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19/12/2013 | FRANCE | N°12-26409

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 décembre 2013, 12-26409


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., d'abord embauché en qualité d'ouvrier joaillier, a été nommé, à compter du 1er septembre 2000, dessinateur au sein de l'une des sociétés du groupe Van Cleef et Arpels, qui commercialise des produits de joaillerie et d'horlogerie sous la marque éponyme, sans que les relations de travail entre les parties n'aient été formalisées par écrit ; que son employeur lui a proposé, en avril 2004, de conclure un contrat de travail à durée indéterminée auquel Ã

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., d'abord embauché en qualité d'ouvrier joaillier, a été nommé, à compter du 1er septembre 2000, dessinateur au sein de l'une des sociétés du groupe Van Cleef et Arpels, qui commercialise des produits de joaillerie et d'horlogerie sous la marque éponyme, sans que les relations de travail entre les parties n'aient été formalisées par écrit ; que son employeur lui a proposé, en avril 2004, de conclure un contrat de travail à durée indéterminée auquel était annexé un contrat de cession de droits d'auteur, contrats qu'il a à plusieurs reprises refusé de signer ; que licencié pour faute grave le 21 septembre 2005, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette mesure ; que soutenant par ailleurs être titulaire de droits d'auteur sur les dessins de bijoux qu'il a réalisés entre 2000 et 2005, M. X... a assigné les sociétés Van Cleef et Arpels, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie financière Richemont et Richemont International (les sociétés) aux fins notamment d'obtenir le paiement d'une rémunération proportionnelle au titre de l'exploitation de ses créations jusqu'en 2005 et qu'il leur soit fait interdiction de commercialiser toutes pièces de joaillerie reproduisant ses dessins ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en son action fondée sur les droits d'auteur qu'il revendique sur les dessins de joaillerie litigieux, alors, selon le moyen :
1°/ que les dispositions du code de la propriété intellectuelle protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ; qu'en retenant que les dessins litigieux seraient « en tant que tels dépourvus de valeur lorsqu'ils ne servent pas à concrétiser un modèle de bijou », pour dénier tout droit d'auteur à M. X... sur l'ensemble de ses dessins, la cour d'appel s'est fondée sur une appréciation relative à la destination de ses oeuvres, en violation de l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ qu'une oeuvre ne peut être qualifiée de collective que si la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ; qu'une oeuvre qui n'a qu'un seul auteur, même si celui-ci l'a créée à la demande d'un éditeur, ne peut par essence pas constituer une oeuvre « collective » ; que la cour d'appel a constaté que les dessins réalisés par M. X... portaient les initiales « TB », ce qui démontrait « l'identité du dessinateur », comme en avaient témoigné d'autres salariés ; qu'en lui déniant néanmoins tout droit d'auteur sur ses dessins, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ qu'une oeuvre ne peut être qualifiée de collective que si la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ; que M. X... revendiquait la protection au titre des droits d'auteur, non pas des bijoux eux-mêmes, mais des dessins de bijoux ; que la cour d'appel a constaté que les dessins réalisés par M. X... portaient les initiales « TB », ce qui démontrait « l'identité du dessinateur », comme en avaient témoigné d'autres salariés ; qu'en se bornant à retenir que M. X... recevait des instructions, qu'il puisait son inspiration dans le fonds d'archives de la maison Van Cleef et Arpels, qu'il faisait valider sa production par ses supérieurs hiérarchiques et pouvait être amené à retranscrire leurs observations, pour décider que les dessins auraient été des oeuvres collectives, sans expliquer en quoi ces éléments auraient aboli la part de créativité personnelle de M. X... à un point tel qu'ils auraient rendu impossible toute attribution d'un droit distinct sur ses créations à celui qui a pourtant été reconnu comme le dessinateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle ;
4°/ que pour être déclarée investie des droits de l'auteur sur une oeuvre, il appartient à la personne morale qui l'exploite d'établir que cette oeuvre constitue une oeuvre collective ; que la cour d'appel a constaté que les dessins réalisés par M. X... portaient les initiales « TB », ce qui démontrait « l'identité du dessinateur », comme en avaient témoigné d'autres salariés ; qu'en retenant que M. X... n'aurait pas justifié, pour chacun des dessins dont il revendiquait la paternité, qu'il disposait d'une réelle autonomie créatrice, ainsi que d'une liberté dans les choix esthétiques lui permettant de conclure qu'il était le seul titulaire de droits d'auteur sur ses dessins, cependant que c'était à celle des cinq sociétés intimées qui en revendiquait les droits qu'il appartenait d'établir que ces dessins auraient été des oeuvres collectives, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle et 1315 du code civil ;
5°/ que pour déterminer le caractère protégeable de plusieurs oeuvres au titre du droit d'auteur, les juges du fond sont tenus de rechercher si et en quoi chacune des oeuvres porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; qu'en procédant à un examen global des dessins créés par M. X... pour décider que ceux-ci auraient été des oeuvres collectives, sans les examiner un à un pour rechercher si, comme leur auteur s'était attaché à le démontrer, chacun de ses six cent soixante et onze dessins ne constituait pas une création revêtant un caractère original sur laquelle il était possible d'attribuer un droit distinct à M. X..., la cour d'appel a statué par un motif général et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle ;
