La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/10/2013 | FRANCE | N°12-27574

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 octobre 2013, 12-27574


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;

Attendu que, pour condamner la société Polyclinique La Pergola (la clinique), établissement autorisé à pratiquer des actes en médecine, chirurgie et obstétrique, à indemniser MM. X... et Y..., ainsi que la société
Z...
, titulaires d'un contrat d'exercice libéral de l'activité d'anesthésistes réanimateurs, du préjudice qu'ils prétendaient avoir subi à la suite

de la fermeture par la clinique, en accord avec l'Agence régionale de l'hospitalisation, du...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;

Attendu que, pour condamner la société Polyclinique La Pergola (la clinique), établissement autorisé à pratiquer des actes en médecine, chirurgie et obstétrique, à indemniser MM. X... et Y..., ainsi que la société
Z...
, titulaires d'un contrat d'exercice libéral de l'activité d'anesthésistes réanimateurs, du préjudice qu'ils prétendaient avoir subi à la suite de la fermeture par la clinique, en accord avec l'Agence régionale de l'hospitalisation, du service d'obstétrique, l'arrêt attaqué relève que ces derniers étaient en droit de bénéficier de la poursuite des contrats à durée déterminée selon leurs prévisions initiales, que la clinique, qui avait fait le choix de développer, à la place de l'obstétrique, un secteur d'activité ne faisant pratiquement pas appel à des interventions de médecins anesthésistes, n'offrait plus des conditions d'exercice de la profession similaires à celles existant lors de la souscription des contrats, et que, dès lors, la substance de ces contrats avait été modifiée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clinique, en vertu des contrats d'exercice libéral conclus avec les praticiens, s'était seulement engagée à leur conférer le droit d'exercer leur art en ses murs en tant qu'anesthésistes et à leur fournir les moyens nécessaires à cet exercice, sans leur offrir spécifiquement la garantie d'une activité en obstétrique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 août 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne MM. X... et Y... et la société cabinet docteur Olivier Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. X... et Y... et de la société cabinet docteur Olivier Z... ; les condamne à payer à la société Polyclinique La Pergola la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société Polyclinique La Pergola.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement, condamné la polyclinique La Pergola à payer au Docteur X..., au Docteur Y... et à la société cabinet du docteur

Z...

, respectivement la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la fermeture du service de maternité le 2 mai 2006, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE, sur le fondement des actions indemnitaires présentées par les appelants à l'encontre de la société polyclinique La Pergola, les docteurs X..., Y... et
Z...
, aux droits duquel se trouve la société
Z...
, médecins anesthésistes, intervenaient au sein de la polyclinique La Pergola en exécution de contrats d'exercice libéral, conclus dans les conditions suivantes : le 7 novembre 1996 par le docteur X... avec effet à compter du 15.11.1995, le 7 novembre 1996 par le docteur Y... avec effet à compter du 15.11.1995, le 1er mars 2001 par le docteur Z... avec effet à compter du 15.08.2001 ; que ces contrats avaient été souscrits par la clinique pour une durée déterminée de 20 ans avec faculté de tacite reconduction pour des périodes de 10 ans sauf dénonciation par elle sous certaines conditions, et par chaque praticien pour une durée indéterminée, celui-ci étant libre de mettre fin au contrat à tout moment sauf à respecter un préavis d'un an ; qu'ils comportaient une clause d'exclusivité réciproque ; qu'au soutient de leurs actions indemnitaires les appelants font valoir que la fermeture du service maternité de la polyclinique La Pergola au cours de l'exécution des contrats d'exercice libéral à durée déterminée dans des conditions qui ne relevaient pas de la force majeure, engage la responsabilité de la clinique ; qu'elle leur a occasionné divers préjudices qu'elle est tenue d'indemniser ; que leur thèse est confortée par les conclusions de l'expertise