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25/09/2013 | FRANCE | N°12-21033

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 2013, 12-21033


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 10 mai 2011), qu'engagé à compter du 1er avril 2004 en qualité de chef comptable par la société Total Mayotte, M. X... a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 11 mars 2009 ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, M. X... a saisi le tribunal du travail ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter

de ses demandes de dommages-intérêts pour rupture abusive et préjudice moral,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 10 mai 2011), qu'engagé à compter du 1er avril 2004 en qualité de chef comptable par la société Total Mayotte, M. X... a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 11 mars 2009 ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, M. X... a saisi le tribunal du travail ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour rupture abusive et préjudice moral, alors, selon le moyen :
1°/ que M. X... a fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que son employeur l'avait déjà sanctionné pour les faits reprochés dans la lettre de licenciement, le 10 février 2009 au lendemain de la remise du bilan comptable, avant l'entretien préalable, en lui retirant son code d'accès système et en l'empêchant ainsi de travailler ; qu'en se contentant, pour réfuter l'existence d'une sanction disciplinaire préalablement à la mise en place de la procédure de licenciement, de constater que le courriel annonçant l'arrivée d'un nouveau contrôleur de gestion, en réalité successeur de M. X..., ne mentionnait pas ce dernier, la chambre d'appel n'a pas répondu à ce moyen déterminant, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que tout jugement doit énoncer les motifs qui le fondent et que des motifs hypothétiques équivalent à une absence de motifs ; qu'en énonçant qu'il semblait, comme le précise l'employeur, que le changement de logiciel, loin de justifier toutes les insuffisantes professionnelles constatées, les avaient révélées, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs hypothétiques, privant ainsi sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge ne peut pas modifier les termes du litige ; qu'en considérant que le salarié prétendait avoir informé sa hiérarchie des difficultés rencontrées consécutivement à la mise en oeuvre du nouveau logiciel, tandis que M. X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, preuves à l'appui, qu'il avait informé sa direction à plusieurs reprises des problèmes de connexion SAP paralysant le système ainsi que de l'insuffisance des effectifs en comptabilité, expliquant les retards pris dans son service, la chambre d'appel a modifié les termes du litige, en violation des articles 4 et 7 du code de procédure civile ;
4°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ne répondant pas aux conclusions d'appel de M. X... faisant valoir que selon le rapport de mission du cabinet Y..., des erreurs de saisies comptables étaient générées par des personnes novices en comptabilité, ce dont il s'évinçait que la désorganisation du service comptabilité reprochée par l'employeur relevait en réalité de ses propres décisions et non de la faute du salarié, la chambre d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que le juge doit remplir son office pour justifier sa décision ; qu'en refusant de se prononcer sur l'adaptation du salarié à ses nouvelles conditions de travail pour apprécier l'existence de l'insuffisance professionnelle alléguée, la chambre d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-29 du code du travail applicable à Mayotte ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a confirmé la décision qui lui était déférée par substitution de motifs et n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, dans l'exercice du pouvoir souverain qu'elle tient de l'article L. 122-29 du code du travail applicable à Mayotte, fait ressortir que les griefs d'insuffisance professionnelle énoncés dans la lettre de licenciement étaient établis ; que le moyen, qui sous couvert de griefs infondés de manque de base légale, ne tend qu'à remettre en cause cette appréciation, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Monod et Colin ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Ballouhey, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté monsieur X... de sa demande de voir constater le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamnation à ce titre de diverses indemnités, ainsi que de sa demande de réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE