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02/10/2013 | FRANCE | N°12-20660

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 octobre 2013, 12-20660


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 15 mars 2012), que la société Mercier négoce auto (la société Mercier), qui exerçait son activité de récupération, destruction et ferraillage de véhicules en vertu d'une autorisation administrative délivrée en 1966, a, en janvier 2006, chargé M. X..., architecte, d'établir et présenter à la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (la DRIRE) un dossier de demande d'agrément d'exploitation conforme aux

nouvelles dispositions réglementaires ; qu'après deux rejets de sa demande...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 15 mars 2012), que la société Mercier négoce auto (la société Mercier), qui exerçait son activité de récupération, destruction et ferraillage de véhicules en vertu d'une autorisation administrative délivrée en 1966, a, en janvier 2006, chargé M. X..., architecte, d'établir et présenter à la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (la DRIRE) un dossier de demande d'agrément d'exploitation conforme aux nouvelles dispositions réglementaires ; qu'après deux rejets de sa demande pour dossier incomplet, l'agrément lui fut octroyé en septembre 2007 ; que reprochant à M. X... des défaillances dans l'exécution de sa mission, la société Mercier l'a assigné en indemnisation ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Mercier la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que dès lors en jugeant que M. X..., qui se prévalait de ce qu'il avait d'emblée averti son mandant d'un délai nécessaire de quinze mois pour l'instruction d'un dossier d'agrément, ne pouvait ainsi s'exonérer de la responsabilité qu'il encourait du fait de son retard à obtenir l'agrément dès lors que, d'une part, ce délai n'était pas contractuel, d'autre part, que le retard constaté était pour une grande part imputable à sa carence à présenter un dossier conforme, sans avoir examiné, comme elle y était invitée, si la société mandante, expressément avertie par M. X..., avant qu'elle le mandate, que l'instruction de son dossier durerait au minimum quinze mois, et qui avait obtenu son agrément en septembre 2007, à peine plus de douze mois après le dépôt de la demande en juin 2006, n'était pas de mauvaise foi en lui demandant néanmoins réparation à raison d'un retard dans l'obtention de l'agrément, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 3, du code civil ;
2°/ que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue ; que dès lors, en retenant que faute d'agrément pendant près d'une année, la société Mercier avait perdu une chance d'obtenir la clientèle de plusieurs sociétés d'assurance et n'avait pu davantage conclure de contrat avec l'INDRA, que cette perte de chance était certaine, la baisse de son chiffre d'affaires ayant été affectée par la diminution de son activité corrélée avec l'absence d'agrément et son exploitation n'ayant pu redevenir bénéficiaire qu'après 2009, la cour d'appel qui a condamné M. X... à lui payer 40 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, sans avoir au préalable évalué, pour déterminer la part de chance qu'elle a retenue, le montant total de la perte d'exploitation subie par la société Mercier du fait de l'absence d'agrément pendant un an, a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que M. X... a déposé à deux reprises, à six mois d'intervalle, un dossier très incomplet malgré une demande précise de l'administration assortie d'une invitation à s'informer, l'arrêt relève que celui-ci a agi avec légèreté et désinvolture, attendant les refus successifs de la DRIRE pour parfaire le dossier, et que l'information donnée à la société Mercier sur la durée prévisible de l'instruction de la demande ne pouvait l'exonérer de sa responsabilité, dès lors que ce délai n'était pas contractuel et que le retard constaté lui était, pour l'essentiel, imputable ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a nécessairement exclu la mauvaise foi de la société Mercier, a légalement justifié sa décision retenant la responsabilité de M. X... ;
Attendu, d'autre part, que loin de se borner à fixer de façon arbitraire le préjudice subi, la cour d'appel a relevé que, pendant plusieurs mois, faute d'agrément, la société Mercier n'avait pu conclure de marchés ni auprès des assureurs ni auprès de l'INDRA et avait ainsi perdu une chance d'obtenir la clientèle de plusieurs d'entre eux, qu'au cours de l'année 2007 son activité avait diminué et qu'elle n'avait pu redevenir bénéficiaire qu'en 2009 ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'étendue du préjudice soumis à réparation qu'elle a, par une évaluation qui, en réalité, ne revêt pas un caractère forfaitaire, fixé à la somme globale de 40 000 euros les dommages subis par la société Mercier au titre de la perte de chance de négocier des contrats avec ses partenaires habituels ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à la société Mercier négoce auto la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X....
