LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° H 12-26.113 et P 12-28.718 qui attaquent le même arrêt ;
Statuant tant sur les pourvois principaux formés par le GIE La Réunion aérienne que sur le pourvoi incident relevé par M. X... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Aérosport France ;
Met hors de cause sur leur demande la société Diamond Aircraft industries et la société Axa Corporate solutions assurance ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association Aéroclub du Havre Jean Maridor (l'aéroclub) a acheté à la société Aérosport France, depuis en liquidation judiciaire, représentée par M. X..., un avion qu'elle a fait assurer auprès du groupement d'intérêt économique La Réunion aérienne (l'assureur) ; qu'après avoir obtenu la résolution de la vente pour vices cachés, l'aéroclub a assigné son assureur en indemnisation et le vendeur en restitution du prix d'achat ;
Sur l'irrecevabilité du pourvoi principal n° H 12-26.113, relevée d'office après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article 613 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai de pourvoi en cassation ne court à l'égard des décisions par défaut même pour les parties qui ont comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition, ouverte aux parties défaillantes, n'est plus recevable ;
Attendu que l'assureur a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt (Rouen, 18 avril 2012), rendu par défaut, l'un des intimés, la société Diamond Aircraft industries n'ayant pas comparu ;
Attendu que l'arrêt ayant été régulièrement signifié à la société défaillante le 24 juillet 2012, la déclaration de pourvoi du 24 septembre 2012 ne respecte pas l'expiration du délai d'opposition ; que le pourvoi est donc irrecevable ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal n° P 12-28.718 :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à l'aéroclub la somme de 120 263,16 euros au titre des dommages subis par l'avion, alors, selon le moyen, que la résolution de la vente emporte anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, de sorte que l'acquéreur est censé n'avoir jamais été propriétaire de la chose objet de la vente résolue ; qu'en retenant, pour condamner la Réunion aérienne à garantir l'association Aéroclub du Havre, que celle-ci était propriétaire de l'avion lors du sinistre, cependant que la résolution de la vente a emporté l'anéantissement rétroactif du contrat de sorte que l'association est censée n'avoir jamais été propriétaire de l'avion et ne l'était donc pas lors du sinistre, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que l'avion constituait l'objet du contrat d'assurance et que l'aéroclub en était le propriétaire au jour du sinistre, la cour d'appel en a exactement déduit qu'à ce jour, l'assuré avait intérêt à la conservation de la chose, la résolution du contrat étant sans incidence à cet égard ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à l'aéroclub la somme de 120 263,16 euros au titre des dommages subis par l'avion, in solidum avec la société Aérosport, elle-même condamnée au titre de la restitution du prix de vente, et de l'avoir débouté de ses demandes de subrogation dans les droits de son assurée vis-à-vis de la société Aérosport, alors, selon le moyen, que les débiteurs ne peuvent être engagés in solidum qu'autant que l'obligation de chacun soit identique à celle des autres, qu'elle procède d'un même dommage, et que sa pleine exécution puisse être réclamée par le créancier indifféremment à l'un et à l'autre ; qu'en condamnant in solidum La Réunion aérienne et la société Aérosports à payer à l'association Aéroclub du Havre la première, une somme de 120 263,16 euros au titre des dommages subis par l'avion, en exécution d'un contrat d'assurance, la seconde une somme de 259 181 euros au titre de la restitution du prix de vente par application de la garantie des vices cachés, cependant que les obligations respectives de l'assureur et du vendeur ne sont pas identiques et que la pleine exécution ne peut en être réclamée par l'association indifféremment à l'un et à l'autre, la cour d'appel a violé l'article 1202 du code civil ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que l'assureur avait critiqué le dispositif du jugement confirmé en appel, le condamnant in solidum avec la société Aérosport ; que le moyen est donc nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident :
Vu les articles L. 641-13 et L. 622-24, alinéa 5, du code de commerce, ensemble l'article L. 641-3, alinéa 4, du même code ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que les créances régulièrement nées après le jugement de liquidation judiciaire qui ne répondent pas aux conditions fixées par le premier de ces textes doivent faire l'objet d'une déclaration selon les modalités prévues au deuxième et qu'à défaut, elles sont inopposables à la procédure ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X..., ès qualités, en inopposabilité de la créance de restitution du prix de vente de l'appareil, l'arrêt retient que cette créance était postérieure au jugement de liquidation judiciaire ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi cette créance répondait aux conditions légales autorisant l'exercice du droit de poursuite du créancier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
DECLARE irrecevable le pourvoi n° H 12-26.113 ;
Et sur le pourvoi n° P 12-28.718 :
REJETTE le pourvoi principal ;
Et sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... tendant à déclarer inopposable à la procédure collective la créance de restitution du prix de vente de l'avion de l'association Jean Maridor sur la société Aérosport, l'arrêt rendu le 18 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;
