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11/12/2013 | FRANCE | N°12-24276;12-24277;12-24278;12-24279;12-24280;12-24281;12-24282;12-24283;12-24284;12-24285;12-24286;12-24287;12-24288;12-24289;12-24290;12-24291;12-24292;12-24293;12-24294;12-24295;12-24296;12-24297;12-24298;12-24301;12-24302;12-24303;12-24304;12-24305;12-24306;12-24307;12-24308;12-24309;12-24310;12-24311;12-24312;12-24313;12-24314;12-24315;12-24316;12-24317;12-24318;12-24319;12-24320;12-24321;12-24322;12-24323;12-24324;12-24325;12-24326;12-24327;12-24328;12-24329;12-24330;12-24331;12-24332;12-24333;12-24334;12-24335;12-24336;12-24337;12-24338;12-24339;12-24340;12-24341;12-24342;12-24343;12-24344;12-24345;12-24346;12-24347;12-24348;12-24349;12-24350;12-24351;12-24352;12-24353;12-24354;12-24355;12-24356;12-24357;12-24358;12-24359;12-24360;12-24361;12-24362;12-24363;12-24364;12-24365;12-24366;12-24367;12-24368;12-24369;12-24370;12-24371;12-24372;12-24373;12-24374;12-24375;12-24376;12-24377;12-24378;12-24379

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 décembre 2013, 12-24276 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° K 12-24. 276 à J 12-24. 298 et N 12-24. 301 à X 12-24. 379 ;
Sur le moyen unique, commun à tous les pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Poitiers, 27 juin 2012), que cent deux salariés de la société Camif (la société) licenciés à la suite de la liquidation judiciaire de celle-ci, prononcée le 18 mars 2009, ont saisi la juridiction prud'homale aux fins notamment de fixation de leur créance au titre de la prime prévue par l'article 30 de la convention

collective nationale des entreprises de vente à distance du 6 février 2001...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° K 12-24. 276 à J 12-24. 298 et N 12-24. 301 à X 12-24. 379 ;
Sur le moyen unique, commun à tous les pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Poitiers, 27 juin 2012), que cent deux salariés de la société Camif (la société) licenciés à la suite de la liquidation judiciaire de celle-ci, prononcée le 18 mars 2009, ont saisi la juridiction prud'homale aux fins notamment de fixation de leur créance au titre de la prime prévue par l'article 30 de la convention collective nationale des entreprises de vente à distance du 6 février 2001 et par l'accord de l'unité économique et sociale Camif (UES Camif) du 19 novembre 2007 ; que le syndicat Fédération des employés et cadres Force ouvrière et le syndicat Confédération française du travail des services sont intervenus volontairement aux instances ;
Attendu que le liquidateur judiciaire fait grief aux arrêts d'accueillir les demandes des salariés et de dire leurs créances garanties par l'AGS, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il ressort du préambule de l'accord collectif de l'UES Camif relatif à la prime annuelle du 19 novembre 2007 que la direction a accepté de le conclure parce qu'elle « entrevoit, dans une perspective prochaine, que l'entreprise puisse renouer avec la profitabilité », les parties ayant le « souci de trouver un juste équilibre entre leurs positions respectives, qui tiennent compte des contraintes économiques fortes auxquelles sont confrontées les sociétés de l'UES Camif » ; qu'ainsi l'accord n'existait que compte tenu de l'espoir de renouer avec la profitabilité, les primes qu'il instituait n'étant dues qu'à compter du 1er janvier 2009, « c'est-à-dire durant l'exercice au cours duquel il est attendu un retour à l'équilibre au sein de Camif » (article 3 de l'accord), le versement des primes litigieuses étant dans ces conditions nécessairement subordonné à une condition de profitabilité retrouvée ; que cela est d'autant plus certain que l'article 2, accordant des primes aux salariés ayant quitté l'entreprise entre le 1er mai 2005 et le 31 décembre 2008, indiquait que ces primes avaient pour objet « de tenir compte du fait qu'ils perdent une chance de pouvoir accéder à l'octroi de ladite prime à effet de l'année 2009 » : la référence à la notion de perte de chance n'a de sens que parce que dans l'esprit des signataires de l'accord, le versement de la prime à compter du 1er janvier 2009 n'était pas certain du fait de la condition de retour à la profitabilité, les salariés ayant quitté l'entreprise avant cette date n'étant pas certains de pouvoir en bénéficier s'ils étaient restés dans l'entreprise ; qu'en jugeant cependant que la mise en oeuvre de l'accord collectif de l'UES Camif relatif à la prime annuelle du 19 novembre 2007 n'était pas subordonnée à une condition suspensive de retour à la profitabilité, la cour d'appel a violé cet accord ;
