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16/10/2013 | FRANCE | N°12-17909

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 octobre 2013, 12-17909


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au cours d'un séjour de huit jours dans une station de sports d'hiver vendu par la société Club Méditerranée, et comprenant, outre des prestations hôtelières, des cours de ski dispensés par des moniteurs de l'Ecole du ski français (l'ESF), Carlo X..., ressortissant néerlandais, a participé, le 20 mars 2003, à une sortie de ski de pente en haute montagne réservée aux skieurs chevronnés, encadrée par un moniteur de cette école, M. Y..., qu'alors qu'étant engagé d

ans la descente d'un passage hors-piste très technique, il stationnait en...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au cours d'un séjour de huit jours dans une station de sports d'hiver vendu par la société Club Méditerranée, et comprenant, outre des prestations hôtelières, des cours de ski dispensés par des moniteurs de l'Ecole du ski français (l'ESF), Carlo X..., ressortissant néerlandais, a participé, le 20 mars 2003, à une sortie de ski de pente en haute montagne réservée aux skieurs chevronnés, encadrée par un moniteur de cette école, M. Y..., qu'alors qu'étant engagé dans la descente d'un passage hors-piste très technique, il stationnait en aval d'autres skieurs du groupe, il a été percuté par l'un d'eux, M. Z..., qui, tombé en amont, dévalait la pente sur le dos, et précipité, sous l'effet du choc, dans une chute mortelle ; que Mme X..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de ses deux enfants mineurs, a assigné M. Y..., M. Z..., la société Club Méditerranée et son assureur, la société Axa Corporate solutions, ainsi que l'Ecole du ski français en réparation des préjudices économiques et moraux ayant résulté pour eux du décès de leur époux et père ; que les sociétés Club Méditerranée et Axa Corporate solutions ont assigné en garantie la société Axa France IARD, assureur de la responsabilité civile des moniteurs de l'ESF ;
Sur le premier moyen des pourvois principal de la société Club Méditerranée et provoqué de la société Axa Corporate solutions, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Club Méditerranée et la société Axa Corporate solutions font grief à l'arrêt de déclarer la première responsable du préjudice subi par Mme X... et ses deux enfants, et de la condamner à réparation in solidum avec la seconde, alors, selon le moyen :
1°/ que si en dépit de l'article 954 du code de procédure civile qui oblige l'appelant à formuler ses moyens de droit, le juge a néanmoins la faculté, sans y être tenu, de suppléer l'auteur de la demande pour rechercher un fondement juridique permettant d'y faire droit, le défendeur peut légitimement considérer qu'il n'a pas, pour sa part, à prendre l'initiative d'examiner les fondements éventuels sur lesquels la demande adverse pourrait s'appuyer ; que dès lors, si le juge entend rechercher d'office sur quels fondements la demande peut prospérer, il a l'obligation, pour obvier à l'effet de surprise né de l'introduction dans le débat d'un moyen de droit qui n'apparaissait pas dans les écritures du demandeur, d'interpeller les parties pour leur permettre de s'expliquer sur ce fondement nouveau ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont expressément constaté que le fondement juridique de la demande des consorts X... à l'encontre de la société Club Méditerranée n'était pas précisé ; que faute d'avoir invité les parties, et notamment la société Club Méditerranée, à présenter leurs observations sur la pertinence de ce fondement juridique, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile et le principe du contradictoire ;
2°/ que dès lors qu'une demande en réparation est formulée sans que son fondement juridique soit précisé par son auteur, les juges du fond, qui décident de relever ce fondement d'office, ne peuvent opposer au défendeur qu'il ne démontre pas l'existence d'une cause d'exonération sans l'inviter à présenter ses observations sur ce point ; qu'en retenant que la société Club Méditerranée ne démontrait pas que l'accident était imputable à la victime, à un tiers étranger au contrat ou encore à un cas de force majeure, sans interpeller le parties et notamment la société Club Méditerranée sur ce point, les juges du fond ont à nouveau violé l'article 16 du code de procédure et le principe du contradictoire ;