Condamne le groupement d'intérêt économique La Réunion aérienne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour le groupement d'intérêt économique La Réunion aérienne, demandeur au pourvoi principal n° P 12-28.718
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement qui a dit bien fondée l'action engagée par l'association Aéroclub du Havre Jean Maridor à l'encontre de la société La Réunion Aérienne et a retenu l'obligation à garantie de cette société, et d'avoir en conséquence condamné La Réunion Aérienne à payer à l'association Jean Maridor la somme de 120.263,16 ¿ au titre des dommages subis par l'avion ;
Aux motifs que la résolution de la vente pour vice caché de l'appareil prononcée par le jugement déféré n'est remise en cause par aucune des parties et sera donc confirmée ; ¿ que l'argument de la Réunion Aérienne selon lequel l'objet du contrat ayant disparu à la suite de la résolution ne peut être retenu puisque, selon l'article 1 de la convention annexe A formant contrat d'assurance, c'est l'avion qui est assuré, et l'association qui en était propriétaire lors du sinistre, a bien qualité pour réclamer l'indemnité contractuellement due ;
ALORS QUE la résolution de la vente emporte anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, de sorte que l'acquéreur est censé n'avoir jamais été propriétaire de la chose objet de la vente résolue ; qu'en retenant, pour condamner la Réunion Aérienne à garantir l'Association Aéroclub du Havre, que celle-ci était propriétaire de l'avion lors du sinistre, cependant que la résolution de la vente a emporté l'anéantissement rétroactif du contrat de sorte que l'association est censée n'avoir jamais été propriétaire de l'avion et ne l'était donc pas lors du sinistre, la cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Réunion aérienne à payer à l'association Aéroclub du Havre la somme de 120.263,16 ¿ au titre des dommages subis par l'avion, in solidum avec la Sarl Aérosport ellemême condamnée à payer à l'Association Aéroclub du Havre la somme de 259.181 ¿ au titre de la restitution du prix de vente, et d'avoir débouté la Réunion Aérienne de ses demandes de subrogation dans les droits de son assurée vis-à-vis de la société Aérosport ;
Aux motifs propres que la résolution de la vente pour vice caché de l'appareil prononcée par le jugement déféré n'est remise en cause par aucune des parties et sera donc confirmée ; ¿ que la société Aérosport qui n'est que venderesse de l'avion, ne peut être considérée comme le « producteur » de cet avion, construit par Diamond, ou de la pièce défectueuse du moteur, fabriquée par la sociétaThielert, au sens des articles 1386-1 et suivants du Code civil, puisque tant le constructeur que le motoriste sont identifiés ; qu'elle ne peut donc pas être déclarée responsable de l'accident sur ce fondement, de sorte que les demandes de subrogation dans les droits de son assurée et d'indemnisation par Aérosport formés par la Réunion Aérienne seront rejetées ; que l'argument de la Réunion Aérienne selon lequel l'objet du contrat ayant disparu à la suite de la résolution ne peut être retenu puisque, selon l'article 1 de la convention annexe A formant contrat d'assurance, c'est l'avion qui est assuré, et l'association qui en était propriétaire lors du sinistre, a bien qualité pour réclamer l'indemnité contractuellement due ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que la société Aérosport doit sa garantie à l'association Aéroclub du Havre Jean Maridor de sorte que cette dernière est bien fondée, au titre des dispositions de l'article 1644 du Code civil, à exercer une action rédhibitoire et à solliciter la résolution de la vente aux torts du vendeur, qui possède la qualité de professionnel ; qu'en conséquence, le tribunal condamnera la société Aérosport à restituer à l'Aéroclub le prix de vente de l'avion à hauteur de 259.191 ¿ et d'autre part condamnera en tant que de besoin l'association demanderesse à procéder à la restitution de l'aéronef litigieux à la société Aérosport dès parfait règlement, à charge pour elle de prendre possession de l'avion à l'endroit où il est entreposé ; que la société Aérosport sera également condamnée à payer à l'Aéroclub la somme de 42.600 ¿ représentant le montant du préjudice d'exploitation lié à l'immobilisation de l'appareil consécutivement à la panne subite ¿ ; que la société Aérosport, vendeur professionnel, est donc présumée avoir eu connaissance des vices de la chose et est également tenue envers l'acheteur au paiement de tous les dommages-intérêts selon ce que dispose l'article 1645 du Code civil ; que l'association Aéroclub du Havre Jean Maridor recherche, en second lieu, la garantie de son assureur, la Réunion Aérienne, sur la base de la police d'assurance souscrite par l'Aéroclub le 10 août 2006 ; ¿.que l'assurance souscrite le 10 août 2006 garantit les risques ordinaires incluant les accidents puisque selon l'article 1er de la convention annexe, le contrat garantit : la disparition, le vol ainsi que les dommages matériels subis par l'aéronef assuré jusqu'à concurrence de la valeur assurée ; ¿ que les dommages subis par l'aéronef acquis par l'Aéroclub du Havre font incontestablement suite à un accident provoqué par des dommages énumérés au paragraphe b) de l'article 3.1 du contrat d'assurance, il s'avère que le sinistre a vocation à être pris en charge par la Réunion Aérienne dans les conditions et limites de la police d'assurance souscrite par l'Association Aéroclub du Havre Jean Maridor ; ¿ qu'en revanche, dès lors que le contrat d'assurance souscrit par l'Association Aéroclub du Havre Jean Maridor se limite à garantir les dommages matériels subis par l'aéronef assuré, l'association demanderesse ne pourra qu'être déboutée de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la Réunion aérienne au paiement des dommages-intérêts sollicités en réparation du préjudice d'exploitation ;
