LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 juin 2012), que le 6 février 2007, la société Le Crédit lyonnais (la banque) a consenti à la société AGL immobilier (la débitrice) un prêt en garantie duquel Mme X..., gérante de celle-ci, s'est rendue caution solidaire avec le consentement de son époux ; que le 7 juin 2010, la débitrice a été mise en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 31 décembre 2009 ; qu'estimant que le remboursement anticipé du prêt intervenu le 10 mai 2010 par débit du compte courant de la débitrice constituait un paiement pour dette non échue après la cessation des paiements, le liquidateur a assigné la banque en vue de le voir annuler en application de l'article L. 632-1 du code de commerce ;
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, que les sommes inscrites sur un compte bancaire sont incorporées au solde de ce compte, qui constitue une créance de son titulaire, sans pouvoir conserver leur individualité ; qu'en retenant, pour juger que les fonds prélevés pendant la période suspecte par la banque sur le compte de la débitrice, en remboursement anticipé du prêt qu'il lui avait consenti, ne constituaient pas un paiement émanant de la débitrice, mais de ses cautions, les époux X..., que ceux-ci avaient effectué quelques jours plus tôt un virement sur son compte, qu'ils auraient expressément affecté au remboursement du prêt par un courrier adressé à la banque quatre mois auparavant, quand un tel courrier n'était pas, à lui seul, susceptible de caractériser l'existence d'une telle affectation de nature à conserver à la somme versée son individualité et à la distinguer des deniers propres de la débitrice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 632-1 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt relève que, par courrier du 2 décembre 2009, M. et Mme X... ont écrit à la banque qu'ils entendaient se substituer à la débitrice pour le remboursement du prêt et précisé : « Nous vous confirmons également que ces versements seront réalisés, à votre demande, et dans un but de simplification des procédures, par l'intermédiaire du compte que la société a ouvert dans votre agence..., étant entendu que les sommes que nous serons amenés à verser sur ce compte en provenance de nos deniers personnels seront affectées exclusivement au remboursement de ce prêt et ne pourront être utilisées pour quelque autre paiement que ce soit. Ce principe d'affectation constitue une condition essentielle justifiant notre accord sur ce point » ; qu'il relève encore que le 8 avril 2010, la banque a indiqué à M. et Mme X... le montant dû au titre du remboursement anticipé du prêt et que le 5 mai 2010, ces derniers ont viré sur le compte de la débitrice une somme qui a été affectée par la banque à ce remboursement le 10 mai suivant ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui, pour déterminer le véritable auteur du remboursement litigieux, n'avait pas à rechercher si la somme versée sur le compte avait fait l'objet d'une affectation spéciale de nature à la distinguer des deniers propres de la débitrice et à lui conserver son individualité, a pu déduire que le paiement n'émanait pas de cette dernière mais des cautions ; que le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., ès qualités
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande formée par Maître Y... ès qualités tendant à l'annulation du paiement effectué au profit du CRÉDIT LYONNAIS et à la condamnation de celui-ci à lui restituer la somme versée ;
AUX MOTIFS QUE par courrier du 2 décembre 2009, M. et Mme X... ont indiqué à la banque qu'ils entendaient se substituer à la société AGL Immobilier pour le remboursement du prêt lui ayant été consenti et précisaient : « Nous vous confirmons également que ces versements seront réalisés, à votre demande, et dans le but de simplification des procédures, par l'intermédiaire du compte que la société a ouvert dans votre agence (¿) étant entendu que les sommes que nous serons amenés à verser sur ce compte en provenance de nos deniers personnels seront affectées exclusivement au remboursement de ce prêt et ne pourront être utilisées pour quelque autre paiement que ce soit. Ce principe d'affectation constitue une condition essentielle justifiant notre accord sur ce point » ; que le 8 avril 2010, la banque a écrit à M. et Mme X... : « Nous vous prions de bien vouloir trouver ci-dessous la somme à déposer sur votre compte destinée à un remboursement anticipé du prêt de la SARL (¿) » ; que le 5 mai 2010, ils ont viré sur le compte de la société AGL Immobilier la somme de 57. 400 euros, et que la banque a affecté le 10 mai suivant cette somme au « remboursement anticipé du prêt » ; que le virement effectué par les cautions au profit de la banque en exécution de leurs engagements et inscrit au crédit du compte courant du débiteur avait fait l'objet d'une affectation spéciale ; que le paiement litigieux n'émane pas du débiteur, mais d'un tiers ; qu'il n'est donc pas susceptible d'annulation ; que le jugement entrepris sera infirmé, et la demande du liquidateur judiciaire, rejetée ;
ALORS QUE les sommes inscrites sur un compte bancaire sont incorporées au solde de ce compte, qui constitue une créance de son titulaire, sans pouvoir conserver leur individualité ; qu'en retenant, pour juger que les fonds prélevés pendant la période suspecte par le CRÉDIT LYONNAIS sur le compte de la société AGL IMMOBILIER, en remboursement anticipé du prêt qu'il lui avait consenti, ne constituaient pas un paiement émanant de la société débitrice, mais de ses cautions, les époux X..., que ceux-ci avaient effectué quelques jours plus tôt un virement sur son compte, qu'ils auraient expressément affecté au remboursement du prêt par un courrier adressé à la banque quatre mois auparavant, quand un tel courrier n'était pas, à lui seul, susceptible de caractériser l'existence d'une telle affectation de nature à conserver à la somme versée son individualité et à la distinguer des deniers propres de la société AGL IMMOBILIER, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 632-1 du Code de commerce.