2°/ que l'article 30, alinéa 2, de la convention collective de vente par catalogue, devenue la convention collective des entreprises de vente à distance, stipule que « les conditions d'attribution et les modalités pratiques du versement de la prime seront déterminées à l'intérieur de chaque entreprise après consultation des représentants du personnel et des organisations syndicales » ; qu'il n'interdit donc pas de poser une condition de profitabilité de l'entreprise, si bien qu'aucun retard de paiement ne peut être reproché à une entreprise qui a posé une telle condition et n'a versé aucune prime faute pour cette condition d'être remplie ; qu'en l'espèce cependant la cour d'appel a jugé que l'accord du 19 novembre 2007 ne pouvait contenir aucune condition de profitabilité au prétexte que l'esprit de l'accord aurait été de « sortir de la subordination du paiement de la prime à la notion de résultat, et d'éviter un risque contentieux important, la revalorisation de la prime ayant pour objectif de compenser le retard de paiement et l'absence de paiement pour les années antérieures » ; que pourtant, aucun retard de paiement ne pouvait être reproché en l'état d'une condition de profitabilité, que l'article 30 susvisé n'interdisait pas, et qui n'a jamais été remplie ; qu'il sera en conséquence jugé que la cour d'appel a violé l'article 30 de la convention collective de vente par catalogue, devenue la convention collective des entreprises de vente à distance ;
3°/ qu'il ressort des propres constatations des juges du fond que, selon le conciliateur désigné par le tribunal de commerce, si « l'esprit de l'accord était de sortir de la subordination du paiement de la prime à la notion de résultat de l'entreprise », il n'en restait pas moins qu'il avait été décidé en définitive de « cale r la prime avec la date de retour (sous entendu retour à la profitabilité) » ; que la cour d'appel a encore constaté que l'accord litigieux n'était pas frauduleux dès lors que les parties ne pouvaient pas « prévoir fin 2007 l'impossibilité de verser la prime deux ans plus tard », c'est-à-dire que selon la cour d'appel, les parties prévoyaient, de bonne foi, qu'il serait possible de payer les primes litigieuses en 2009 quand cela était impossible en 2007 ; qu'il s'en évinçait que l'accord contenait nécessairement une condition de retour à la profitabilité, entendue à tout le moins comme le retour à une situation comptable suffisamment restaurée pour pouvoir payer les primes instituées par l'accord ; qu'en affirmant cependant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences égales de ses propres constatations, a violé l'accord collectif de l'UES Camif relatif à la prime annuelle du 19 novembre 2007 ;
4°/ que les juges du fond doivent préciser l'origine de leurs renseignements ; qu'en affirmant péremptoirement que M. X..., le directeur des ressources humaines de l'UES Camif, avait affirmé aux syndicats négociant l'accord qu'il n'y avait pas de condition suspensive, sans dire d'où elle tirait ce renseignement, quand l'employeur faisait au contraire valoir que M. X... avait admis l'existence de la condition de profitabilité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que le juge prud'homal est compétent pour connaître de l'interprétation d'un accord collectif lorsque celle-ci est nécessaire à la solution d'un litige lié au contrat de travail d'un salarié ; qu'en refusant de faire application de la condition de profitabilité au prétexte que cette condition aurait été imprécise et non chiffrée, la cour d'appel, qui a ainsi refusé d'interpréter le texte conventionnel dont elle devait faire application, a méconnu son office et violé l'article L. 1422-1 du code du travail ;
