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25/09/2013 | FRANCE | N°12-18541

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 2013, 12-18541


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu le protocole d'accord sur la sécurité de l'emploi du 28 octobre 1971 et l'article 1134 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce protocole que les chauffeurs receveurs qui deviennent physiquement inaptes à leur emploi sont maintenus à la compagnie et affectés à un autre emploi en rapport avec leurs capacités physiques et professionnelles ; que ces agents ainsi mutés dans un autre emploi conservent le coefficient hiérarchique antérieur et les primes correspondantes de l'emploi

précédemment occupé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu le protocole d'accord sur la sécurité de l'emploi du 28 octobre 1971 et l'article 1134 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce protocole que les chauffeurs receveurs qui deviennent physiquement inaptes à leur emploi sont maintenus à la compagnie et affectés à un autre emploi en rapport avec leurs capacités physiques et professionnelles ; que ces agents ainsi mutés dans un autre emploi conservent le coefficient hiérarchique antérieur et les primes correspondantes de l'emploi précédemment occupé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 26 décembre 1978 par la société CTTAT en qualité de conducteur-receveur ; que le 1er janvier 2000, il a été mis en invalidité de première catégorie puis déclaré inapte à son poste par le médecin du travail , mais apte à un poste au service exploitation à mi-temps, sur lequel il a été reclassé ; qu'ayant constaté une diminution de sa rémunération, il a saisi la juridiction prud'homale en paiement d'un rappel de salaire ;
Attendu que pour faire droit aux demandes de rappels de salaire, l'arrêt retient que la garantie de reclassement dans un autre emploi visée par ce protocole concerne des hypothèses diverses : la suppression de l'emploi initial et l'inaptitude physique à l'emploi (qu'elle implique un nouvel emploi moins qualifié, ou à temps partiel, ou moins qualifié et à temps partiel), que la règle posée est la même, sans aucune distinction : le maintien du salaire brut et des primes antérieures ;
Qu'en statuant ainsi, alors d'une part, que les dispositions du Protocole d'accord du 28 octobre 1971, qui constituent une garantie de salaire, n'ont pas pour objet de procurer au salarié qui travaillait à temps plein et qui a été reclassé sur un emploi à temps partiel en raison de son invalidité, une majoration de salaire, et d'autre part, que l'application de ce texte implique la prise en compte de la rémunération nette perçue par le salarié et, notamment, les sommes perçues par lui du fait de son invalidité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Ballouhey, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Keolis Tours
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société KEOLIS TOURS à verser à Monsieur X... les sommes de 52.562,27 ¿ à titre de rappel de salaire et 5.256,22 ¿ à titre de congés payés afférents, d'avoir ordonné sous astreinte à la société KEOLIS TOURS de remettre à Monsieur X... des bulletins de paie mensuels conformes, et d'avoir condamné la société KEOLIS TOURS à verser une somme de 250 ¿ de dommages-intérêts au syndicat CGT de la CTTAT ;
AUX MOTIFS QUE « la société CTTAT est une entreprise de transports publics urbains de voyageurs qui, le 26: décembre 1978, engage Monsieur X... comme conducteur receveur stagiaire. Il est titularisé. Le premier juillet 2000, il est mis en invalidité première catégorie et se voit attribuer une pension d'un montant annuel de 43.462,62 francs. À la même date, les parties signent un avenant aux termes duquel il exercera désormais ses fonctions au service exploitation à temps partiel (il s'agit d'un mi-temps). Le 12 juin 2003, la société écrit au salarié que l'analyse de sa situation montre les points suivants : « Vous avez eu plusieurs arrêts de travail prolongés. À l'issue de ces arrêts, après avoir passé les visites médicales de reprise auprès du médecin du travail il s'est avéré que : -vous n'étiez plus apte à reprendre votre emploi de conducteur receveur à temps complet -vous avez été déclaré apte à travailler à mi-temps. Cet avis a été acté par un avenant à votre contrat de travail en réduisant votre activité ». Ces indications sont essentielles. Elles constituent une reconnaissance de ce que : - à la même époque que sa mise en invalidité, il passe les visites de reprise et le médecin du travail le déclare inapte au poste de conducteur receveur à temps complet, mais apte à un travail à mi-temps ; - en conséquence l'avenant réduisant son activité a été conclu. Il est dès lors inutile d'examiner s'il l'a été dans des conditions critiquables, susceptibles d'en entraîner l'annulation, puisque s'il