6°/ que M. X... revendiquait la protection au titre des droits d'auteur, non pas des bijoux eux-mêmes, mais des dessins de bijoux ; qu'en détaillant le processus de création des bijoux et en retenant que les bijoux eux-mêmes étaient des oeuvres collectives, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier l'absence de droits d'auteur de M. X... sur ses dessins, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de la propriété intellectuelle ;
7°/ que si une personne morale peut être investie des droits de l'auteur sur une oeuvre, il lui incombe d'établir que cette oeuvre a été créée à son initiative et qu'elle la divulgue sous sa direction ; qu'en retenant que « les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie financière Richemont SA, Richemont International SA » auraient été titulaires ab initio des droits patrimoniaux sur les modèles de bijoux, cependant que seule une unique personne physique ou morale peut être ab initio titulaire des droits d'auteur sur une oeuvre collective, la cour d'appel a violé l'article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... avait, en sa qualité de salarié, réalisé les dessins sur lesquels il revendique des droits d'auteur, la cour d'appel a retenu que ces dessins n'étaient que des documents préparatoires à la conception de bijoux, laquelle procédait d'un travail collectif associant de nombreuses personnes, que les sociétés avaient le pouvoir d'initiative sur la création et en contrôlaient le processus jusqu'au produit finalisé en fournissant à l'équipe des directives et des instructions esthétiques afin d'harmoniser les différentes contributions et que celles-ci se fondaient dans l'ensemble en vue duquel elles étaient conçues, sans qu'il soit possible d'attribuer à chaque intervenant un droit distinct sur les modèles réalisés ; qu'elle en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que chacun des dessins en cause ne constituait que la contribution particulière de M. X... à une oeuvre collective réalisée à l'initiative et sous la direction et le nom de Van Cleef et Arpels, en sorte qu'il était dépourvu du droit d'agir à l'encontre des sociétés ; que, par ces seuls motifs, elle a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à se voir dire propriétaire des supports matériels de ses dessins et à voir, en conséquence, ordonner la mainlevée du séquestre et leur restitution à son profit ;
Mais attendu que l'arrêt, en dépit de la formule générale du dispositif qui déboute M. X... « de l'ensemble de ses demandes », n'a pas statué sur ce chef de demande, dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d'appel l'ait examiné ; que l'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner M. X... au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de restitution des dessins litigieux, l'arrêt énonce que celui-ci ne conteste pas dans ses écritures être en possession de plus de cinq cents supports de dessins de joaillerie ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... exposait avoir obtenu en justice la mise sous séquestre des dessins originaux litigieux entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer aux sociétés Van Cleef et Arpels, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie financière Richemont et Richemont International la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de restitution des dessins litigieux, l'arrêt rendu le 14 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne les sociétés Van Cleef et Arpels, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie financière Richemont et Richemont International aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Van Cleef et Arpels, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie financière Richemont et Richemont International et les condamne à payer à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. Thierry X... irrecevable en son action fondée sur les droits d'auteur qu'il revendique sur les dessins de joaillerie litigieux (les 671 dessins numérotés suivant l'addendum de ses conclusions du 9 décembre 2010 visés à l'arrêt p. 4) ;
AUX MOTIFS QUE « Thierry X... critique la décision déférée en ce qu'elle a, à tort selon lui, considéré qu'il était irrecevable à agir aux motifs qu'il aurait versé aux débats des dessins sans fournir aucune analyse pour expliquer son apport créatif et qu'il se serait également abstenu de répondre aux arguments des sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International et Compagnie Financière Richemont ; que les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA concluent au contraire à la confirmation du jugement déféré qui a déclaré l'action fondée sur la protection du droit d'auteur irrecevable et soutiennent d'une part que Thierry X... ne rapporte pas la preuve de sa qualité d'auteur, faute de démontrer que les dessins qu'il revendique portent l'empreinte de sa personnalité, d'autre part que les dessins de joaillerie ne sont que des contributions à des oeuvres collectives dont les droits leur appartiennent ; qu'elles ajoutent que les dessins versés aux débats auxquels Thierry X... a contribué démontrent au contraire qu'ils proviennent du patrimoine esthétique de la maison Van Cleef et Arpels comme le démontrent les notes de traçabilité esthétique qu'elles ont communiquées lesquelles sont organisées selon des thèmes