judiciaire, Monsieur A... ayant indiqué que l'activité d'obstétrique procurait aux médecins anesthésistes un chiffre d'affaires qui a été perdu et que cette perte était à la base d'un préjudice qu'il convenait d'indemniser ; que la polyclinique La Pergola conteste les demandes en soutenant qu'entre 2001 et 2006, il ne pouvait échapper à chacun des opérateurs concernés par l'activité de gynécologie et d'obstétrique à Vichy que le projet de fermeture de la maternité allait être la conséquence programmée par l'ARH d'Auvergne, la planification hospitalière prévoyant l'ouverture du pôle femme enfant au centre hospitalier de Vichy étant inéluctable ; qu'elle imposait la fermeture de la maternité de la polyclinique La Pergola ; qu'après avoir essayé dans un premier temps de maintenir sa maternité, elle a ensuite tenté, avec le concours de l'ARH d'Auvergne et du centre hospitalier, de trouver des solutions permettant de préserver l'exercice libéral de la gynécologie et de l'obstétrique sur Vichy ; que la polyclinique La Pergola considère que les médecins ont choisi dès le départ de s'inscrire dans une logique strictement financière vis-à-vis de la polyclinique, préférant « liquider les droits » qu'ils s'étaient octroyés en tant que praticiens actionnaires de la polyclinique La Pergola lors de la conclusion de contrats d'exercice libéral particulièrement favorable plutôt que d'envisager les alternatives professionnelles proposées par la polyclinique La Pergola, l'ARH d'Auvergne et le centre hospitalier de Vichy ; que la polyclinique La Pergola prétend que la perte de l'acte anesthésiste requis par l'acte d'accouchement pouvait à tout moment être compensée par d'autres actes anesthésiques requis par tout autre acte médical ou chirurgical puisque les anesthésistes disposaient du temps dégagé par la cessation des activités liées à l'accouchement ; que la polyclinique La Pergola se prévaut des clauses des contrats d'exercice libéral des praticiens en soutenant qu'elles font obstacle à la caractérisation d'un lien de causalité entre les prétendus préjudices invoqués et le fait générateur de responsabilité ; qu'elle prétend en effet que les parties étaient convenues d'ériger en un cas de force majeure les décisions de la tutelle impactant les activités de soins de la polyclinique, ou en tout état de cause, avaient entendu exclure toute indemnisation au titre de ses conséquences ; que la polyclinique La Pergola invoque l'article 1148 du code civil qui dispose qu'il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ; qu'elle indique que des obstacles rencontrés par le débiteur dans l'exécution de son obligation peuvent être conventionnellement assimilés à la force majeure prévue à la convention ; que la cour constate que l'article 5 des CEL, conclus entre la polyclinique La Pergola et les docteurs X..., Y... et
Z...
est identique à celui mentionné dans les CEL conclus avec les obstétriciens, les docteurs Yves B..., Franck C..., Thierry D... et Gérard E... ; qu'il est libellé ainsi : ¿toutefois la SA POLYCLINIQUE LA PERGOLA ne peut être tenue responsable d'une annulation d'agrément totale ou partielle due à une décision de politique générale de notre ministère de tutelle dans le cadre d'une refonte du système de santé » ; que l'analyse exposée par la Cour d'appel de Riom dans l'arrêt en date du 15 février 2012 qui se prononçait sur le litige ayant opposé les praticiens obstétriciens à la polyclinique La Pergola est transposable au présent litige, les moyens développés par les parties dans la présente instance rejoignant ceux invoqués dans l'autre procédure, sans qu'aucun élément nouveau n'amène la cour à modifier la motivation de la décision ayant écarté la notion de force majeure exonératoire que voudrait voir retenir la polyclinique La Pergola ; qu'elle est la suivante : « Attendu que la SA POLYCLINIQUE LA PERGOLA soutient qu'il serait vain de rechercher ou de solliciter d'elle la production d'une décision unilatérale de l'ARH d'Auvergne prononçant la fermeture de la maternité ; que cette affirmation d'ordre général ne recouvre pas exactement les critères déterminant les obligations qui lui incombent ; Attendu que la SA POLYCLINIQUE LA PERGOLA fait observer qu'elle bénéficiait conformément aux dispositions de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique d'une autorisation de soins, créatrice