était retenu il ne mettrait nullement obstacle à l'application de l'accord d'entreprise dont il va maintenant être parlé, le salarié étant muté dans un autre emploi à la suite d'une inaptitude physique. Le litige repose essentiellement sur l'interprétation à donner à l'une des dispositions d'un accord d'entreprise signé le 28 octobre 1971. Il est intitulé « Protocole d'accord sur la sécurité de l'emploi applicable aux agents ayant au moins 3 ans d'ancienneté » et se divise en 2 paragraphes : « Reclassement » et « Salaires ». Le chapitre « Reclassement » concerne : -tous les salariés ayant 3 ans d'ancienneté et dont l'emploi est supprimé : ils ont une garantie de reclassement sans condition - les chauffeurs receveurs qui deviennent physiquement inaptes à leur emploi : ils sont maintenus à la Compagnie et affectés à un autre emploi en rapport avec leurs capacités physiques et professionnelles. Le chapitre « Salaires » prévoit une première disposition d'ordre général ainsi libellée « Les agents mutés dans un autre emploi conserveront leur coefficient hiérarchique antérieur et continueront à percevoir le même salaire, y compris les primes correspondantes, de l'emploi précédemment occupé ». Les parties s'opposent sur le sens à donner au membre de phrase « continueront à percevoir le même salaire, y compris les primes » : -pour la salariée, il s'agit du même salaire brut -pour la société, il s'agit du même salaire net dont le montant doit être maintenu, y compris par le versement d'un complément par un organisme de prévoyance et par le bénéfice d'une pension d'invalidité dont il faut tenir compte. La garantie de reclassement dans un autre emploi concerne des hypothèses diverses : -la suppression de l'emploi initial (ce qui s'entend de tout motif autre que personnel, essentiellement un motif économique mais aussi une réorganisation pour améliorer le service) -l'inaptitude physique à l'emploi (qu'elle implique un nouvel emploi moins qualifié, ou à temps partiel, ou moins qualifié et à temps partiel). Pourtant, la règle posée est la même, sans aucune distinction : le maintien du salaire et des primes antérieures. En outre, un collègue, Monsieur Y..., atteste régulièrement que: - le 19 novembre 2003, il a assisté Monsieur X... lors d'une rencontre avec la direction, - celle-ci a reconnu que Monsieur X... était à temps plein, - elle s'est engagée à lui assurer une rémunération à temps plein avec effet rétroactif depuis juillet 2000, et à régulariser définitivement sa situation « pour qu'il bénéficie pleinement de l'accord d'entreprise », - un compte rendu de cette réunion a été édité, - toutefois la direction n'a pas tenu ses engagements. Le crédit de ce témoignage est renforcé par le versement, selon bulletin de paie de décembre 2003, de 13.922,70 euros de « rappel 2000, 2001 et 2002 ». Le document intitulé « Suite réunion 19 novembre 2003 » constitue bien le compte rendu dont parle Monsieur Y... bien qu'il ne soit pas signé par les parties. Il comporte la phrase suivante : « A partir de décembre 2003 on verse le salaire brut total », ce qui est très clair. Cet engagement a été pris devant un représentant du personnel (Monsieur Y...) et un engagement unilatéral de l'employeur n'est pas nécessairement collectif et peut être individuel. Il s'agit donc d'un deuxième fondement en faveur de la thèse du salarié. Les demandes sont ainsi fondées en leur principe, et justifiées par les pièces produites (décompte détaillé et bulletins de paie), La salariée faisant la différence entre son salaire brut et celui effectivement versé après sa mutation, avec l'incidence sur les congés payés. Toutefois, le conseil de prud'hommes ayant été saisi le 28 juillet 2009 (et non le 3 août 2009), les sommes antérieures au 28 juillet 2004 ne peuvent être réclamées. La réclamation est présentée annuellement, et non mois par mois. Ainsi, pour 2004, il convient de répartir le rappel de façon égale, et de ne retenir, d'août à décembre, que 9.029, 61 X5: 12 = 3 762,34 euros. La somme due est de 52.562,27 euros. Concernant les congés payés, le salarié ne saurait cumuler 6.955,64 et 10.294,94 euros -réclamer 10.294,94 euros qui représentent largement plus que le dixième du rappel sollicité. En définitive, la cour alloue 5.256,22 euros. La société devra remettre des bulletins de paie mensuels conformes au présent arrêt sous une astreinte telle qu'indiquée au dispositif. La mauvaise interprétation d'un accord cause au syndicat CGT de la CTTAT un préjudice direct ou indirect à l'intérêt de la profession qu'il représente. Il sera évalué à 250 euros. Il est inéquitable que la salariée et le syndicat supportent leurs frais irrépétibles. Il convient d'allouer 1.500 euros au salarié et 500 euros au syndicat. Enfin la société supportera les dépens d'appel » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le Protocole d'accord sur la