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14/01/2014 | FRANCE | N°13-13625

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 janvier 2014, 13-13625


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, que par une lettre du 26 décembre 2012, le syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC a informé la société France télévisions distribution de la désignation de M. X... en qualité de représentant de la section syndicale CFE-CGC ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le syndicat fait grief au jugement d'annuler cette désignation, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'il est saisi d'une action en contestation de la désig

nation d'un délégué syndical, il appartient au tribunal d'Instance de convoq...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, que par une lettre du 26 décembre 2012, le syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC a informé la société France télévisions distribution de la désignation de M. X... en qualité de représentant de la section syndicale CFE-CGC ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le syndicat fait grief au jugement d'annuler cette désignation, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'il est saisi d'une action en contestation de la désignation d'un délégué syndical, il appartient au tribunal d'Instance de convoquer l'organisation syndicale qui a procédé à cette désignation ; qu'en l'espèce, le syndicat SNPCA CFE-CGC, qui avait procédé à la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical, n'avait pas été convoqué à son adresse statutaire et habituelle ; qu'à la demande de l'employeur, un simple avertissement avait été adressé à l'attention du syndicat au siège de la confédération générale des cadres des médias, à laquelle il était affilié ; qu'il est ainsi constant que cette convocation n'était pas parvenue à l'adresse statutaire et habituelle du syndicat SNPCA CFE-CGC ; qu'en jugeant, cependant, que la procédure était régulière en se fondant sur la seule circonstance, inopérante, tirée de ce que le syndicat aurait été tenu de changer cette adresse mais qu'il n'y avait pas procédé, le tribunal d'Instance n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article R. 2143-5 du code du travail ;
2°/ que lorsqu'il est saisi d'une action en contestation de la désignation d'un délégué syndical, il appartient au tribunal d'Instance de convoquer l'organisation syndicale qui a procédé à cette désignation ; qu'en l'espèce, en s'étant fondé sur les seules circonstances tirées de ce que la lettre de convocation adressée au siège de la confédération CGC avait été distribuée et n'avait pas été retournée par les services postaux et de ce que l'avocat de l'employeur avait, par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 janvier 2013, communiqué ses pièces au syndicat SNPCA CFE-CGC à l'adresse de la confédération et que l'accusé de réception avait été signé pour en conclure que le syndicat était parfaitement en mesure de recevoir du courrier à cette adresse sans avoir recherché, comme il y était invité, si ces circonstances ne s'expliquaient pas uniquement par le fait que le sigle « CGC » était mentionné sur ces courriers, de sorte que la confédération CGC s'en était cru légitimement le destinataire et les avait, elle-même, réceptionnés, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 2143-5 du code du travail ;
Mais attendu que le tribunal d'instance a constaté que le syndicat, auquel l'employeur avait demandé, en lui laissant un délai raisonnable pour s'organiser, de ne plus conserver l'entreprise comme siège social, n'avait pas à l'issue de ce délai de dénonciation de l'usage, modifié ses statuts ou communiqué une nouvelle adresse ; qu'il en résulte que c'est à bon droit qu'il a considéré que l'employeur était fondé à demander à ce que la convocation à l'audience soit adressée au siège de la confédération à laquelle était affilié le syndicat, laquelle confédération avait dûment accusé réception de l'envoi ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que le syndicat fait grief au jugement d'annuler la désignation, alors, selon le moyen, qu'en cas de contestation de la désignation d'un délégué syndical, c'est à l'entreprise qu'il appartient d'apporter la preuve du caractère frauduleux de cette désignation qu'elle conteste ; que cette preuve, qui ne saurait reposer sur un simple soupçon de fraude - la fraude ne pouvant être présumée - n'est rapportée que si l'employeur établit positivement que la désignation n'avait pour but que d'assurer la seule protection individuelle de l'intéressé ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la circonstance selon laquelle il se déduisait, selon lui, du faisceau d'indices rapportés par l'employeur que la désignation de M. X... en tant que délégué syndical était « plus motivée par l'intérêt individuel du salarié désigné que par l'intérêt collectif » pour en conclure qu'elle devait être considérée comme frauduleuse, le tribunal d'Instance, qui, ce faisant, n'a pas constaté que cette désignation aurait eu pour but d'assurer la seule protection individuelle de l'intéressé, mais a admis, au contraire, qu'elle était également motivée, en partie, par l'intérêt collectif des salariés, n'a relevé que l'existence d'un soupçon, voire d'une présomption, de fraude, et non celle d'une preuve positive et complète, n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient ainsi de ses propres constatations et a violé les articles L. 2143-1 et L. 2143-8 du code du travail et 1315 du code civil ;
Mais attendu que sous couvert de violation des textes susvisés, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par le tribunal de l'existence d'une fraude ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour M. X... et le syndicat SNPCA CFE-CGC
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché au jugement attaqué d'avoir annulé comme frauduleuse la désignation de M. Laurent X..., par le syndicat SNPCA CFE - CGC, intervenue le 26 décembre 2012, en qualité de représentant de section syndicale au sein de la société FRANCE TELEVISIONS DISTRIBUTION (FTD) ;
Aux motifs que « convocation du SNPCA - CFE - CGC
Laurent X... soutient que le syndicat désignataire, le SNPCA - CFE - CGC, n'a pas été régulièrement convoqué, en ce qu'il a été convoqué par le tribunal, non pas au siège désigné dans les statuts ni à l'adresse figurant sur la lettre de désignation, mais à une adresse dans le 8ème arrondissement, au siège de la Confédération Générale des Cadres des Métiers, et ce, à la demande du requérant.