historiquement développés au sein de la maison telles les fleurs, la couture (les noeuds, les passants, les boutonnières) ; que les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA indiquent que le style Van Cleef et Arpels est caractérisé par l'usage de formes le plus souvent figuratives, asymétriques ou inspirées de différents univers et que ce style et les codes esthétiques qui en découlent sont ses « codes génétiques » lesquels génèrent un lien de parenté entre les différents bijoux de la marque ; que le dessinateur a à puiser son inspiration dans le fonds d'archives et à se conformer au style de la Maison ; que pour répondre au grief qui lui a été opposé dans la décision frappée d'appel, Thierry X... produit en cause d'appel à la page 10 de ses conclusions la liste des dessins sur lesquels portent ses revendications, les énumérations renvoyant expressément à un dossier relié et numéroté par onglets dans lequel chaque dessin est reproduit en couleur et précisément décrit (Volume I (pièces n° A1 à A 16 ¿ B 1 à B 9 ¿ C 1 et C 2 ¿ D 1 à D 3 ¿ E 1 à E 23 ¿ F 1 à F 17 ¿ G 1 à G 19), Volume II (Pièces n°H 1 à H 69), Volume III (Pièces n° I 1 à I 25 - J 1 à J 18 ¿ K 1 à K 20), Volume IV (Pièces L 1 à L 91), Volume V (Pièces M 1 à M 28 ¿ N 1 à N 30 ¿ O 1 à O 6 ¿ P 1- P 7 ¿ Q 1 à Q 9), Volume VI (Pièces R 1 à R 43 ¿ S 1 à S 3 ¿ T 1 à T 19 ¿ U 1 à U 22), Volume VII (Pièces V 1 à V 23 ¿ W 1 à W 5 ¿ X 1 à X 8 ¿ Y 1 à Y 13 ¿ Z 1 à Z 8), Volume VIII (Pièces n° AA 1 à AA 21 ¿ AB 1 à AB 18 ¿ AC 1 à AC 3 ¿ AD 1 à AD 6 ¿ AE 1 à AE 8 ¿ AF 1 à AF 16 ¿ AG 1 à AG 10) et Volume IX (Pièces Danseuses 1 à 3, Pièces Noeuds 1 à 8, Pièces Frivoles 1 à 39) ; que l'alinéa 3 de l'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu'est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et divulgue sous sa direction et son nom, et dans laquelle la contribution se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé, l'article L. 113-5 ajoutant que l'oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée, cette personne étant investie des droits d'auteur ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que Thierry X... en sa qualité de salarié a réalisé les dessins sur lesquels il revendique les droits d'auteur, les initiales « TB » figurant sur chacun de ses dessins démontrant l'identité du dessinateur comme en témoigne Virginie R¿ dans ses attestations datées des 19 juin 2006 et 10 janvier 2008 (« Chaque créateur interne identifie le dessin dont il est l'auteur par ses initiales » Pièce n° S24 et P10 du dossier X...) et Laure M¿ dans un courriel daté du 5 mai 2004 adressé à Thierry X... lorsqu'elle écrit « Comme tu es l'heureux créateur des MO Luce, voici deux sets de pierres pour lesquelles il faudrait que tu proposes des dessins genre Luce » (Pièce n° 61 du dossier X...) ; que les sociétés Van Cleef et Arpels reconnaissent d'ailleurs le rôle important des dessinateurs dans le processus de création des modèles de joaillerie puisque le président directeur général en personne le leur reconnaît lorsqu'il déclare dans une entrevue à l'occasion du centième anniversaire de la Maison Van Cleef et Arpels que « Nos dessins doivent se reconnaître à 20 mètres » et qu'à la question d'une journaliste « Quel est le point de départ du processus créatif ? La pierre ou le dessin ? » Il répond : « Les deux. Parfois, le dessinateur a une idée de génie. Parfois, on déniche une pierre extraordinaire¿ » (Pièce 56 du dossier X...) ; qu'il est en revanche constant que le travail de dessinateur de Thierry X... s'inscrivait dans un cadre contraignant qui l'obligeait à se conformer aux instructions esthétiques qu'il recevait de ses supérieurs hiérarchiques dans le cadre du Comité de Création (attestations de Nicolas B¿, de Isabelle G¿, de Isabelle P¿, de Catherine L¿ et de Frédéric G.Z¿ Pièces respectivement n° C10, C9, C13, C12 et C4 du dossier Van Cleef et Arpels), à puiser son inspiration dans le fonds d'archive de la maison Van Cleef et Arpels comme le prouvent les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA à propos des thèmes Noeuds, Fées, Couture, Pièces invisibles, Serti mystérieux ou Songes d'une nuit d'été (Pièces respectivement B71, B75, B71, à 74, B76, B59 du dossier Van Cleef et Arpels) ; que Thierry X... sollicitait d'ailleurs l'accord de ses supérieurs hiérarchiques pour valider sa production comme le révèlent les courriels datés des 27 mars 2003 et 14 avril 2005 (Pièces n° B39 et B20 du dossier Van Cleef et Arpels) et qu'ils retranscrivait fidèlement les observations qui étaient faites sur ses dessins (Pièce n° B45 du dossier Van Cleef et Arpels) afin de se conformer aux directives qui lui étaient données ; qu'il est ainsi démontré que les dessins litigieux qui sont en tant que tels dépourvus de valeur lorsqu'ils ne servent pas à concrétiser un modèle de bijou ¿ les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA ne faisant pas commerce de ces dessins ¿ ont été réalisés dans le respect du style Van Cleef et Arpels en appliquant les codes de la Maison Van Cleef et Arpels ou rattachant les oeuvres nouvelles à des collections préexistantes telles Songe d'une nuit d'été, Bague Violina, Souffle du printemps, Ballerines, Frivole, Trèfles ; que pour dénier tout droit d'auteur à Thierry X..., les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA soutiennent encore à juste titre que les créations de joaillerie ont toujours été divulguées sous leur nom, que les initiales du dessinateur coexistent le plus souvent avec le tampon « Copyright Van Cleef et Arpels » et qu'elles ont par conséquent été créées dans le cadre d'un travail collectif associant de nombreuses personnes ; qu'il est ainsi établi par l'attestation d'Isabelle G¿ (Pièce n° C9 du dossier Van Cleef et Arpels), par la note d'Alexandra D¿ datée du 24 avril 2002 (Pièce n° B48 du dossier Van Cleef et Arpels) et par les compte-rendus du Comité de Création des 20 décembre 2001 et 1er octobre 2002 (Pièces n° B51 et n° B28 du dossier Van Cleef et Arpels) que d'autres personnes essentiellement salariés faisaient partie de la chaîne de création des modèles de bijoux et qu'elles ont contribué ensemble sous l'autorité de l'employeur à leur réalisation comme le décrit le rapport de stage d'Ornella I¿ (Pièce n° B19 du dossier Van Cleef et Arpels), les dessins sur lesquels Thierry X... revendique des droits d'auteur n'étant que des documents préparatoires à la conception des bijoux commercialisés par les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA lesquelles avaient le pouvoir d'initiative sur la création et en contrôlaient le processus jusqu'au produit finalisé en fournissant à l'équipe créatrice des directives et des instructions esthétiques afin d'harmoniser les différentes contributions ; que cette absence d'autonomie dans la réalisation du dessin est encore davantage avérée pour les commandes spéciales où le travail du dessinateur se bornait à adapter un produit préexistant en fonction des souhaits du client, des matériaux susceptibles d'être utilisés et dans le respect des directives et instructions données par les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA (Pièces n° B40, B64 et B65 du dossier Van Cleef et Arpels) ; que Thierry X... fait grief aux sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA de lui dénier la qualité d'auteur sur les dessins qu'il revendique alors qu'elles lui ont soumis un projet de contrat de travail à durée indéterminée intitulé « Créateur/dessinateur » lequel stipulait ¿ Article 2 ¿ que celui-ci devra « fournir ses meilleurs efforts de façon à faire bénéficier VCA directement ou indirectement de son talent créatif pour élaborer des articles et produits originaux s'intégrant dans la gamme de produits VCA et en relation avec l'image de très haut de gamme, de luxe et de qualité, attachée dans l'esprit du public à la société » ; qu'il s'étonne également que les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA soutiennent qu'il ne peut bénéficier d'aucun droit d'auteur sur ses dessins alors qu'il lui a été proposé à la signature un contrat de concession exclusive de droits d'auteur annexé au contrat de travail comportant à l'article 1er la clause suivante : « La présente convention a pour objet la cession à titre exclusif par Monsieur Thierry X... à Van Cleef et Arpels de l'intégralité de ses droits de propriété intellectuelle portant sur les oeuvres originales, constituées exclusivement par des modèles de joaillerie et/ou horlogerie au fur et à mesure de leur création, en vertu et dans le cadre de son contrat de travail la liant à Van Cleef et Arpels » et à l'article 6 une interdiction de revendiquer un quelconque droit d'auteur, patrimonial et moral (?) s'il ne lui était pas expressément reconnu la qualité de créateur titulaire de droits d'auteur ; mais que la proposition d'un tel contrat de travail assorti d'un contrat de cession exclusive de droits d'auteur ne saurait conférer à Thierry X... des droits d'auteur particulier dès lors que sa contribution en qualité de dessinateur s'est toujours intégrée dans un long processus créatif qui débute pour la direction artistique de la Maison Van Cleef et Arpels par la décision de lancer un thème de travail pour une collection, par la réalisation d'un dessin, d'une maquette, d'un prototype et d'un modèle qui sera ensuite commercialisé si la Maison Van Cleef et Arpels l'estime justifié ; que ces deux documents donnés à la signature de Thierry X... ne sauraient par conséquent constituer de la part des sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA un aveu ou quelconque reconnaissance de droit sur les nombreux dessins qu'il a réalisés pendant de nombreuses années dans le cadre du contrat de travail verbal qui le liait à ses employeurs ; qu'il se déduit de ce qui précède que chaque dessin ne constitue que la contribution particulière de Thierry X... à une oeuvre collective dont la finalité est toujours un modèle de bijou ; qu'il ne justifie pas, pour chacun des dessins dont il revendique la paternité qu'il disposait d'une réelle autonomie créatrice ainsi que d'une liberté dans les choix esthétiques lui permettant de conclure qu'il est le seul titulaire des droits d'auteur sur ces dessins, lesquels reflètent l'empreinte de sa seule personnalité ; que les modèles de joaillerie litigieux commercialisés par les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA auxquels Thierry X... a participé en qualité de créateur/dessinateur ont par conséquent été réalisés à l'initiative, sous la direction et au nom de Van Cleef et Arpels ; qu'il s'agit par conséquent d'oeuvres collectives dans la mesure où la contribution personnelle des différents intervenants participant à l'élaboration des modèles se fond dans un ensemble en vue duquel ils sont conçus et qu'en tant que produits finalisés, il n'est pas possible d'attribuer à chacun des intervenants un droit distinct sur les modèles réalisés, chacun ayant concouru à proportion de sa contribution à l'oeuvre finale ; que les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA sont par conséquent titulaires ab initio des droits patrimoniaux sur les modèles litigieux et sont donc fondées à soulever l'irrecevabilité de la demande formée contre elles par Thierry X... ; que le jugement déféré qui a conclu à l'irrecevabilité de l'action engagée par Thierry X... sera par des motifs propres à la Cour confirmé » ;