6°/ subsidiairement que commettent une fraude les parties à un accord collectif qui conviennent du paiement de sommes qu'elles savent trop importante au regard des moyens de l'entreprise ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la cour d'appel qu'au jour de la conclusion de l'accord litigieux du 19 novembre 2007, « la situation du groupe se caractérisait par des pertes de plusieurs millions d'euros » et que si « à cette date était attendue l'arrivée d'investisseurs qui ont apporté soit des capitaux (Varde, Spectra, 3 Suisses) à hauteur de 21 millions d'euros, soit des fonds (MAIF, MACIF) par voie d'emprunt à hauteur de 18 millions d'euros », il reste « de fait que la situation n'a pas été rétablie et que la société a été placée d'abord en redressement judiciaire le 27 octobre 2008 puis en liquidation judiciaire le 18 mars 2009 » ; qu'il s'en évinçait que l'accord du 19 novembre 2007 était frauduleux, au préjudice de l'AGS et des créanciers de l'entreprise, en ce qu'il prévoyait le paiement de sommes que les parties savaient trop importantes au regard des moyens de l'entreprise effectivement mise en liquidation ; qu'en écartant cependant l'existence d'une fraude, la cour d'appel a violé le principe fraus omnia corrompit ;
Mais attendu, d'abord, qu'en retenant que l'accord collectif de l'UES Camif relatif à la prime annuelle ne subordonnait pas le versement de la prime à un retour de l'entreprise à la profitabilité, la cour d'appel a fait une exacte application de ce texte ;
Attendu, ensuite, que le rejet de la première branche du moyen rend inopérantes les deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches qui se fondent sur des motifs surabondants ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa sixième branche comme s'attaquant à un chef de dispositif ne faisant pas grief au demandeur au pourvoi, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Dutour, ès qualités, de liquidateur judiciaire de la société Camif aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Dutour, ès qualités, à payer aux salariés, au syndicat Fédération des employés et cadres Force ouvrière et au syndicat Confédération française du travail des services la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Dutour, ès qualités
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que l'accord UES CAMIF du 19 novembre 2007 ne soumet pas l'attribution de la prime annuelle visée à l'article 30 de la convention collective nationale de la vente à distance à un retour à la profitabilité, fixé la créance de chaque salarié et dit que la créance de chaque salarié fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société CAMIF SA au titre de l'accord du 19 novembre 2007 est garantie par l'AGS CGEA de Bordeaux ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la créance : La convention collective des entreprises de vente par catalogue du Nord et de l'Est de la France, devenue la convention collective des entreprises de vente à distance étendue par arrêté du 22 avril 2005, devenue applicable à la société Camif SA à compter du 1er mai 2005, prévoit : " Prime ou gratification annuelle ; le personnel ¿ ouvriers employés', ¿ agents de maîtrise et techniciens'¿ ingénieurs et cadres'de la vente par catalogue bénéficie d'une prime annuelle qui ne peut être inférieure aux deux tiers du 1/ 12ème des salaires perçus au cours des douze derniers mois. Les conditions d'attribution et les modalités pratiques du versement de la prime seront déterminées à l'intérieur de chaque entreprise après consultation des représentants du personnel et des organisations syndicales... " Il n'est pas contesté que cette disposition, qui se borne à fixer un principe et un minimum, n'était donc pas d'application directe et que les modalités de celle-ci devaient au préalable en être déterminées au sein de l'UES Camif selon ses termes même. Les discussions engagées après l'entrée en vigueur de la convention collective nationale n'ont pas abouti et la prime n'a pas été versée en 2005, 2006 et 2007, la direction en conditionnant unilatéralement le versement à un retour à l'équilibre qui ne s'est pas réalisé. Un accord collectif a été conclu le 19 novembre 2007 au sein de l'Ues Camif pour la mise en oeuvre de cette prime, accord qui prévoyait le versement de la prime annuelle à compter du 1er janvier 2009, ainsi que le paiement d'une prime forfaitaire aux salariés ayant quitté l'entreprise entre le 1ermai 2005 et le 31 décembre 2008, " pour tenir compte du fait qu'ils perdent une chance de pouvoir accéder à l'octroi de ladite prime à effet de l'année 2009 ". Cette prime forfaitaire est déterminée, pour les salariés concernés par le présent litige, comme suit :- départ au cours de l'année 2009 avec une ancienneté supérieure à deux ans : 2/ 12ème du salaire brut perçu au cours des douze derniers mois, plafonnée à 7000 ¿,- départ au cours de l'année 2008, 2, 4/ 12ème du salaire brut perçu au cours des douze derniers mois pondéré du nombre de mois de travail effectif