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28/01/2014 | FRANCE | N°12-18960

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 janvier 2014, 12-18960


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé à temps partiel par contrat du 10 mai 1993 en qualité d'employé agricole par la société Domaine du Grand Vallon (la société), a été licencié pour motif économique par lettre du 28 mai 2007 alors qu'il était en arrêt pour maladie à la suite d'un accident de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser au salarié une som

me à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'une lettr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé à temps partiel par contrat du 10 mai 1993 en qualité d'employé agricole par la société Domaine du Grand Vallon (la société), a été licencié pour motif économique par lettre du 28 mai 2007 alors qu'il était en arrêt pour maladie à la suite d'un accident de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser au salarié une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'une lettre de licenciement invoque deux causes économiques de licenciement, le juge est tenu de se prononcer sur chacune d'entre elles ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement invoquait pour justifier la rupture non seulement la cessation d'exploitation mais également des difficultés économiques ; que l'employeur s'expliquait sur ces difficultés dans ses conclusions en exposant notamment que son chiffre d'affaires avait été réduit de 61 512,23 euros en 2004 à 22 573 euros en 2007, et ses pertes, sur la même période, avaient augmenté de façon constante, pour passer de 1 053,12 euros à 18 578 euros ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur ne justifiait pas de la cessation de l'exploitation, quand il lui appartenait encore de rechercher si les difficultés économiques également invoquées étaient établies et ne justifiaient pas la suppression du poste du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-2, L. 1233-3, et L. 1233-16 du code du travail ;
2°/ qu'à supposer que la cour d'appel, en énonçant que la lettre de licenciement fait état de la cessation d'exploitation du Domaine du grand vallon et de la décision subséquente de réorganisation par la mise en place d'un bail à ferme, ait retenu que la lettre de licenciement invoquait exclusivement cette cessation d'exploitation à titre de cause économique, elle aurait alors dénaturé ladite lettre, qui invoquait également des difficultés économiques (« le marché vinicole traverse actuellement une grave crise sans précédent, du fait notamment de la surproduction mondiale de vin, de la baisse régulière de la consommation de vin en France et de la concurrence accrue des vins dits du Nouveau Monde. Notre domaine viticole n'est malheureusement pas épargné par cette crise et subit une baisse de chiffre d'affaires conséquente. La dégradation continue de nos résultats place aujourd'hui notre société dans une situation critique ») ; qu'elle a donc méconnu l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents soumis à leur examen ;
Mais attendu que c'est par une interprétation que l'ambiguïté de la lettre de licenciement rendait nécessaire que la cour d'appel a estimé que cette lettre ne faisait état que de la cessation de l'exploitation du domaine viticole ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts pour non-respect des termes du contrat de travail, alors, selon le moyen, que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que la société faisait valoir qu'en vertu d'un accord tacite, en contrepartie des heures effectuées au-delà du temps de travail contractuellement prévu, elle permettait à M. X... de prendre deux mois de congés par an pour se rendre au Maroc voir sa famille ; qu'en allouant au salarié la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des termes du contrat de travail sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ayant constaté que le contrat de travail ne précisait ni la répartition de la durée de travail entre les semaines du mois, ni les limites dans lesquelles des heures complémentaires pouvaient être effectuées au-delà du temps de travail fixé contractuellement, que le salarié était amené à exécuter un nombre d'heures variable d'un mois sur l'autre, excédant parfois la durée légale de travail, sans autre constante que le rythme des travaux agricoles et les instructions de son employeur, a retenu que le salarié devait se tenir constamment à la disposition de son employeur, sans jamais savoir à quel rythme et combien d'heures quotidiennes il devait travailler ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L.1234-9 du code du travail ;
Attendu qu'en condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, alors qu'elle constatait que cette indemnité avait déjà été versée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la première branche du deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la SCEA Domaine du Grand Vallon à payer au salarié la somme de 5 550,87 euros à titre d'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 6 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Domaine du Grand Vallon
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était nul, et condamné la société DOMAINE GRAND VALLON à lui payer la somme de 30.000 € de dommages et intérêts à ce titre, celles de 2.572,32 € à titre de préavis et 275,23 € au titre des congés payés afférents, et celle de 5.550,87 € à titre d'indemnité de licenciement,