1°/ ALORS QUE les dispositions du Code de la propriété intellectuelle protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ; qu'en retenant que les dessins litigieux seraient « en tant que tels dépourvus de valeur lorsqu'ils ne servent pas à concrétiser un modèle de bijou », pour dénier tout droit d'auteur à M. X... sur l'ensemble de ses dessins, la Cour d'appel s'est fondée sur une appréciation relative à la destination de ses oeuvres, en violation de l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
2°/ ALORS QU'une oeuvre ne peut être qualifiée de collective que si la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ; qu'une oeuvre qui n'a qu'un seul auteur, même si celui-ci l'a créée à la demande d'un éditeur, ne peut par essence pas constituer une oeuvre « collective » ; que la Cour d'appel a constaté que les dessins réalisés par M. Thierry X... portaient les initiales « TB », ce qui démontrait « l'identité du dessinateur », comme en avaient témoigné d'autres salariés ; qu'en lui déniant néanmoins tout droit d'auteur sur ses dessins, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
3°/ ALORS QU'une oeuvre ne peut être qualifiée de collective que si la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ; que M. X... revendiquait la protection au titre des droits d'auteur, non pas des bijoux eux-mêmes, mais des dessins de bijoux ; que la Cour d'appel a constaté que les dessins réalisés par M. Thierry X... portaient les initiales « TB », ce qui démontrait « l'identité du dessinateur », comme en avaient témoigné d'autres salariés ; qu'en se bornant à retenir que M. X... recevait des instructions, qu'il puisait son inspiration dans le fonds d'archives de la maison Van Cleef et Arpels, qu'il faisait valider sa production par ses supérieurs hiérarchiques et pouvait être amené à retranscrire leurs observations, pour décider que les dessins auraient été des oeuvres collectives, sans expliquer en quoi ces éléments auraient aboli la part de créativité personnelle de M. X... à un point tel qu'ils auraient rendu impossible toute attribution d'un droit distinct sur ses créations à celui qui a pourtant été reconnu comme le dessinateur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
4°/ ALORS QUE pour être déclarée investie des droits de l'auteur sur une oeuvre, il appartient à la personne morale qui l'exploite d'établir que cette oeuvre constitue une oeuvre collective ; que la Cour d'appel a constaté que les dessins réalisés par M. Thierry X... portaient les initiales « TB », ce qui démontrait « l'identité du dessinateur », comme en avaient témoigné d'autres salariés ; qu'en retenant que M. X... n'aurait pas justifié, pour chacun des dessins dont il revendiquait la paternité, qu'il disposait d'une réelle autonomie créatrice, ainsi que d'une liberté dans les choix esthétiques lui permettant de conclure qu'il était le seul titulaire de droits d'auteur sur ses dessins, cependant que c'était à celle des cinq sociétés intimées qui en revendiquait les droits qu'il appartenait d'établir que ces dessins auraient été des oeuvres collectives, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle et 1315 du Code civil ;
5°/ ALORS QUE pour déterminer le caractère protégeable de plusieurs oeuvres au titre du droit d'auteur, les juges du fond sont tenus de rechercher si et en quoi chacune des oeuvres porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; qu'en procédant à un examen global des dessins créés par M. X... pour décider que ceux-ci auraient été des oeuvres collectives, sans les examiner un à un pour rechercher si, comme leur auteur s'était attaché à le démontrer, chacun de ses 671 dessins ne constituait pas une création revêtant un caractère original sur laquelle il était possible d'attribuer un droit distinct à M. X..., la Cour d'appel a statué par un motif général et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
6°/ ALORS QUE M. X... revendiquait la protection au titre des droits d'auteur, non pas des bijoux eux-mêmes, mais des dessins de bijoux ; qu'en détaillant le processus de création des bijoux et en retenant que les bijoux eux-mêmes étaient des oeuvres collectives, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier l'absence de droits d'auteur de M. X... sur ses dessins, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
7°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE si une personne morale peut être investie des droits de l'auteur sur une oeuvre, il lui incombe d'établir que cette oeuvre a été créée à son initiative et qu'elle la divulgue sous sa direction ; qu'en retenant que « les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA » auraient été titulaires ab initio des droits patrimoniaux sur les modèles de bijoux, cependant que seule une unique personne physique ou morale peut être ab initio titulaire des droits d'auteur sur une oeuvre collective, la Cour d'appel a violé l'article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... à payer aux sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA et Richemont International SA une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de restitution des dessins litigieux ;
