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10/12/2013 | FRANCE | N°12-87457

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 décembre 2013, 12-87457


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 18 septembre 2012, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. Patrick X... du chef de fraude ou fausses déclarations pour obtenir des prestations ou des allocations liquidées ou versées par l'organisme de protection sociale ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 novembre 2013 où Ã

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 18 septembre 2012, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. Patrick X... du chef de fraude ou fausses déclarations pour obtenir des prestations ou des allocations liquidées ou versées par l'organisme de protection sociale ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 novembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Bayet, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de M.le conseiller BAYET, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI et de la société civile professionnelle POTIER de la VARDE et BUK-LAMENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, L. 114-13 du code de la sécurité sociale, 6 § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1382 du code civil, de l'article préliminaire ainsi que des articles 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation de la loi, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault de son action civile, après avoir relaxé M. X... des fins des poursuites engagées contre lui ;
"aux motifs propres que Mme Y..., au vu de son propre planning, déclarait que, pour 2007, elle avait remplacé M. X... pendant treize jours pendant lesquels il était au repos ; que Mme Z... déclarait pour sa part que M. X... prenait une semaine de congés par an et quelques jours par-ci par-là ; que, lorsqu'elles intervenaient, l'une comme l'autre facturaient leurs propres interventions ; que les enquêteurs s'attachaient plus particulièrement, à titre d'exemple, aux soins et facturations concernant deux patientes, Mmes A... et B... ; que Mme A... indiquait au SRPJ qu'il n'était jamais arrivé à M. X... de lui emporter sa carte vitale ; que, par contre, elle ne pouvait expliquer pourquoi parfois l'infirmier avait facturé quatre soins et deux déplacements, tandis que le même jour Mme Z... avait également facturé quatre soins et deux déplacements (cela s'était produit le 1er avril 2007, le 12 novembre 2007, le 17 mars 2008, le 30 septembre 2008 et le 28 novembre 2008) ; que, quant à Mme B..., elle indiquait qu'il arrivait quelquefois à M. X... d'avoir oublié son lecture de carte vitale et, dans ces occasions, d'emporter sa carte (¿) ; que la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, applicable directement dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, dispose en son article 6 alinéa 3a, que tout accusé a droit, notamment, à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que cette disposition visant à l'équité du procès et reprise tant par le code de procédure pénale (article préliminaire) que par la jurisprudence, découle de la nécessité de mettre en mesure le prévenu d'organiser efficacement sa défense, et, notamment, d'apporter la démonstration de l'inexactitude ou de la licéité des faits qui lui sont imputés ; qu'une telle démonstration ne peut en effet se concevoir que si ces faits sont énoncés précisément, c'est-à-dire identifiables par chacune des parties ; qu'en l'espèce, et sur la base d'un criblage statistique lui-même fondé sur la durée des actes retenue par la nomenclature générale des actes professionnels, la caisse d'assurance-maladie a relevé ce qu'elle qualifie elle-même dans sa plainte de "présomption de fraude" : l'application des temps standard de la nomenclature au nombre d'actes déclarés et perçus par M. X... conduirait à des temps de travail quotidien pour celui-ci peu vraisemblables, voire parfois matériellement impossibles ; que M. X... soutient, quant à lui, effectuer ses actes en des temps variables, mais pouvant être très inférieurs aux standards ; qu'il a déclaré à l'audience que ces temps étaient manifestement exagérés pour répondre aux intérêts convergents des caisses et des professionnels (limitation du nombre des actes pour les premières, pression à la hausse du prix unitaire de l'acte pour les seconds) ; qu'aucun élément en sens inverse n'a été soumis à la cour ni n'émane de la procédure, quant à l'impossibilité de pratiquer effectivement les actes concernés en des temps inférieurs à la nomenclature ; qu'or, il est en rien établi que l'irrespect par un professionnel du temps indiqué par la nomenclature soit par lui-même constitutif de fraude ou de quelconque autre délit ; que la Cour de Cassation rappelle elle-même (arrêt précité) que la nomenclature générale des actes professionnels n'est pas un élément constitutif du délit ; que le simple calcul arithmétique montre que si M. X... ne passe en moyenne que 15 minutes par acte au lieu de 30, la soi-disant démonstration d'impossibilité s'effondre avec des journées de travail atteignant en pointe de 10 à 12 heures, et n'ayant donc rien d'inconcevable ; qu'il n'appartient pas à la cour d'apprécier si un tel gain de temps, dont se prévaut le prévenu, a été obtenu grâce à ses qualités professionnelles ou au contraire par suite d'une légèreté déontologiquement reprochable