AUX MOTIFS QU'il appartient à l'employeur de justifier du caractère réel et sérieux du motif invoqué au soutien du licenciement économique et permettre au juge de le contrôler en produisant aux débats tous les éléments nécessaires ; que la lettre de licenciement fait état de la cessation d'exploitation du domaine du Grand Vallon et de la décision subséquente de réorganisation par la mise en place d'un bail à ferme ; qu'en vertu du bail emphytéotique à effet du 1er novembre 1990, la SCEA Grand VALLON tenait du Conseil Général de Vaucluse une propriété rurale sise sur la commune de la Tour d'Aigues en nature de terre, vigne, bois et verger d'une contenance de 39 ha 02a 86ca qu'elle exploitait ; que le bail à ferme invoqué en date du 25 avril 2007 à effet du 1 er janvier 2007 ne porte que sur des parcelles d'une superficie de 9 ha 0l a 49 ca ; qu'il existe donc une différence de 30 hectares conservés par la SCEA Grand VALLON qui ne justifie pas de la cessation de leur exploitation alors qu'il lui était particulièrement loisible et facile de produire le relevé parcellaire d'exploitation de la Mutualité Sociale Agricole et de le commenter au regard de la nature des parcelles ; que la réalité du motif invoqué n'est donc pas établi l'allégation de la SCEA GRAND VALLON selon laquelle, après signature du bail à ferme, elle n'exploitait plus que 4 hectares au lieu des 13 initiaux ne reposant sur aucun élément tangible ; que Monsieur X... se trouvant, au jour du licenciement, en période de suspension de son contrat puisqu'en arrêt de travail consécutif à une rechute de l'accident du travail survenu le 15 février 2006, le licenciement prononcé sans cause réelle est nécessairement nul et ouvre droit tant à l'allocation de dommages et intérêts réparant le préjudice subi qu'au versement des indemnités de rupture que constituent l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis, peu important à cet égard que le salarié soit en mesure ou non d'exécuter le préavis ;
1. ALORS QUE lorsqu'une lettre de licenciement invoque deux causes économiques de licenciement, le juge est tenu de se prononcer sur chacune d'entre elles ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement invoquait pour justifier la rupture non seulement la cessation d'exploitation mais également des difficultés économiques ; que l'employeur s'expliquait sur ces difficultés dans ses conclusions (p. 8-10) en exposant notamment que son chiffre d'affaires avait été réduit de 61.512,23 e en 2004 à 22.573 € en 2007, et ses pertes, sur la même période, avaient augmenté de façon constante, pour passer de 1.053,12 € à 18.578 € ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur ne justifiait pas de la cessation de l'exploitation, quand il lui appartenait encore de rechercher si les difficultés économiques également invoquées étaient établies et ne rendaient pas impossible le maintien du contrat de travail du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-2, L. 1233-3, L. 1233-16 et L. 1226-9 du Code du travail ;
2. ALORS QU'à supposer que la cour d'appel, en énonçant que la lettre de licenciement fait état de la cessation d'exploitation du domaine du Grand Vallon et de la décision subséquente de réorganisation par la mise en place d'un bail à ferme, ait retenu que la lettre de licenciement invoquait exclusivement cette cessation d'exploitation à titre de cause économique, elle aurait alors dénaturé ladite lettre, qui invoquait également des difficultés économiques (« le marché vinicole traverse actuellement une grave crise sans précédent, du fait notamment de la surproduction mondiale de vin, de la baisse régulière de la consommation de vin en France et de la concurrence accrue des vins dits du Nouveau Monde.
Notre domaine viticole n'est malheureusement pas épargné par cette crise et subit une baisse de chiffre d'affaires conséquente. La dégradation continue de nos résultats place aujourd'hui notre société dans une situation critique ») ; qu'elle a donc méconnu l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents soumis à leur examen.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société DOMAINE GRAND VALLON à payer à la salariée la somme de 5.550,87 € à titre d'indemnité de licenciement,
AUX MOTIFS QUE l'indemnité conventionnelle de licenciement, versée en juillet 2007 à hauteur de 5.500,87 € a été correctement appréciée compte tenu de l'ancienneté au 10 mai 1993 ;
1. ALORS QU'en condamnant l'employeur à payer au salarié une somme à titre d'indemnité de licenciement, quand elle relevait qu'elle avait été versée en juillet 2007 et correctement appréciée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 1234-9 du Code du travail ensemble l'article 17 de la convention collective des exploitations agricoles du Vaucluse du 10 février 1981 ;
2. ALORS en tout état de cause QU'en condamnant l'employeur à payer au salarié la somme de 5.550,87 € à titre d'indemnité de licenciement, quand elle constatait que l'indemnité de licenciement due (et déjà payée) était de 5.500,87 ¿, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif de sa décision et violé l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société DOMAINE GRAND VALLON à payer au salarié la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des termes du contrat de travail,
AUX MOTIFS QUE s'il résulte du contrat de travail que Monsieur X... était employé à temps partiel pour 130 heures mensuelles, sans que soit précisées au contrat la répartition de cette durée entre les semaines du mois ni les limites dans lesquelles des heures complémentaires pouvaient être effectuées au delà du temps de travail fixé contractuellement, il est manifeste, au vu des bulletins de paie, qu'il était amené à exécuter pour le compte de son employeur un nombre d'heures excessivement variable d'un mois sur l'autre, excédant parfois la durée légale du travail (par exemple 180 heures en mars 2005, 172 heures en janvier 2006) sans autre constante que le rythme des travaux agricoles et les instructions de son employeur ; que devant constamment se tenir à la disposition de son employeur, sans jamais savoir à quel rythme et combien d'heures quotidiennes il devait travailler, Monsieur X... peut prétendre à une indemnisation du préjudice subi qu'il convient d'arbitrer à la somme de 5000 euros ;
ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir qu'en vertu d'un accord tacite, en contrepartie des heures effectuées au-delà du temps de travail contractuellement prévu, elle permettait à Monsieur X... de prendre deux mois de congés par an pour se rendre au Maroc voir sa famille (conclusions d'appel, p. 16 ; prod. 5) ; qu'en allouant au salarié la somme de 5.000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour non-respect des termes du contrat de travail sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-18960
Date de la décision : 28/01/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 06 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 jan. 2014, pourvoi n°12-18960


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Laugier et Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.18960
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