entre le 1er mai 2005 et la date de départ,- départ au cours de l'année 2007 : 1, 8/ 12ème du salaire brut perçu au cours des douze derniers mois pondéré du nombre de mois de travail effectif entre le 1er mai 2005 et la date de départ. Le conseil de prud'hommes a accordé à ce titre au salarié la somme demandée outre congés payés et a dit que l'accord du 19 novembre 2007 était inopposable à l'Ags Cgea. Il ne peut être contesté que la prime est due en application de ces dispositions conventionnelles, dont la mise en oeuvre n'est pas subordonnée à une condition suspensive de retour à la profitabilité, notion succédant à celle de retour à l'équilibre, tel qu'il avait auparavant été envisagé unilatéralement par l'employeur comme condition du versement. L'accord du 19 novembre 2007 résulte d'un compromis qui explique la présence dans le préambule de la référence à un retour à la profitabilité ; il est même précisé que les organisations syndicales étaient opposées à ce que le versement de la prime soit conditionné à un résultat équilibré avant impôt et l'accord avait pour objectif essentiel de retarder à 2009, après injection de capitaux extérieurs, le paiement de la prime qui était en théorie due dès mai 2005 ; en effet la terminologie propre aux conditions suspensives n'a pas été utilisée dans la lettre dudit accord et ne relève pas de l'esprit de celui-ci, qui avait pour objet de mettre en oeuvre la disposition obligatoire de la convention collective nationale ; le directeur des ressources humaines de l'Ues Camif, M. X..., a affirmé aux syndicats négociant l'accord qu'il n'y avait pas de condition suspensive. Par ailleurs l'accord est scindé en deux parties, le préambule portant rappel des parties signataires, des conditions dans lesquelles la négociation a été engagée et le corps de l'accord commençant par la phrase " c'est ainsi que les parties ont après discussions conclu ce qui suit " ; la référence au retour à l'équilibre n'est invoquée dans cette seconde partie qu'au sein de l'article 3 et uniquement pour rappeler qu'il était attendu ; l'accord fixe dans un style direct, impératif et non conditionnel un calendrier de versement de la prime lié exclusivement à l'ancienneté du salarié ou à la date de la fin de son contrat de travail dans des conditions prédéterminées. Enfin les termes de la requête du conciliateur désigné par le tribunal de commerce, maître Y..., mentionnent que l'esprit de l'accord était de sortir de la subordination du paiement de la prime à la notion de résultat, et d'éviter un risque contentieux important, la revalorisation de la prime ayant pour objectif de compenser le retard de paiement et l'absence de paiement pour les années antérieures. La circonstance que cette prime ne corresponde pas à un travail supplémentaire est sans incidence dès lors qu'elle est due en tant qu'accessoire de rémunération en application de la convention collective nationale, et ne suffit pas à la rendre frauduleuse. L'accord d'entreprise pris pour l'application de l'article 30 de la convention collective génère au profit du salarié une créance au passif de la liquidation judiciaire. Ni le mandataire liquidateur, ni l'Ags-Cgea ne peuvent donc fonder leur opposition au principe d'une créance sur l'absence de retour à la profitabilité, notion au demeurant non définie dans l'accord, imprécise et non chiffrée. Le montant de la prime demandée et accordée au salarié par le conseil de prud'hommes n'est pas davantage qu'en première instance contesté en tant que tel par le mandataire liquidateur et par l'Ags-Cgea. Il est produit par le salarié ses douze derniers bulletins de salaire, son certificat de travail mentionnant son ancienneté, une fiche de calcul par référence à son ancienneté, son salaire et la date de la fin de son contrat de travail et les calculs sont conformes aux dispositions de l'accord pertinentes au regard de son ancienneté. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce que :- il a dit que l'accord Ues Camif du 19 novembre 2007 ne soumet pas l'attribution de la prime annuelle visée dans l'article 30 de la convention collective nationale des entreprises de vente par correspondance à un retour à la profitabilité,- il a fixé la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société Camif SA à la somme demandée, outre congés payés afférents, au titre de la prime annuelle prévue par l'accord du 19 novembre 2007 » ; « Pour le surplus, l'Ags-Cgea fait valoir que l'accord d'entreprise du 19 novembre 2007 a été conclu en fraude de ses droits, dès lors qu'il était certain que la société Cam if SA ne serait pas en mesure de verser cette prime à la date convenue, compte tenu des difficultés structurelles de trésorerie qui étaient les siennes, et que la prime de l'accord d'entreprise est supérieure à celle prévue par l'article 30 de la convention collective nationale. Il incombe à l'Ags-Cgea d'apporter la preuve du caractère frauduleux de l'accord, de nature à lui causer un préjudice dont ses signataires avaient connaissance à la date de signature de l'accord. Il est vrai qu'à la date de la signature de l'accord Ues Camif fin 2007, la situation du groupe se caractérisait par des pertes de plusieurs millions d'euros ; cependant, à cette date était attendue l'arrivée d'investisseurs qui ont apporté soit des capitaux (Varde, Spectra, 3 Suisses) à hauteur de 21 millions d'euros, soit des fonds (Maif, Macif) par voie d'emprunt à hauteur de 18 millions d'euros. S'il est de fait que la situation n'a pas été rétablie et que la société a été placée d'abord en redressement judiciaire le 27 octobre 2008 puis en liquidation judiciaire le 18 mars 2009, il n'en demeure pas moins que l'accord élaboré sous l'égide d'un conciliateur, maître Y..., permettait d'éviter d'exposer l'entreprise au paiement rétroactif de la prime depuis 2005, au risque contentieux relevé par le conciliateur, et à un risque de mouvement social de nature à aggraver les difficultés de l'entreprise, alors que ce versement, certes porté pour les partants de l'année au-delà de la fraction minimale du salaire fixée par l'article 30 de la convention collective nationale, permettait pour les autres salariés de différer le paiement à 2009. En outre, la société Camif SA n'a été placée en liquidation judiciaire que seize mois après l'accord litigieux. Par ailleurs, les investisseurs étaient informés de la problématique du paiement de la prime, quand bien même leur apport n'avait pas pour objectif d'en permettre le paiement, et souhaitaient un accord global incluant cette question, pour éviter des difficultés futures si cette question n'avait pas été réglée ; en outre, l'accord global homologué dans le cadre de la procédure de sauvegarde avait des objectifs commerciaux, notamment de création de nouveaux points de vente, ce qui montre que les investisseurs se plaçaient, nonobstant l'obligation de paiement de la prime, dans une perspective d'avenir. La requête de maître Y... en date du 16 octobre 2007 au tribunal de commerce tendant à l'homologation de l'accord de conciliation avec les investisseurs fait expressément référence à la nécessité d'avoir à éviter le risque de devoir payer la prime rétroactivement depuis l'entrée en vigueur de la convention collective nationale et au projet d'accord conclu avec les syndicats, ce qui établit le caractère de concessions réciproques dès lors que l'écueil du paiement rétroactif depuis le 1er mai 2005 était contourné. L'accord a enfin été homologué par le tribunal de commerce de Niort, ce qui impliquait d'une part que le débiteur n'était pas en état de cessation de paiement, et d'autre part que les termes de l'accord étaient de nature à assurer la pérennité de l'entreprise ; sauf à mettre en cause l'intégrité du conciliateur et celle des signataires, à leur prêter le pouvoir de prévoir fin 2007 l'impossibilité de verser la prime deux ans plus tard, et à estimer que les investisseurs faisaient des opérations à perte, même s'ils avaient obtenu des garanties, il ne peut être retenu que l'ensemble des signataires de l'accord avaient conscience de porter préjudice à I'Ags-Cgea, à qui incomberait finalement le paiement de la prime, nonobstant certains propos tenus en réunion. Il n'est donc pas établi que l'accord du 19 novembre 2007 ait été signé en fraude des droits de l'Ags-Cgea et cet organisme doit sa garantie pour la créance du salarié telle que fixée par le jugement, créance qui est de nature salariale »
