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23/10/2013 | FRANCE | N°12-18975

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 octobre 2013, 12-18975


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 7 mars 2012), que par contrat à durée déterminée du 15 août 2008, M. X... a été engagé en qualité de coureur cycliste professionnel sur route, pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, moyennant une rémunération annuelle de 64 000 euros, outre les primes liées aux résultats sportifs, par la société Pro sport Poitou (la société), qui avait pour objet l'animation et la gestion d'une équipe professionnelle ; que courant 2009, l'employeur, dont le

gérant était M. David Y..., a appris que son principal partenaire financier...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 7 mars 2012), que par contrat à durée déterminée du 15 août 2008, M. X... a été engagé en qualité de coureur cycliste professionnel sur route, pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, moyennant une rémunération annuelle de 64 000 euros, outre les primes liées aux résultats sportifs, par la société Pro sport Poitou (la société), qui avait pour objet l'animation et la gestion d'une équipe professionnelle ; que courant 2009, l'employeur, dont le gérant était M. David Y..., a appris que son principal partenaire financier, la société Agritubel, dont le dirigeant était M. José Y..., père de David Y..., ne participerait plus à son financement en 2010 ; que le 30 juillet 2009, M. X... a signé un contrat avec la société Cofidis compétition ; que le 18 décembre 2009, l'employeur a rompu le contrat de travail à durée déterminée pour faute grave au motif de l'engagement du coureur cycliste avant l'expiration ou la rupture de son contrat à durée déterminée ; que le coureur cycliste a saisi la juridiction prud'homale ; que la société Pro sport Poitou a été placée en liquidation judiciaire le 10 mai 2010, M. Z... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur ;
Sur le premier moyen, tel qu'il est reproduit en annexe :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du coureur cycliste est abusif et de fixer en conséquence la créance de ce dernier au passif de la liquidation judiciaire ;
Mais attendu qu'ayant relevé l'impossibilité pour la société Pro sport Poitou d'exécuter ses engagements au-delà de la fin de l'année 2009, la défaillance de celle-ci à satisfaire aux obligations résultant du règlement de l'UCI alors que le principal partenaire financier avait annoncé son retrait dès le mois de mars 2009, et l'incertitude qui en découlait pour le salarié quant à la nécessité de chercher en temps utile un autre engagement, la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a pu décider que la conclusion par le coureur cycliste d'un contrat le 28 juillet 2009, qui ne prenait effet qu'au 1er janvier 2010, ne constituait pas une faute grave de nature à justifier la rupture du contrat à durée déterminée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z..., ès qualités de mandataire liquidateur de l'EURL Pro sport Poitou aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. Z..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Me Z..., ès qualités, fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X..., prononcé le 18 décembre 2009 pour faute grave, était abusif et d'avoir, en conséquence, fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Pro Sport Poitou à la somme de 66.400 euros ;
AUX MOTIFS QU'en l'espèce, il est constant qu'alors que le contrat était conclu pour une durée de deux ans, il a été annoncé par Agritubel dès le 27 mars 2009 dans la revue spécialisée "cyclisme info" puis dans le Figaro le 30 juin 2009 que l'équipe cesserait d'exister à la fin de l'année, de sorte que l'employeur n'était plus en mesure de fournir un travail au salarié ; par ailleurs, l'affiliation de l'équipe à l'UCI entraîne des contraintes administratives (dépôt de dossier) à l'égard desquelles l'Eurl Pro Sport Poitou a été carente ; ce n'est qu'à la suite de la demande de la ligue nationale de cyclisme en date du 12 octobre 2009 constatant l'impossibilité de l'Eurl de poursuivre son activité de compétition en 2010, lettre indiquant que la ligue en informait les joueurs, que l'Eurl Pro Sport Poitou, par lettre du 12 octobre 2009, a informé ceux-ci ; cette lettre est ainsi libellée : "La société Agritubel, principal sponsor de 1'Eurl, a fait part de la cessation de tous concours financiers à effet au 31 décembre 2009. La société Pro sport Poitou est par conséquent contrainte d'envisager la cessation de ses activités, et de rompre les contrats de travail. Les procédures adaptées vont être mises en place dans les toutes prochaines semaines. Cependant, afin de ne pas contrarier votre avenir professionnel, nous avons tenu à vous informer de la situation sans délai, de façon que vous puissiez, autant qu'il est possible, trouver d'autres engagements. Cette lettre vous est envoyée dans le cadre de l'article 2-16-047 du règlement de 1'UCI. L'UCI en