sécurité de l'emploi du 28 octobre 1971 dispose qu' « en cas d'inaptitude physique à l'emploi de chauffeur-receveur, les intéressés s'ils ont au moins 3 ans d'ancienneté au Réseau, seront maintenus à la Compagnie et affectés compte tenu de leurs capacités physiques et professionnelles dans un autre emploi en rapport avec celles-ci » ; que, s'agissant des salaires, ce protocole d'accord prévoit que « les agents mutés dans un autre emploi, conserveront leur coefficient hiérarchique antérieur, et continueront à percevoir le même salaire, y compris les primes correspondantes, de l'emploi précédemment occupé » et que « si l'emploi nouveau relève d'une catégorie supérieure à l'emploi précédent, ce seront le coefficient, le salaire et toutes primes correspondantes à la nouvelle catégorie qui lui seront alloués » ; que si ce texte garantit au salarié reclassé dans un emploi de catégorie différente le maintien du coefficient hiérarchique et de la rémunération correspondant à l'emploi qu'il occupait avant son reclassement, aucune disposition ne prévoit en revanche que lorsqu'un salarié qui travaillait à temps plein est du fait de son inaptitude reclassé sur un emploi à temps partiel, l'employeur serait tenu de continuer à lui verser une rémunération correspondant à un travail à temps complet ; que, dans une telle hypothèse, l'employeur est seulement tenu de maintenir le coefficient hiérarchique et l'assiette de la rémunération correspondant à l'emploi que le salarié occupait avant son reclassement ; qu'au cas présent, la société KEOLIS TOURS faisait valoir qu'elle avait maintenu le coefficient hiérarchique et l'assiette de la rémunération de Monsieur X... lors de son passage à temps partiel à la suite de sa déclaration d'invalidité et de la constatation de son inaptitude à son emploi de conducteur receveur ; qu'en décidant que, malgré son passage à temps partiel, Monsieur X... avait droit au maintien de la rémunération brute correspondant à un travail à temps plein, la cour d'appel a violé le Protocole d'accord du 28 octobre 1971 et l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE les dispositions du Protocole d'accord du 28 octobre 1971 constituent une garantie de salaire et n'ont nullement pour objet de procurer au salarié qui travaillait à temps plein et qui a été reclassé sur un emploi à temps partiel en raison de son invalidité, une majoration de salaire ; que l'application de ce texte implique dans une telle hypothèse la prise en compte de la rémunération nette perçue par le salarié et, notamment, les sommes perçues par lui du fait de son invalidité ; qu'au cas présent, la société KEOLIS TOURS faisait valoir que Monsieur X... percevait une rémunération nette correspondant au travail accompli, à son ancienneté et aux sommes versées par l'employeur au titre de son invalidité ainsi qu'une pension d'invalidité de la CPAM qui lui permettaient de bénéficier d'un revenu égal au salaire net qu'il aurait perçu s'il avait continué à exercer ses fonctions de conducteur receveur ; qu'en estimant que Monsieur X..., qui travaillait à temps partiel et percevait une pension d'invalidité depuis juillet 2000, pouvait prétendre au paiement d'une rémunération brute correspondant à un travail à temps plein, la cour d'appel a violé par fausse application le Protocole d'accord du 28 octobre 1971, ensemble l'article 1371 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QU'un engagement unilatéral ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque de l'employeur d'octroyer aux salariés un ou plusieurs avantages s'ajoutant à ceux résultant de la loi et des conventions et accords collectifs applicables à l'entreprise ; que l'existence d'un engagement suppose que soit caractérisée l'existence d'une manifestation de volonté d'un organe dirigeant susceptible d'obliger l'entreprise et ne peut résulter d'énonciations figurant dans un document dépourvu de portée normative dont on ignore l'auteur ; qu'en se fondant sur les affirmations d'un représentant du personnel et sur l'existence d'un document non signé dont on ignore l'auteur comportant la seule mention « à partir de décembre 2003, on verse le salaire brut total » pour considérer que la société KEOLIS TOURS se serait engagée à verser à Monsieur X... une rémunération brute correspondant à un travail à temps plein, la cour d'appel n'a caractérisé aucune manifestation de volonté d'un organe dirigeant de la société KEOLIS TOURS susceptible d'obliger cette dernière et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L.1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-18541
Date de la décision : 25/09/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 13 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 sep. 2013, pourvoi n°12-18541


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18541
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