Mais attendu que si l'article 954, alinéa 1er, du code de procédure civile exige des parties qu'elles formulent expressément, dans leurs conclusions d'appel, les moyens de droit fondant chacune de leurs prétentions, il n'assortit cette obligation d'aucune sanction ; que c'est donc par une exacte application des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, et sans relever un moyen d'office, que la cour d'appel, ayant constaté que les consorts X... ne précisaient pas le fondement juridique des demandes qu'ils formaient, par voie d'appel incident, contre la société Club Méditerranée, a fondé sa décision sur l'article 23 de la loi du 13 juillet 1992, devenu l'article L. 211-16 du code de tourisme, dont l'application, dans sa rédaction alors en vigueur, découlait des faits allégués ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen des mêmes pourvois, pris en ses trois branches, et sur le moyen unique du pourvoi incident de M. Y..., de l'Ecole du ski français et de la société Axa France IARD, pris en ses trois premières branches, ces moyens, tels qu'annexés au présent arrêt, étant réunis :
Attendu que ces moyens ne tendent, sous le couvert de griefs non fondés de dénaturation des termes du litige, de violation de la loi ou de manque de base légale, qu'à remettre en discussion les éléments de fait et de preuve desquels, sans relever un moyen d'office, ni se contredire, les juges du fond ont souverainement déduit le montant des prélèvements à la source de l'impôt sur le revenu qu'il convenait de réintégrer aux revenus nets des époux X..., ressortissants néerlandais, pour déterminer les pertes de revenus résultant, pour les ayants droit, du décès de la victime ; qu'ils ne sauraient être accueillis ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de M. Y..., de l'Ecole du ski français et de la société Axa France IARD, pris en sa quatrième branche :
Attendu que M. Y..., l'Ecole de ski français et la société Axa France IARD font également grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à déduire du préjudice économique subi par Mme X... le capital-décès qu'elle a perçu, alors, selon le moyen, que le capital-décès versé à la veuve de la victime d'un accident de la circulation a en principe vocation à compenser la perte de revenus qu'elle subit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a décidé qu'il n'y avait pas lieu de déduire le capital-décès que Mme X... aurait perçu, à défaut de preuve du caractère indemnitaire de ce versement, a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que le capital-décès, ne relevant pas des prestations indemnitaires par détermination de la loi, ne répare la perte économique que subit la veuve de la victime d'un accident mortel que s'il dépend du montant des revenus du défunt, et revêt ainsi un caractère indemnitaire et non pas forfaitaire ; qu'ayant retenu que la preuve du caractère indemnitaire du capital-décès perçu par Mme X... n'était pas rapportée, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu de déduire ce versement de l'indemnité réparatrice revenant à celle-ci, au titre de son préjudice économique ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi provoqué de la société Axa Corporate solutions :
Vu les articles 1382 et 1384 du code civil, ensemble l'article 1251 du même code ;
Attendu qu'après avoir déclaré M. Z... responsable des conséquences dommageables de l'accident en tant que gardien de ses skis, l'arrêt retient, pour limiter le recours de son assureur contre le moniteur fautif à 20 % des condamnations prononcées in solidum, que la faute commise par le moniteur n'exonère M. Z... que du 1/ 5e de sa responsabilité, ajoutant, sur le recours réciproque du moniteur et de son assureur de responsabilité civile professionnelle, que le comportement du skieur ne constitue pas un cas de force majeure susceptible d'exonérer M. Y... en totalité de sa responsabilité ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser la faute causale du gardien qui seule pouvait fonder l'action récursoire du coauteur fautif et faire corrélativement échec au recours pour le tout de l'assureur du gardien, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il s'est prononcé sur les recours contributifs des condamnés in solidum, dans leurs rapports entre eux, et sur l'incidence de ce partage sur la charge définitive des dépens, l'arrêt rendu le 17 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Axa Corporate solutions et la société Axa France IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Club Méditerranée et la société Axa Corporate solutions, d'une part, et M. Y..., l'ESF et la société Axa France IARD, d'autre part, à payer aux consorts X... respectivement les sommes de 2 000 euros et de 1 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Club Méditerranée, demanderesse au pourvoi principal, et la société Axa Corporate solutions, demanderesse au pourvoi provoqué
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré la société CLUB MÉDITERRANÉE responsable du préjudice subi par Madame X... et ses deux enfants, puis condamné la société CLUB MÉDITERRANÉE à réparation ;
