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18/12/2013 | FRANCE | N°12-27468

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 2013, 12-27468


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 5 avril 1997 dans le cadre d'un contrat saisonnier par la société Y... Bernard suivi d'un contrat à durée indéterminée à compter du 17 novembre 1997 pour un emploi de polyvalent de vente, conditionnement et travaux divers, a saisi le 28 octobre 2010 la juridiction prud'homale afin d'obtenir la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur en invoquant le harcèlement moral dont elle était victime depuis 2002 de la part du fils de la gérant

e de la société, outre le paiement d'heures supplémentaires effectué...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 5 avril 1997 dans le cadre d'un contrat saisonnier par la société Y... Bernard suivi d'un contrat à durée indéterminée à compter du 17 novembre 1997 pour un emploi de polyvalent de vente, conditionnement et travaux divers, a saisi le 28 octobre 2010 la juridiction prud'homale afin d'obtenir la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur en invoquant le harcèlement moral dont elle était victime depuis 2002 de la part du fils de la gérante de la société, outre le paiement d'heures supplémentaires effectuées et non payées ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que, pour débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et d'indemnisation au titre de la rupture, la cour d'appel relève que certaines pièces fournies par l'intéressée établies unilatéralement n'ont pas de valeur probante, que les témoignages en sa faveur sont contredits par les attestations de l'employeur, que des témoins décrivent le caractère imprévisible et agressif de la salariée et que celle-ci avait apporté de l'aide à l'époux de la gérante, dont l'état de santé était fragile, de son propre chef ; qu'elle en déduit qu'il n'est pas démontré que la salariée a été victime d'un harcèlement moral ;
Attendu cependant que, si le salarié doit produire des éléments propres à établir la matérialité de faits précis et concordants permettant de présumer l'existence du harcèlement qu'il invoque, le juge ne peut écarter ces éléments qu'après les avoir examinés dans leur ensemble ;
Qu'en statuant comme elle a fait, sans examiner si les faits attestés, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande formée au titre des heures supplémentaires la cour a relevé que les agendas relatifs aux périodes litigieuses remplis par la salariée indiquaient qu'elle avait toujours pu bénéficier d'une pause d'une heure, qu'elle ne produisait pas un décompte détaillé des heures supplémentaires prétendument effectuées et que les bulletins de salaire mentionnaient le paiement d'heures supplémentaires et la majoration des jours de repos hebdomadaires travaillés ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans indiquer si l'employeur avait fourni des éléments justifiant les horaires effectivement réalisés par la salariée alors que celle-ci produisait des éléments de nature à étayer sa demande, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives à l'indemnité au titre des congés pour l'année 2010, l'arrêt rendu le 24 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société Y... Bernard aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Y... Bernard à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme Z..., épouse X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de ses demandes tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Y... Bernard et obtenir la condamnation de cette société à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés sur préavis, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour préjudice moral et de sa demande tendant à voir dire et juger qu'elle était victime depuis 2002 de faits de harcèlement moral répétés ayant eu des conséquences graves sur son état de santé ;
AUX MOTIFS QUE Jeannine X... soutient avoir été victime depuis 1982 d'un harcèlement moral, ayant pour auteur M. Philippe Y..., maître chais, au sein de l'entreprise et fils de la gérante de la société Bernard Y..., se traduisant par des propos grossiers et irrespectueux, par des remarques ne concernant pas sa vie professionnelle, par la modification de ses attributions contractuelles ; que l'article L.1152-1 du code de travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral ayant pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'article 1154-1 du code du travail précise, en cas de litige relatif, notamment, à l'application de l'article L.1152-1 précité, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, qu'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Jeannine X..., au soutien de ses allégations, produit des lettres adressées à l'employeur et à l'inspecteur du travail, dénonçant le comportement de Philippe Y... ; que ces pièces établies unilatéralement par l'intéressée n'ont pas de valeur probante ; qu'elle verse également aux débats des attestations émanant d'une amie, Mme A..., de deux ex-collègues, Mmes B... et C... et d'un client, M. D... ; que force est de constater que ces témoignages sont contredits par les attestations fournies par l'employeur rédigées par Mme E..., M. F..., M. G..., Mme H..., Mme I..., Mme J..., Mme K..., ayant tous travaillé avec Jeannine X... et par celles établies par M. L..., client, et par Mme M..., agricultrice ; que ces témoins décrivent le caractère imprévisible et agressif de l'intimée, et font état des conditions de travail sereines existant au sein de l'entreprise ; qu'il ressort, par ailleurs, de ces pièces que Jeannine X..., a apporté de l'aide à M. Bernard Y..., dont l'état de santé était fragile, de son propre chef, et non en exécution d'un ordre de l'employeur, de sorte qu'il ne peut être considéré que la salariée a subi la modification de son contrat de travail ; que dans ces conditions, il n'est pas démontré que Jeannine X... a été victime d'un harcèlement moral ; qu'il n'y a, donc, pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail ; que la salariée doit être déboutée de sa demande en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts ;