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Dans le cadre de la présente procédure, les défendeurs s'opposent au versement de toute somme sur le fondement dudit accord du 19 novembre 2007 au motif que sa mise en oeuvre serait soumise à un retour à profitabilité. Cependant, la terminologie propre aux conditions suspensives n'a pas été employée dans ledit accord. Aucune notion proche n'y est usitée, ni dans l'esprit ni dans la lettre. L'accord est scindé en deux parties, le préambule portant rappel préliminaire des parties signataires, des conditions dans lesquelles la négociation a été engagée et le corps de celui-ci commençant par la phrase " c'est ainsi que les parties ont après discussions conclu ce qui suit ". La référence à un retour à l'équilibre n'est invoquée dans cette seconde partie qu'au sein de l'article 3 et uniquement pour rappeler qu'il était attendu. L'accord fixe dans un style direct, impératif et non conditionnel un calendrier arrêtant définitivement le rythme des versements de la prime et les modalités d'attribution liées exclusivement à des conditions d'ancienneté, de maintien du salarié concerné dans la société ou de cessation du contrat de travail dans des périodes prédéterminées. Si le préambule traite de la question du retour à la profitabilité, il ne le fait que sous la forme d'un rappel du contexte dans lequel s'inscrit la négociation ayant abouti à l'accord discuté. Loin d'instituer une condition suspensive à laquelle l'ensemble de l'accord serait suspendu, il y est précisé que les organisations syndicales représentatives étaient opposées au principe de soumettre, l'attribution de la prime à une condition d'obtention d'un résultat avant impôt du groupe à l'équilibre. L'objet exclusif de la négociation était de parvenir à ce que les syndicats acceptent le report du versement de la prime à une date lointaine, postérieure à l'injection de capitaux dans des sociétés du groupe par des investisseurs étrangers tels que la société VARDE aux fins d'assainir la situation financière de celui-ci. Au-delà de l'exégèse du texte, cette analyse se déduit également des propos tenus par le conciliateur (Maître Y... Régis) désigné par ordonnance du 25 juin 2007 rendue par le président du Tribunal de Commerce de NIORT, en charge notamment de la négociation de l'accord du 19 novembre 2007. Dans sa requête en date du 16 octobre 2007 portant demande d'homologation de l'accord de conciliation régularisé entre la société CAMIF SA et la société CAMIF PARTICULIERS d'une part, et les sociétés VARDE, SPECTRA, GROUPE SAINT JACQUES (...) d'autre part, le professionnel expose que :- la négociation portait sur la conclusion d'un accord pour le futur (page 9 de la requête),- " le projet d'accord collectif relatif à la prime annuelle prévoyait le versement forfaitaire en 2009 d'une prime pour les personnels ayant quitté l'entreprise au plus tard le 21 décembre 2008, sans remise en cause de la condition d'attribution jusqu'à cette date en renonçant à la condition de l'atteinte d'un résultat courant avant impôt du groupe à l'équilibre et aux conditions cumulatives d'un départ du salarié après le 24 avril 2005, de l'absence de signature de transaction individuelle, cette prime forfaitaire et définitive s'établissant à un mois du dernier salaire brut du salarié concerné (page 10 de la requête) ". L'auteur de la requête s'exprimait dans les mêmes termes lors d'une rencontre organisée le 12 octobre 2007 entre les organisations syndicales, le représentant de la direction et Maître Y... Régis, dont les échanges ont été retranscrits. Il rappelait alors qu'il y avait une volonté de " sortir de la notion de subordination de la prime annuelle à la notion de résultat (...) C'est pour cela ajoutait-il que " l'on cale la prime avec la date de retour " (sous entendu retour à la profitabilité). C'est pour compenser l'effet retard et éviter un contentieux en masse que le versement de la prime a été revalorisé à la hausse par rapport au montant arrêté par l'article 30 de la convention collective. Les signataires de l'accord du 19 novembre 2007 n'ayant pas assorti son exécution à une condition suspensive de retour à la profitabilité, Maître Z... ne peut invoquer l'absence d'accomplissement de celle-ci. Aussi, le demandeur, remplissant les conditions d'ancienneté, est en droit de prétendre, au titre de la prime annuelle prévue par l'accord du 19 novembre 2007, au paiement de la somme sollicitée dans ses demandes, somme qui sera comptabilisée au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société CAMIF SA » ;