de droit, qui ne pouvait être rapportée ou retirée que dans des conditions bien précises et limitativement prévues par la loi, à savoir en cas de révision d'autorisation, de retrait ou de suspension d'autorisation ; qu'en l'occurrence elle soutient qu'il ne pouvait y avoir révision d'autorisation pour des motifs liés au respect des objectifs définis par le plan pluriannuel de l'agence régionale de l'hospitalisation ; que cette autorisation de soins était d'une durée de 5 ans et ne pouvait être renouvelée que si elle était conforme avec le SROS ; qu'or ce renouvellement était illusoire à Vichy compte tenu de la planification prévue ; que la décision de fermeture de la maternité était dictée par l'agence en raison du projet de regroupement des activités d'obstétrique à Vichy et s'imposait sans contestation possible à la SA POLYCLINIQUE LA PERGOLA ; Attendu que cette thèse est combattue par les praticiens qui estiment qu'il était de l'intérêt de la SA POLYCLINIQUE LA PERGOLA de négocier dans le cadre du plan de restructuration des services hospitaliers la fermeture de la maternité en se séparant d'un secteur d'activité peu rentable, sans considération des conséquences dommageables subies par les médecins obstétriciens ; Attendu que par délibération en date du 14 mars 2006, la commission exécutive de l'agence décidait ceci article 1 : « la confirmation de l'autorisation de 11 lits d'obstétriques cédés par la SA POLYCLINIQUE LA PERGOLA est accordée au centre hospitalier de Vichy ; cette autorisation sera réputée caduque si l'opération autorisée n'a pas fait l'objet d'un commencement d'installation dans un délai de trois ans à compter de la notification de la présente décision » ; que le compte rendu d'une réunion de travail du 18 avril 2005 sous l'égide du directeur de l'ARH d'Auvergne éclaire les circonstances dans lesquelles la SA POLYCLINIQUE PERGOLA a cédé les lits étant contrainte de renoncer à son activité obstétrique en raison d'impératifs exigées pat l'autorité administrative de tutelle ; qu'évoquant les deux possibilités envisagées par l'autorité publique pour un exercice libéral, le Directeur de l'ARH indiquait clairement qu'il n'y aurait pas d'autorisation possible pour l'hypothèse « clinique ouverte » et que s'engager sur la voie du « groupement de coopération sanitaire » entre établissement public et privé ne permettrait pas de construire un projet sur des bases claires et solides, faute de textes d'application, le GCS n'ayant pas d'existence réglementaire ; que la cour constate, sans méconnaître la qualification du cas assimilé à la force majeure par référence aux dispositions des CEL, que la contrainte imposée par l'ARH d'Auvergne ne peut être assimilée à une annulation d'agrément totale ou partielle au sens des conventions passées avec les docteurs X..., Y... et
Z...
; qu'en effet, l'agrément de la polyclinique n'a pas été annulé ; qu'il n'aurait probablement pas été renouvelé à son terme ; que toutefois la clinique, confrontée aux exigences du SROS II, a finalement cédé les lits d'obstétrique ; que quand bien même la décision de cession des lits du service de maternité par la polyclinique La Pergola n'aurait pas été prise à des fins purement stratégiques et économiques, ces circonstances de fait ne correspondent pas aux prévisions de la clause exonératoire de responsabilité définie strictement dans les conventions passées avec les praticiens ; que la polyclinique La Pergola ne peut donc s'en prévaloir pour se soustraire à toute obligation indemnitaire à l'égard des appelants ; que la polyclinique indique avoir satisfait en tout état de cause à l'exécution des contrats d'exercice libéral qui lui imposent deux obligations essentielles : -fournir les moyens nécessaires aux praticiens à l'exercice de leur art (plateaux techniques, locaux, personnels- article 4, 5 et 6 du CEL) ; -permettre aux praticiens d'exercer leur art en ses murs (article 1 du CEL) ; qu'elle souligne que ces deux obligations doivent être exécutées dans le strict respect de la législation et de la réglementation sanitaire ; qu'elle fait observer que l'obligation de permettre aux praticiens d'exercer dans ses murs est une obligation de moyens ; qu'elle affirme avoir constamment mis les moyens nécessaires à l'exercice par les médecins de l'activité d'anesthésie et leur avoir permis d'exercer leur art dans