La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2013 | FRANCE | N°12-28788

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 2013, 12-28788


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1232-2 et L. 1232-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 16 janvier 2007 par la société Fromentiers magasin-unité de Moissac en qualité de vendeuse par contrat à durée déterminée pour remplacer une salariée en congé parental ; qu'elle a fait l'objet d'un avertissement le 16 juillet 2008 ; qu'à la suite d'un entretien préalable à une éventuelle sanction qui s'est tenu le 28 novembre 2008, elle a remis u

ne lettre de démission datée du 1er décembre 2008 au responsable de magasin,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1232-2 et L. 1232-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 16 janvier 2007 par la société Fromentiers magasin-unité de Moissac en qualité de vendeuse par contrat à durée déterminée pour remplacer une salariée en congé parental ; qu'elle a fait l'objet d'un avertissement le 16 juillet 2008 ; qu'à la suite d'un entretien préalable à une éventuelle sanction qui s'est tenu le 28 novembre 2008, elle a remis une lettre de démission datée du 1er décembre 2008 au responsable de magasin, démission ensuite rétractée ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes en nullité de sa démission et en condamnation de l'employeur à payer diverses sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la démission établie sur le lieu de travail, sous la pression d'une procédure disciplinaire, et suivie le jour même d'une rétractation connue de l'employeur, est équivoque, qu'elle s'analyse donc en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée, qu'il convient de déterminer, au regard des faits que celle-ci reproche à son employeur, si cette rupture a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou si elle a produit, au contraire, les effets d'une démission ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la démission entachée d'un vice du consentement est nulle et que l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail, ou qui le considère comme rompu du fait du salarié, doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement, qu'à défaut la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la lettre de démission du 1er décembre 2008 est équivoque, s'analyse en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'une démission et déboute Mme X... de ses demandes fondées sur la rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le 2 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Fromentiers magasin-unité de Moissac aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la société Fromentiers magasin-unité de Moissac et condamne celle-ci à payer à Me Copper-Royer la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la lettre de démission de Mme X... du 1er décembre 2008 était équivoque et s'analysait en une prise d'acte de la rupture et que celle-ci produisait les effets d'une démission et de l'AVOIR débouté, en conséquence, de ses demandes fondées sur la rupture du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE « La démission est l'acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de manière intègre, consciente, licite, claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail.
Sont produites les pièces suivantes :
- une convocation de la salariée en date du 8 octobre 2008 à un entretien préalable au prononcé d'une sanction disciplinaire fixé au 24 octobre, des arrêts maladie à compter du 18 octobre, une seconde lettre de convocation en date du 12 novembre 2008 à un entretien préalable au prononcé d'une sanction disciplinaire fixé au 28 novembre 2008.
- le procès verbal de l'entretien préalable du 28 novembre 2008 : faits reprochés par l'employeur : le 4 octobre 2008, suite à un contrôle de ma part, arrivée de la salariée à 6h 34 ouverture à 7 h 14 du magasin de CASTELS. Réponse de la salariée de sa main : ce jour là je suis bien arrivée en retard à mon poste de travail. Aussi pour l'heure d'ouverture je n'ai pas fait attention à l'heure indiquée sur l'ordinateur et à la suite le magasin a ouvert ses portes à 7h14.
- une première lettre du 1er décembre 2008 rédigée dans les termes suivants :
Mademoiselle X...
... "
82130 Montastruc
Moissac le 1er décembre 2008,
Monsieur,
Veuillez prendre note de ma démission au poste de vendeuse que j'occupe dans votre établissement à compter de ce jour soit le 1er décembre 2008 pour des raisons personnelles. Je m'engage à rendre dans les meilleurs délais les tenues que j'ai en ma possession. Veuillez agréer Monsieur mes meilleures salutations distinguées signature
lettre remise en main propre à Monsieur Y... Thierry, responsable du magasin le 1er décembre 2008 même signature que plus haut
bon pour accord Monsieur Y... Thierry signature
Cette lettre porte un cachet " reçu le 2 décembre 2008 ».
- une deuxième lettre du 1er décembre 2008 rédigée dans les termes suivants :
Montastruc, le 1er décembre 2008
Monsieur,
Je vous adresse cette lettre en raison de ma démission précipitée. Je conteste la lettre de démission faite le 28 novembre 2008 à votre établissement. Ça a été chose faite sous pression de l'avoir tout de suite en votre possession pour un délai jusqu'à dimanche soir. Apparemment il y a eu un malentendu entre nous pour le poste à pourvoir, sachant que ce n'était pas sur de l'avoir comme il me fallait donner la réponse le soir après votre entretien vous n'avez pas eu de mal à trouver quelqu'un pour me remplacer tout de suite, et ça jusqu'a la fin du contrat prévu le 8 janvier 2009. Ajoutant des propositions faites pour l'avenir à la personne concernée. Après tout je prétends à reprendre mon poste de vendeuse à la date du 2 décembre 2008 dans votre établissement. Les plannings ont été vite changés après notre entretien. Veuillez agréer Monsieur mes salutations distinguées signature.
La preuve de dépôt du pli recommandé mentionne que le destinataire est le "... "..., 8220 MOISSAC, lieu de travail indiqué sur les contrats de travail. L'accusé de réception porte le cachet de la poste du 3 décembre 2008.