M. Pedro X... fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamné à payer la somme de 40.000 ¿ à titre de dommages-intérêts à la Sarl Mercier Négoce Auto.
AUX MOTIFS qu'il ressort des lettres de la DRIRE du 6 juillet 2006 et du 5 février 2007 que cette administration a précisé dans son premier envoi du 6 juillet 2006 la liste des textes applicables et énuméré les pièces manquantes ; dans une seconde lettre du 5 février 2007, elle a derechef rejeté la demande d'agrément en indiquant que le dossier était incomplet et qu'il convenait d'y inclure : un engagement à respecter les obligations des cahiers des charges mentionnés à l'article 3 de l'arrêté du 15 mars 2005, un bilan de la situation de la Sarl Mercier Négoce Auto vis-à-vis de l'article 2 de l'arrêté du 15 mars 2005 et de son annexe I, un résumé non technique de présentation du projet et du site qui reprenne les éléments essentiels de l'étude d'impact et de l'étude de danger, un tableau de classement des activités concernées par la nomenclature des installations classées en déterminant la nature et le volume de l'activité vis-à-vis de chaque critère de classement de la rubrique, pour compléter l'étude d'impact : l'impact sur le trafic, sur la santé du voisinage, les thèmes d'utilisation de l'énergie et de la remise en état du site en cas de cessation d'activité, un schéma lisible des réseaux d'eau usée, tous éléments, ainsi que le faisait observer la DRIRE, figurant dans les textes réglementaires et apparaissant comme des éléments essentiels du dossier qui auraient dû y être joints dès le dépôt de la première demande en juin 2006 ; Il s'ensuit de ces éléments, notamment des termes sévères employés par l'Inspecteur des installations classées pour rejeter les dossiers sommaires et incomplets présentés à deux reprises à son appréciation par le pétitionnaire, que M. Pedro X..., qui, bien que mandaté au mois de janvier 2006 pour élaborer un dossier de demande d'agrément, a attendu la fin du mois de juin de la même année pour soumettre un dossier très incomplet à la préfecture, qui a finalement attendu le premier trimestre 2007 pour missionner le bureau d'études Sécurit Ingénierie afin de compléter le dossier d'agrément, a présenté les deux premières demandes avec légèreté et désinvolture, attendant les refus successifs de la DRIRE pour parachever le dossier, alors qu'il aurait dû, afin d'accomplir au mieux son mandat, rechercher les textes réglementaires applicables et y satisfaire afin de présenter à l'administration dans les délais les plus brefs un dossier comportant l'intégralité des pièces et documents requis; qu'il ne peut s'exonérer de sa responsabilité en lien avec le retard d'obtention à quinze mois, usuel pour l'instruction d'un dossier soumis à des allers-retours entre le pétitionnaire et l'administration, alors que ce délai, d'une part n'était pas contractuel, d'autre part, que le retard constaté est pour une grande part imputable à sa carence à présenter à la préfecture un dossier conforme aux exigences requises par les textes réglementaires, textes qu'il lui appartenait de rechercher pour s'y conformer, ainsi que l'a relevé le tribunal par des moyens pertinents que la Cour adopte. Le préjudice de la Sarl Mercier Négoce Auto est ainsi constitué par le retard de plusieurs mois apporté à l'obtention de l'agrément administratif, retard qui peut être estimé entre 12 et 14 mois eu égard au fait que l'administration a examiné de façon très diligente les demandes d'agrément présentées successivement en 2006 et 2007 et a délivré au mois de septembre 2007 l'agrément sollicité au vu du dossier complété qui lui avait été soumis au mois de mars de la même année, soit un délai de 7 mois incompressible; il est établi par les justificatifs produits aux débats que la Sarl Mercier Négoce Auto, dont l'activité consiste à recevoir des compagnies