est parallèlement informée. ..." ; l'article susvisé du règlement de l'UCI dispose : "Une équipe continentale professionnelle doit annoncer sa dissolution ou la fin de son activité ou encore son incapacité de respecter ses obligations, aussitôt que possible aux coureurs, à ses autres membres et à l'UCI." ; force est de constater que la société Pro Sport Poitou a été défaillante, alors que l'annonce du retrait d'Agritubel datait du mois de mars 2009, et peu important qu'elle ait entretemps cherché en vain d'autres sponsors, à avertir les coureurs puisqu'elle ne l'a fait, après y avoir été incitée vivement par la ligue, que le 12 octobre 2009, deux mois avant la fin de ses activités, et alors qu'il est admis que les engagements des coureurs dans une équipe cycliste se font en fin d'été après le tour de France ; par ailleurs, elle annonce dans ce courrier sa décision de rompre les contrats de travail et indique qu'elle va mettre en place les procédures nécessaires, ce qu'elle n'a pas fait, étant précisé que la dissolution a été décidée le 28 octobre 2009 (pièce 8 du mandataire liquidateur, requête au président du tribunal de grande instance de Bobigny), le licenciement pour faute grave ne constituant pas le mode de rupture adéquat dans le contexte de la cessation d'activité, quand bien même il présente l'avantage de dispenser du paiement des salaires restant à courir jusqu'à la fin du contrat ; dans ce contexte de certitude de l'impossibilité pour la société Pro Sport Poitou d'exécuter ses engagements au delà de la fin de l'année 2009, et de la défaillance de la société à satisfaire aux obligations résultant du règlement de l'UCI, et de l'incertitude qui en découlait pour le salarié quant à la nécessité de chercher en temps utile un autre engagement, la conclusion par le salarié d'un contrat le 30 juillet 2009, contrat qui ne prenait effet qu'au 1er janvier 2010, ne peut être considérée comme constitutive d'une faute grave de nature à fonder la rupture d'un contrat à durée déterminée ; la circonstance que la presse spécialisée du cyclisme se soit fait l'écho à compter du 31 août 2009 de ce projet d'engagement, dont l'Eurl ne connaissait à la date du licenciement ni la date de signature, ni la date d'effet, qu'elle n'a connues qu'à la suite d'un constat d'huissier du 4 février 2010, celui du 10 novembre 2009 ne faisant apparaitre que l'existence d'un contrat, ne constitue pas une preuve suffisante de cet engagement avant la fin des activités de la société Pro Sport Poitou, et il n'est pas reproché au salarié d'avoir manqué à ses obligations en termes de courses pour l'équipe Agritubel en 2009 ; il s'ensuit qu'en l'absence de faute grave, le licenciement n'est pas fondé ; le jugement sera réformé et la créance de M. X... au passif de la liquidation judiciaire de l'Eurl Pro Sport Poitou sera fixée, en application de l'article L. 1243-4 du code du travail, au montant des rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, soit pour une rémunération annuelle de 64.000 ¿ dont le terme était le 31 décembre 2010 et un licenciement le 18 décembre 2009, à 66.400 ¿ (¿);
1°) ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que M. X..., pourtant encore engagé auprès de la société Pro Sport Poitou par contrat de travail à durée déterminée du 15 août 2008 et, avant même d'avoir été informé de la cessation de ses activités par lettre du 12 octobre 2009, avait signé avec la société Cofidis Compétition un contrat le 30 juillet 2009, avec date d'effet le 1er janvier 2010, a néanmoins, pour juger abusif le licenciement du salarié, retenu que la conclusion par ce dernier d'un tel contrat ne pouvait être considérée comme constitutive d'une faute grave de nature à fonder la rupture d'un contrat à durée déterminée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que le fait pour le coureur cycliste d'avoir, en violation du règlement de l'UCI, au mépris de ses engagements contractuels et à l'insu de son employeur, signé un contrat auprès d'une équipe professionnelle concurrente, caractérisait de sa part une attitude déloyale, rendant impossible son maintien au sein de la société et a ainsi violé l'article L. 1243-1 du code du travail, ensemble les articles L.1234-1 et L.1235-1 du même code ;
2°) ALORS QU'en se fondant, pour dire que la conclusion par M. X... d'un contrat le 30 juillet 2009 auprès d'une autre équipe n'était pas constitutive d'une faute grave, sur la circonstance qu'une incertitude pour le salarié quant à la nécessité de chercher en temps utile un autre engagement découlait de l'impossibilité pour la société Pro Sport Poitou d'exécuter ses engagements au delà de la fin de l'année 2009 et de sa défaillance à avertir les coureurs le plus tôt possible, circonstance pourtant non susceptible d'exclure la gravité du grief invoqué dans la lettre de licenciement du salarié et tiré de la violation par ce dernier de l'interdiction de s'engager dans une autre équipe sans l'autorisation préalable de l'Union cycliste internationale et avant même d'y avoir été autorisé par son employeur par lettre du 12 octobre 2009, la cour d'appel a violé l'article L. 1243-1 du code du travail, ensemble les articles L.1234-1 et L.1235-1 du même code ;
