LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le le 13 avril 1993 comme aide gestionnaire de sinistres par la société Office européen de placement d'affaires, aux droits de laquelle se trouve la société April entreprise Est, et qui exerçait les fonctions de gestionnaire d'assurance de personnes, a pris acte de la rupture de son contrat de travail, le 6 novembre 2007, en invoquant des manquements de l'employeur, puis a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 3141-12, L. 3141-14, D. 3141-5 et D. 3141-6 du code du travail ;
Attendu qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent ;
Attendu que pour décider que la salariée ne caractérise pas le grief fait à son employeur de l'avoir placée dans l'impossibilité de bénéficier de la totalité des congés auxquels elle avait droit, l'arrêt retient que l'intéressée se limite à présenter des décomptes des droits à congés payés qu'elle n'a pas utilisés depuis 1993, qu'elle n'établit l'existence d'aucun obstacle élevé par l'employeur à l'emploi annuel des droits qu'elle a successivement acquis, et qu'elle ne justifie même pas d'un refus de l'employeur aux demandes de congés qu'elle lui a soumis ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'employeur avait pris des mesures suffisantes pour permettre à la salariée d'exercer effectivement son droit à congé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu que pour dire que la salariée ne caractérise pas un manquement de l'employeur à son obligation de rémunérer l'intégralité des heures supplémentaires, l'arrêt retient que l'intéressée se limite à présenter un tableau, dressé a posteriori, dans lequel elle a récapitulé les heures supplémentaires qu'elle affirme avoir accomplies depuis le 2 janvier 2002, sans préciser les horaires de travail auxquels elle prétend avoir été effectivement et quotidiennement soumise, ce qui ne permet pas à l'employeur de répondre à ses allégations ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée avait produit un décompte des heures qu'elle prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la société April entreprise Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de cette société et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme X...
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure
EN CE QU'IL a décidé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'une démission, déboutant, par conséquent, la salariée de ses demandes indemnitaires liées à la rupture du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE en l'espèce, la salariée intimée fait reproche à son employeur de l'avoir placée dans l'impossibilité de profiter de la totalité de ses droits à congés payés d'une part, et de n'avoir pas intégralement rémunéré les heures supplémentaires d'autre part ; qu'au soutien de ses deux griefs, la salariée intimée fait valoir, sans être véritablement contestée, qu'elle a été contrainte à d'importants efforts pour accomplir la masse croissante du travail qui lui était confié en dépit d'une insuffisance chronique de personnel dans l'entreprise ; que cependant, sur les congés payés, il doit être rappelé qu'ils constituent un droit annuel au repos. Les congés qui n'ont pas été pris à la date limite, fixée pour chaque année, sont perdus à moins que le salarié établisse que son employeur a fait obstacle à la prise de congés ; que Madame Michèle X... se limite à présenter des décomptes des droits à congés payés qu'elle n'a pas utilisés depuis 1993 ; qu'elle n'établit l'existence d'aucun obstacle élevé par l'employeur à l'emploi annuel des droits qu'elle a successivement acquis. Elle ne justifie pas même d'un refus de l'employeur aux demandes de congés qu'elle lui a soumis ; qu'il s'ensuit que même si Madame Michèle X... a cru devoir ne pas profiter, pour le bon fonctionnement de l'entreprise, de l'intégralité de ses droits annuels, elle ne démontre pas avoir été placée dans l'impossibilité de prendre chaque année tous ses congés payés, et rien ne caractérise le grief qu'elle adresse à la société appelante à cet égard ; que sur les heures supplémentaires, par application de l'article L.3171-4 du code du travail et dès lors que le litige vient à porter sur le nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande en présentant des éléments suffisamment précis permettant au moins à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments ; or, Madame Michèle X... se limite à présenter un tableau, dressé a postériori, dans lequel elle a récapitulé les heures supplémentaires qu'elle affirme avoir accomplies depuis le 2 janvier 2002, sans préciser les horaires de travail auxquels elle prétend avoir été effectivement et quotidiennement soumise, ce qui ne permet pas à l'employeur de répondre à ses allégations ; qu'il s'ensuit que même si la salariée intimée a beaucoup travaillé, faute pour elle de produire des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande, elle ne parvient pas à caractériser un manquement de l'employeur dans son obligation de rémunérer l'intégralité des heures supplémentaires ; qu'en définitive, dès lors qu'aucun des griefs de la salariée ne peut être retenu pour justifier la rupture du contrat de travail qu'elle a provoquée, sa prise d'acte emporte les effets d'une démission ;
ALORS QUE, premièrement, constitue un manquement grave justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur le fait, pour l'employeur, de ne pas prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé pendant plusieurs années ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que la prise d'acte de la rupture du 6 novembre 2007 ne produisait pas les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sans rechercher si l'employeur avait pris des mesures suffisantes pour permettre à Mme X... d'exercer effectivement son droit à congé de son embauche à la prise d'acte de la rupture, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3, alinéa 1, devenus respectivement les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1232-1 du Code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, le non-paiement du salaire ou d'une partie du salaire malgré des demandes réitérées de régularisation constitue un manquement grave justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; de sorte qu'en décidant que l'employeur n'avait pas commis de manquement suffisamment grave pour que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produise les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en se bornant à retenir que la salarié se limitait à produire un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'elle prétendait avoir accomplies depuis le 2 janvier 2002, dressé a posteriori, sans préciser les horaires de travail auxquels elle prétendait avoir été effectivement et quotidiennement soumise, sans rechercher si l'employeur avait fourni au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3, alinéa 1, devenus respectivement les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1232-1 du Code du travail, ensemble de l'article L. 3171-1 du code du travail.