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10/10/2013 | FRANCE | N°12-21106

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 octobre 2013, 12-21106


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et huit autres salariés de la société International Paper (la société) ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de salaires et de dommages-intérêts fondées sur le principe « à travail égal, salaire égal », en faisant valoir qu'ils n'avaient pas perçu un complément individuel de salaire (CIS) que l'employeur avait mis en place dans l'entreprise à compter de 1994 pour individualiser sa politique salariale ; que le syndicat CGT est intervenu à l'i

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Sur le moyen unique :
Sur la recevabilité du moyen, contes...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et huit autres salariés de la société International Paper (la société) ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de salaires et de dommages-intérêts fondées sur le principe « à travail égal, salaire égal », en faisant valoir qu'ils n'avaient pas perçu un complément individuel de salaire (CIS) que l'employeur avait mis en place dans l'entreprise à compter de 1994 pour individualiser sa politique salariale ; que le syndicat CGT est intervenu à l'instance ;
Sur le moyen unique :
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que pour s'opposer au moyen, les sociétés International Paper et Celimo font valoir que son admission enfreindrait le principe consacré par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lequel « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens », en ce qu'elle conduirait l'employeur à supporter indéfiniment les conséquences de l'erreur commise par lui en omettant de fixer des critères objectifs d'attribution de l'avantage litigieux, ce qui caractériserait une atteinte injustifiée et excessive à son droit de propriété ;
Mais attendu que le moyen de défense est inopérant dès lors qu'il résulte des constatations de l'arrêt, d'une part, que l'employeur s'était lui-même engagé dès 1994 à s'appuyer sur des appréciations objectives et connues de tous, d'autre part, qu'il n'a pas renoncé au versement du complément individuel de salaire pour les salariés engagés avant l'année 2000 ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Vu le principe « à travail égal, salaire égal » ;
Attendu que pour débouter les salariés de leurs demandes, l'arrêt retient que dès lors que la société a définitivement renoncé à accorder des compléments individuels de salaire à partir de l'année 2000, les salariés engagés à compter de cette année ne peuvent en bénéficier ;
Attendu, cependant, qu'au regard du principe « à travail égal, salaire égal », la seule circonstance que les salariés aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ou d'un engagement unilatéral de l'employeur, ne saurait suffire à justifier des différences de traitement entre eux, pour autant que cet accord collectif ou cet engagement unilatéral n'a pas pour objet de compenser un préjudice subi par les salariés lors de son entrée en vigueur ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait fait ressortir que les compléments individuels de salaire litigieux n'avaient pas pour objet de compenser un préjudice subi par les salariés antérieurement à l'entrée en vigueur de ce mode de rémunération, mais de rétribuer, sans critères préalablement définis et contrôlables, diverses situations liées à la qualité du travail des salariés ou à leurs performances, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et F... de leurs demandes de rappel de salaire sur le fondement du principe « travail égal, salaire égal » et de leurs demande de dommages-intérêts pour inégalité de traitement, l'arrêt rendu le 16 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;
Condamne in solidum les sociétés Paper international et Celimo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des deux sociétés et condamne in solidum celles-ci à verser aux salariés et au syndicat CGT International Paper la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X... et autres
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté messieurs Ludovic X..., Alexandre Y..., Pierre Z..., Vincent A..., Stephane B..., Stephane C..., Sébastien D..., Yves E..., John F... de leur demande de rappel de salaire sur le fondement du principe « à travail égal, salaire égal » ;
AUX MOTIFS QUE le conseil de prudhommes n'a pas tenu compte de ce que la société International Paper a définitivement renoncé à accorder des compléments individuels de salaire à partir de l'année 2000, ce qui est établi par les documents versés aux débats et non contesté ; que les salariés embauchés à partir de cette année ne peuvent donc bénéficier des compléments individuels de salaire et doivent en conséquence être déboutés de leurs demandes ; que tel est le cas de messieurs Ludovic X..., Alexandre Y..., Pierre Z..., Vincent A..., Stephane B..., Stephane C..., Sébastien D..., Yves E... et John F... ;
1°) ALORS QU'au regard du principe « à travail égal, salaire égal », la circonstance que des salariés soient engagés avant ou après que l'employeur ait décidé de supprimer une prime ne peut suffire à justifier des différences de traitement entre eux ; qu'en considérant que les salariés embauchés après l'année 2000 devaient être déboutés de leur demande aux seuls motifs qu'il était établi que la SA International Paper avait définitivement renoncé à accorder des compléments de salaires après l'année 2000, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » ;
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE l'employeur peut accorder des avantages particuliers à certains salariés à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l'avantage ainsi accordé, et que les règles déterminant l'octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables ; qu'après avoir constaté que les règles d'attribution des compléments individuels de salaires n'étaient pas préalablement définies et contrôlables, d'où il résultait qu'aucun critère d'attribution de l'avantage n'excluait de son bénéfice les salariés embauchés après une certaine date, la cour d'appel qui a considéré que les salariés engagés postérieurement au « renoncement » par l'employeur, au cours de l'année 2000, de continuer à accorder cet avantage ne pouvaient en bénéficier, a violé le principe « à travail égal, salaire égal » ;

3°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les conventions légalement formées ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ; que si les usages et engagements unilatéraux de l'employeur ne s'incorporent pas au contrat de travail et peuvent faire l'objet d'une dénonciation, celle-ci n'est opposable à l'ensemble des salariés concernés que si elle est précédée d'une information aux intéressés et aux institutions représentatives du personnel, dans un délai permettant d'éventuelles négociations ; qu'en considérant qu'il était établi par les documents versés aux débats que la SA International Paper avait « renoncé », à partir de l'année 2000, à accorder des compléments individuels de salaire, la cour d'appel qui s'est abstenue de constater la nature de l'avantage et les conditions de sa dénonciation, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4°) ET ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE dans leurs conclusions d'appel (page 6 § 2 ; page 15 § 6 et 7 ; page 17 § 2) les exposants soutenaient que l'employeur n'avait pas cessé d'allouer des compléments individuels de salaire à une partie des salariés de l'entreprise ; qu'en retenant qu'il résultait de documents versés aux débats, non contestés, que la SA International Paper avait définitivement renoncé à accorder à partir de l'année de 2000 des compléments individuels de salaire, la cour d'appel qui a dénaturé les conclusions des salariés, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-21106
Date de la décision : 10/10/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 16 avril 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 oct. 2013, pourvoi n°12-21106


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.21106
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