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04/12/2013 | FRANCE | N°12-23812;12-23813;12-23814;12-23815;12-23816;12-23817;12-23818;12-23819;12-23820;12-23821;12-23822;12-23823;12-23824;12-23825;12-23826;12-23827

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 décembre 2013, 12-23812 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° F 12-23.812 à X 12-23.827 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme X... et quinze autres salariées sont employées en qualité d'infirmières par la société Clinique de Beaupuy ; qu'elles travaillaient en équipes de jour ou de nuit selon une amplitude journalière de 12 heures (de 8 heures à 20 heures ou de 20 heures à 8 heures) ; qu'elles ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaire, équivalente à quinze minutes par jour travaill

é, correspondant au temps de transmission des informations orales dites « ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° F 12-23.812 à X 12-23.827 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme X... et quinze autres salariées sont employées en qualité d'infirmières par la société Clinique de Beaupuy ; qu'elles travaillaient en équipes de jour ou de nuit selon une amplitude journalière de 12 heures (de 8 heures à 20 heures ou de 20 heures à 8 heures) ; qu'elles ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaire, équivalente à quinze minutes par jour travaillé, correspondant au temps de transmission des informations orales dites « temps de relève » entre les équipes de soignants ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident des salariées :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique commun des pourvois principaux de l'employeur :
Vu l'article L. 3121-1 du code du travail ;
Attendu que pour faire droit à la demande des salariées au titre du temps de transmission, les arrêts, après avoir énoncé que la transmission des informations, nécessaire pour assurer la continuité des soins, fait partie intégrante des fonctions des personnels soignants, retiennent que cette transmission est, certes, en partie effectuée par écrit, pendant le temps de travail effectif, grâce aux outils mis en place par la société Clinique de Beaupuy, mais la transmission orale à l'occasion de la relève, qui assure le lien entre les équipes et permet la communication des informations, notamment celles qui ne sont pas écrites, en est le complément indispensable et que le fait que les horaires de travail des équipes de jour et de nuit ne se chevauchent pas fait concrètement obstacle à ce que le temps de relève soit intégré dans les horaires de travail fixés par l'employeur, ce dont il résulte que la transmission orale, dont l'employeur n'ignore pas le caractère indispensable, implique un temps de travail supplémentaire qui constitue du travail effectif ;
Qu'en se déterminant ainsi, en retenant l'existence d'une information orale inhérente aux fonctions, venant nécessairement en complément de l'information écrite mise en place au sein de l'établissement, sans rechercher si cette information orale, bien que non imposée par l'employeur, était nécessaire et effective et quelle en était la durée exacte, la cour d'appel a privé ses décisions de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Clinique Beaupuy à payer à chacune des salariées, une certaine somme à titre de rappel de salaire pour temps de transmission, les arrêts rendus le 15 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne les salariées aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen commun produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Clinique de Beaupuy, demanderesse aux pourvois principaux n°s F 12-23.812 à X 12-23.827
Il est fait grief aux arrêts attaqués D'AVOIR condamné la clinique de Beaupuy à payer à chaque salariée une somme à titre de rappel de salaire pour le temps de transmission et de congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE l'accord collectif du 22 mars 2001 stipule seulement que « les journées sont organisées en journées continues: le temps de repas d'une demie- heure est comptabilisé dans le temps de travail effectif, à l'exception du service entretien et de l'ergothérapeute..... » ; qu'il ne comporte aucune mention relative au temps de transmission ou de relève ; que s'il est exact que lors des négociations de cet accord, les parties ont envisagé l'intégration d'un temps de relève dans le temps de travail, cela ne suffit pas à établir qu'elles ont finalement eu la volonté, en compensation de la comptabilisation du temps de repas, d'inclure le temps de relève dans le temps de travail effectif, alors que par ailleurs, le chevauchement des horaires des différentes équipes soignantes n'était pas prévu ; que la transmission des informations, nécessaire pour assurer la continuité des soins, fait partie intégrante des fonctions des personnels soignants ; qu'elle est, certes, en partie effectuée par écrit, pendant le temps de travail effectif, grâce aux outils mis en place par la société clinique de Beaupuy - mais la transmission orale, à l'occasion de la relève, qui assure le lien entre les équipes et permet la communication des informations, notamment celles qui ne sont pas écrites, en est un complément indispensable ; que la société clinique de Beaupuy admet d'ailleurs l'existence de cette activité de relève, sur laquelle elle avait accepté de négocier, qu'elle considère comme intégrée dans le temps de travail et dont la nécessité est reconnue de manière constante par les personnels soignants ; qu'or, le fait que les horaires de travail des équipes de jour et de nuit ne se chevauchent pas fait concrètement obstacle à ce que le temps de relève soit intégré dans les horaires de travail fixés par l'employeur ; qu'il en résulte que la transmission orale, dont l'employeur n'ignore pas le caractère indispensable, implique un temps de travail supplémentaire, qui constitue du travail effectif, peu important au regard de la nature de ce temps et de sa rémunération que l'amplitude horaire maximale autorisée ait été dépassée ; que les attestations produites par la salariée sont suffisantes pour évaluer ce temps quotidien à 15 minutes ;