d'assurance des épaves de voitures en vue de les dépolluer, n'a pu travailler, faute d'agrément, pendant ce délai de près d'une année, avec les compagnies d'assurance; qu'elle a, de la sorte, perdu une chance d'obtenir la clientèle de plusieurs société d'assurance qui, entre-temps, ont conclu des marchés avec d'autres entreprises disposant de l'agrément administratif requis et n'a pu davantage conclure de contrat avec I'INDRA pour acheter des voitures accidentées au prix préférentiel réservé aux seuls détenteurs d'un agrément. Cette perte de chance est certaine, la baisse du chiffre d'affaires de la Sarl Mercier Négoce Auto en 2007 ayant été affectée par la diminution de son activité corrélée avec cette absence d'agrément, le commissaire.- enquêteur réalisé relatant à cet égard dans son rapport du 13 juillet 2007 : « Le chiffre d'affaires a été voisin de 330.000 ¿ 2003, 2004, 2005. En 2006 et 2007, le chiffre d'affaires a été affecté de la perte d'exploitation due au fait que site ne pouvait accueillir de VHU en attendant l'aboutissement de la demande d'autorisation » ; l'exploitation n'a pu redevenir bénéficiaire qu'après 2009, lorsque la SARL Mercier Négoce Auto a été en capacité de négocier des contrats avec les compagnies d'assurance ; au vu de ces divers éléments, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la SARL Mercier Négoce Auto de ses demandes et M. Pedro X... sera condamné à lui régler la somme de 40.000 ¿ en réparation de son préjudice en lien de causalité avec ses défaillances dans l'exécution de son mandat.
ALORS que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que dès lors en jugeant que M. X..., qui se prévalait de ce qu'il avait d'emblée averti son mandant d'un délai nécessaire de 15 mois pour l'instruction d'un dossier d'agrément, ne pouvait ainsi s'exonérer de la responsabilité qu'il encourait du fait de son retard à obtenir l'agrément dès lors que d'une part ce délai n'était pas contractuel, d'autre part que le retard constaté était pour une grande part imputable à sa carence à présenter un dossier conforme, sans avoir examiné, comme elle y était invitée, si la société mandante, expressément avertie par M. X..., avant qu'elle le mandate, que l'instruction de son dossier durerait au minimum 15 mois, et qui avait obtenu son agrément en septembre 2007, à peine plus de 12 mois après le dépôt de la demande en juin 2006, n'était pas de mauvaise foi en lui demandant néanmoins réparation à raison d'un retard dans l'obtention de l'agrément, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 alinéa 3 du code civil.
ALORS que subsidiairement et en toute hypothèse la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue ; que dès lors, en retenant que faute d'agrément pendant près d'une année, la société Mercier Négoce Auto avait perdu une chance d'obtenir la clientèle de plusieurs sociétés d'assurance et n'avait pu davantage conclure de contrat avec l'INDRA, que cette perte de chance était certaine, la baisse de son chiffre d'affaires ayant été affectée par la diminution de son activité corrélée avec l'absence d'agrément et son exploitation n'ayant pu redevenir bénéficiaire qu'après 2005, la Cour d'appel qui a condamné M. X... à lui payer 40.000 ¿ de dommages intérêts en réparation de son préjudice, sans avoir au préalable évalué, pour déterminer la part de chance qu'elle a retenue , le montant total de la perte d'exploitation subie par la société Mercier Négoce Auto du fait de l'absence d'agrément pendant un an, a violé l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-20660
Date de la décision : 02/10/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 15 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 oct. 2013, pourvoi n°12-20660


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.20660
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