ALORS QUE des débiteurs ne peuvent être engagés in solidum qu'autant que l'obligation de chacun soit identique à celle des autres, qu'elle procède d'un même dommage, et que sa pleine exécution puisse être réclamée par le créancier indifféremment à l'un et à l'autre ; qu'en condamnant in solidum la Réunion Aérienne et la société Aérosports à payer à l'association Aéroclub du Havre la première, une somme de 120.263,16 ¿ au titre des dommages subis par l'avion, en exécution d'un contrat d'assurance, la seconde une somme de 259.181 ¿ au titre de la restitution du prix de vente par application de la garantie des vices cachés, cependant que les obligations respectives de l'assureur et du vendeur ne sont pas identiques et que la pleine exécution ne peut en être réclamée par l'association indifféremment à l'un et à l'autre, la cour d'appel a violé l'article 1202 du Code civil.Moyens produits par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités, demandeur au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté maître X... ès-qualités de sa demande tendant à voir déclarer inopposable à la procédure collective la créance de restitution du prix de vente de l'avion, de l'association Jean Maridor envers la société Aérosport ;
AUX MOTIFS QUE l'association Jean Maridor avait assigné le 7 juillet 2009 la société Aérosport, notamment, devant le tribunal de grande instance du Havre, arrêt, p. 3, troisième alinéa) ; que la résolution de la vente pour vice caché de l'appareil prononcée par le jugement déféré n'était remise en cause par aucune des parties et serait donc confirmée ; que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire ayant été prononcé le 13 juillet 2010, et la liquidation l'ayant été le 14 septembre 2010, la créance de restitution du prix de vente de l'avion, née du jugement entrepris, confirmé sur ce point par le présent arrêt et rendu postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, entrait dans les prévisions de l'article L. 622-17 du code de commerce (ancien article L. 631-22 du même code) et n'était donc pas soumise aux dispositions des articles L. 622-24 et suivants de ce code ; que maître X... ès-qualités serait donc débouté de sa demande tendant à ce que cette créance soit déclarée inopposable à la procédure collective en application de l'article L. 622-26 du code de commerce ; que le jugement serait complété sur ce point (arrêt, p. 6, dernier alinéa) ;
ALORS QUE la créance née de la garantie des vices cachés, et que détient l'acquéreur sur le vendeur, naît au jour de la conclusion de la vente ; qu'en retenant cependant, pour la regarder comme postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Aérosport et échappant à la nécessité d'une déclaration, que la créance de restitution du prix de vente de l'avion était née de la décision juridictionnelle ayant constaté la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, la cour d'appel a violé les articles L. 622-24 et L. 641-3 du code de commerce ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'en retenant que la créance de restitution du prix dont aurait été tenue la société Aérosport aurait été affranchie de la nécessité d'une déclaration, cependant qu'il était constaté que l'instance en paiement de ladite créance avait été introduite par l'association Jean Maridor antérieurement à l'ouverture de la procédure collective de cette société, ce dont il résultait que cette instance était nécessairement antérieure audit jugement d'ouverture et que la créance concernée était soumise à la nécessité d'une déclaration, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21, L. 622-24 et L. 641-3 du code de commerce ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE même postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, une créance n'est affranchie de la nécessité d'une déclaration que si elle est née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période ; qu'en ne caractérisant pas en quoi la créance, qu'elle regardait comme postérieure au jugement d'ouverture, serait née pour les besoins du déroulement de la procédure collective ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie à la société Aérosport pendant cette période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-17, L. 622-24 et L. 641-3 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, D'AVOIR condamné la société Aérosport à payer à l'association Jean Maridor les sommes de 259.181 euros et de 42.600 euros en principal au titre, respectivement, de la restitution du prix de vente et de dommages et intérêts complémentaires en réparation du préjudice lié à la perte d'exploitation ;
AUX MOTIFS QUE la résolution de la vente pour vice caché de l'appareil prononcée par le jugement déféré n'était remise en cause par aucune des parties et serait donc confirmée (arrêt, p. 6, dernier alinéa) ;
ALORS QUE la reprise d'une instance en paiement d'une somme d'argent, en cours lors de l'ouverture de la procédure collective du débiteur, ne peut tendre qu'à la constatation de la créance et à la fixation de son montant, à l'exclusion de la condamnation du débiteur ; qu'en maintenant néanmoins les condamnations pécuniaires prononcées par le tribunal de grande instance dans l'instance introduite contre la société Aérosport avant l'ouverture à son égard d'une procédure collective, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce.