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09/10/2013 | FRANCE | N°12-24454

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 octobre 2013, 12-24454


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 12 mars 2008 par la société Ecodia en qualité d'analyste financier ; qu'il a été licencié pour insuffisance professionnelle le 18 septembre 2008 ; que les parties ont conclu une transaction le 19 septembre 2008 ; que contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer valable la transact

ion et irrecevables ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 12 mars 2008 par la société Ecodia en qualité d'analyste financier ; qu'il a été licencié pour insuffisance professionnelle le 18 septembre 2008 ; que les parties ont conclu une transaction le 19 septembre 2008 ; que contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer valable la transaction et irrecevables ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que la transaction, ayant pour objet de prévenir ou terminer une contestation, ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement prévue à l'article L. 1232-6 du code du travail ; qu'en déclarant valable la transaction conclue le 19 septembre 2008 réglant les conséquences pécuniaires de la rupture d'un contrat de travail de M. X... par la société Ecodia, sans constater que le salarié avait reçu, à cette date, la lettre recommandée avec accusé de réception postée le 18 septembre précédent, lui notifiant son licenciement pour insuffisance professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1231-4 du code du travail et 2044 du code civil ;
2°/ subsidiairement, que si la juridiction appelée à statuer sur la validité d'une transaction réglant les conséquences d'un licenciement n'a pas à se prononcer sur la réalité et le sérieux du ou des motifs énoncés dans la lettre de licenciement, elle doit, pour apprécier si des concessions réciproques ont été faites et si celle de l'employeur n'est pas dérisoire, vérifier que la lettre de licenciement est motivée conformément aux exigences légales ; qu'en jugeant que la lettre de licenciement, motivée par une « insuffisance professionnelle préjudiciable aux intérêts de la société », constituait « un licenciement suffisamment motivé », quand ce motif, qui n'énonce pas un grief matériellement vérifiable, ne répond pas aux exigences de motivation de la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que le salarié avait soutenu devant la cour d'appel que la transaction avait été conclue avant que le licenciement lui ait été notifié ;
Attendu, ensuite, que l'insuffisance professionnelle alléguée par l'employeur constitue le motif précis, matériellement vérifiable, exigé par la loi ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal du salarié :
Vu l'article 122 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond ;
Attendu que l'arrêt, après avoir déclaré irrecevables les demandes du salarié, les rejette ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le pourvoi incident de l'employeur :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter l'employeur de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'étendue du litige est fixée par la lettre de licenciement ; que le licenciement ayant été prononcé pour insuffisance professionnelle, l'employeur ne peut pas invoquer une faute lourde seule susceptible d'engager la responsabilité pécuniaire du salarié ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande en dommages-intérêts était fondée sur l'existence de fautes lourdes découvertes après la notification du licenciement et la conclusion de la transaction, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Ecodia de ses demandes reconventionnelles et, par voie de retranchement, en ce qu'il rejette les demandes du salarié, l'arrêt rendu le 26 juillet 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant aux demandes reconventionnelles de dommages-intérêts pour faute lourde du salarié et à raison du caractère abusif de la procédure, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré valable la transaction signée par M. X..., salarié, et la Sarl Ecodia, employeur, le 19 septembre 2008 et, en conséquence, d'avoir déclaré irrecevables l'action prud'homale de M. X... et toutes ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail ;