1°) ALORS QU'en cas de litige relatif, notamment, à l'application de l'article L.1152-1 du code du travail, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en déboutant Mme X... de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation judicaire du contrat de travail pour harcèlement moral et à obtenir le paiement des indemnités de rupture et des dommages et intérêts, motifs pris que les témoignages versés aux débats par Mme X... étaient contredits par les attestations fournies par l'employeur, quand ces témoignages établissaient des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel, qui a fait peser sur la salariée la charge de la preuve du harcèlement, a violé les articles L. 1152-1 L.1154-1 du code du travail ;
2°) ALORS QU' en application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité des faits constituant selon lui un harcèlement, il appartient aux juges d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en jugeant qu'il n'était pas « démontré » que Jeannine X... avait été victime d'un harcèlement moral, la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de la preuve et a violé les textes des articles L.1152-1 et 1154-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de ses demandes tendant à obtenir la condamnation de la société Y... à lui verser diverses sommes à titre d'heures supplémentaires résultant de la pause hebdomadaire non prise, d'heures supplémentaires non rémunérées jusqu'en juin 2008 et d'absence de majoration des jours de repos hebdomadaires travaillés ;
AUX MOTIFS QUE Jeannine X... soutient que, du mois de juillet 2005 au mois de juin 2010, elle a accompli des heures supplémentaires du fait qu'elle n'a jamais pu bénéficier de sa pause déjeuner ; qu'elle ajoute, qu'entre le mois de novembre 2005 et le mois de mai 2008, elle a effectué 184,75 heures supplémentaires qui n'ont pas été payées ; qu'il résulte des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par l'employeur justifiant les horaires effectivement réalisés par le salarié et de ceux produits par le salarié à l'appui de sa demande ; qu'en l'espèce, la cour dispose des agendas relatifs aux périodes litigieuses, remplis par la salariée qui indiquent qu'elle a toujours pu bénéficier d'une pause d'une heure et qui ne font pas état d'un dépassement de la durée légale du travail ; qu'il est à noter, de plus, que cette dernière ne produit pas un décompte détaillé des heures supplémentaires prétendument effectuées, et récapitulant hebdomadairement son temps de travail ; qu'en outre, il convient de relever, d'une part, que les attestations produites décrivent l'amplitude de travail mais non une durée effective de temps de travail et, d'autre part, qu'une éventuelle absence de pause pour le déjeuner ne démontre pas, pour autant, et finalement, que la salariée a dépassé la durée légale du travail pour la journée considérée ; qu'enfin, les bulletins de salaire mentionnent le paiement d'heures supplémentaires et la majoration des jours de repos hebdomadaires travaillés ; que dans ces conditions, la cour forme sa conviction que Jeannine X... n'a pas réalisé d'heures supplémentaires, non rémunérées ; qu'elle doit, donc, être déboutée de ses demandes en paiement des sommes de 15.693,65 ¿ et de 2.996 ¿ ; que la demande de remise de documents légaux rectifiés est sans objet ;
1°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer ses demandes par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'heures supplémentaires, la cour d¿appel a retenu que l'exposante ne produisait pas un décompte détaillé des heures supplémentaires prétendument effectuées et récapitulant hebdomadairement son temps de travail, tout en constatant que la salariée produisait des agendas relatifs aux périodes litigieuses indiquant au crayon les heures supplémentaires effectuées ; qu'en statuant ainsi, alors que la salariée avait produit un décompte des heures qu'elle prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé l'article L.3171-4 du code du travail ;
2°) ALORS QUE s'il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir aux juges les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement aux juges des éléments de nature à étayer sa demande ; que toutefois le juge ne peut rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires au motif que les éléments produits par le salarié ne prouveraient pas le bien fondé de sa demande ; qu'en déboutant Mme X... de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, motifs pris de ce que les attestations produites décriraient une amplitude de travail mais non une durée effective de temps de travail et qu'une éventuelle absence de pause pour le déjeuner ne démontrerait pas pour autant que la salariée aurait dépassé la durée légale du travail pour la journée considérée, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires sur la seule salariée et a ainsi violé l'article L.3171-4 du code du travail ;
3°) ALORS QU'en cas de litige relatif au nombre d'heures travaillées, l'employeur doit fournir aux juges les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, dès lors que ce dernier a préalablement apporté des éléments de nature à étayer sa demande ; que Mme X... versait régulièrement aux débats des attestations de ses collègues de travail démontrant qu'elle ne pouvait jamais prendre sa pause déjeuner ainsi que ses agendas; qu'en la déboutant de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires sans que l'employeur n'ait fourni d'élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée, la cour d'appel a violé l'article 3171-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-27468
Date de la décision : 18/12/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 24 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 déc. 2013, pourvoi n°12-27468


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ortscheidt, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.27468
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