AUX MOTIFS QUE « les consorts X... sollicitent la condamnation solidaire de la société Club Méditerranée mais n'invoquent aucun fondement juridique à l'appui de cette demande ; que toutefois l'article 23 de la loi du 13, juillet1 1992 prévoit que toute personne qui se livre à l'organisation ou la vente de séjours individuels est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par lui-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contré ceux-ci ; que toutefois elle peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur soit au fait, imprévisible ou insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat soit à un cas de force majeure ; que la société Club Méditerranée ne démontre pas que l'accident est imputable à monsieur X..., à un tiers extérieur à la prestation ou à un cas de force majeure ; que dès lors la responsabilité de plein droit de la société Club Méditerranée doit être retenue » (arrêt, p. 13) ;
ALORS QUE, premièrement, si en dépit de l'article 954 du code de procédure civile qui oblige l'appelant à formuler ses moyens de droit, le juge a néanmoins la faculté, sans y être tenu, de suppléer l'auteur de la demande pour rechercher un fondement juridique permettant d'y faire droit, le défendeur peut légitimement considérer qu'il n'a pas, pour sa part, à prendre l'initiative d'examiner les fondements éventuels sur lesquels la demande adverse pourrait s'appuyer ; que dès lors, si le juge entend rechercher d'office sur quels fondements la demande peut prospérer, il a l'obligation, pour obvier à l'effet de surprise né de l'introduction dans le débat d'un moyen de droit qui n'apparaissait pas dans les écritures du demandeur, d'interpeller les parties pour leur permettre de s'expliquer sur ce fondement nouveau ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont expressément constaté que le fondement juridique de la demande des consorts X... à l'encontre de la société CLUB MÉDITERRANÉE n'était pas précisé ; que faute d'avoir invité les parties, et notamment la société CLUB MÉDITERRANÉE, à présenter leurs observations sur la pertinence de ce fondement juridique, la cour d'appel violé l'article 16 du code de procédure civile et le principe du contradictoire ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, dès lors qu'une demande en réparation est formulée sans que son fondement juridique soit précisé par son auteur, les juges du fond, qui décident de relever ce fondement d'office, ne peuvent opposer au défendeur qu'il ne démontre pas l'existence d'une cause d'exonération sans l'inviter à présenter ses observations sur ce point ; qu'en retenant que la société CLUB MÉDITERRANÉE ne démontrait pas que l'accident était imputable à la victime, à un tiers étranger au contrat ou encore à un cas de force majeure, sans interpeller le parties et notamment la société CLUB MÉDITERRANÉE sur ce point, les juge du fond ont à nouveau violé l'article 16 du code de procédure et le principe du contradictoire.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné la société CLUB MÉDITERRANÉE, Monsieur Z... et la société AXA CORPORATE SOLUTIONS à payer à Madame X... les sommes de 3. 225. 000 et 25. 000 euros, en réparation de son préjudice personnel, et les sommes de 334. 585, 20 euros et 25. 000 euros, puis 291. 510, 60 euros et 25. 000 euros en réparation du préjudice subi par ses enfants ; et qu'il a décidé que la société AXA CORPORATE SOLUTIONS devra relever garantie à Monsieur Z... de l'ensemble de condamnations prononcées à son endroit ;
AUX MOTIFS QUE « l'indemnisation du préjudice économique des ayant-droit de la victime est destinée à les replacer, autant que faire ce peut, dans la situation pécuniaire où ils se trouvaient avant l'accident ; que le décès de monsieur X... qui était dentiste a engendré pour le conjoint survivant et les enfants un préjudice économique dont le processus d'évaluation consiste à rechercher la perte annuelle pour les survivants et à répartir entre eux en fonction de la durée pendant laquelle ils pouvaient y prétendre ; que le décès de monsieur X... a également contraint son épouse, madame A..., qui travaillait avec lui à cesser son activité notamment pour prendre en charge leurs enfants ; que les déclarations de revenus de l'année 2002 mentionnent des revenus pour monsieur d'environ 99000 euros et pour madame de l'ordre de 36200 euros soit 11200 euros par mois ; que pour l'année 2004 le revenu de madame A... a été de 17000 euros, pour 2005 de 9500 euros et pour 2006 de 9600 euros, soit une moyenne de 995 euros par mois ; que-Madame A... soutient, à juste titre et sans être contredite, que ces revenus sont après prélèvements à la source des impôts (de 52 % pour les revenus supérieurs à 53064 euros et de 33, 65 % pour les revenus inférieurs à 17319 euros) et qu'il y lieu de tenir compte des impôts prélevés pour connaître le revenu annuel global net imposable devant servir de base de calcul ; que sur les revenus perçus par le couple une part de 20 % d'autoconsommation de monsieur X... sera retenue ; que la perte de revenus s'établit donc à
