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05/02/2014 | FRANCE | N°12-24038

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 février 2014, 12-24038


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., née en 1942, a été engagée par la société Chavanoz, filiale de la société Rhône-Poulenc textile, le 10 octobre 1960 ; que son contrat de travail a été transféré à la société Rhône-Poulenc fibres aux droits de laquelle vient la société Rhodia le 1er novembre 1987, puis à la société Rondeau conversion le 1er février 1997 ; que cette dernière sociét

é a licencié la salariée pour motif économique à effet au 31 mars 1998 ; que la salariée a fai...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., née en 1942, a été engagée par la société Chavanoz, filiale de la société Rhône-Poulenc textile, le 10 octobre 1960 ; que son contrat de travail a été transféré à la société Rhône-Poulenc fibres aux droits de laquelle vient la société Rhodia le 1er novembre 1987, puis à la société Rondeau conversion le 1er février 1997 ; que cette dernière société a licencié la salariée pour motif économique à effet au 31 mars 1998 ; que la salariée a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2003 ; que le versement de l'allocation complémentaire de vieillesse prévue par la Caisse textile créée en 1972 lui a été refusé aux motifs, d'une part, que son premier employeur n'était pas adhérent de cet organisme, et, d'autre part, qu'au moment de son transfert au sein de la société Rhône-Poulenc fibres, cet organisme de retraite complémentaire avait cessé d'exister depuis le 31 août 1986 ;

Attendu que pour condamner la société Rhodia à payer à la salariée des dommages-intérêts au titre de la perte de chance de pouvoir bénéficier des avantages institués par la Caisse textile, l'arrêt retient que, si la salariée ne pouvait, lorsqu'elle a fait valoir ses droits à la retraite en janvier 2003, obtenir le versement de l'allocation complémentaire de retraite prévue par le régime institué en 1972, il résulte néanmoins des documents produits aux débats que la salariée n'a pu bénéficier de ces avantages du fait d'un transfert tardif de son contrat de travail auprès de l'une des filiales du groupe Rhône-Poulenc ayant adhéré à la Caisse textile et du fait des informations erronées qui lui ont été transmises postérieurement ;

Attendu cependant que le bénéfice du régime institué par l'article premier titre I vieillesse du règlement intérieur de la Caisse textile d'allocations complémentaires de vieillesse, de décès et d'invalidité s'applique, sous certaines conditions d'âge, au personnel de la société Rhône-Poulenc textiles et des sociétés qui y adhéreraient ultérieurement appartenant à l'effectif desdites sociétés à la date de cessation de son activité ; que cet article prévoit que la rupture, à l'initiative de l'employeur, du contrat de travail de salariés ayant au moins 60 ans d'âge et quinze ans d'ancienneté, maintient aux intéressés le droit d'obtenir le bénéfice des prestations de ce régime lorsqu'ils atteindront l'âge de 65 ans, leurs droits étant alors calculés comme s'ils avaient travaillé jusqu'à cet âge ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle constatait que la salariée avait quitté l'entreprise à l'âge de 55 ans et trois mois de sorte qu'elle ne pouvait prétendre au bénéfice de l'allocation complémentaire de vieillesse, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour la société Rhodia