l'appelant affirme avoir vu son contrat de travail suspendu de fait dès le 11 février 2009, lendemain de la remise du bilan comptable, consécutivement à l'annonce de son remplacement par un courriel diffusé par le directeur financier à tout le personnel ; qu'il ajoute avoir été contraint de remettre son code d'accès système à son successeur, se trouvant ainsi empêché de travailler ; que l'intimée conteste cette analyse en faisant valoir que le courriel notifiant le remplacement de poste ne concernait pas monsieur X... et qu'aucune mise à pied conservatoire n'a été prise à son encontre ; qu'elle ajout que monsieur X... aurait pris des congés du 11 au 19 février 2009 et qu'il se serait ensuite trouvé arrêté pour maladie à partir du 9 mars 2009 ; que sur ces points, l'appelant ne répond pas et ne produit aucun élément ; que la lettre de convocation à l'entretien préalable, datée du 11 février 2009, ne vise aucune mesure de mise à pied conservatoire ; qu'aucun élément versé au dossier ne permet d'établir la réalité des affirmations de l'appelant au termes desquelles il aurait été empêché de travailler à compter de cette date ; qu'il est établi que l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause légitime de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments concrets ; qu'il faut rappeler en outre, comme indiqué par le premier juge, que l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir exclusif de l'employeur, le juge conservant le contrôle du caractère objectif des motifs invoqués ; que les motifs du licenciement ont été énoncés de façon précise et détaillée dans la lettre du 11 mars 2009 ; que la société TOTAL MAYOTTE a ainsi développé une série de six griefs en précisant, pour chacun, les insuffisances ou carences de l'employé et les conséquences en résultant pour l'entreprise ; que le salarié a répondu à l'intégralité de ces griefs en les qualifiant d'impertinents ; qu'il met en avant l'installation, début juillet 2008, d'un nouveau logiciel qui aurait rendu difficiles ses conditions de travail ; qu'il estime avoir donné entière satisfaction durant plus de quatre ans, considérant avoir fait montre d'un entier investissement professionnel, au détriment de sa vie personnelle et familiale ; qu'il prétend avoir informé sa hiérarchie des difficultés rencontrées consécutivement à la mise en oeuvre du nouveau logiciel ; qu'il mentionne enfin que les choix opérés par l'entreprise en matière notamment de recrutement ont été à l'origine de certaines des désorganisations relevées ; que le salarié a bénéficié d'une formation consécutivement à l'installation du nouveau logiciel ; qu'il semble, comme le précise son employeur, que ce changement de logiciel, loin de justifier toutes les insuffisances professionnelles constatées, les aient révélées ; que certains des manquements évoqués ne peuvent, en tout état de cause, trouver leur origine dans ce changement de matériel et notamment l'absence d'enregistrement des factures ou les retards pour honorer certaines dettes ; qu'en conséquence, aucun élément ne permet de caractériser l'existence d'une faute ou d'un abus de l'employeur dans l'usage de son pouvoir d'appréciation de la capacité professionnelle du salarié ;
Et AUX MOTIFS éventuellement adoptés du jugement QU'il paraît acquis aux débats que l'activité de monsieur X... a donné satisfaction à son employeur jusqu'à ce que l'entreprise décide d'adopter un nouveau logiciel de comptabilité, le changement effectif étant survenu en juillet 2008, semble-t-il ; que c'est donc dans le contexte de la mise en place de ce nouvel outil de travail que l'employeur et le salarié situent le litige ; qu'il a été décidé à plusieurs reprises par la Cour de cassation que l'insuffisance professionnelle ne saurait être écartée en mettant en cause l'organisation du travail adoptée par l'employeur ; qu'il a été également jugé à plusieurs reprises que s'agissant d'une personne qui a donné antérieurement satisfaction, l'employeur devait laisser à son salarié un temps d'adaptation à ses nouvelles conditions de travail ; qu'en l'espèce, le salarié a disposé de 7 mois pour s'adapter au logiciel SAP et de la formation de Total Réunion ; que le propos du requérant sur le choix hasardeux de l'outil de travail est inopérant ; que le critère du délai d'adaptation paraît avoir été respecté par la défenderesse ; qu'il résulte des pièces 5 et 6 du demandeur, qui émanent de rapports établis par deux professionnels liés à l'entreprise, Z... Harry, chef-comptable Total Réunion et Y..., expert-comptable, que le service comptable est dans le plus grand désordre fin novembre et début décembre 2008 en conséquence de quoi la