revenus bruts avant l'accident : 278000 part d'autoconsommation de monsieur : 55600 total après déduction : 222400

revenus de madame postérieurs à l'accident : 16400
perte : 206000 ;
que 70 % de la perte doit être affectée à madame A... et 15 % à chacun des enfants soit pour madame A... : 206000 x 70 % x 16, 239 euros de rente à 65 ans, soit 2341663, 80 euros ; que l'indemnisation de madame A... sera limitée à la somme de 2. 125. 000 euros telle que réclamée ; pour Olivier X... : 206000 x 15 % x 9, 434, soit 291. 510, 60 euros ; pour Frédérique X... : 206000 x 15 % x 10, 828, soit 334. 585, 20 euros ; qu'il convient de tenir compte également des droits à la retraite de monsieur X... dont son épouse se trouvera privée et qui peuvent être évalués à une somme annuelle de 56. 000 euros soit sur 20 ans 1. 120. 000 euros ; qu'il n'y a pas lieu de déduire de l'indemnisation du préjudice économique de madame A... le capital décès qu'elle aurait perçu à défaut de preuve du caractère indemnitaire de ce versement. » (arrêt, p. 13-14) ;

ALORS QUE, premièrement, si Madame X... a prétendu que les sommes figurant sur ses déclarations de revenus devaient être majorées de l'impôt sur le revenu, un prélèvement à la source étant pratiqué aux Pays Bas, et chiffré son revenu avant paiement de l'impôt, elle n'a à aucun moment invoqué les taux de 52 % et de 33, 65 % tels que retenus par l'arrêt ; qu'en se fondant sur ces taux, pour reconstituer les revenus des époux, socle des indemnités allouées, sans provoquer les observations de parties sur ce point, les juges du fond ont violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, estimant qu'il devait être pratiqué une majoration des revenus portés sur les déclarations de revenus, les juges du fond ont majoré de 52 % les revenus supérieurs à 53. 064 euros et de 33, 65 % les revenus inférieurs à 17. 913 euros ; que toutefois, ils ne se sont en aucune façon expliqués sur le taux d'imposition pour les revenus compris entre 53. 064 euros et 17. 319 euros ; que de ce point de vue l'arrêt attaqué est entaché d'un défaut de base légale au regard du principe suivant lequel la réparation doit être à l'exacte mesure du préjudice éprouvé, ensemble l'article 23 de la loi du 13 juillet 1992 ;
ALORS QUE, troisièmement, s'agissant des revenus de Madame X... postérieurs au décès, les juges du fond ont retenu la somme de 995 euros par mois, soit 11. 940 euros par an ; que pour parvenir à un revenu avant impôt de 16. 400 euros, ils ont de fait appliqué un taux de 27, 20 % ; qu'en appliquant un tel taux, quand ils énonçaient par ailleurs que le taux applicable s'agissant des revenus inférieurs à 17. 319 euros était de 33, 65 %, les juges du fond ont entaché leur décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'après avoir condamné à réparation Monsieur Z..., puis décidé que la société AXA CORPORATE SOLUTIONS devait le garantir des condamnations prononcées à son encontre, il a décidé que, dans leurs rapports, Monsieur Z... et la société AXA CORPORATE SOLUTIONS devaient supporter 80 % des condamnations, cependant que Monsieur Y... et la société AXA FRANCE IARD ne devaient en supporter que 20 % ;
AUX MOTIFS QU'« ainsi qu'il a été précédemment démontré, monsieur Y... a manqué à ses obligations professionnelles d'information, de surveillance et de vigilance ; que toutefois l'accident n'est pas dû à une cause étrangère à monsieur Z... revêtant pour lui un caractère imprévisible et la faute de monsieur Y... ne constitue pas un événement de force majeure ; que dès lors il n'existe aucune cause d'exonération totale de la responsabilité de monsieur Z... ; que le comportement de monsieur Z... étant principalement la cause de l'accident, la faute de monsieur Y... ne l'exonère que d'une part de 1/ 5ème de sa responsabilité » (arrêt, p. 15, § 4) ;
ALORS QUE, dans l'hypothèse où une partie a vu sa responsabilité engagée en l'absence de faute prouvée, notamment sur le fondement de la garde de la chose, et où parallèlement une autre partie a vu sa responsabilité engagée sur le fondement d'une faute prouvée, la première est en droit de demander, dans leurs rapports respectifs, que l'intégralité du dommage soit supportée par la seconde dès lors qu'elle a vu sa responsabilité engagée sur le terrain d'une faute personnelle ; qu'en l'espèce, aucune faute personnelle n'a été établie à l'encontre de Monsieur Z..., dont la responsabilité a été engagée sur le terrain de la garde de la chose, quand Monsieur Y... a vu sa responsabilité engagée sur le terrain de sa faute personnelle ; qu'en décidant néanmoins que la société AXA CORPORATE SOLUTIONS, intervenant comme assureur de Monsieur Z..., et Monsieur Z... lui-même devaient supporter 80 % de la charge de la réparation dans leurs rapports avec Monsieur Y..., les juges du fond ont violé les articles 1382 et 1384 du code civil. Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour M. Y... et les sociétés Ecole du ski français et Axa France IARD, demandeurs au pourvoi incident