Les statuts du syndicat SNPCA - CFE - CGC mentionnent effectivement que l'organisation a fixé son siège « 15 bd Martial VALLIN / 7 esplanade Henri de FRANCE à PARIS 15ème, qui correspond en réalité au siège social de FRANCE TELEVISIONS.
Or, par lettres des 25 janvier 2012 et 12 juin 2012, la société FRANCE TELEVISIONS a demandé au syndicat SNPCA - CFE - CGC de modifier cette domiciliation, puis a dénoncé cet usage par lettre du 29 octobre 2012, après en avoir informé le Comité Central d'Entreprise en septembre 2012, à effet deux mois après réception (le 5 novembre 2012 ) de cette dénonciation, soit à compter du 6 janvier 2013.
Postérieurement à l'expiration de ce délai, le syndicat SNPCA - CFE - CGC ne peut donc revendiquer une convocation, à une adresse qui est celle de l'employeur et dont il n'a plus l'usage.
C'est donc à juste titre que le syndicat SNPCA - CFE - CGC a été convoqué par le tribunal, le 10 janvier 2013, par simple avertissement donné trois jours à l'avance, au siège de la confédération à laquelle il est affilié, conformément à la demande du requérant, à défaut par ce défendeur d'avoir communiqué sa nouvelle adresse, étant mentionné que la lettre a été distribuée et n'a pas été retournée par les services postaux.
En outre, l'avocat de l'employeur a communiqué ses pièces par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 janvier 2013, à ce défendeur et à cette adresse et la lettre est bien parvenue à son destinataire (accusé de réception signé), ce qui démontre que le syndicat SNPCA - CFE - CGC est parfaitement en mesure de recevoir du courrier à cette adresse.
Laurent X... ne peut donc soutenir que le syndicat SNPCA - CFE - CGC n'a pas été régulièrement convoqué et invoquer la propre turpitude de celui-ci, qui n'a fait aucune diligence, pour modifier sa domiciliation, ainsi qu'il lui avait été demandé » ;
1. Alors que, d'une part, lorsqu'il est saisi d'une action en contestation de la désignation d'un délégué syndical, il appartient au Tribunal d'Instance de convoquer l'organisation syndicale qui a procédé à cette désignation ; qu'en l'espèce, le syndicat SNPCA CFE - CGC, qui avait procédé à la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical, n'avait pas été convoqué à son adresse statutaire et habituelle ; qu'à la demande de l'employeur, un simple avertissement avait été adressé à l'attention du syndicat au siège de la Confédération Générale des Cadres des Médias, à laquelle il était affilié ; qu'il est ainsi constant que cette convocation n'était pas parvenue à l'adresse statutaire et habituelle du syndicat SNPCA CFE - CGC ; qu'en jugeant, cependant, que la procédure était régulière en se fondant sur la seule circonstance, inopérante, tirée de ce que le syndicat aurait été tenu de changer cette adresse mais qu'il n'y avait pas procédé, le Tribunal d'Instance n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article R. 2143-5 du Code du Travail ;
2. Alors que, d'autre part, lorsqu'il est saisi d'une action en contestation de la désignation d'un délégué syndical, il appartient au Tribunal d'Instance de convoquer l'organisation syndicale qui a procédé à cette désignation ; qu'en l'espèce, en s'étant fondé sur les seules circonstances tirées de ce que la lettre de convocation adressée au siège de la Confédération CGC avait été distribuée et n'avait pas été retournée par les services postaux et de ce que l'Avocat de l'employeur avait, par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 janvier 2013, communiqué ses pièces au syndicat SNPCA CFE - CGC à l'adresse de la Confédération et que l'accusé de réception avait été signé pour en conclure que le syndicat était parfaitement en mesure de recevoir du courrier à cette adresse sans avoir recherché, comme il y était invité, si ces circonstances ne s'expliquaient pas uniquement par le fait que le sigle « CGC » était mentionné sur ces courriers, de sorte que la Confédération CGC s'en était cru légitimement le destinataire et les avait, elle-même, réceptionnés, le Tribunal d'Instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 2143-5 du Code du Travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché au jugement attaqué d'avoir annulé comme frauduleuse la désignation de M. Laurent X..., par le syndicat SNPCA CFE ¿ CGC, intervenue le 26 décembre 2012, en qualité de représentant de section syndicale au sein de la société FRANCE TELEVISIONS DISTRIBUTION (FTD) ;
Aux motifs que « il appartient à l'employeur qui conteste la désignation d'établir son caractère frauduleux.