AUX MOTIFS QUE « s'il ne conteste pas dans ses écritures être en possession de plus de cinq cents supports de dessins de joaillerie, il justifie son action par le risque d'être dépouillé de pièces absolument nécessaires à la démonstration de ses droits ; mais que les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA et Richemont International SA lui répliquent pertinemment que l'article L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que la propriété incorporelle définie à l'article L. 111-1 est indépendante de la propriété de l'objet matériel de sorte qu'il n'était pas nécessaire à Thierry X... de retenir les dessins litigieux pour faire valoir les droits de propriété intellectuelle qu'il prétendait avoir sur eux ; que ce comportement malicieux initié pour faire contrepoids dans le cadre de négociation à une proposition de contrats dont les termes étaient jugés par lui inacceptables constitue une faute qui justifie la condamnation de Thierry X... à des dommages intérêts (¿) ;
que la seule faute susceptible d'être imputée à Thierry X... justifie sa condamnation à payer aux sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA et Richemont International SA la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts » ;
1°/ ALORS QUE le juge peut ordonner le séquestre d'une chose mobilière dont la propriété est litigieuse entre deux personnes ; que les biens séquestrés, qui sont « gelés », ne restent pas dans le patrimoine de l'éventuel débiteur, mais ne sont pas davantage transférés à l'éventuel créancier ; que dans ses écritures d'appel, M. X... exposait que, par arrêt du 13 septembre 2006 devenu définitif, la Cour de Paris avait rejeté les demandes des sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France et Van Cleef et Arpels International tendant à voir infirmer l'ordonnance du 5 juin 2006 qui avait refusé de rétracter l'ordonnance du 24 octobre 2005 qui avait fait droit à la demande de séquestre des dessins originaux formée par M. X... ; que M. X... exposait également que par décision du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 3 mai 2006, il avait été autorisé à obtenir des copies des pièces séquestrées par application de l'ordonnance du 24 octobre 2005 ; qu'en jugeant que M. X... n'aurait pas contesté « être en possession de plus de cinq cents supports de dessins de joaillerie », cependant que ces supports avaient été consignés entre les mains du Bâtonnier et que M. X... n'en avait que des copies, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE l'abus d'une voie de droit ne peut résulter que d'une faute commise par celui qui l'exerce ; que ni l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits, ni l'échec final de sa prétention, ne sont constitutifs d'une telle faute ; que dans ses écritures d'appel, M. X... exposait que, par son arrêt du 13 septembre 2006 devenu définitif, la Cour de Paris avait jugé la mesure de séquestre justifiée en retenant que « le séquestre ordonné était nécessaire pour éviter le dépérissement des preuves, préserver les droits des parties sans préjuger de l'issue des procédures en cours et permettre un débat loyal entre ces parties, en ce que les copies faites des dessins litigieux pouvaient, ainsi, être incontestables, que le jugement des litiges existant entre les parties nécessitait, pour l'appréciation de leurs droits respectifs, que les oeuvres en cause soient examinées en leur forme originale et que les copies ainsi incontestables de ces dessins pouvaient être communiquées (¿) ; que VCA ne démontre pas qu'une telle mesure lui cause le préjudice qu'elle invoque » ; que M. X... exposait également que par décision du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 3 mai 2006, il avait été autorisé à obtenir des copies des pièces séquestrées par application de l'ordonnance du 24 octobre 2005 ; qu'en condamnant M. X... au paiement de dommages intérêts du fait de l'absence de restitution des dessins litigieux, sans expliquer en quoi l'exécution de la décision de séquestre judiciaire ¿ dont les sociétés intimées ne demandaient aucunement la mainlevée ¿ aurait été fautive, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

3°/ ALORS QUE l'artiste est propriétaire de l'objet matériel qui est l'expression de sa création personnelle ; qu'à supposer que les originaux aient pu appartenir à l'employeur ¿ ce qui est contesté par le troisième moyen du pourvoi ¿, ils ne pouvaient en toute hypothèse lui appartenir qu'après la détermination de la personne titulaire des droits d'auteur ; qu'en retenant que M. X... aurait dû se départir des dessins, tout en constatant que la question de la titularité des droits d'auteur n'avait pas encore été tranchée, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Thierry X... de ses demandes tendant à se voir dire propriétaire des supports matériels de ses dessins et à voir, en conséquence, ordonner une mainlevée du séquestre et la restitution à M. X... de ses dessins ;
AUX MOTIFS QUE « l'alinéa 3 de l'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu'est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et divulgue sous sa direction et son nom, et dans laquelle la contribution se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé, l'article L. 113-5 ajoutant que l'oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée, cette personne étant investie des droits d'auteur ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que Thierry X... en sa qualité de salarié a réalisé les dessins sur lesquels il revendique les droits d'auteur, les initiales « TB » figurant sur chacun de ses dessins démontrant l'identité du dessinateur comme en témoigne Virginie R¿ dans ses attestations datées des 19 juin 2006 et 10 janvier 2008 (« Chaque créateur interne identifie le dessin dont il est l'auteur par ses initiales » Pièce n° S24 et P10 du dossier X...) et Laure M¿ dans un courriel daté du 5 mai 2004 adressé à Thierry X... lorsqu'elle écrit « Comme tu es l'heureux créateur des MO Luce, voici deux sets de pierres pour lesquelles il faudrait que tu proposes des dessins genre Luce » (Pièce n° 