clôture comptable à fin octobre n'est pas envisageable, ni l'établissement de la liasse fiscale et des comptes annuels au 31/ 12/ 2009, délai légal ; que ce désordre n'est pas expressément imputé par les rédacteurs des rapports au chef-comptable de Total Mayotte, de nombreuses considérations de technique informatique et de qualification d'autres intervenants entrant en considération ; qu'il n'est pas non plus exclusivement imputé à ces autres causes, de nombreux manquements qui paraissent indépendants du nouveau logiciel étant soulignés ; que les pièces 17 à 25 produites par monsieur X... démontrent son activité face à la mise en oeuvre du logiciel SAP et son avertissement du 10 février de clôture de l'exercice 2008 ; que cette activité n'est pas contestée par l'employeur ; qu'il n'appartient pas au tribunal de dire si elle était suffisante pour démontrer que l'adaptation du salarié à ses nouvelles conditions de travail était accomplie ; que cette appréciation relève exclusivement du pouvoir patronal, qui paraît en avoir décidé autrement ; que considérant la réalité objective de la désorganisation massive du service comptable fin 2008, considérant le délai écoulé entre le 1er juillet 2008 et le 11 février 2009, l'aide formatrice de Total Réunion de novembre 2008, que le tribunal ne dispose pas du pouvoir d'appréciation des capacités professionnelles et d'adaptation du salarié, le tribunal juge qu'il ne trouve pas dans les pièces et arguments livrés au débat, la preuve de la faute ou de l'abus de l'employeur dans l'usage de son pouvoir d'appréciation de la capacité professionnelle du salarié ;
1°) ALORS QUE monsieur X... a fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que son employeur l'avait déjà sanctionné pour les faits reprochés dans la lettre de licenciement, le 10 février 2009 au lendemain de la remise du bilan comptable, avant l'entretien préalable, en lui retirant son code d'accès système et en l'empêchant ainsi de travailler ; qu'en se contentant, pour réfuter l'existence d'une sanction disciplinaire préalablement à la mise en place de la procédure de licenciement, de constater que le courriel annonçant l'arrivée d'un nouveau contrôleur de gestion, en réalité successeur de monsieur X..., ne mentionnait pas ce dernier, la chambre d'appel n'a pas répondu à ce moyen déterminant, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE tout jugement doit énoncer les motifs qui le fondent et que des motifs hypothétiques équivalent à une absence de motifs ; qu'en énonçant qu'il semblait, comme le précise l'employeur, que le changement de logiciel, loin de justifier toutes les insuffisantes professionnelles constatées, les avaient révélées, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs hypothétiques, privant ainsi sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le juge ne peut pas modifier les termes du litige ; qu'en considérant que le salarié prétendait avoir informé sa hiérarchie des difficultés rencontrées consécutivement à la mise en oeuvre du nouveau logiciel, tandis que monsieur X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 10), preuves à l'appui, qu'il avait informé sa direction à plusieurs reprises des problèmes de connexion SAP paralysant le système ainsi que de l'insuffisance des effectifs en comptabilité, expliquant les retards pris dans son service, la chambre d'appel a modifié les termes du litige, en violation des articles 4 et 7 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ne répondant pas aux conclusions d'appel de monsieur X... faisant valoir que selon le rapport de mission du cabinet Y..., des erreurs de saisies comptables étaient générées par des personnes novices en comptabilité, ce dont il s'évinçait que la désorganisation du service comptabilité reprochée par l'employeur relevait en réalité de ses propres décisions et non de la faute du salarié, la chambre d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le juge doit remplir son office pour justifier sa décision ; qu'en refusant de se prononcer sur l'adaptation du salarié à ses nouvelles conditions de travail pour apprécier l'existence de l'insuffisance professionnelle alléguée, la chambre d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-29 du code du travail applicable à Mayotte.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-21033
Date de la décision : 25/09/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 10 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 sep. 2013, pourvoi n°12-21033


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Monod et Colin, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.21033
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