1) ALORS QU'il ressort du préambule de l'accord collectif de l'UES CAMIF relatif à la prime annuelle du 19 novembre 2007 que la direction a accepté de le conclure parce qu'elle « entrevoit, dans une perspective prochaine, que l'entreprise puisse renouer avec la profitabilité », les parties ayant le « souci de trouver un juste équilibre entre leurs positions respectives, qui tiennent compte des contraintes économiques fortes auxquelles sont confrontées les sociétés de l'UES CAMIF » ; qu'ainsi l'accord n'existait que compte tenu de l'espoir de renouer avec la profitabilité, les primes qu'il instituait n'étant dues qu'à compter du 1er janvier 2009, « c'est-à-dire durant l'exercice au cours duquel il est attendu un retour à l'équilibre au sein de CAMIF » (article 3 de l'accord), le versement des primes litigieuses étant dans ces conditions nécessairement subordonné à une condition de profitabilité retrouvée ; que cela est d'autant plus certain que l'article 2, accordant des primes aux salariés ayant quitté l'entreprise entre le 1er mai 2005 et le 31 décembre 2008, indiquait que ces primes avaient pour objet « de tenir compte du fait qu'ils perdent une chance de pouvoir accéder à l'octroi de ladite prime à effet de l'année 2009 » : la référence à la notion de perte de chance n'a de sens que parce que dans l'esprit des signataires de l'accord, le versement de la prime à compter du 1er janvier 2009 n'était pas certain du fait de la condition de retour à la profitabilité, les salariés ayant quitté l'entreprise avant cette date n'étant pas certains de pouvoir en bénéficier s'ils étaient restés dans l'entreprise ; qu'en jugeant cependant que la mise en oeuvre de l'accord collectif de l'UES CAMIF relatif à la prime annuelle du 19 novembre 2007 n'était pas subordonnée à une condition suspensive de retour à la profitabilité, la Cour d'appel a violé cet accord ;
2) ALORS QUE l'article 30 alinéa 2 de la convention collective de vente par catalogue, devenue la convention collective des entreprises de vente à distance, stipule que « Les conditions d'attribution et les modalités pratiques du versement de la prime seront déterminées à l'intérieur de chaque entreprise après consultation des représentants du personnel et des organisations syndicales » ; qu'il n'interdit donc pas de poser une condition de profitabilité de l'entreprise, si bien qu'aucun retard de paiement ne peut être reproché à une entreprise qui a posé une telle condition et n'a versé aucune prime faute pour cette condition d'être remplie ; qu'en l'espèce cependant la Cour d'appel a jugé que l'accord du 19 novembre 2007 ne pouvait contenir aucune condition de profitabilité au prétexte que l'esprit de l'accord aurait été de « sortir de la subordination du paiement de la prime à la notion de résultat, et d'éviter un risque contentieux important, la revalorisation de la prime ayant pour objectif de compenser le retard de paiement et l'absence de paiement pour les années antérieures » ; que pourtant, aucun retard de paiement ne pouvait être reproché en l'état d'une condition de profitabilité, que l'article 30 susvisé n'interdisait pas, et qui n'a jamais été remplie ; qu'il sera en conséquence jugé que la Cour d'appel a violé l'article 30 de la convention collective de vente par catalogue, devenue la convention collective des entreprises de vente à distance ;
3) ALORS QU'il ressort des propres constatations des juges du fond que, selon le conciliateur désigné par le tribunal de commerce, si « l'esprit de l'accord était de sortir de la subordination du paiement de la prime à la notion de résultat de l'entreprise », il n'en restait pas moins qu'il avait été décidé en définitive de « cale r la prime avec la date de retour (sous entendu retour à la profitabilité) » ; que la Cour d'appel a encore constaté que l'accord litigieux n'était pas frauduleux dès lors que les parties ne pouvaient pas « prévoir fin 2007 l'impossibilité de verser la prime deux ans plus tard », c'est-à-dire que selon la Cour d'appel, les parties prévoyaient, de bonne foi, qu'il serait possible de payer les primes litigieuses en 2009 quand cela était impossible en 2007 ; qu'il s'en évinçait que l'accord contenait nécessairement une condition de retour à la profitabilité, entendue à tout le moins comme le retour à une situation comptable suffisamment restaurée pour pouvoir payer les primes instituées par l'accord ; qu'en affirmant cependant le contraire, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences égales de ses propres constatations, a violé l'accord collectif de l'UES CAMIF relatif à la prime annuelle du 19 novembre 2007 ;
4) ALORS QUE les juges du fond doivent préciser l'origine de leurs renseignements ; qu'en affirmant péremptoirement que monsieur
X...