61 du dossier X...) ; que les sociétés Van Cleef et Arpels reconnaissent d'ailleurs le rôle important des dessinateurs dans le processus de création des modèles de joaillerie puisque le président directeur général en personne le leur reconnaît lorsqu'il déclare dans une entrevue à l'occasion du centième anniversaire de la Maison Van Cleef et Arpels que « Nos dessins doivent se reconnaître à 20 mètres » et qu'à la question d'une journaliste « Quel est le point de départ du processus créatif ? La pierre ou le dessin ? » Il répond : « Les deux. Parfois, le dessinateur a une idée de génie. Parfois, on déniche une pierre extraordinaire¿ » (Pièce 56 du dossier X...) ; qu'il est en revanche constant que le travail de dessinateur de Thierry X... s'inscrivait dans un cadre contraignant qui l'obligeait à se conformer aux instructions esthétiques qu'il recevait de ses supérieur hiérarchiques dans le cadre du Comité de Création (attestations de Nicolas B¿, de Isabelle G¿, de Isabelle P¿, de Catherine L¿ et de Frédéric G.Z¿ Pièces respectivement n° C10, C9, C13, C12 et C4 du dossier Van Cleef et Arpels), à puiser son inspiration dans le fonds d'archive de la maison Van Cleef et Arpels comme le prouvent les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA à propos des thèmes Noeuds, Fées, Couture, Pièces invisibles, Serti mystérieux ou Songes d'une nuit d'été (Pièces respectivement B71, B75, B71, à 74, B76, B59 du dossier Van Cleef et Arpels) ; que Thierry X... sollicitait d'ailleurs l'accord de ses supérieurs hiérarchiques pour valider sa production comme le révèlent les courriels datés des 27 mars 2003 et 14 avril 2005 (Pièces n° B39 et B20 du dossier Van Cleef et Arpels) et qu'ils retranscrivait fidèlement les observations qui étaient faites sur ses dessins (Pièce n° B45 du dossier Van Cleef et Arpels) afin de se conformer aux directives qui lui étaient données ; qu'il est ainsi démontré que les dessins litigieux qui sont en tant que tels dépourvus de valeur lorsqu'ils ne servent pas à concrétiser un modèle de bijou ¿ les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA ne faisant pas commerce de ces dessins ¿ ont été réalisés dans le respect du style Van Cleef et Arpels en appliquant les codes de la Maison Van Cleef et Arpels ou rattachant les oeuvres nouvelles à des collections préexistantes telles Songe d'une nuit d'été, Bague Violina, Souffle du printemps, Ballerines, Frivole, Trèfles ; que pour dénier tout droit d'auteur à Thierry X..., les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA soutiennent encore à juste titre que les créations de joaillerie ont toujours été divulguées sous leur nom, que les initiales du dessinateur coexistent le plus souvent avec le tampon « Copyright Van Cleef et Arpels » et qu'elles ont par conséquent été créées dans le cadre d'un travail collectif associant de nombreuses personnes ; qu'il est ainsi établi par l'attestation d'Isabelle G¿ (Pièce n° C9 du dossier Van Cleef et Arpels), par la note d'Alexandra D¿ datée du 24 avril 2002 (Pièce n° B48 du dossier Van Cleef et Arpels) et par les compte-rendus du Comité de Création des 20 décembre 2001 et 1er octobre 2002 (Pièces n° B51 et n° B28 du dossier Van Cleef et Arpels) que d'autres personnes essentiellement salariés faisaient partie de la chaîne de création des modèles de bijoux et qu'elles ont contribué ensemble sous l'autorité de l'employeur à leur réalisation comme le décrit le rapport de stage d'Ornella I¿ (Pièce n° B19 du dossier Van Cleef et Arpels), les dessins sur lesquels Thierry X... revendique des droits d'auteur n'étant que des documents préparatoires à la conception des bijoux commercialisés par les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA lesquelles avaient le pouvoir d'initiative sur la création et en contrôlaient le processus jusqu'au produit finalisé en fournissant à l'équipe créatrice des directives et des instructions esthétiques afin d'harmoniser les différentes contributions ; que cette absence d'autonomie dans la réalisation du dessin est encore davantage avérée pour les commandes spéciales où le travail du dessinateur se bornait à adapter un produit préexistant en fonction des souhaits du client, des matériaux susceptibles d'être utilisés et dans le respect des directives et instructions données par les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA (Pièces n° B40, B64 et B65 du dossier Van Cleef et Arpels) ; que Thierry X... fait grief aux sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA de lui dénier la qualité d'auteur sur les dessins qu'il revendique alors qu'elles lui ont soumis un projet de contrat de travail à durée indéterminée intitulé « Créateur/dessinateur » lequel stipulait ¿ Article 2 ¿ que celui-ci devra « fournir ses meilleurs efforts de façon à faire bénéficier VCA directement ou indirectement de son talent créatif pour élaborer des articles et produits originaux s'intégrant dans la gamme de produits VCA et en relation avec l'image de très haut de gamme, de luxe et de qualité, attachée dans l'esprit du public à la société » ; qu'il s'étonne également que les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA soutiennent qu'il ne peut bénéficier d'aucun droit d'auteur sur ses dessins alors qu'il lui a été proposé à la signature un contrat de concession exclusive de droits d'auteur annexé au contrat de travail comportant à l'article 1er la clause suivante : « La présente convention a pour objet la cession à titre exclusif par Monsieur Thierry X... à Van Cleef et Arpels de l'intégralité de ses droits de propriété intellectuelle portant sur les oeuvres originales, constituées exclusivement par des modèles de