Cette lettre porte un cachet " reçu le 5 décembre 2008. "
- une lettre de l'employeur en date à VILLEFRANCHE DE ROUERGUE du 4 décembre 2008 par laquelle la DRH de la SA FROMENTIERS MAGASINS déclare : Mademoiselle, nous prenons acte de votre volonté claire et non équivoque de rompre votre contrat à durée déterminée dont vous nous faites part dans votre courrier du 1er décembre 2008. Nous prenons notre de votre date de départ au 1er décembre 2008. Nous vous informons en conséquence qu'en raison de votre décision, il ne pourra être donné suite à la procédure disciplinaire initiée le 12 novembre 2008. Recevez Mademoiselle mes salutations distinguées Alix C... directrice des ressources humaines.
L'accusé de réception joint à cette lettre porte la date du 5 décembre 2008.
- une lettre du 8 décembre 2008 adressée par la salariée à l'employeur, Suite à votre lettre d'accord de ma démission, est-ce que ce serait possible de me faire parvenir dans les plus brefs délais les documents suivants : solde de tout compte, certificat de travail, attestation ASSEDIC. Merci d'avance, mes salutations distinguées
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que :
- l'employeur avait initié une procédure disciplinaire, 1a salariée a reconnu les griefs qui lui étaient reprochés au cours d'un entretien préalable du 28 novembre 2008,
- la lettre de démission du 1er décembre 2008 a été établie au sein de l'entreprise, et remise en main propre au responsable du magasin,
- les cachets portant des dates sont ceux de l'enregistrement des courriers à la direction des ressources humaines à VILLEFRANCHE DE ROUERGUE,
- la démission a fait l'objet d'une rétractation en date du même jour, 1er décembre 2008, reçue par le responsable du magasin lequel représente la directrice des ressources humaines pour la conclusion des contrats de travail, le 3 décembre 2008,
- la lettre de prise d'acte par l'employeur de la démission est datée du 4 décembre 2008,
- la rétractation de la démission est donc parvenue deux jours après la lettre de démission, et un jour avant la prise d'acte de la démission par l'employeur.
Il en résulte que la démission établie sur le lieu de travail, sous la pression d'une procédure disciplinaire et suivie le jour même d'une rétractation connue de l'employeur avant qu'il n'émette sa prise d'acte de ladite démission est équivoque. Elle s'analyse donc en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.
Il convient donc de déterminer, au regard des faits que la salariée reproche à son employeur, si cette rupture a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou si elle a produit, au contraire, les effets d'une démission.
Les griefs formulés par la salariée vis à vis de l'employeur ne sont pas clairement exprimés. La salariée avait reconnu son retard à l'ouverture du magasin le 4 octobre 2008, aucun élément ne permet de considérer que ce simple retard pouvait conduire au prononcé d'un licenciement. Madame Z... avait été embauchée du 19 au 26 octobre 2008, pour le remplacement de Mademoiselle X... au cours de son congé maladie, et son contrat à durée déterminée se terminait au jour de sa reprise de travail par Mademoiselle X.... Elle n'a été réembauchée que le 1er décembre à la suite de la lettre de démission. Les plannings ont été modifiés lors du départ de Mademoiselle X... en congé maladie et pour les périodes où elle ne pouvait être remplacée.
Les attestations produites par l'employeur (Madame A... et Madame B...) excluent l'existence d'une quelconque pression sur la salariée pour obtenir une démission, ou un quelconque harcèlement moral, et relatent que Mademoiselle X... souhaitait quitter son poste au plus vite pour un occuper un autre plus intéressant. Il convient de rappeler que le motif allégué dans la lettre de démission était un motif personnel. Ce motif ressort en outre de la lettre de rétractation : Apparemment il y a eu un malentendu entre nous pour le poste à pourvoir, sachant que ce n'était pas sur de l'avoir comme il me fallait donner la réponse le soir après votre entretien... Il apparaît donc que la rétractation résulte de l'échec des négociations aux fins d'obtention du poste meilleur convoité.
Enfin, la rétractation de la démission n'est pas confirmée par la lettre du 8 décembre 2008 par laquelle Mademoiselle X... réclame les documents sociaux et mentionne " votre lettre d'accord de ma démission ".
Il résulte de ces éléments que la salariée n'établit aucun grief imputable à torts à son employeur susceptible de justifier la rupture de la relation contractuelle de travail de sorte que la prise d'acte de ladite rupture résultant de la lettre du 1er décembre 2008 a les effets d'une démission.
Il convient donc de réformer le jugement en ce sens » (arrêt p. 6 à p. 9) ;
ALORS QUE l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail, ou qui le considère comme rompu du fait du salarié, doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement qu'à défaut, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la Cour d'appel a constaté que la démission de Mme X... avait fait l'objet d'une rétractation en date du même jour et que l'employeur avait pris acte de la démission en ayant connaissance de la rétractation de ladite démission ; qu'il s'en déduisait que la démission de la salariée était inexistante et que la prise d'acte par l'employeur de cette démission, qui n'était pas réelle, s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en jugeant que la lettre de démission du 1er décembre 2008 était équivoque et s'analysait en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié laquelle produisait les effets d'une démission, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1, L 1232-1 et L. 1237-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-28788
Date de la décision : 18/12/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 02 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 déc. 2013, pourvoi n°12-28788


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.28788
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award