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18/12/2013 | FRANCE | N°12-19273

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 2013, 12-19273


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 3 août 2004 en qualité d'employée administrative par la société Agence canine de sécurité, Mme X... a été élue délégué du personnel suppléant ; que le médecin du travail l'a déclarée inapte au poste avec danger immédiat de maintien au poste en application de l'article R. 4624-31 du code du travail le 14 janvier 2009 ; que l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement le 19 février suivant ; que l'employeur lui a notifié son licenciement pour inap

titude le 24 février 2009 ; qu'estimant avoir été victime d'un harcèlement mor...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 3 août 2004 en qualité d'employée administrative par la société Agence canine de sécurité, Mme X... a été élue délégué du personnel suppléant ; que le médecin du travail l'a déclarée inapte au poste avec danger immédiat de maintien au poste en application de l'article R. 4624-31 du code du travail le 14 janvier 2009 ; que l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement le 19 février suivant ; que l'employeur lui a notifié son licenciement pour inaptitude le 24 février 2009 ; qu'estimant avoir été victime d'un harcèlement moral, la salariée a saisi la juridiction prud'homale afin notamment d'obtenir la réparation du préjudice moral en résultant ; qu'elle a sollicité devant cette juridiction un renvoi devant le tribunal administratif aux fins qu'il apprécie la légalité de l'autorisation administrative de licenciement ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à question préjudicielle sur la légalité de l'autorisation de licenciement de Mme X... et de débouter cette dernière de sa demande de renvoi des parties devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, alors, selon le moyen, que, d'une part, il revient au juge judiciaire de vérifier si la légalité de la décision administrative autorisant le licenciement d'un salarié protégé fait l'objet d'une contestation sérieuse et, dans l'affirmative, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge administratif se soit prononcé sur ce point ; que, d'autre part, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que, dans ses conclusions d'appel, Mme X..., qui sollicitait le sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif sur la légalité de l'autorisation administrative de licenciement, faisait valoir que l'employeur n'avait procédé qu'à des recherches de reclassement externe, s'étant cru dispensé par l'avis médical d'inaptitude de toute recherche de reclassement interne ; qu'en se bornant à affirmer, par un motif d'ordre général, que l'inspecteur du travail avait motivé sa décision autorisant le licenciement de Mme X... « au regard de la réalité des recherches de reclassement », sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si le constat de l'absence de toute tentative de reclassement interne effectuée par l'employeur, au prétexte que le médecin du travail avait conclu à l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise pour raison médicale, n'était pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision administrative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2 et L. 2421-3 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
Mais attendu que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié, fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'elle produit des témoignages qui ne font que rapporter les faits dénoncés par la salariée ou de collègues de travail qui s'expriment en termes généraux, dénoncent un climat général et pour certains dénoncent des faits dont ils auraient été eux-même victimes, que la salariée a été déboutée de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, que si la salariée a été employée à des tâches relevant directement de la sécurité et non pas de son travail administratif, elle a été rémunérée en conséquence et que, pour le surplus, elle ne justifie que de deux interventions en octobre 2008 et enfin qu'elle ne justifie pas que son état dépressif et l'unique prescription médicale de deux médicaments le 10 novembre 2008 sont en lien avec des faits de harcèlement dont elle aurait été victime ;
Qu'en statuant ainsi, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée, alors qu'il lui appartenait de dire si tous les faits présentés par l'intéressée dans leur ensemble, à savoir les faits de machisme, les réflexions obscènes ou injurieuses, le fait que la salariée a été employée à des tâches ne relevant pas de ses attributions, l'arrêt de travail de son médecin mentionnant un surmenage et harcèlement moral et le certificat du médecin du travail faisant état d'un état dépressif réactionnel aux difficultés relationnelles avec son employeur et aux conditions de vie au travail et aboutissant à un avis d'inaptitude avec danger immédiat de maintien au poste, n'étaient pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, puis de vérifier si les éléments de preuve apportés par l'employeur démontraient que les agissements litigieux étaient étrangers à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande relative au harcèlement moral, l'arrêt rendu le 14 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Dargent Tirmant Raulet, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Dargent Tirmant Raulet, ès qualités, à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté madame X... de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE la salariée soutient avoir été victime de la part de son employeur de harcèlement moral ayant des conséquences sur son état de santé, consistant en des faits de pression professionnelle avec attribution de fonctions qui n'étaient pas les siennes, machisme, réflexions obscènes ou injurieuses, provocation d'une visite de contrôle alors qu'elle était en arrêt maladie et retard dans la rédaction d'une attestation lui permettant de percevoir des indemnités journalières ; que s'agissant des faits de machisme, des réflexions obscènes ou injurieuses dénoncées, les attestations produites par la salariée pour justifier de ces faits proviennent soient de témoins qui ne font que rapporter les faits dénoncés par la salariée soit de collègues de travail qui s'expriment en termes généraux, dénoncent un climat général et pour certains dénoncent des faits dont ils auraient été eux-mêmes victimes ; que s'agissant de la pression professionnelle, il y a lieu de rappeler que la salariée a été déboutée de sa demande de paiement d'heures supplémentaires ; que s'agissant du fait que la salariée aurait été employée à des tâches relevant directement de la sécurité, et non pas de son travail administratif, ce qui n'est pas fondamentalement contesté, cela ne peut constituer des faits susceptibles d'être qualifiés de harcèlement étant précisé que lorsque madame X... a travaillé le dimanche à des fonctions de filtrage, elle a été rémunérée en conséquence et que, pour le surplus, elle ne justifie que de deux interventions en client