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un moniteur de ski (M. Y...), in solidum avec son assureur (la société AXA FRANCE IARD), à régler à la veuve et aux enfants (les consorts X...) d'une victime d'accident de ski, au titre de leur préjudice économique, les sommes de 32. 225. 000 ¿, 334. 525, 20 ¿ et 291. 510, 60 ¿ ;
AUX MOTIFS QUE l'indemnisation du préjudice économique des ayants droit de la victime est destinée à les replacer, autant que faire se peut, dans la situation pécuniaire où ils se trouvaient avant l'accident ; que le décès de M. X..., qui était dentiste, avait engendré pour le conjoint survivant et les enfants un préjudice économique dont le processus d'évaluation consiste à rechercher la perte annuelle pour les survivants et à la répartir entre eux en fonction de la durée pendant laquelle ils pouvaient y prétendre ; que le décès de M. X... avait contraint son épouse, qui travaillait avec lui, à cesser son activité notamment pour prendre en charge leurs enfants ; que les déclarations de revenus de l'année 2002 mentionnaient des revenus pour monsieur d'environ 99. 000 ¿ et pour madame de l'ordre de 36. 200 ¿, soit 11. 200 ¿ par mois ; pour l'année 2004, le revenu de Mme A... avait été de 17. 000 ¿, pour 2005 de 9. 500 ¿ et pour 2006 de 9. 600 ¿, soit une moyenne de 995 ¿ par mois ; que Mme A... soutenait sans être contredite que ces revenus étaient calculés après prélèvements à la source des impôts (de 52 % pour les revenus supérieurs à 53. 064 ¿ et de 33, 65 % pour les revenus inférieurs à 17. 319 ¿) et qu'il y avait lieu de tenir compte des impôts prélevés pour connaître le revenu annuel global net imposable devant servir de base de calcul ; que, sur les revenus du couple, une part de 20 % d'autoconsommation de M. X... devait être retenue ; que la perte de revenus s'établissait donc à : revenus bruts avant l'accident : 278. 000 ; part d'autoconsommation de monsieur : 55. 600 ; total après déduction : 222. 400 ; revenus de madame après l'accident : 16. 400 ; perte : 206. 000 ¿ ; que 70 % de la perte devait être affectée à madame A... et 15 % à chacun des enfants, soit :- pour Mme A..., 2. 341. 663, 80 ¿ ; que l'indemnisation de Mme A... devait être limitée à la somme de 2. 125. 000 ¿, telle que réclamée ;- pour Olivier X... ; 291. 510, 20 ¿ ;- pour Mlle Frédérique X..., 334. 585, 20 ¿ ; qu'il convenait de tenir compte également des droits à la retraite de M. X... dont son épouse se trouvera privée et qui pouvaient être évalués à une somme annuelle de 56. 000 ¿, soit, sur 20 ans, 1. 120. 000 ¿ ; qu'il n'y avait pas lieu de déduire du préjudice économique de Mme A... le capital décès qu'elle aurait perçu, à défaut de preuve du caractère indemnitaire de ce versement ;

1°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent soulever d'office un moyen sans inviter les parties à s'en expliquer ; qu'en l'espèce, la cour, qui a d'office appliqué des taux d'imposition à la source de 52 % et de 33, 65 % prétendument pratiqués aux Pays-Bas selon les tranches de revenus des contribuables, quand aucune des parties n'avait invoqué de tels taux, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, la cour, qui a appliqué, pour reconstituer les revenus des époux X... avant et après le décès de M. Carlo X..., des taux d'imposition à la source, prétendument pratiqués aux Pays-Bas, de 52 % et de 33, 65 % selon les tranches de revenus des contribuables, quand ces taux n'avaient jamais été invoqués par les parties, a méconnu les termes du litige, en violation des prescriptions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE les juges du fond doivent appuyer le chiffrage du préjudice économique d'une victime sur des éléments matériellement vérifiables ; qu'en l'espèce, la cour, qui a chiffré à 16. 400 ¿ le montant des revenus de Mme X... après l'accident de son mari, en appliquant à ces revenus un taux d'imposition ne correspondant à aucun des deux taux (52 % et 33, 65 %) qu'elle avait annoncés, a omis de tirer les conséquences légales qui s'imposaient de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du code civil ;
4°/ ALORS QUE le capital décès versé à la veuve de la victime d'un accident de la circulation a en principe vocation à compenser la perte de revenus qu'elle subit ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé qu'il n'y avait pas lieu de déduire le capital décès que Mme X... aurait perçu, à défaut de preuve du caractère indemnitaire de ce versement, a violé l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-17909
Date de la décision : 16/10/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 17 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 oct. 2013, pourvoi n°12-17909


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.17909
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