3°) ALORS QUE subsidiairement, le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des faits invoqués dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ;qu'en se bornant à énoncer que la conclusion par M. X... d'un contrat le 30 juillet 2009 auprès d'une autre équipe n'était pas constitutive d'une faute grave, sans vérifier si, comme il était énoncé dans la lettre de licenciement du 18 décembre 2009, l'engagement du salarié auprès d'une autre équipe, avant d'y être formellement autorisé par lettre du 12 octobre 2009, n'avait pas rendu illusoire toute reprise de la société Pro Sport Poitou par un autre partenaire financier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1243-1 et L. 1232-6 du code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Me Z..., ès qualités, fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la créance de M. X..., fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Pro sport Poitou à la somme de 66.400 euros, n'était pas garantie par l'Ags-Cgea ;
AUX MOTIFS QUE la garantie de l'Ags-Cgea a un caractère subsidiaire ;l'Eurl Pro Sport Poitou étant affiliée à l'UCI est tenue de constituer en faveur de l'UCI une garantie bancaire à première demande ; l'UCI a en l'espèce fait appel à la garantie bancaire ; l'Ags-Cgea et le mandataire liquidateur sont en désaccord sur l'applicabilité de la garantie de l'UCI, qu'aucune de ces parties n'a cru devoir appeler à la cause ; l'article 2-16-023 du règlement de l'UCI, dans son libellé applicable lors de la rupture du contrat de travail de l'appelant le 18 décembre 2009, dispose : "Cette garantie est destinée au règlement des dettes afférentes à l'année d'enregistrement, contractées par le responsable financier et les sponsors vis à vis des autres membres de l'équipe continentale professionnelle... (coureurs...) pour le fonctionnement de l'équipe continentale professionnelle ; Pour l'application des dispositions concernant la garantie bancaire : - sont considérées comme des dettes contractées par le responsable financier et les sponsors et sont couvertes par la garantie bancaire, les dettes contractées par tout autre partie en contrepartie des prestations du coureur ¿" ; ce texte a été complété et sa nouvelle rédaction applicable au 1er juillet 2010, ajoute : "Pour l'application des dispositions concernant la garantie bancaire : sont considérées comme des dettes contractées en contrepartie des prestations du licencié pour le fonctionnement de l'équipe : - en cas de rupture du contrat : les sommes contractuelles correspondant aux prestations prévues pour au maximum la durée restante du contrat. Ces dernières sommes constituent une dette contractée au moment de la rupture du contrat" ; ce texte, quoique postérieur au licenciement contesté, doit être considéré comme interprétatif du précédent, et il en résulte que sans qu'il y ait lieu d'examiner si les sommes dues à l'occasion de la rupture du contrat ont le caractère de salaires ou de dommages intérêts, étant rappelé que le texte de l'UCI, laquelle a son siège en Suisse, est d'application internationale avec les nécessaires adaptations et nuances au langage juridique de l'état dont relève chacune des équipes, que la garantie bancaire exigée par l'UCI est applicable à la créance du salarié résultant de la rupture de son contrat de travail et égale précisément en l'espèce aux "sommes contractuelles correspondant aux prestations prévues pour au maximum la durée restante du contrat" au sens de ce texte et que l'objet de la garantie a précisément pour objet de compenser auprès du coureur les carences de l'équipe ; c'est en conséquence à bon droit que l'Ags-Cgea refuse sa garantie ;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant, pour dire que la garantie exigée par l'UCI était applicable à la créance du salarié résultant de la rupture du son contrat de travail et égale "aux sommes contractuelles correspondant aux prestations prévues pour au maximum la durée restante du contrat" au sens de l'article 2-16-023 du règlement de l'UCI, dans sa nouvelle rédaction applicable au 1er juillet 2010, à énoncer que ce texte devait être considéré comme interprétatif du précédent, quoique postérieur au licenciement du salarié intervenu le 18 décembre 2009, sans préciser ni même expliquer en quoi les nouvelles dispositions de l'article 2-16-023 du règlement de l'UCI ne modifiaient pas les précédentes et, donc, présentaient un caractère interprétatif, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-18975
Date de la décision : 23/10/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 07 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 oct. 2013, pourvoi n°12-18975


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Piwnica et Molinié, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18975
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