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25/09/2013 | FRANCE | N°12-26130

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 septembre 2013, 12-26130


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la première branche du moyen unique :
Vu l'article 1356 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans les opérations de liquidation et de partage des successions de leurs parents des difficultés sont survenues entre Mme X... et M. Y... quant à la créance de salaire différé dont celui-ci demandait le paiement ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient d'abord que la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle po

rte sur des points de fait et non sur des points de droit, puis que, si M...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la première branche du moyen unique :
Vu l'article 1356 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans les opérations de liquidation et de partage des successions de leurs parents des difficultés sont survenues entre Mme X... et M. Y... quant à la créance de salaire différé dont celui-ci demandait le paiement ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient d'abord que la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non sur des points de droit, puis que, si Mme X... a accepté la reconnaissance de cinq ans, puis de six ans, de salaire différé sous certaines conditions, elle n'a pas formellement reconnu que son frère avait participé à l'exploitation familiale de telle date à telle date, sans être associé aux bénéfices et sans recevoir de salaire en argent en contrepartie de son travail, de telle sorte que le tribunal a écarté à bon droit l'existence d'un aveu judiciaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions devant le tribunal, Mme X..., qui contestait seulement la durée de la participation de son frère à l'exploitation de leurs parents, avait énoncé avoir « également participé à l'exploitation familiale pendant quatre années sans elle-même percevoir de rémunération » et que « soit on retient neuf ans de travail pour M. Georges Y... et quatre ans de travail pour Mme Micheline Y..., épouse X..., soit pour simplifier les choses, on ne retient pour M. Georges Y... que cinq ans de créances de salaire différé », ce qui caractérisait l'aveu d'un fait, la cour d'appel a violé par refus d'application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande de salaire différé, l'arrêt rendu le 4 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer à M. Y... une somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Georges Y... de sa demande de salaire différé ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE dans ses conclusions du 3 décembre 2008 devant le tribunal Micheline X... indiquait que Georges Y... ne peut prétendre à 10 années de salaire différé faute d'en rapporter la preuve, qu'il a bénéficié du versement d'une somme de 50. 000 F qui n'a pas été prise en compte et précisait « En conséquence M. Georges Y... ne pourra prétendre qu'à 5 ans de salaire différé moins 7. 622, 45 euros (50. 000 F) ». Elle discutait ensuite le calcul à effectuer et précisait : « De plus, le calcul de ces 5 ans de salaire différé doit être réalisé de la façon suivante, selon le SMIC en vigueur au jour du décès de M. Marius Y... : 6, 67 x 1820 x2/ 3x5 années = 40. 464, 67 euros. En effet, il ne saurait être retenu le coefficient de 2080 qui correspond à un nombre d'heures annuel, alors même que depuis 2000 la durée légale hebdomadaire du travail salarié n'est plus que de 40 heures mais de 35 heures. Il convient donc, logiquement, de retenir un SMIC annuel égal à (35x52) = 1820 fois le smic horaire ». Dans ses conclusions du 25 mars 2009 Micheline X... reprenait les mêmes termes, sauf la durée qu'elle portait à 6 ans de salaire différé. L'aveu judiciaire prévu par l'article 1356 du code civil exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques. La déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non sur des points de droit. En l'espèce, Mme X... a accepté la reconnaissance de 5 ans, puis de 6 ans de salaire différé sous certaines conditions. Elle n'a pas formellement reconnu que son frère avait participé à l'exploitation familiale de telle date à telle date, sans être associé aux bénéfices et sans recevoir de salaire en argent en contrepartie de son travail. C'est même elle qui a révélé que Georges Y... avait reçu une somme de 50. 000 F à l'époque de la donation partage ce qui démontre que l'appelant a perçu des bénéfices. Les échanges qui ont eu lieu en ce qui concerne le salaire différé (courriers de Maître Z..., avocat de Georges Y... et de Maître A..., notaire) révèlent que la demande de salaire différé a été faite pour compenser l'attribution à Mme X... de la quotité disponible, qu'une transaction a été recherchée compte tenu de ce que celle-ci prétendait également à un salaire pour 4 ans d'aide sur l'exploitation et que ces discussions n'ont jamais pris en compte les conditions légales exigées pour prétendre au bénéfice du salaire différé. Le tribunal a dès lors écarté à bon droit l'existence d'un aveu judiciaire. Georges Y... justifie avoir été affilié à la MSA en qualité d'aide familial du 1er janvier 1960 au 31 décembre 1969. Cette affiliation destinée à la perception d'avantages sociaux et à une couverture maladie et accidents est insuffisante pour justifier d'un travail effectif sur une exploitation. Les témoins (Louis B..., Raphaëlle C..., Jean-Marie D..., Raymond E...et Roger F...) rapportent seulement que Georges Y... a participé aux travaux agricoles jusqu'en avril 1969. Il est impossible à partir de ces témoignages de déterminer la période concernée. Seule Raphaëlle C...précise que Georges Y... a travaillé de 1968 à 1969. Ces témoignages succincts ne permettent pas de définir la nature et l'importance des travaux que Georges Y... prétend avoir réalisés. Par ailleurs, Georges Y... ne prouve pas l'absence de participation aux bénéfices et l'absence de salaire, d'autant que l'intimée a révélé, ce que l'intéressé avait caché, qu'il avait perçu une somme de 50. 