AUX MOTIFS QU'en l'espèce, un protocole transactionnel a été signé le 19 septembre 2008 par M. X... et M. Queriaux, gérant de la société Ecodia, rédigé en ces termes : «... Par lettre du 3 septembre 2008, M. X... a été convoqué à un entretien préalable qui s'est déroulé le 15 septembre 2008, à l'issue duquel il a été licencié par lettre RAR du 18 septembre 2008 pour le motif suivant « insuffisance professionnelle préjudiciable aux intérêts de l'entreprise ». M. X...
Y... a renoncé, de son fait, à effectuer son préavis à compter du 19 septembre 2008. M. X... a contesté le bien fondé des griefs formulés à son encontre et il a déclaré son intention de saisir là juridiction prud'homale afin de défendre ses droits. Il a fait valoir que, indépendamment de la perte de son emploi, ce licenciement, dénué de cause réelle et sérieuse, lui causait un préjudice moral et professionnel particulier, dont il demanderait réparation. Un différend s'est donc trouvé né entre les parties qui, après discussions, ont considéré qu'il était de leur intérêt réciproque d'éviter une procédure judiciaire. Soucieux de mettre un terme au litige qui les oppose et à la suite de discussions amiables intervenues entre eux après la rupture du contrat de travail, les soussignés sont convenus de mettre un terme définitif à leur litige de manière transactionnelle et forfaitaire, en s'accordant les concessions suivantes : La SARL ECODIA alloue à Mr X...
Y..., hors de toute obligation légale (ou conventionnelle), une indemnité transactionnelle globale forfaitaire et définitive égale à 1600 ¿ et, destinée à réparer le préjudice particulier invoqué ci-dessus. Cette somme lui est versée à ce jour en espèces. Sous réserve de la parfaite exécution des clauses du présent accord, Mr X...
Y..., pour sa part, s'engage expressément à renoncer à tous droits, actions et prétentions envers la SARL ECODIA au titre de l'exécution comme de la résiliation du contrat et, plus généralement, à toutes prétentions qui pourraient trouver leur fondement dans le droit commun, son contrat de travail ou la convention collective. Il se désiste également de toute instance et de toute action qui aurait pu être déjà introduite ou susceptible de l'être... » ; qu'outre que la transaction a été faite après la notification de la lettre de licenciement du 18 septembre 2008 ayant pour motif : « votre insuffisance professionnelle préjudiciable aux intérêts de l'entreprise », ce qui constitue un licenciement suffisamment motivé, il ressort du protocole transactionnel susvisé qu'il comporte des concessions réciproques de la part du salarié, M. X... et de l'employeur, la SARL Ecodia ; qu'en effet, le salarié renonce expressément à son préavis et ne perçoit donc pas l'indemnité du même nom, la démonstration étant faite par deux mails qu'il a adressés les 6 octobre et 6 novembre 2008 à son employeur, qu'il était à l'étranger depuis la fin du mois de septembre 2008 jusqu'à la fin du mois de novembre 2008 et qu'il avait obtenu pour des raisons de convenances personnelles de ne pas exécuter son préavis ; qu'il écrivait en effet : « Je suis en Espagne à Majorque depuis le dimanche 28 septembre, s'il y a des pièces que je dois vous fournir avec la feuille qu'ils vous enverront (la préfecture), merci de me prévenir via mail ou part tél si possible au... (un numéro de téléphone à l'étranger suit) à partir du 20 octobre (date de mon retour prévu en France). » « Je repars à New York ce soir (le 6 novembre 2008), la préfecture enverra à l'adresse d'ECODIA, une convocation pour effectuer la visite médicale dès que vous aurez payé les 1500 euros de redevance (objet de notre transaction). Merci de lui envoyer le chèque dès que possible. A la réception de la convocation... Je serai de retour en Europe dans 3 semaines. » ; que la société Ecodia a renoncé à l'exécution du préavis par M. X... et à l'indemnisation du temps de préavis non exécuté par le salarié ; qu'enfin, M. X... a reçu le paiement en espèces de 1600 ¿ alors que l'employeur l'avait licencié pour insuffisance professionnelle et qu'ayant moins de deux ans d'ancienneté, il ne pouvait pas prétendre à une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ; que la transaction étant valable, l'action engagée par M. X... contre la société Ecodia est irrecevable ;