Et aux motifs du jugement de départition éventuellement adoptés que le temps de transmission est imposé par l'employeur de ne pouvoir quitter son poste qu'après passage des consignes ; que la transmission orale ne peut être considérée comme éventuelle dans la mesure où elle est bien imposée par l'employeur sans se limiter aux notes écrites ;
1°- ALORS QUE par accord collectif relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail du 22 mars 2001, la clinique de Beaupuy et les syndicats sont convenus d'un temps d'amplitude horaire maximale de 12 heures tant pour le personnel soignant de jour que pour le personnel soignant de nuit, ce dont il s'évince, que les parties ont nécessairement intégré le temps de transmission des informations médicales dans cette amplitude ; qu'en relevant que l'accord ne prévoyait pas « le chevauchement des horaires des différentes équipes soignantes» pour en déduire l'existence d'un temps de transmission au-delà de l'amplitude de 12 heures quand il ressort précisément du choix d'une telle amplitude que les parties ont entendu écarter tout dépassement de l'horaire de travail, la cour d'appel a violé les articles 3.3.1 et 3.3.2 de l'accord collectif précité, outre l'article 1134 du Code civil ;
2°- ALORS QUE seul le temps de travail commandé par l'employeur ouvre droit au paiement d'un salaire ; que la clinique de Beaupuy a fait valoir qu'elle n'avait donné aucune consigne forçant la salariée à quitter son poste en dehors de l'horaire d'amplitude afin d'assurer une transmission orale de données médicales à l'équipe de relève ; qu'au contraire, à partir de l'accord collectif sur la durée du travail du 22 mars 2001, elle avait mis en place exclusivement une communication écrite par le biais du dossier du patient qui contenait, de manière complète l'ensemble des informations médicales et avait mis en oeuvre un important programme de formation des salariées à ce mode écrit ; que l'existence de cette procédure normalisée de récolte des données, au demeurant imposée par la Haute Autorité de Santé, était la seule à assurer le suivi des actes, la transmission orale s'avérant en réalité dangereuse pour le patient en raison de son absence d'exhaustivité et de traçabilité ; qu'en retenant que l'information orale était un complément indispensable à l'information écrite, sans s'expliquer sur la circonstance que seule l'information écrite était imposée par la clinique de Beaupuy et que ne l'était pas la transmission orale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil et de l'article L.3121-1 du code du travail ;
3° ALORS QU'il n'appartient pas au juge de se substituer à la direction d'une clinique et de dire à sa place quel serait le meilleur mode de transmission des informations médicales ; qu'en jugeant que la transmission orale de données médicales à l'équipe de relève est un complément indispensable à l'information écrite quand la clinique de Beaupuy avait décidé, à partir de l'accord collectif du 22 mars 2001 d'en terminer avec les transmissions orales, peu fiables, et d'imposer aux équipes successives de recourir exclusivement aux transmissions écrites, le juge a excédé ses pouvoirs et a violé l'article L.3121-1 du code du travail ;
4°- ALORS QU'à supposer adoptés les motifs du jugement de départition du 17 décembre 2009, la cour ne peut affirmer que l'employeur a imposé aux salariées de ne quitter leur poste qu'après passage des consignes orales, sans justifier d'une telle assertion et sans dire sur quel élément de preuve elle s'est fondée ; que la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

Moyen commun produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mmes X..., et autres, demanderesses au pourvoi incident
Il est reproché aux arrêts attaqués d'avoir débouté les salariées de leurs demandes au titre des temps d'habillage et de déshabillage ;
Aux motifs propres que « la salariée revendique le paiement du temps d'habillage et de déshabillage en sus de la rémunération du temps de travail effectif au motif que le règlement intérieur de la clinique a remis en cause l'accord du 22 mars 2001 incluant dans le temps de travail effectif ce temps d'habillage et de déshabillage, lequel a en outre été allongé à la suite du changement des tenues en février 2007.
Aux termes de l'article L 3121-3 (ancien article L 212-4 alinéa 3) du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties qui sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, ces contreparties étant déterminées par convention ou accord collectif ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.
L'accord collectif du 22 mars 2001 stipule que le temps d'habillage et de déshabillage est inclus dans le temps de travail effectif.
Le nouveau règlement intérieur de la clinique de BEAUPUY, entré en vigueur le 30 juillet 2007, mentionne que le temps de service fixé par les horaires de travail affichés ne comprend pas le temps d'habillage et de déshabillage.