son établissement, y compris depuis la fermeture de la maternité faisant suite à la décision de l'ARH d'Auvergne ; qu'au demeurant, comme les résultats financiers le démontrent, les anesthésistes ont pu poursuivre l'exercice de leur art ; que le rapport définitif de l'expert judiciaire démontre en effet que leurs résultats économiques ont augmenté à la suite de la fermeture de la maternité ; que la polyclinique La Pergola considère que, comme tout professionnel libéral, les anesthésistes organisaient eux-mêmes librement leur activité et avaient accepté une part d'aléas dans l'exercice de leurs professions ; qu'ils étaient libres de maintenir leur niveau d'activité, après avoir été dûment informés en amont de la fermeture de la maternité et avaient pu anticiper le moindre bouleversement dans leurs conditions d'exercice ; que la fermeture de la maternité par suite de l'arrêté de l'ARH a eu pour conséquence la suppression uniquement de l'acte d'accouchement, l'activité obstétricale s'étant poursuivie (IVG etc¿), de même que l'activité gynécologique ; que la suppression de l'acte d'accouchement était compensée compte tenu de l'activité propice à la croissance de l'activité de l'anesthésie ; que les appelants contestent cette analyse en affirmant que la polyclinique La Pergola a remplacé l'activité d'accouchement par un service de soins de suite, qui, s'il a l'avantage d'avoir une rentabilité accrue, est un service sur lequel les anesthésistes n'interviennent pas ; qu'ils en déduisent que la responsabilité contractuelle de la polyclinique est accrue par le choix de développer un nouveau secteur ne pouvant compenser la suppression de l'activité d'accouchement au niveau des interventions des médecins anesthésistes ; que les praticiens insistent sur la spécificité de leur situation découlant notamment de la clause d'exclusivité figurant dans les CEL ainsi libellée : « La clinique s'interdit de faire appel à des praticiens de même spécialité que celle du docteur ¿ Sous réserve du respect de la déontologie et des droits concomitants consentis à deux autres praticiens de la même spécialité » ; que cette clause prévoit comme corollaire l'obligation suivante : « le praticien ne pourra exercer, même à temps partiel, dans un hôpital public ou une autre clinique privée sans avoir sollicité l'autorisation préalable et écrit du conseil d'administration » ; que la polyclinique La Pergola rétorque que si la fermeture de la maternité avait causé des préjudices aussi graves aux anesthésistes, ils auraient parfaitement pu demander à la polyclinique une modification de l'exclusivité ou l'autorisation de pratiquer dans un autre établissement ; qu'or, elle fait observer qu'aucune démarche en ce sens n'a été faite par les anesthésistes ; que cela s'explique au vu du résultat économique des praticiens qui a augmenté depuis la fermeture de la maternité de la polyclinique ; que la cour considère effectivement qu'il y a lieu de déduire de l'absence de demande de modification de l'exclusivité prévue par les contrats que la clause n'a pas créé de difficultés spécifiques à l'occasion de l'arrêt de l'activité de la maternité susceptibles d'avoir une incidence préjudiciable pour les appelants ; qu'en définitive, au vu de l'ensemble des pièces communiquées, la cour considère que la décision de fermeture de la maternité au sein de la polyclinique La Pergola résulte certes de contraintes administratives suffisamment démontrées ; que toutefois ces contraintes ne répondent pas à un cas assimilé à la force majeure par l'article 5 des CEL ; que la polyclinique La Pergola a géré les conditions de mise en oeuvre de la fermeture du service maternité à la fois dans le temps et selon des modalités répondant logiquement à ses intérêts lesquels ne recoupent pas ceux des praticiens, notamment des médecins anesthésistes ; que ces derniers étaient en droit de bénéficier de la poursuite des CEL à durée déterminée selon les prévisions initiales ; que la polyclinique qui a fait le choix de développer un secteur d'activité ne faisant pratiquement pas appel à des interventions de médecins anesthésistes n'offrait plus les conditions d'exercice de la profession de médecins anesthésistes similaires à celles existant lors de la souscription des contrats ; que la substance des contrats des médecins a été modifiée et a privé ces derniers d'un revenu