joaillerie et/ou horlogerie au fur et à mesure de leur création, en vertu et dans le cadre de son contrat de travail la liant à Van Cleef et Arpels » et à l'article 6 une interdiction de revendiquer un quelconque droit d'auteur, patrimonial et moral (?) s'il ne lui était pas expressément reconnu la qualité de créateur titulaire de droits d'auteur ; mais que la proposition d'un tel contrat de travail assorti d'un contrat de cession exclusive de droits d'auteur ne saurait conférer à Thierry X... des droits d'auteur particulier dès lors que sa contribution en qualité de dessinateur s'est toujours intégrée dans un long processus créatif qui débute pour la direction artistique de la Maison Van Cleef et Arpels par la décision de lancer un thème de travail pour une collection, par la réalisation d'un dessin, d'une maquette, d'un prototype et d'un modèle qui sera ensuite commercialisé si la Maison Van Cleef et Arpels l'estime justifié ; que ces deux documents donnés à la signature de Thierry X... ne sauraient par conséquent constituer de la part des sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA un aveu ou quelconque reconnaissance de droit sur les nombreux dessins qu'il a réalisés pendant de nombreuses années dans le cadre du contrat de travail verbal qui le liait à ses employeurs ; qu'il se déduit de ce qui précède que chaque dessin ne constitue que la contribution particulière de Thierry X... à une oeuvre collective dont la finalité est toujours un modèle de bijou ; qu'il ne justifie pas, pour chacun des dessins dont il revendique la paternité qu'il disposait d'une réelle autonomie créatrice ainsi que d'une liberté dans les choix esthétiques lui permettant de conclure qu'il est le seul titulaire des droits d'auteur sur ces dessins, lesquels reflètent l'empreinte de sa seule personnalité ; que les modèles de joaillerie litigieux commercialisés par les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA auxquels Thierry X... a participé en qualité de créateur/dessinateur ont par conséquent été réalisés à l'initiative, sous la direction et au nom de Van Cleef et Arpels ; qu'il s'agit par conséquent d'oeuvres collectives dans la mesure où la contribution personnelle des différents intervenants participant à l'élaboration des modèles se fond dans un ensemble en vue duquel ils sont conçus et qu'en tant que produits finalisés, il n'est pas possible d'attribuer à chacun des intervenants un droit distinct sur les modèles réalisés, chacun ayant concouru à proportion de sa contribution à l'oeuvre finale ; que les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA, Richemont International SA sont par conséquent titulaires ab initio des droits patrimoniaux sur les modèles litigieux et sont donc fondées à soulever l'irrecevabilité de la demande formée contre elles par Thierry X... ; que le jugement déféré qui a conclu à l'irrecevabilité de l'action engagée par Thierry X... sera par des motifs propres à la Cour confirmé (¿) ;
que s'il ne conteste pas dans ses écritures être en possession de plus de cinq cents supports de dessins de joaillerie, il justifie son action par le risque d'être dépouillé de pièces absolument nécessaires à la démonstration de ses droits ; mais que les sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA et Richemont International SA lui répliquent pertinemment que l'article L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que la propriété incorporelle définie à l'article L. 111-1 est indépendante de la propriété de l'objet matériel de sorte qu'il n'était pas nécessaire à Thierry X... de retenir les dessins litigieux pour faire valoir les droits de propriété intellectuelle qu'il prétendait avoir sur eux ; que ce comportement malicieux initié pour faire contrepoids dans le cadre de négociation à une proposition de contrats dont les termes étaient jugés par lui inacceptables constitue une faute qui justifie la condamnation de Thierry X... à des dommages intérêts (¿) ;
que la seule faute susceptible d'être imputée à Thierry X... justifie sa condamnation à payer aux sociétés Van Cleef et Arpels SA, Van Cleef et Arpels France, Van Cleef et Arpels International, Compagnie Financière Richemont SA et Richemont International SA la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts » ;
ALORS QUE si la main-d'oeuvre était tellement importante qu'elle surpassât de beaucoup la valeur de la matière employée, l'industrie serait alors réputée la partie principale, et l'ouvrier aurait le droit de retenir la chose travaillée, en remboursant au propriétaire le prix de la matière, estimée à la date du remboursement ; que le salarié qui réalise une oeuvre graphique ou plastique avec des matériaux fournis par son employeur doit être considéré comme le propriétaire de cette oeuvre lorsque, dans cette réalisation, l'industrie est la part prépondérante ; que M. X... soutenait qu'en vertu de ce principe, il devait être déclaré propriétaire du support matériel de chacun de ses dessins, composés d'encre et de papier, tant que ce support n'avait pas fait l'objet d'une cession expresse ; qu'en déboutant M. X... de ses demandes tendant à se voir déclarer propriétaire et à se voir restituer ses dessins, sans s'expliquer sur la valeur respective des matériaux employés et de l'industrie de M. X... dans la réalisation de ces dessins, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 571 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-26409
Date de la décision : 19/12/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 déc. 2013, pourvoi n°12-26409


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.26409
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