Conformément aux dispositions de l'article L 1321-3 (ancien article L 122-35) du code du travail, cette clause du règlement intérieur, contraire à l'accord collectif applicable dans l'entreprise, n'est pas licite, de sorte que le temps d'habillage et de déshabillage est inclus dans le temps de travail effectif.
La salariée ne produit aucun élément de preuve de nature à établir que les salariées sont tenues de s'habiller et se déshabiller en dehors des horaires de travail.
Dès lors, la durée du temps d'habillage et de déshabillage est indifférente, peu important de savoir si elle a augmenté courant 2007 lors du changement des tenues, ainsi que le soutient la salariée , sans d'ailleurs le démontrer.
Le jugement du 17 décembre 2009 sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire à ce titre présentée par la salariée , laquelle sera en outre déboutée de sa demande nouvelle d'indemnité compensatrice de congés payés afférents » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « il est constant que les salariés sont bien soumis au port d'une tenue imposée par l'employeur et que, pour des raisons d'hygiène, ils doivent la revêtir et l'ôter sur le lieu de travail. Le temps d'habillage et de déshabillage est donc bien en l'espèce du temps de travail effectif.
Ceci n'est d'ailleurs pas contesté par l'employeur. Si, en effet, il peut exister une confusion induite par le règlement intérieur ne retenant pas ce temps dans le temps de service, il n'en demeure pas moins que l'accord collectif sur le temps de travail prévoit bien que ce temps est rémunéré comme du temps de travail effectif. La demanderesse fait en réalité valoir que l'employeur a modifié la tenue qu'il imposait de sorte que le temps est désormais plus long. Toutefois, elle n'apporte aucun élément permettant de retenir une augmentation de ce temps ainsi qu'elle le soutient pour remettre en réalité en cause l'accord collectif.
Cette demande sera donc rejetée » ;
1. Alors que, d'une part, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties soit sous forme de repos, soit financières, devant être déterminées par convention ou accord collectif ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps à du temps de travail effectif ; qu'en cas de contradiction entre les stipulations d'un accord collectif incluant les temps d'habillage et de déshabillage dans le temps de travail effectif et les dispositions postérieures, illicites, du règlement intérieur qui les en exclut, il appartient au juge de rechercher si, concrètement, les termes de l'accord collectif ont continué à être respectés ou si, au contraire, les temps d'habillage et de déshabillage ont cessé d'être inclus dans le temps de travail effectif ; que, dès lors, en l'espèce, en s'étant fondée sur les seuls termes de l'accord collectif du 22 mars 2001 qui incluait les temps d'habillage et de déshabillage dans le temps de travail effectif pour en conclure qu'ils étaient considérés comme tels et rémunérés à ce titre, tout en ayant, par motifs adoptés, constaté l'état de confusion qui avait été induit par les dispositions, illicites, du règlement intérieur, entré en vigueur le 30 juillet 2007, qui, en violation des stipulations de ce même accord collectif, avait expressément exclu les temps d'habillage et de déshabillage du temps de travail effectif des infirmières salariées, sans rechercher si, concrètement, les termes de l'accord collectif avaient continué à être respectés ou si, au contraire, ces temps spécifiques avaient, en pratique, cessé d'être inclus dans le temps de travail effectif, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-3 et L. 1321-3 du Code du Travail, combinés ;
2. Alors que, d'autre part, c'est à l'employeur, qui se prétend libéré de son obligation d'accorder une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage, qu'il appartient de prouver que ces temps ont été rémunérés comme du temps de travail effectif ; que, dès lors, en l'espèce, en ayant fait peser sur les salariées la charge de la preuve contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
3. Alors qu'enfin et en tout état de cause, le juge ne saurait dénaturer, même par omission, les documents écrits soumis à son examen ; qu'en l'espèce, en ayant affirmé, par motifs propres, que les infirmières salariées ne produisaient « aucun élément de preuve » de nature à établir qu'elles étaient tenues de s'habiller et de se déshabiller en dehors des horaires de travail et, par motifs adoptés, qu'elles n'apportaient « aucun élément » permettant de retenir une augmentation des temps d'habillage et de déshabillage à partir de l'année 2007 quand, au contraire, les infirmières produisaient aux débats la « note interne du 14 mai 2007 » qui venait, précisément, conforter leurs prétentions en ce sens, la Cour d'appel a dénaturé ce document par omission et a, de ce fait, violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-23812;12-23813;12-23814;12-23815;12-23816;12-23817;12-23818;12-23819;12-23820;12-23821;12-23822;12-23823;12-23824;12-23825;12-23826;12-23827
Date de la décision : 04/12/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 15 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 déc. 2013, pourvoi n°12-23812;12-23813;12-23814;12-23815;12-23816;12-23817;12-23818;12-23819;12-23820;12-23821;12-23822;12-23823;12-23824;12-23825;12-23826;12-23827


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.23812
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