LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 19 janvier 2012), que M. X... a été engagé le 3 novembre 2008 en qualité de chauffeur routier par la société Transports Chavalan et Duc ; qu'il a fait l'objet d'un avertissement le 9 janvier 2009 puis a été licencié pour faute grave par lettre du 5 janvier 2010 ; que, contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen :
1°/ que la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; que la cour d'appel a reproduit dans ses motifs la lettre de licenciement et a reproché au salarié d'avoir adopté un comportement ne permettant pas à l'employeur de respecter ses engagements contractuels envers ses clients et de respecter l'obligation de sécurité de résultat à laquelle il était tenu envers ses salariés, griefs non mentionnés dans la lettre de licenciement ; qu'elle a ainsi méconnu les termes du litige fixés par la lettre de licenciement et violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2°/ qu'en reprochant au salarié d'avoir adopté un comportement ne permettant pas à l'employeur de respecter ses engagements contractuels envers ses clients et de respecter l'obligation de sécurité de résultat à laquelle il était tenu envers ses salariés, sans avoir caractérisé en quoi le comportement du salarié avait conduit à la violation de telles obligations par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ qu'une altercation téléphonique entre deux salariés en dehors du temps et du lieu de travail, qui n'est pas de nature à perturber de façon permanente et dommageable le fonctionnement de l'entreprise, ne caractérise pas une faute grave ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé que le fait pour l'employeur de téléphoner au salarié aux petites heures était incongru, voire inconvenant mais que son absence à sa prise de poste, l'absence d'information et l'impossibilité de le joindre justifiaient la démarche du collègue de M. X..., qui ne justifiait pas les insultes proférées plusieurs heures après les faits ayant occasionné son emportement ; qu'en retenant que les propos tenus par M. X... caractérisaient une faute grave, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée si, d'ailleurs tenus en dehors du lieu et du temps du travail, sans témoin, ils étaient de nature à perturber le fonctionnement de l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de faute grave, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu que le cour d'appel, qui a retenu que M. X... avait pris son poste avec retard, puis, à la fin de sa journée de travail, avait téléphoné à son collègue en des termes particulièrement grossiers pour lui reprocher d'avoir téléphoné à l'aube à son domicile, et que les insultes proférées à l'encontre de cet agent, auquel il ne pouvait être reproché d'avoir tenté de joindre le salarié, étaient d'autant plus inexcusables qu'elles n'avaient pas été dites immédiatement sous le coup de la colère mais plusieurs heures après les faits, a pu décider que le comportement de l'intéressé, qui avait une faible ancienneté dans l'entreprise et qui avait été déjà sanctionné par un avertissement pour une prise de poste avec retard, constituait une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; que le moyen, qui critique des motifs surabondants en ses deux premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. X... reposait sur une faute grave ;
Aux motifs que M. X... a été licencié aux termes d'une lettre ainsi libellée : « lors de l'entretien qui s'est tenu en nos locaux le 29 décembre dernier, nous vous avons fait part des griefs que nous étions amenés à formuler à votre encontre. Le 16 décembre 2009, vous étiez programmé pour assurer la liaison Màcon Charnay CDIS avec prise de service fixée à 5h00 et mise à quai au CTC de Mâcon (71) prévue à 05h10. Or, notre client a contacté la permanence nocturne de Montélimar (26) pour informer de votre absence au poste de travail à l'heure dite. L'agent d'exploitation de permanence ce matin-là vous a donc appelé pour connaître votre position, en vain, avant de téléphoner directement à votre domicile, où votre compagne a confirmé votre départ pour le travail. Finalement, le CTC a rappelé le service exploitation à 05h40 pour prévenir que vous veniez d'arriver sur place, soit avec près de 30 minutes de retard sur l'horaire prévu. Le soir même, vous avez rappelé l'agent d'exploitation en question pour lui indiquer que vous n'aviez guère apprécié que celui-ci téléphone à votre domicile, avant de l'insulter copieusement puis de raccrocher. Durant l'entretien, vous avez justifié votre retard par une panne de voiture, précisant que vous n'aviez pu prévenir le Service Exploitation, faute de disposer d'un téléphone mobile suffisamment chargé. Vous avez également reconnu avoir insulté votre interlocuteur, précisant que vous ne souhaitiez pas être appelé à votre domicile afin de ne pas déranger en pleine nuit votre famille. Vous comprendrez que de telles explications ne sauraient se révéler satisfaisantes. En effet, d'une part, vous connaissez l'attachement que nous portons à la ponctualité que constitue la pierre angulaire d'une prestation de qualité qu'attend légitimement de notre part notre principal client, la Poste, d'autant plus que de la qualité de notre prestation dépend