lié à l'exercice d'une activité obstétrique / maternité ; que l'impact de la décision a été réel, l'expert ayant vérifié que l'activité du service maternité correspondait à un chiffre d'affaires variant entre 5 et 10 % du chiffre d'affaires annuel global de chaque praticien ; que cela a nécessairement induit une réorganisation imposée, même si elle pouvait être dans une certaine mesure anticipée, par le recours notamment plus important à des remplaçants, bénéficiaires d'honoraires rétrocédés, réduits après la suppression du pôle obstétrique/maternité ; Sur l'indemnisation des préjudices subis par les appelants, que l'expert a indiqué que pendant de longues années, la polyclinique La Pergola avait mis à la dispositions des anesthésistes des installations qui leur avaient permis de traiter une clientèle envoyée par les obstétriciens ; que cette activité produisait un chiffre d'affaire qui a été perdu ; que chaque médecin a pu maintenir son revenu en diminuant le recours à l'assistance de remplaçants et en augmentant son propre temps de travail ; que l'expert a considéré qu'il serait injuste de pénaliser de ce fait les médecins sauf à accorder une prime à l'oisiveté ; qu'il a estimé que les médecins avaient effectivement subi un préjudice à la suite de la disparition d'une branche de leur activité ; qu'il s'est attaché à l'évaluer selon deux hypothèses basées, l'une sur la validité du contrat à durée déterminée qui liait chaque médecin à la polyclinique La Pergola, l'autre sur les usages de la profession dans le cas où les contrats seraient invalidés ; que sur la base de données essentiellement fiscales, non contestées, l'expert a ventilé le chiffre d'affaires de chaque médecin entre « obstétrique/maternité » et « autres activités » dans le montant annuel des honoraires bruts perçus au cours des années 2002,2003, 2004 et 2005 ; qu'il a ensuite comparé la moyenne obtenue avec la moyenne des honoraires bruts perçus au cours des années 2006 et 2007 ; qu'il a imputé les charges correspondant à l'ensemble des frais généraux venant en déduction des honoraires encaissés par les médecins afin de déterminer le résultat net ; que ce calcul a permis de constater que les honoraires nets n'avaient pas diminué après la fermeture du service maternité ; que cette stabilité apparente résulte selon l'expert du fait que les honoraires rétrocédés ont diminué dans le même temps, ce qui a eu pour effet de maintenir les honoraires propres à chaque médecin ; qu'il a ainsi vérifié l'incidence de la diminution des honoraires rétrocédés et le maintien, voire l'amélioration, de ce fait, des revenus des médecins ; que selon les propositions de l'expert, le préjudice subi par chaque médecin correspond à une perte de revenus et une perte liée aux droits de présentation de la clientèle ; que s'agissant de la perte de revenus, il a examiné l'hypothèse avérée de la validité du contrat à durée déterminée en considérant que le résultat perdu doit être apprécié à partir de la moyenne des résultats nets perçus au cours des années 2002 à 2005, pour le docteur X..., par exemple 14.828 ¿, et calculé en fonction de la durée du contrat restant à courir, en l'occurrence jusqu'au 14.11.2015, soit 9 ans, 6 mois et 14 jours ; que la perte de revenus est estimée à 141.789 ¿ ; que cette méthode ne peut pas être entérinée par la cour car elle aboutit à procurer à la victime un enrichissement sans cause par le versement par anticipation d'un capital non encore dû en réparation d'un préjudice qui n'est pas encore subi ; qu'au mieux faudrait-il recourir à une méthode de capitalisation de la perte annuelle ; que la comparaison de cette méthode avec celle retenue par l'expert dans l'hypothèse où les contrats ne seraient pas validés montrent des incohérences sur lesquelles l'expert ne s'explique pas ; que la 2ème méthode envisagée par référence aux recommandations du Comité de liaison et d'action de l'hospitalisation privée (CLAHP) concernant l'indemnisation d'un préjudice en cas de rupture de contrat à durée indéterminée conduit à valoriser le préjudice en fonction de la durée d'exercice depuis l'entrée en fonction ; que les résultats sont diamétralement opposés à ceux découlant de l'application de la première méthode ; qu'ainsi le préjudice de Monsieur X... ressort à 141.789 ¿ ou à 14.828 ¿ tandis que le préjudice subi par la société
Z...