mais pénalement non sanctionnable ; qu'en l'absence donc d'une démonstration d'infraction portant sur la globalité des agissements, il conviendrait donc de se référer à des agissements frauduleux portant sur des actes individualisés, et pour lesquels le paiement par la caisse aurait été demandé indûment par le prévenu ; qu'il y a lieu de constater qu'aucun élément de ce type n'émane de la procédure, ni les auditions des infirmières ayant été amenées à suppléer M. X... ni les auditions des quelques patients entendus lors de l'enquête n'apportent d'éléments à charge précis à ce propos ; qu'il n'est, par ailleurs, aucunement prétendu que l'ensemble des demandes de remboursement soumises par M. X... correspondrait à des actes fictifs et serait donc frauduleux ; qu'en conséquence, aucune distinction ne peut être établie dans la procédure entre les actes réellement pratiqués par M. X... et ceux, imaginaires, dont le remboursement aurait été frauduleusement demandé ; qu'il en découle, sur le plan pénal, l'impossibilité pour le prévenu d'organiser sa défense quant à des charges clairement précisées à son encontre ; qu'il en découle également, sur le plan civil, l'absence de démonstration de son préjudice par la caisse ; que, si la jurisprudence admet la détermination d'un préjudice par extrapolation, encore faut-il rappeler qu'une extrapolation nécessite au départ des faits précis ; qu'il s'agit, en effet, d'une "méthode de calcul consistant à établir une courbe théorique à partir de mesures concrètes obtenues dans un champ limité et à en déduire des valeurs en dehors de ce champ", et plus généralement, de "la déduction, à partir de processus ou de comportements concrets observés dans des conditions définies, d'autres processus ou comportements échappant à l'expérimentation" (source : TLF) ; qu'en l'espèce, et faute d'une telle base de départ précise et concrète (tel que pourrait être le nombre d'actes démontrés fictifs par rapport à la journée considérée), la caisse demande le remboursement de la totalité des actes effectués lors des journées " suspectes", sans pouvoir distinguer entre actes réels et actes fictifs ; que cette position même démontre l'insuffisance de l'accusation ; qu'en conclusion, en l'absence de démonstration globale probante et de tout élément précis de charges, il n'est en rien établi que M. X... se soit rendu coupable de fraude ou fausse déclarations pour l'obtention de prestations ou allocations indues versées par un organisme de protection sociale, pas plus que de quelque autre infraction que ce soit au titre des faits couverts par la prévention ; qu'il en résulte que le jugement déféré sera infirmé, et M. X... sera renvoyé des fins de la poursuite ; que, sur l'action civile, en conséquence de ce qui précède, il convient de déclarer la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault recevable en sa constitution de partie civile mais de l'en débouter en l'état de la relaxe intervenue ;
"et aux motifs éventuellement adoptés qu'il y a lieu de déclarer recevable en la forme la constitution de partie civile de la caisse primaire d'assurance maladie ; que, cependant, pour être réparable, le préjudice doit être certain ; qu'il appartient à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que, se bornant à invoquer des actes seulement "présumés fictifs", sans justifier d'aucun acte fictif réellement déterminé, la partie civile n'apporte pas d'éléments suffisamment précis de nature à étayer la somme qu'elle réclame ; qu'en effet, il ne saurait être déduit, par extrapolation, un préjudice proportionnel couvrant l'intégralité de la période de prévention, dès lors, que ne mettant le tribunal en mesure d'apprécier le montant exact du préjudice subi, au demeurant incontestable dans son principe, elle doit être déboutée de sa demande, étant observé qu'il est singulier qu'une somme aussi importantes que celle de 24 463 euros soit réclamée, sans que tous les moyens, à la fois matériels et humains, aient été mis en oeuvre pour justifier des demandes ;
"1) alors que le droit à être informé sur la nature et la cause de l'accusation doit être envisagé à la lumière du droit pour l'accusé de préparer sa défense et n'impose aucune forme particulière quant à la manière dont celui-ci doit être informé ; qu'en l'espèce, la convocation du parquet notifiée à M. X... indiquait que celui-ci était poursuivi pour avoir, courant 2007 et en 2008, trompé la CPAM de l'Hérault, facturé des actes fictifs en ne respectant pas la nomenclature des soins médicaux et surcoté les majorations d'heures de nuit, faits prévus par l'article 313-1, alinéa 2, du code pénal ; que la plainte du 31 août 2009 déposée par la CPAM de l'Hérault entre les mains du procureur de la République de Montpellier et figurant au dossier, indiquait le nombre de jours pour lesquelles l'activité de M. X... avait été d'au moins 20 heures, voire 24 heures, et détaillait dans les annexes 5 et 6 de son rapport d'enquête constituant l'annexe 2 de sa plainte les dates concernées ; que les premiers juges ont requalifié les faits en délit de fraude ou fausse déclaration prévu par l'article L. 114-13 du code de la sécurité sociale ; que, pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite, la cour d'appel a affirmé qu'il avait été dans l'impossibilité d'organiser sa défense quant à des charges clairement précisées à son encontre ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de l'ensemble des éléments susénumérés que le prévenu avait été informé sur la nature et la cause de l'accusation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2) alors que les arrêtés établissant la nomenclature des actes professionnels, qui prévoient la durée minimale d'une séance de soins infirmiers, définissent les conditions de remboursement des actes eux-mêmes ; que la cotation AIS 3 suppose une séance de soins infirmiers d'une demi-heure, à raison de quatre au maximum par 24 heures ; qu'il en résulte que commet, à tout le moins, le délit de fraude ou de fausse déclaration prévu par l'article L. 114-13 du code de la sécurité sociale, l'infirmier qui obtient d'un organisme de protection sociale la prise en charge de cotations AIS 3 pour de telles séances d'une durée inférieure à une demi-heure ; qu'en renvoyant le prévenu des fins de la poursuite, au prétexte que s'il n'avait passé en moyenne, pour accomplir chacun des actes en cause, que 15 minutes au lieu de 30, la démonstration d'impossibilité d'accomplir autant d'actes en une journée s'effondrait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3) alors qu'à tout le moins, il appartenait à la cour d'appel de vérifier si le temps passé par le prévenu au titre des séances de soins qu'il facturait sous la cotation AIS 3 était compatible avec la qualité des soins qui justifie la prise en charge de ces séances par l'organisme de protection sociale ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"4) alors que hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ; que, par suite, une caisse primaire d'assurance maladie est recevable à produire un document indiquant le temps journalier passé par un prestataire de soins en fonction de la durée des actes prévue par la nomenclature des actes professionnels pour établir le délit d'escroquerie ou de fraude ou fausse déclaration précité ; qu'en écartant péremptoirement ce mode de preuve, pour estimer qu'il conviendrait de se référer à des agissements frauduleux portant sur les seuls actes individualisés, la cour d'appel a méconnu le principe de liberté de la preuve en matière pénale, en violation des textes susvisés ;
"5) alors en toute hypothèse qu'il appartient aux juges d'ordonner les mesures d'instruction dont ils reconnaissent la nécessité ; qu'en l'espèce, pour affirmer que l'accusation était insuffisante et retenir « l'absence de démonstration globale probante », la cour d'appel a énoncé que faute d'une base départ précise et concrète du préjudice subi par la plaignante, « tel que pourrait être le nombre d'actes démontrés fictifs par rapport à la journée considérée », la CPAM de l'Hérault demande le remboursement de la totalité des journées suspectes, sans pouvoir distinguer entre actes réels et fictifs ; qu'à supposer adoptés sur ce point les motifs des premiers juges, la cour a encore relevé que le préjudice subi par la caisse était « incontestable dans son principe » ; que l'arrêt a aussi énoncé qu'une patiente du prévenu, Mme A..., ne pouvait expliquer pourquoi ce dernier, à cinq reprises que l'arrêt a mentionnées, avait facturé quatre soins et deux déplacements, tandis que sa remplaçante avait également facturé les mêmes prestations, et qu'il arrivait au prévenu d'emporter la carte vitale d'une autre patiente, Mme B... ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations qu'il aurait été utile de disposer du nombre d'actes fictifs par rapport à la journée considérée et qu'il existait deux témoignages rendant vraisemblable l'existence même de tels actes, la cour d'appel, qui n'a pas ordonné la mesure d'instruction dont elle reconnaissait elle-même implicitement la nécessité, n'a pas justifié légalement sa décision" ;
Attendu que, pour dire non établis les faits, dénoncés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, partie civile, à l'encontre de M. X..., infirmier, de fraude et fausses déclarations pour obtenir des prestations ou des allocations indues, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci soutient avoir effectué ses actes professionnels en des temps inférieurs à ceux indiqués par la nomenclature générale et que ni les auditions des infirmières l'ayant suppléé ni celles des patients n'apportent d'éléments susceptibles d'établir une fraude ou de fausses déclarations ; que les juges, après avoir rappelé qu'un préjudice pouvait être déterminé par extrapolation, relèvent qu'une telle méthode suppose que soit rapportée la preuve de l'existence d'actes fictifs ; qu'ils déduisent de l'absence de démonstration globale probante et de tout élément précis de charges que l'infraction n'est pas constituée à l'encontre de M. X... et, "en l'état de la relaxe intervenue", déboutent la partie civile de ses demandes ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, des faits et circonstances de la cause, et dès lors que le rejet des demandes de la partie civile résulte de la seule constatation de l'absence de fraude, l'arrêt n'encourt pas la censure ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix décembre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-87457
Date de la décision : 10/12/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 18 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 déc. 2013, pourvoi n°12-87457


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.87457
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