000 F ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu judiciaire au sens de l'article 1356 du code civil que lorsqu'elle porte sur une question de fait ; qu'en revanche s'agissant des questions de droit l'objet du litige est défini par les dernières conclusions récapitulatives des parties ; que Mme X... reste donc recevable à contester le principe de la créance de salaire différé revendiquée par le demandeur ; que selon la jurisprudence la plus récente de la cour de cassation, il incombe au demandeur d'une créance de salaire différé de rapporter non seulement la preuve d'un travail effectif sur l'exploitation agricole de ses parents, mais encore celle de l'absence de contrepartie financière à cette collaboration ; que M. Georges X... ne rapporte pas cette seconde preuve ; qu'au contraire, il est établi qu'il a reçu de ses parents une somme de 50. 000 francs courant novembre 1983, c'est-à-dire précisément à l'époque de la donation-partage ; que l'intéressé reconnaît l'existence de ce paiement mais ne s'explique pas sur sa cause ; qu'il est permis toutefois de penser que ses parents ont entendu le désintéresser au titre de sa participation au travail de l'exploitation sans toutefois que cela n'apparaisse dans l'acte de donation ; d'autre part que si Georges X... estimait ne pas avoir été rempli de ses droits à l'époque de la donation-partage, il lui appartenait de ne pas y consentir ; qu'il ne saurait, par la voie de la présente instance remettre en cause un arrangement de famille auquel il a lui-même librement souscrit ;
1) ALORS QUE l'aveu judiciaire, dès lors qu'il porte sur un point de fait, fait pleine foi contre son auteur et ne peut être révoqué ; que Mme Micheline X... avait reconnu, dans ses premières conclusions devant le tribunal de grande instance, avoir « également participé à l'exploitation familiale pendant 4 années sans elle-même percevoir de rémunération de ses parents » pour en déduire que sa propre créance de salaire différé devait être compensée avec celle de son frère, estimant que « soit on retient 9 ans de travail pour M. Georges Y... et 4 ans de travail pour Mme Micheline Y... épouse X..., soit pour simplifier les choses, on ne retient pour M. Georges Y... que 5 ans de créances de salaire différé », et soutenir que la somme de 50. 000 F versée par ses parents à son frère à une époque concomitante de la donationpartage devait être déduite du montant de salaire dû à ce titre ; que de telles affirmations constituaient un aveu judiciaire portant sur un point de fait, savoir la participation de M. Georges Y... à l'exploitation familiale pendant 9 années moyennant une contrepartie limitée à 50. 000 F ; qu'en affirmant que tel n'était pas le cas et que, partant, il incombait à M. Georges Y... de rapporter la preuve de sa participation effective à l'exploitation et de l'absence de contrepartie financière à son concours, la cour d'appel a violé l'article 1356 du code civil ;
2) ALORS l'aveu judiciaire, dès lors qu'il porte sur un point de fait, fait pleine foi contre son auteur ; que les juges du fond sont dès lors tenus de considérer comme constant le fait objet de l'aveu ; qu'en se fondant sur des échanges ayant eu lieu, antérieurement à l'instance, entre le conseil du demandeur et le notaire chargé de la succession, pour dénier aux conclusions de Mme X... soutenues devant le tribunal de grande instance saisi par le demandeur, le caractère d'aveu judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1356 du code civil ;
3) ALORS QUE tout jugement doit contenir des motifs propres à le justifier ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en cause d'appel, M. Georges Y... avait soutenu que le comportement procédural de Mme X..., qui se contredisait à son détriment, était constitutif d'un estoppel et qu'elle devait être déclarée irrecevable à soutenir qu'il n'avait pas participé à l'exploitation familiale après avoir antérieurement admis sa participation, en vertu du principe selon lequel nul ne saurait se contredire au détriment d'autrui (conclusions, p. 6, § 2) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE, en toute hypothèse, les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers ; que le taux annuel du salaire sera égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux-tiers de la somme correspondant à 2080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l'exploitant ; qu'en affirmant que M. Georges Y... ne prouvait pas l'absence de participation aux bénéfices et l'absence de salaire, d'autant qu'il aurait caché avoir perçu une somme de 50. 000 F, sans rechercher si cette somme était suffisante à le remplir de ses droits au regard des dispositions légales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-26130
Date de la décision : 25/09/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 04 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 25 sep. 2013, pourvoi n°12-26130


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.26130
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