ressort à 234.878 ¿ selon la 1ère méthode et 7.650 ¿ selon la 2ème ; que la nature des préjudices subis par chacun des praticiens étant du même ordre, il n'y a aucune raison d'accorder un montant tantôt plus élevé tantôt moins élevé selon le calcul appliqué ; que les critères proposés ne sont manifestement pas pertinents ; qu'enfin, alors que les honoraires nets des appelants ont augmenté, il n'est pas justifié de perte financière à hauteur des sommes estimées par l'expert à partir de critères inadaptés qui aboutissent à créer une rente de situation que les contrats ne garantissent pas ; que les CEL imposent à la clinique d'offrir aux praticiens la poursuite de l'exercice de leur art durant la durée du contrat mais aucune clause ne contraint la clinique à garantir aux médecins anesthésistes les revenus nets provenant du chiffre d'affaire réalisé grâce à l'activité du service maternité ; que si l'expertise montre que la fermeture du service maternité n'a pas eu de réelle incidence sur les revenus nets des appelants, il demeure qu'elle les a contraints à un réaménagement de leur activité qu'il convient d'indemniser en fonction de l'ensemble des données précises recueillies par l'expert et notamment de l'évolution des honoraires rétrocédés, significative de l'ampleur de la réorganisation ; que le docteur X... et la société
Z...
présentent une situation assez similaire ; que celle du docteur Y... diffère car les honoraires rétrocédés étaient moindres mais les efforts exposés pour conserver voire améliorer les résultats nets peuvent être considérés comme du même ordre ; qu'au vu des données comptables vérifiées par l'expert, il y a lieu d'accorder à chaque médecin anesthésiste une indemnité d'un même montant fixé à 30.000 ¿ chacun en réparation du préjudice consécutif à la fermeture du service maternité ; que les appelants revendiquent en outre l'indemnisation de la perte de chance de valorisation de la clientèle ; qu'une demande comparable avait été présentée par les obstétriciens et rejetée par arrêt en date du 15 février 2012 ; que la cour ne peut suivre l'analyse de Monsieur A... reposant sur une référence inadaptée au CEL ; que l'article 11 des contrats d'exercice libéral s'applique dans l'hypothèse d'une cession de clientèle par le médecin exerçant le droit de présentation de son successeur ; qu'il prévoit ceci : « la clinique ne pourra exercer son droit de refus que pour des raisons valables¿ sauf pour elle à choisir de verser au praticien une indemnité égale à 100 % des honoraires perçus par lui¿ » ; que sauf à dénaturer les conventions liant les parties, cette clause définissant les obligations de la clinique en cas de cession de clientèle, et lui reconnaissant le droit de refuser le successeur présenté moyennant une contrepartie financière, n'est nullement significative du préjudice allégué sans lien avec ces dispositions contractuelles ; que si la décision de cession des lits privés d'obstétrique a été prise en 2006, un professionnel de santé ne pouvait ignorer qu'une restructuration des services d'obstétrique entre secteur public et secteur privé était en cours dans la région hospitalière de Vichy depuis plusieurs années ; que les médecins anesthésistes ont pu préparer cette évolution en faisant les efforts nécessaires, déjà indemnisés par l'allocation de la somme de 30.000 ¿, pour ne pas subir de pertes de revenus susceptibles d'avoir des répercussions négatives sur la valorisation du droit de présentation de la clientèle ; que dès 2007, ils avaient rétabli leur situation ; qu'il n'est pas démontré qu'un préjudice existe à ce titre ; que le docteur Y..., dont l'activité a connu un nouvel élan à partir de 2007, a fait valoir ses droits à la retraite par courrier recommandé du 2 février 2009 avec effet à compter du 1er avril 2010 à l'âge de 65 ans ; que contrairement à ses allégations, rien ne prouve que la fermeture du service de maternité en 2006 soit en lien direct de causalité avec une « anticipation de l'arrêt de son activité » en 2010 ; que le docteur X... et la société
Z...
