examen du plan cadastral (non surchargé par des mentions manuscrites) ne permet pas de retenir l'existence d'un chemin matérialisé ; que les pointillés figurant sur la parcelle Y... n° 263 ne se prolongent pas sur les parcelles contiguës ; que ce simple constat a du reste conduit l'expert Z... mandaté par les appelants à se montrer réservé sur la réalité de l'existence d'un chemin d'exploitation ; que les titres respectifs confortent ce constat d'une absence de chemin ; que ceux des époux Y... ne font état de la présence d'aucune voie d'accès et ne comportent aucune restriction quant à la propriété intégrale des parcelles concernées ; que celui des époux X... ne comporte également aucune mention spécifique concernant la propriété indivise d'un chemin ; que certes un titre antérieur du 12 novembre 1982 fait bien état de l'existence d'" un chemin reliant la voie communale n° 1 de la Croix saint Bonnet à la parcelle cadastrée section C n° 251 et 1133 ", mais que l'absence de précision concernant l'assiette du chemin et son statut ne permet pas de tirer de conséquences particulières de cette mention trop imprécise qui ne se retrouve pas dans les titres Y... ; que cette même imprécision est à relever dans les autres titres antérieurs de 1912 et 1919 qui font aussi allusion à un chemin dont l'emplacement diverge selon les actes et qui aurait été en continuité d'une parcelle C 133 P dont la désignation cadastrale ne se retrouve pas sur les plans produits et dont la superficie n'est elle-même pas clairement définie ; qu'au-delà des conditions d'élaboration du rapport E... critiquées par les intimés, il apparaît ainsi que sur le fond même aucun élément déterminant n'est à retirer de ce rapport qui, par ailleurs, se focalise abusivement sur la parcelle 259 sans fournir d'explication pour la parcelle 263 sur laquelle il considère le passage acquis ; qu'en tout état de cause, et même en admettant l'existence antérieure d'un chemin, les époux Y... sont fondés à revendiquer à leur profit le bénéfice de la prescription acquisitive abrégée ; qu'ils sont propriétaires depuis 1982 (C 263) et 1993 (C 259) et se sont toujours comportés comme tels sans faire l'objet d'aucune revendication de la part du seul riverain concerné (parcelle C 258) ; " (arrêt p. 2 et 3),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE " la notion de chemin d'exploitation, défini par l'article L. 162-1 du code rural comme " servant exclusivement à la communication entre divers fonds ou à leur exploitation ", est étrangère à celle d'enclave, si bien qu'il n'est pas nécessaire que celle-ci soit constatée pour reconnaître la nature de chemin d'exploitation, et que l'absence d'enclave n'est pas non plus déterminante pour la refuser ; de même la règle d'appartenance divise aux propriétaires riverains n'est qu'une présomption, si bien que le droit d'usage sur un chemin d'exploitation est indépendant de la propriété de son assiette ; il s'en déduit également que les indications du cadastre ou le silence de celui-ci ne sont qu'un indice parmi d'autres ; en l'occurrence le cadastre ne fait mention d'un chemin qu'à travers la parcelle 263 et sur une toute petite partie de la parcelle 259, sans débouché sur les parcelles au-delà de cette dernière ; et les requérants sont mal fondés à imputer cette situation à une révision récente du cadastre, alors que la version résultant de la révision de 1937 est identique sur ce point ; et il appartient aux époux X..., avant de pouvoir tirer les conséquences juridiques de la qualification de chemin d'exploitation, de démontrer en fait l'existence d'un chemin répondant à la définition de l'article L. 162-1 ; or, non seulement le cadastre ne confirme pas leur prétention, mais l'existence matérielle même d'un chemin aboutissant à leur tènement n'est pas démontrée ; à l'appui de leur thèse ils produisent en effet trois attestations : M. A..., fait état d'un " chemin d'exploitation prenant à l'angle de la propriété de M. Y... et de celle de ma mère " (semble-t-il la parcelle 1193) " qui a toujours desservi plusieurs exploitations qu'il borde et auxquelles il aboutit (¿) " ; il ajoute qu'il aurait toujours été " emprunté jusqu'à l'étang par n'importe quel véhicule ou moyen de transport " sans contestation de la part de M. Y... avant que celui-ci ne le ferme ; l'imprécision sur les parcelles qui auraient été desservies par ce chemin ne permet pas d'en tirer de conséquences certaines sur le présent litige ; en tout état de cause ce seul témoignage ne suffit pas à conforter la thèse des requérants ; en effet dans la seconde attestation M. B... se contente de faire état d'un " chemin d'exploitation jouxtant à l'angle de la propriété Y... et de la maison de M. A..., qui aurait " toujours existé pour aller à notre parcelle 258 " et desservi " plusieurs propriétés auxquelles il aboutit (¿) ", sans autre précision sur son aboutissement aux parcelles X... au-delà de la parcelle 258 ; quant à Mme B..., son attestation n'apporte aucun élément complémentaire ; dans ces conditions ¿ et dans le silence des titres de propriété respectifs ¿ l'existence même d'un tel chemin jusqu'au tènement des requérants n'est pas suffisamment démontrée, si bien que la qualification requise de chemin d'exploitation est sans objet ; en conséquence les époux X... seront déboutés de toutes leurs demandes " (jugement p. 2 et 3) ;
1) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant à énoncer que les nouveaux éléments d'appréciation produits par M. et Mme X... ne sont pas de nature à faire reconsidérer la décision du premier juge, sans examiner les attestations de M. C..., ancien propriétaire de leurs parcelles (pièce n° 14), et de M. D... (pièce n° 11), ni les photographies aériennes de 1954 et de 2000/ 2002, annexées au rapport de M. Z..., ni celle de 2004 (pièce n° 13), ni le document d'arpentage établi le 10 juin 1988 (pièce n° 7), ni les anciens plans cadastraux faisant apparaître la parcelle C 133, devenue C n° 1132, 1133, 253 à 259, 263, 979, 981, 1193 et 1194 (annexe 2C du rapport Z..., pièce n° 15) toutes pièces qui établissaient l'existence matérielle du chemin partant de la voie communale de la Croix-saint Bonnet et traversant notamment les parcelles C n° 263 et C n° 259 appartenant à M. et Mme Y... ¿ seules parcelles sur lesquelles l'existence du chemin était déniée ¿ pour desservir les parcelles C n° 251 et 1133 selon le tracé revendiqué par M. et Mme X..., la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil et 455 du code de procédure civile,
2) ALORS, en tout état de cause, QUE le droit d'usage d'un chemin d'exploitation est indépendant de la propriété de son assiette ; qu'en énonçant que, même en admettant l'existence antérieure d'un chemin, les époux Y... étaient fondés à revendiquer à leur profit le bénéfice de la prescription acquisitive abrégée, étant propriétaires de la parcelle C n° 263 depuis 1982 et C n° 259 depuis 1993, quand la propriété de l'assiette du chemin située sur lesdites parcelles ne s'opposait pas à la reconnaissance du droit d'usage du chemin litigieux au profit de M. et Mme X... dont les parcelles étaient desservies par ce chemin, la cour d'appel a violé l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de leur demande tendant à voir dire que leur propriété est enclavée et qu'ils disposent d'une servitude de passage en raison de cet état,
AUX MOTIFS QUE " faute de pouvoir revendiquer la présence d'un chemin d'exploitation (sur l'existence duquel leur propre expert Z... se montre particulièrement dubitatif) les appelants font, à titre subsidiaire, état d'un droit acquis au titre de l'enclave ; que ce droit, à supposer l'enclave existante, ne peut résulter d'une simple possession et que son admission suppose d'une part la démonstration de l'enclave et d'autre part le respect des prescriptions de l'article 683 du code civil et au besoin de celles de l'article 648 lire 684 du même code si, comme le soutiennent les intimés, l'enclave alléguée provient de la division d'un même fond " (arrêt p. 3) ;
1) ALORS QUE le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ; qu'en refusant de rechercher si, dès lors qu'elle déniait l'existence matérielle d'un chemin desservant les parcelles de M. et Mme X... à partir de la voie communale n° 1 dite chemin de la Croix-saint Bonnet et passant notamment par le fonds de M. et Mme Y..., les parcelles de M. et Mme X... n'étaient pas enclavées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;
2) ALORS subsidiairement QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en énonçant qu'à supposer l'enclave existante, l'admission d'un droit de passage suppose le respect des prescriptions de l'article 683 du code civil, sans aucunement justifier en quoi ces dispositions n'auraient pas été respectées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS, subsidiairement, QU'un motif hypothétique équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant qu'à supposer l'enclave existante, l'admission d'un droit de passage suppose le respect, " au besoin ", des dispositions de l'article 684 du code civil, " si, comme le soutiennent les intimés, l'enclave alléguée provient de la division d'un même fonds ", la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques quant à l'origine supposée de l'état d'enclave, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 12-29483
Date de la décision : 18/02/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 01 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 18 fév. 2014, pourvoi n°12-29483


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.29483
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