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Rhodia à verser à Mme X... les sommes de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts et de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE par une convention conclue le 2 juin 1971 entre la société Rhône Poulenc textile et les organisations syndicales a été créée, à compter du 1er janvier 1972, pour les membres du personnel de la société Rhône Poulenc textile, une Caisse d'allocation complémentaire de vieillesse, de décès et d'invalidité, dit Caisse textile ; qu'il a été prévu que d'autres sociétés appartenant au groupe Rhône-Poulenc pourraient adhérer à cette institution sous réserve de l'accord du conseil d'administration de la Caisse textile ; qu'aux termes de l'article 2 des statuts et du titre I du règlement intérieur il a été stipulé que la Caisse textile avait été créée en vue de permettre aux retraités ayant acquis dans l'entreprise un minimum de quinze années d'ancienneté (ou à leurs veuves) de bénéficier d'allocations annuelles leur assurant un complément de revenu pendant toute la durée de leur retraite (les modalités de calcul du montant de ce complément étant déterminées par les articles 4 à 12 du titre I vieillesse du règlement intérieur) ; qu'il n'est pas contesté que la société Chavanoz, filiale du groupe Rhône-Poulenc, n'avait pas adhéré à la Caisse textile ; que de même, il n'est pas contesté que Mme X... n'a été mutée au sein de la société Rhône Poulenc fibres, adhérente à la Caisse textile, qu' à compter du 1er novembre 1987, c'est-à-dire postérieurement à la fermeture de cette Caisse textile, fermeture constatée à effet au 31 août 1986 ; qu'en conséquence Mme X... ne pouvait, lorsqu'elle a fait valoir ses droits à la retraite en janvier 2003, obtenir le versement de l'allocation complémentaire de retraite prévue par le régime institué en 1972 ; que toutefois il résulte des documents produits aux débats par Mme X... qu'elle n'a pu bénéficier des avantages du régime complémentaire de retraite du fait d'un transfert tardif de son contrat de travail auprès d'une des filiales du groupe Rhône-Poulenc ayant adhéré à la Caisse textile et du fait des informations erronées qui lui ont été transmises postérieurement ; que tout d'abord par courrier en date du 26 décembre 1985 (à une période où le régime institué par la Caisse textile était en vigueur), le dirigeant de la société Chavanoz, en réponse aux demandes de Mme X... sollicitant son transfert rapide auprès du groupe Rhône-Poulenc, a demandé à celle-ci de rester au sein de la filiale afin d'assurer la responsabilité du service transport après le départ de certains salariés ; que surtout par courrier en date du 29 janvier 1997 Mme X... a été informée qu'en accord avec la direction des ressources humaines du groupe Rhône-Poulenc, son contrat de travail était transféré à compter du 1er février 1997 de la société Rhône Poulenc fibres à la société Rondeau conversion, autre filiale du groupe, dans le but de la faire bénéficier d'une cessation anticipée d'activité avec application des garanties du protocole d'accord n° 2 de la Caisse textile du 2 juin 1971" ; que de même Mme X... a été licenciée pour motif économique selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 27 janvier 1998 par la société Rondeau conversion à effet au 31 mars 1998 avec mention expresse qu'elle bénéficierait "des dispositions du protocole d'accord n° 2 de la Caisse textile signé le 2 juin 1971"; que ce protocole d'accord n° 2 de la Caisse textile, s'il prévoit, comme le souligne la société Rhodia, des dispositions au bénéfice des salariés en cas de cessation d'activité à partir de l'âge de 60 ans (maintien des ressources jusqu'à l'âge de 65 dans la limite d'un certain montant), il prévoit également l'application des dispositions du titre I vieillesse du règlement intérieur instituant une allocation complémentaire de retraite dont le montant devait être déterminé en fonction du montant total des ressources acquises par le salarié auprès de tous les régimes de retraite et en fonction de l'âge de liquidation des droits auprès de la Caisse textile ; qu'en conséquence que le transfert tardif du contrat de travail de Mme X... de la société Chavanoz (non adhérente à la Caisse textile) à l'une des filiales du groupe Rhône- Poulenc (adhérente à cette caisse) après la fermeture du régime de retraite complémentaire, a fait perdre à cette ancienne salariée du groupe une chance de pouvoir bénéficier des avantages institués par la Caisse textile ; que de même, les informations données ultérieurement par la société Rondeau conversion, en accord avec le groupe, ont laissé persister chez Mme X... la croyance en une possibilité d'obtenir, après la liquidation de ses droits à la retraite, le versement de l'allocation complémentaire de retraite de la Caisse textile alors que les conditions fixées par les statuts et le règlement intérieur de cette caisse l'interdisaient ; qu'ainsi la société Rhodia sera condamnée à verser à Mme X... la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait des manquements successifs commis par les sociétés du groupe Rhône-Poulenc ;