exercent toujours leur art au sein de l'établissement sans avoir manifesté leur intention de céder leur clientèle depuis 2006 ; que les demandes présentées de ce chef, insuffisamment justifiées, seront rejetées ; que seul un préjudice personnel, direct et certain pouvant ouvrir droit à indemnisation, il convient en définitive de condamner la polyclinique La Pergola à payer la somme de 30.000 ¿ à chacun des appelants en réparation du seul préjudice certain consécutif à la fermeture du service de maternité ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, décision ayant défini le montant actuel des préjudices ; que la polyclinique qui succombe ne saurait valablement invoquer l'existence d'une procédure abusive au soutien de sa demande reconventionnelle visant à voir faire application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile et à obtenir l'allocation de dommages-intérêts ; que ces prétentions seront rejetées ;

ALORS, D'UNE PART, QUE, pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par voie de référence à une décision rendue à l'occasion d'un autre litige, et n'ayant pas l'autorité de chose jugée ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un cas de force majeure prévu et défini par les parties dans le contrat d'exercice libéral, que l'analyse exposée par la Cour d'appel de Riom, dans l'arrêt en date du 15 février 2012 qui se prononçait sur le litige ayant opposé les praticiens obstétriciens à la polyclinique La Pergola, était transposable au présent litige, les moyens développés par les parties dans la présente instance rejoignant ceux invoqués dans l'autre procédure, sans qu'aucun élément nouveau n'amène la cour d'appel à modifier la motivation de la décision ayant écarté la notion de force majeure, la cour d'appel, qui s'est ainsi déterminée par voie de simple référence à une décision antérieure qui ne disposait d'aucune autorité de chose jugée entre les parties au présent litige, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le principe de la liberté contractuelle autorise les parties à stipuler une clause limitant ou écartant la responsabilité encourue en cas d'inexécution du contrat ; que la polyclinique La Pergola faisait valoir que l'article 5 du contrat d'exercice libéral des docteurs X..., Y... et du cabinet
Z...
prévoyait une clause exonératoire de responsabilité pour la clinique dans l'hypothèse où celle-ci aurait à subir les conséquences d'une décision des autorités de tutelle concernant ses agréments et donc ses possibilités de mener tel ou tel type d'activité en ses murs, et qu'il s'agissait d'une prise d'acte, dans le contrat conclu avec les praticiens libéraux, de la réglementation sanitaire et de ses conséquences (conclusions récapitulatives d'appel n° 2 p. 50 et s) ; qu'en considérant que la contrainte imposée par l'ARH d'Auvergne ne pouvait être assimilée à une annulation d'agrément totale ou partielle au sens des conventions passées avec les docteurs X..., Y... et
Z...
, que l'agrément de la polyclinique n'avait pas été annulé, qu'il n'aurait probablement pas été renouvelé à son terme, que la clinique, confrontée aux exigences du SROS II a finalement cédé les lits d'obstétrique, que quand bien même la décision de cession des lits du service de maternité n'aurait pas été prise à des fins purement stratégiques et économiques, ces circonstances de fait ne correspondaient pas aux prévisions de la clause exonératoire de responsabilité définie strictement dans les conventions passées avec les praticiens, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'intention des parties n'avait pas été d'écarter la responsabilité de la polyclinique dans l'hypothèse de contraintes imposées par la tutelle dans la prise de décision touchant aux autorisations de soins et aux agréments relevant du champ contractuel déterminé par le contrat d'exercice libéral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QU' il ressortait clairement des dispositions des contrats d'exercice libéral souscrits par les Docteurs X..., Y... et
Z...
que la polyclinique La Pergola autorisait le praticien à exercer sa spécialité d'anesthésie-réanimation dans ses locaux et lui fournissait les moyens nécessaires à l'exercice de son art sans lui garantir spécifiquement l'exercice d'une activité obstétrique/maternité ; qu'en affirmant que la polyclinique La Pergola n'offrait plus des conditions d'exercice de la profession de médecins anesthésistes similaires à celles existant lors de la souscription des contrats et que la substance des contrats des médecins avait été modifiée et avait privé ces derniers d'un revenu lié à l'exercice d'une activité obstétrique/maternité, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la polyclinique La Pergola faisait valoir qu'il ressortait du contrat d'exercice libéral signé par les docteurs X..., Y... et
Z...