1°) ALORS QUE la transaction, ayant pour objet de prévenir ou terminer une contestation, ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement prévue à l'article L. 1232-6 du code du travail ; qu'en déclarant valable la transaction conclue le 19 septembre 2008 réglant les conséquences pécuniaires de la rupture d'un contrat de travail de M. X... par la société Ecodia, sans constater que le salarié avait reçu, à cette date, la lettre recommandée avec accusé de réception postée le 18 septembre précédent, lui notifiant son licenciement pour insuffisance professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1231-4 du code du travail et 2044 du code civil ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE si la juridiction appelée à statuer sur la validité d'une transaction réglant les conséquences d'un licenciement n'a pas à se prononcer sur la réalité et le sérieux du ou des motifs énoncés dans la lettre de licenciement, elle doit, pour apprécier si des concessions réciproques ont été faites et si celle de l'employeur n'est pas dérisoire, vérifier que la lettre de licenciement est motivée conformément aux exigences légales ; qu'en jugeant que la lettre de licenciement, motivée par une « insuffisance professionnelle préjudiciable aux intérêts de la société », constituait « un licenciement suffisamment motivé », quand ce motif, qui n'énonce pas un grief matériellement vérifiable, ne répond pas aux exigences de motivation de la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevables l'action prud'homale de M. X... et toutes ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail et d'avoir rejeté ces demandes ;
AUX MOTIFS QUE la transaction étant valable, l'action engagée par M. X... contre la société Ecodia est irrecevable ; le jugement sera donc infirmé de ce chef ;
ALORS QUE le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en déclarant irrecevables l'action prud'homale de M. X... et toutes ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, tout en les rejetant, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 562 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Ecodia, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société ECODIA de ses demandes reconventionnelles ;
AUX MOTIFS QUE la société ECODIA réclame le paiement de 5 000 ¿ de dommages et intérêts en raison des fautes lourdes commises par Monsieur X..., les éléments versées aux débats établissant, selon elle, la commission de telles fautes répétées ; outre que l'employeur ayant fait le choix dans la lettre de licenciement de prononcer le licenciement sur une insuffisance professionnelle, ne peut pas changer de fondement devant le conseil de prud'hommes ou devant la Cour comme en l'espèce pour demander une aggravation en faute lourde, l'étendue du litige étant fixée définitivement par les limites de la lettre de licenciement tant sur les griefs que sur la qualification choisie par l'employeur, il est de principe que la responsabilité du salarié, même pécuniaire, ne peut être engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde ; qu'il suit que la Cour qui vient de déclarer valable la transaction signée par les parties, ne peut condamner Monsieur X... à payer des dommages et intérêts à la société ECODIA sans qu'il soit nécessaire d'examiner les conditions d'une action en responsabilité ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en affirmant, pour rejeter la demande reconventionnelle de la société tendant au paiement de dommages et intérêts pour faute lourde commise par le salarié postérieurement à la signature de la transaction, que « l'employeur ayant fait le choix, dans la lettre de licenciement, de prononcer le licenciement sur une insuffisance professionnelle, ne peut pas changer de fondement devant le conseil de prud'hommes ou devant la Cour comme en l'espèce pour demander une aggravation en faute lourde, l'étendue du litige étant fixée définitivement par les limites de la lettre de licenciement tant sur les griefs que sur la qualification choisie par l'employeur », quand la société s'était bornée à invoquer la faute lourde commise par le salarié au cours de la période de préavis sans remettre en cause le licenciement du salarié pour insuffisance professionnelle, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé en conséquence l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les transactions se renferment dans leur objet et ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de la société, que « la Cour qui vient de déclarer valable la transaction signée par les parties, ne peut condamner Monsieur X... à payer des dommages et intérêts à la société ECODIA sans qu'il soit nécessaire d'examiner les conditions d'une action en responsabilité », quand il résultait de ses constatations que la transaction signée le 19 septembre 2008 n'avait pour objet que de régler le différend opposant les parties sur les conséquences du licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur X... et sur l'exécution de son préavis et ne s'étendait nullement au comportement fautif du salarié commis durant la période de préavis non exécuté, la Cour d'appel a violé les articles 2048 et 2049 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-24454
Date de la décision : 09/10/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 juillet 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 oct. 2013, pourvoi n°12-24454


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.24454
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