1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; que la cour d'appel a estimé que « le transfert tardif du contrat de travail de Mme X... de la société Chavanoz (non adhérente à la Caisse textile) à l'une des filiales du groupe Rhône- Poulenc (adhérente à cette caisse) après la fermeture du régime de retraite complémentaire, a fait perdre à cette ancienne salariée du groupe une chance de pouvoir bénéficier des avantages institués par la Caisse textile » ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré du transfert tardif du contrat de travail, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; que la cour d'appel a estimé que « le transfert tardif du contrat de travail de Mme X... de la société Chavanoz (non adhérente à la Caisse textile) à l'une des filiales du groupe Rhône- Poulenc (adhérente à cette caisse) après la fermeture du régime de retraite complémentaire, a fait perdre à cette ancienne salariée du groupe une chance de pouvoir bénéficier des avantages institués par la Caisse textile » ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de la perte de chance, sans inviter au préalable les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le protocole d'accord n° 2 de la Caisse textile précise seulement que « la cessation d'activité à partir de l'âge de 60 ans peut intervenir soit à l'initiative de la société, dans les conditions prévues par l'article 1 du règlement intérieur de la Caisse textile » et qu'« en application des dispositions en vigueur, à partir de l'âge de 65 ans, les droits de l'intéressé au régime de la Caisse Textile seront calculés comme prévu à la rubrique 2e de l'article 1 du Règlement Intérieur de la Caisse Textile » , sans prévoir l'application des autres dispositions du titre I « vieillesse » du règlement intérieur ; qu'en estimant que le protocole d'accord n° 2 de la Caisse textile prévoit l'application des dispositions du titre I « vieillesse » du règlement intérieur instituant une allocation complémentaire de retraite dont le montant devait être déterminé en fonction des ressources acquises par le salarié auprès de tous les régimes de retraite et en fonction de l'âge de liquidation des droits auprès de la Caisse textile, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du protocole d'accord n° 2, en violation de l'article 1134 du code civil ;

4°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le salarié ne peut obtenir des dommages-intérêts qu'à raison de la faute commise par l'employeur dans l'exécution de ses obligations légales ou conventionnelles ; qu'en estimant fautif, le transfert tardif du contrat de travail de Mme X... de la société Chavanoz (non adhérente à la Caisse textile) à l'une des filiales du groupe Rhône Poulenc (adhérente à cette caisse) après la fermeture du régime de retraite complémentaire, pour en déduire que cette faute avait fait perdre à Mme X... une chance de pouvoir bénéficier des avantages institués par la Caisse textile, sans constater, comme elle le devait, que la société Chavanoz ou la société Rhône Poulenc Fibres se serait conventionnellement engagée à transférer le contrat de Mme X... ou que les conditions légales d'un tel transfert auraient été réunies avant le transfert effectif au sein de la société Rhône Poulenc Fibres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'en relevant que les conditions fixées par les statuts du règlement intérieur de la Caisse textile interdisaient à Mme X..., « après liquidation de ses droits à la retraite », d'obtenir le versement de l'allocation complémentaire de retraite de la Caisse textile dès lors que son contrat de travail avait été rompu par son licenciement économique avant qu'elle atteigne l'âge de 60 ans, et en jugeant néanmoins que le transfert tardif du contrat de travail de Mme X..., de la société Chavanoz à l'une des filiales du groupe Rhône Poulenc, lui avait fait perdre une chance de pouvoir bénéficier d'avantages institués par la Caisse textile, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;

6°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'en jugeant que Mme X... avait perdu une chance de percevoir l'allocation complémentaire de retraite, au motif inopérant tiré de ce que les informations données par la société Rondeau Conversion, en accord avec le groupe, avaient laissé persister chez Mme X... la croyance d'une possibilité d'obtenir, après liquidation de ses droits à la retraite, le versement d'une allocation complémentaire de retraite de la Caisse textile, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucun lien de causalité entre la perte de chance retenue et le manquement imputé à l'employeur, a violé l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-24038
Date de la décision : 05/02/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 fév. 2014, pourvoi n°12-24038


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.24038
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