que la clinique avait une obligation de fourniture de moyens nécessaires à l'activité de la spécialité d'anesthésie-réanimation prise dans son ensemble mais qu'elle ne s'était jamais engagée, au titre d'une mise à disposition de moyens, à garantir spécifiquement l'exercice d'une activité obstétrique/maternité, ce dont il résultait que la polyclinique, non liée aux médecins par un contrat de travail, n'était pas tenue de leur assurer un certain type d'actes et n'avait donc pas modifié la substance du contrat d'exercice libéral ; qu'en énonçant que les médecins étaient en droit de bénéficier de la poursuite des contrats à durée déterminée selon les prévisions initiales, que la polyclinique n'offrait plus des conditions d'exercice de la profession de médecin anesthésiste similaires à celles existant lors de la souscription des contrats, que la substance des contrats des médecins avait été modifiée et avait privé ces derniers d'un revenu lié à l'exercice d'une activité obstétrique/maternité, sans rechercher, comme l'y invitait la polyclinique La Pergola, si celle-ci s'était engagée spécifiquement à garantir l'exercice d'une activité obstétrique/maternité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE la polyclinique La Pergola faisait valoir que l'ouverture d'un service de soins de suite au sein de la clinique ne relevait nullement d'un libre choix de sa part mais s'inscrivait dans les contraintes d'adaptation de l'offre de soins aux besoins du territoire et était contrôlée par l'ARH, et encore que les médecins anesthésistes, qui avaient vocation à intervenir au soutien de toute activité médicale requérant un acte d'anesthésie, disposaient toujours des moyens nécessaires à leur exercice au sein de la clinique, même après la fermeture du service de maternité ; qu'en se bornant à affirmer que la polyclinique La Pergola avait fait le choix de développer un secteur d'activité ne faisant pratiquement pas appel à des interventions de médecins anesthésistes, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si l'ouverture d'un service de soins de suite ne résultait pas des contraintes imposées par l'ARH et si ce nouveau service avait eu une incidence sur l'activité des anesthésistes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

ALORS, DE SIXIEME PART, QUE des dommages-intérêts ne peuvent être alloués que si le créancier a subi un préjudice résultant de l'inexécution contractuelle ; qu'en affirmant que les docteurs X..., Y... et le cabinet
Z...
avaient subi un préjudice en raison de la fermeture du service maternité qu'elle fixait à un montant de 30.000 ¿ pour chaque médecin tout en constatant que leurs honoraires nets avaient augmenté, qu'il n'était pas justifié de perte financière à hauteur des sommes estimées par l'expert à partir de critères inadaptés et que la fermeture du service maternité n'avait pas eu d'incidence sur les revenus des anesthésistes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles 1147 et 1149 du code civil ;

ALORS, ENFIN, QUE le débiteur ne peut être condamné à des dommages et intérêts que si l'inexécution contractuelle a causé un préjudice au créancier ; que la polyclinique La Pergola faisait valoir, tout d'abord, que si l'acte lié à l'accouchement n'était plus réalisable, les autres actes chirurgicaux liés à la gynécologie et à l'obstétrique avaient été maintenus, ensuite, que les docteurs X..., Y... et le cabinet
Z...
n'avaient subi aucun préjudice du fait de la fermeture du service maternité puisque leur activité et leurs honoraires avaient augmenté, ce qui s'expliquait aisément dès lors que les anesthésistes ne se cantonnaient pas à la réalisation de gestes dans une discipline particulière mais intervenaient dans les domaines de la chirurgie générale, orthopédique, viscérale, gynécologique et qu'ils avaient donc compensé la perte de l'activité d'accouchement en effectuant le geste anesthésique en lien avec tout autre type d'interventions, de sorte qu'il n'y avait eu aucune perturbation sur l'activité des praticiens ni de difficultés pour leur exercice futur ; qu'en se fondant, pour condamner la polyclinique La Pergola à payer au Docteur X..., au Docteur Y... et à la société
Z...
, respectivement la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la fermeture du service de maternité, sur la circonstance que cette fermeture les « a contraints à un réaménagement de leur activité qu'il convient d'indemniser en fonction de l'ensemble des données précises recueillies par l'expert et notamment de l'évolution des honoraires rétrocédés, significative de l'ampleur de la réorganisation », la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, impropres à caractériser l'existence d'un préjudice, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1149 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-27574
Date de la décision : 16/10/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 29 août 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 oct. 2013, pourvoi n°12-27574


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.27574
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award