LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Claude X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 19 juin 2012, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre M. Laurent Y..., du chef, notamment, d'injures publiques à raison de son appartenance à une religion déterminée, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 octobre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Guirimand conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Beauvais conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS et les conclusions de M. l'avocat général CORDIER ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
Vu l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en matière de délits de presse, l'acte initial de poursuite fixant définitivement et irrévocablement la nature et l'étendue de ladite poursuite quant aux faits et à leur qualification, il n'appartient pas à la juridiction d'instruction d'apprécier le bien-fondé de la qualification retenue par cet acte ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 28 octobre 2010, M. X... a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef, notamment, d'injures publiques envers une personne à raison de son appartenance à une religion déterminée, faits prévus et punis par l'article 33, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881, à la suite de la diffusion, le 19 avril 2010, sur un site internet accessible au public, de caricatures le représentant sous des traits stigmatisant les personnes d'origine juive ; qu'à l'issue de l'information, au cours de laquelle M. Y..., créateur et animateur du site, a été mis en examen du chef susvisé, le juge d'instruction a prononcé un non-lieu ; que la partie civile a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, la chambre de l'instruction retient que ni les caricatures ni les commentaires les accompagnant n'évoquent la religion ou la tradition juive, le dessin incriminé renvoyant à un personnage de bande dessinée, connu pour son avarice, son égoïsme et sa hargne ; que les juges en concluent que les faits dénoncés dans la plainte sont en réalité de nature à caractériser le délit d'injures publiques envers un particulier et qu'ils sont couverts par la prescription ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'appartient pas à la juridiction d'instruction d'apprécier le bien-fondé de la qualification retenue par l'acte initial de poursuite, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 juin 2012, en ses seules dispositions relatives au délit d'injures publiques envers un particulier à raison de son appartenance à une religion déterminée, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle,et prononcé par le président le trois décembre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;