mystère dans un supermarché en octobre 2008 pendant ses horaires de travail, les autres comptes-rendus d'intervention mentionnant le nom d'un autre intervenant ; que le fait qu'elle ait fait l'objet d'une visite de contrôle pendant un arrêt maladie n'est pas susceptible d'être qualifié de fait de harcèlement, l'employeur pouvant prétendre à faire vérifier son état de santé ; que s'agissant du retard qu'aurait pris l'employeur pour compléter l'attestation patronale lui permettant de percevoir des indemnités journalières, elle ne le justifie pas, le courrier du 20 novembre 2008 adressé par la caisse primaire d'assurance maladie pour transmission de l'attestation patronale complétée par elle-même et par l'employeur en raison d'un arrêt de travail du 23 octobre ne justifiant pas que c'est l'employeur qui aurait été à l'origine du retard pris. En tout cas, cet éventuel retard ne serait pas susceptible d'être qualifié de fait de harcèlement ; qu'enfin, la salariée ne justifie pas que son état dépressif et l'unique prescription médicale de deux médicaments le 10 novembre 2008 6 soit en lien avec des faits de harcèlement dont elle aurait été victime ; que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a retenu des faits de harcèlement et madame X... sera déboutée de ses prétentions sur ce point ;
1) ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en se bornant à examiner isolément chacun des faits de harcèlement invoqués pour infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il avait retenu l'existence d'un harcèlement moral au préjudice de madame X..., la cour d'appel, à qui il appartenait de rechercher si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis par la salariée laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;
2) ALORS QUE les juges du fond doivent tenir compte de l'ensemble des éléments établis par le salarié de nature à faire présumer un harcèlement moral ; qu'au soutien de sa demande de dommages-intérêts, madame X... produisait, d'une part, l'avis médical du 1er février 2008, prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 31 décembre 2008 pour « surmenage et harcèlement moral » et, d'autre part, le certificat médical établi par le médecin du travail, le 27 octobre 2008, constatant « un état dépressif réactionnel aux difficultés relationnelles avec son employeur et aux conditions de vie au travail » ; qu'en déboutant madame X... de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, sans analyser les documents médicaux attestant de ce que son état dépressif était en lien avec ses conditions de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
3) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE le salarié n'a pas à rapporter la preuve du harcèlement dont il prétend être victime mais seulement d'éléments de nature à faire présumer l'existence de celui-ci ; qu'en rejetant la demande de madame X... au seul motif qu'elle ne justifiait pas que son état dépressif était en lien avec les faits de harcèlement dont elle aurait été victime, la cour d'appel, qui a imposé à la salariée de rapporter la preuve du harcèlement, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à question préjudicielle sur la légalité de l'autorisation de licenciement de madame X... et d'AVOIR débouté cette dernière de sa demande de renvoi des parties devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
AUX MOTIFS QUE sur le licenciement et la question préjudicielle ; qu'il est avéré que le conseil de prud'hommes n'a pas expressément statué sur ces demandes et qu'à cet égard, le jugement doit être complété ; que le licenciement de madame X..., salariée protégée, a fait l'objet d'une autorisation par l'inspection du travail le 19 février 2009 ; que la décision n'a pas été contestée devant la juridiction compétente ; qu'au regard de la séparation des pouvoirs, il n'appartient pas au juge judiciaire de remettre en cause l'appréciation au fond faite par l'inspecteur du travail des différents éléments permettant d'apprécier la légitimité d'un licenciement d'un salarié protégé ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites et spécialement de la décision administrative prise par l'inspecteur du travail le 19 février 2009 que ce dernier a autorisé le licenciement après enquête, au vu de la demande faite par le gérant de la société, l'avis médical rendu par le médecin du travail, l'entretien préalable en date du 3 février 2009, la réunion extraordinaire de consultation des délégués du personnel en date du 22 janvier 2009, et après avoir procédé à une enquête contradictoire le 12 février 2009 dans les locaux de l'inspection du travail au cours de laquelle il a entendu le gérant de la société et la salariée assistée d'un délégué syndical ; que l'inspecteur du travail a motivé sa décision au regard de la régularité de la procédure, de l'avis du médecin du travail, de l'avis des représentants du personnel, de la réalité des recherches de reclassement et de l'absence de tout lien entre la demande déposée et le mandat détenu par la salariée ; qu'il apparaît donc que la légalité de la décision n'est pas sérieusement contestable ; que madame X... sera en conséquence déboutée de sa demande tendant à surseoir à statuer dans l'attente de la saisine du tribunal administratif auquel il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle ;
ALORS QUE, d'une part, il revient au juge judiciaire de vérifier si la légalité de la décision administrative autorisant le licenciement d'un salarié protégé fait l'objet d'une contestation sérieuse et, dans l'affirmative, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge administratif se soit prononcé sur ce point ; que, d'autre part, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que, dans ses conclusions d'appel, madame X..., qui sollicitait le sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif sur la légalité de l'autorisation administrative de licenciement, faisait valoir que l'employeur n'avait procédé qu'à des recherches de reclassement externe, s'étant cru dispensé par l'avis médical d'inaptitude de toute recherche de reclassement interne ; qu'en se bornant à affirmer, par un motif d'ordre général, que l'inspecteur du travail avait motivé sa décision autorisant le licenciement de madame X... « au regard de la réalité des recherches de reclassement », sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si le constat de l'absence de toute tentative de reclassement interne effectuée par l'employeur, au prétexte que le médecin du travail avait conclu à l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise pour raison médicale, n'était pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision administrative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2 et L. 2421-3 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-19273
Date de la décision : 18/12/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 14 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 déc. 2013, pourvoi n°12-19273


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.19273
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