, le directeur des ressources humaines de l'UES CAMIF, avait affirmé aux syndicats négociant l'accord qu'il n'y avait pas de condition suspensive, sans dire d'où elle tirait ce renseignement, quand l'employeur faisait au contraire valoir que monsieur
X...
avait admis l'existence de la condition de profitabilité, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
5) ALORS QUE le juge prud'homal est compétent pour connaître de l'interprétation d'un accord collectif lorsque celle-ci est nécessaire à la solution d'un litige lié au contrat de travail d'un salarié ; qu'en refusant de faire application de la condition de profitabilité au prétexte que cette condition aurait été imprécise et non chiffrée, la Cour d'appel, qui a ainsi refusé d'interpréter le texte conventionnel dont elle devait faire application, a méconnu son office et violé l'article L. 1422-1 du Code du travail ;
6) ALORS subsidiairement QUE commettent une fraude les parties à un accord collectif qui conviennent du paiement de sommes qu'elles savent trop importante au regard des moyens de l'entreprise ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la Cour d'appel qu'au jour de la conclusion de l'accord litigieux du 19 novembre 2007, « la situation du groupe se caractérisait par des pertes de plusieurs millions d'euros » et que si « à cette date était attendue l'arrivée d'investisseurs qui ont apporté soit des capitaux (Varde, Spectra, 3 Suisses) à hauteur de 21 millions d'euros, soit des fonds (Maif, Macif) par voie d'emprunt à hauteur de 18 millions d'euros », il reste « de fait que la situation n'a pas été rétablie et que la société a été placée d'abord en redressement judiciaire le 27 octobre 2008 puis en liquidation judiciaire le 18 mars 2009 » ; qu'il s'en évinçait que l'accord du 19 novembre 2007 était frauduleux, au préjudice de l'AGS et des créanciers de l'entreprise, en ce qu'il prévoyait le paiement de sommes que les parties savaient trop importantes au regard des moyens de l'entreprise effectivement mise en liquidation ; qu'en écartant cependant l'existence d'une fraude, la Cour d'appel a violé le principe fraus omnia corrompit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-24276;12-24277;12-24278;12-24279;12-24280;12-24281;12-24282;12-24283;12-24284;12-24285;12-24286;12-24287;12-24288;12-24289;12-24290;12-24291;12-24292;12-24293;12-24294;12-24295;12-24296;12-24297;12-24298;12-24301;12-24302;12-24303;12-24304;12-24305;12-24306;12-24307;12-24308;12-24309;12-24310;12-24311;12-24312;12-24313;12-24314;12-24315;12-24316;12-24317;12-24318;12-24319;12-24320;12-24321;12-24322;12-24323;12-24324;12-24325;12-24326;12-24327;12-24328;12-24329;12-24330;12-24331;12-24332;12-24333;12-24334;12-24335;12-24336;12-24337;12-24338;12-24339;12-24340;12-24341;12-24342;12-24343;12-24344;12-24345;12-24346;12-24347;12-24348;12-24349;12-24350;12-24351;12-24352;12-24353;12-24354;12-24355;12-24356;12-24357;12-24358;12-24359;12-24360;12-24361;12-24362;12-24363;12-24364;12-24365;12-24366;12-24367;12-24368;12-24369;12-24370;12-24371;12-24372;12-24373;12-24374;12-24375;12-24376;12-24377;12-24378;12-24379
Date de la décision : 11/12/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 27 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 déc. 2013, pourvoi n°12-24276;12-24277;12-24278;12-24279;12-24280;12-24281;12-24282;12-24283;12-24284;12-24285;12-24286;12-24287;12-24288;12-24289;12-24290;12-24291;12-24292;12-24293;12-24294;12-24295;12-24296;12-24297;12-24298;12-24301;12-24302;12-24303;12-24304;12-24305;12-24306;12-24307;12-24308;12-24309;12-24310;12-24311;12-24312;12-24313;12-24314;12-24315;12-24316;12-24317;12-24318;12-24319;12-24320;12-24321;12-24322;12-24323;12-24324;12-24325;12-24326;12-24327;12-24328;12-24329;12-24330;12-24331;12-24332;12-24333;12-24334;12-24335;12-24336;12-24337;12-24338;12-24339;12-24340;12-24341;12-24342;12-24343;12-24344;12-24345;12-24346;12-24347;12-24348;12-24349;12-24350;12-24351;12-24352;12-24353;12-24354;12-24355;12-24356;12-24357;12-24358;12-24359;12-24360;12-24361;12-24362;12-24363;12-24364;12-24365;12-24366;12-24367;12-24368;12-24369;12-24370;12-24371;12-24372;12-24373;12-24374;12-24375;12-24376;12-24377;12-24378;12-24379


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.24276
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