Il ressort des pièces versées au débat que Laurent X... est adhérent du syndicat SNPCA - CFE - CGC depuis octobre 2012 et que ce syndicat ne disposait plus au sein de l'entreprise de représentant de section syndicale, après avoir retiré le 18 décembre 2012 la désignation du 23 novembre 2012 de Nadia Y... en cette qualité (jugement de ce tribunal du 8 janvier 2013).
Si la nature et le contenu du rendez-vous qui s'est déroulé le 20 décembre 2012, entre Yann Z..., PDG de la société FTD, et Laurent X..., convoqué pour un « point avec Yann - bilan 2012 », avec sa participation obligatoire, ne sont pas établis, il apparaît que, dès le lendemain de cette réunion, était proposé un « premier projet de lettre de proposition de modification du contrat de travail pour un motif personnel » (mail adressé par Florence A... à Aurélie B..., secrétaire générale), qui sera effectivement adressé à l'intéressé le 2 janvier 2013 et reçu par lui le 4 janvier 2013.
Ce projet de lettre fait référence à « notre entretien du 20 décembre 2012 » et évoque « le constat de votre insuffisance professionnelle dans l'exercice de vos fonctions actuelles de directeur juridique ».
Ainsi, malgré le ton du message d'invitation à cette réunion, qui au demeurant n'engage que son auteur, Laurent X... ne peut soutenir qu'il s'agissait d'un entretien léger et convivial de fin d'année.
Au contraire il apparaît qu'au sortir de cet entretien, Laurent X... ne pouvait ignorer l'insatisfaction de son employeur et les menaces sérieuses qui pesaient sur son contrat de travail, ce qui a motivé dès le lendemain, la rédaction par l'employeur, du projet de lettre qui sera adressée ultérieurement au salarié.
Ensuite Jorge C... atteste (pièce n° 23 de FTD) avoir été contacté téléphoniquement par Laurent X..., le 24 décembre 2012, pour obtenir, suite à son entretien avec Yann Z..., les coordonnées téléphoniques de Jean-Jacques D..., secrétaire du SNPCA (et désignataire ultérieur du salarié).
Ce témoignage, conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, ne peut être suspecté de partialité, quand bien même Laurent X... aurait été le supérieur hiérarchique de Jorge C... (cette situation ayant cessé depuis quatre ans) et sa force probante n'est nullement altérée par l'attestation de Marie Y... (pièce n° 31 du défendeur), qui formule des affirmations contraires sur un tout autre sujet (constitution d'une liste CGC).
Enfin, la désignation est intervenue le 26 décembre 2012, soit en pleine période de fêtes de fin d'année, où l'activité est partout ralentie, peu important du reste que l'employeur n'en ait eu connaissance que le 03 janvier 2012 alors que l'inspection du travail a quant à elle été destinataire de la notification de la désignation, dès le 28 décembre.
En effet outre qu'il est vraisemblable que la société FTD fonctionnait à personnel réduit pour cause de vacances, les salariés étant priés de solder leur compte RTT à cette période (pièce n° 17 de FTD), qu'il est par ailleurs démontré que des difficultés sont apparues dans le processus de distribution des lettres recommandées au sein de la société (pièces n° 18, 22), il ne peut être raisonnablement suspecté que l'employeur aurait différé sciemment la réception d'un courrier, dont par hypothèse, elle ignorait le contenu.
Ainsi il se déduit du faisceau d'indices rapportés par l'employeur (convocation à l'entretien, projet de lettre, recherche des coordonnées du secrétaire du syndicat, désignation en pleine période de fin d'année) que la désignation contestée est plus motivée par l'intérêt individuel du salarié désigné, que par l'intérêt collectif et doit par conséquent être considérée comme frauduleuse et comme telle annulée » ;
Alors qu'en cas de contestation de la désignation d'un délégué syndical, c'est à l'entreprise qu'il appartient d'apporter la preuve du caractère frauduleux de cette désignation qu'elle conteste ; que cette preuve, qui ne saurait reposer sur un simple soupçon de fraude - la fraude ne pouvant être présumée - n'est rapportée que si l'employeur établit positivement que la désignation n'avait pour but que d'assurer la seule protection individuelle de l'intéressé ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la circonstance selon laquelle il se déduisait, selon lui, du faisceau d'indices rapportés par l'employeur que la désignation de M. X... en tant que délégué syndical était « plus motivée par l'intérêt individuel du salarié désigné que par l'intérêt collectif » pour en conclure qu'elle devait être considérée comme frauduleuse, le Tribunal d'Instance, qui, ce faisant, n'a pas constaté que cette désignation aurait eu pour but d'assurer la seule protection individuelle de l'intéressé, mais a admis, au contraire, qu'elle était également motivée, en partie, par l'intérêt collectif des salariés, n'a relevé que l'existence d'un soupçon, voire d'une présomption, de fraude, et non celle d'une preuve positive et complète, n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient ainsi de ses propres constatations et a violé les articles L. 2143-1 et L. 2143-8 du Code du Travail et 1315 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-13625
Date de la décision : 14/01/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Paris 15ème, 21 février 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 jan. 2014, pourvoi n°13-13625


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.13625
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