la pérennité de l'activité de l'entreprise et donc des emplois. Nous avons d'ailleurs déjà eu l'occasion de vous interpeller à ce sujet, comme en atteste l'avertissement qui vous a été notifié le 9 janvier 2009. D'autre part, la conduite que vous avez adoptée à l'égard de l'agent d'exploitation qui n'a finalement fait que son travail en essayant de vous joindre, compte tenu de votre retard, est totalement inacceptable. N'oubliez pas que vous véhiculez, à travers votre comportement, l'image de marque de la société ! nous vous rappelons qu'il vous incombe donc, en conséquence, d'adopter en toute circonstance une attitude respectueuse et courtoise à l'égard des personnes avec lesquelles vous êtes amené à collaborer ce qui suppose notamment que vous restiez poli durant vos échanges avec les salariés sédentaires de l'entreprise. Nous ne pouvons tolérer un tel incident, tout simplement inadmissible, de la part d'un conducteur professionnel. Aussi, au regard de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous notifions par la présente la rupture immédiate et sans préavis de votre contrat de travail » ; (¿) ; qu'il résulte de la lettre de licenciement que l'employeur a qualifié de faute grave le comportement du salarié qui a pris son poste en retard, après avoir reçu un avertissement disciplinaire pour le même motif et qui, le soir même, a insulté un de ses collègues de travail en lui reprochant d'avoir téléphoné à son domicile à une heure trop matinale ; qu'un retard même injustifié même s'il intervenait après un précédent déjà sanctionné, ne pouvait à lui seul constituer une faute grave ; que le salarié loin de s'expliquer à l'égard de son employeur à la fin de la journée de travail, a téléphoné à son collègue de l'exploitation pour l'insulter en des termes particulièrement grossiers, le traitant de « gros con » et lui intimant « d'aller de faire enculer » ; que selon le salarié ses excès verbaux seraient justifiés par le fait que son collègue aurait téléphoné à son domicile à l'aube alors qu'il avait interdit qu'on le fît ; que si dans des circonstances ordinaires, le fait pour un employeur de téléphoner au salarié aux petites heures est incongru, voire inconvenant, l'absence de l'intimé à sa prise de poste et l'impossibilité de le joindre sur son téléphone mobile comme le défaut de toute information de sa part était de nature à justifier la démarche du collègue de M. X..., tenu d'organiser le service et pouvant même légitimement s'inquiéter pour la sécurité de son chauffeur ; qu'en tout état de cause, une telle démarche n'était pas de nature à justifier les insultes proférées par l'intimé, d'autant plus inexcusables que celles-ci n'ont pas été dites immédiatement sous le coup de la colère mais plusieurs heures après les faits ayant occasionné l'emportement de l'intéressé ; que les propos inadmissibles tenus à l'égard d'un collègue par un salarié de faible ancienneté ayant pris par deux fois son poste en retard sans justifier d'un motif d'excuse ne permettait pas à l'employeur tenu à l'égard de ses clients de respecter ses engagements contractuels à l'égard de ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat, de le maintenir dans l'entreprise ;
Alors que 1°) la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; que la cour d'appel a reproduit dans ses motifs la lettre de licenciement et a reproché au salarié d'avoir adopté un comportement ne permettant pas à l'employeur de respecter ses engagements contractuels envers ses clients et de respecter l'obligation de sécurité de résultat à laquelle il était tenu envers ses salariés, griefs non mentionnés dans la lettre de licenciement ; qu'elle a ainsi méconnu les termes du litige fixés par la lettre de licenciement et violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Alors que 2°) en reprochant au salarié d'avoir adopté un comportement ne permettant pas à l'employeur de respecter ses engagements contractuels envers ses clients et de respecter l'obligation de sécurité de résultat à laquelle il était tenu envers ses salariés, sans avoir caractérisé en quoi le comportement du salarié avait conduit à la violation de telles obligations par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Alors que 3°) une altercation téléphonique entre deux salariés en dehors du temps et du lieu de travail, qui n'est pas de nature à perturber de façon permanente et dommageable le fonctionnement de l'entreprise, ne caractérise pas une faute grave ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé que le fait pour l'employeur de téléphoner au salarié aux petites heures était incongru, voire inconvenant mais que son absence à sa prise de poste, l'absence d'information et l'impossibilité de le joindre justifiaient la démarche du collègue de M. X..., qui ne justifiait pas les insultes proférées plusieurs heures après les faits ayant occasionné son emportement ; qu'en retenant que les propos tenus par M. X... caractérisaient une faute grave, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée si, d'ailleurs tenus en dehors du lieu et du temps du travail, sans témoin, ils étaient de nature à perturber le fonctionnement de l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de faute grave, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.