LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 janvier 2012), qu'Yves X... est décédé le 7 novembre 2008 en laissant pour lui succéder sa veuve Mme Colette Y... et ses trois filles nées de deux précédentes unions Nathalie, épouse Z..., Valérie et Stéphanie, épouse A... ; qu'il avait rédigé deux testaments olographes datés des 8 et 9 novembre 2006, le premier à l'attention de ses filles prévoyant notamment : "Objets divers ¿ je l'ai déjà défini quelque part mais le papier a disparu. En gros¿Vous vous partagerez comme vous le désirez les meubles, tableaux, tapis etc sauf que je donne à Colette le tableau d'Agostini qui représente la jeune femme dans le sous-bois et le tapis de la salle à manger. Vous lui ajouterez ce que vous voudrez" et le second à destination de son épouse : "J'ai écrit à mes filles que je t'affectais le tableau d'Agostini que tu préférais ainsi que le grand tapis de la salle à manger. Pour le reste, avec mes filles, je pense que tu pourras récupérer des meubles, tapis, tableaux, bibelots qui t'intéresseraient" ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'ordonner la délivrance du legs à titre particulier des meubles, tapis, et tableaux ayant appartenu à Yves X... au profit de Mmes Nathalie, Valérie et Stéphanie X..., à l'exception du tableau d'Agostini et du tapis de la salle à manger à elle légués ;
Attendu que c'est par une recherche de la volonté du défunt, qu'appelait la teneur de ses dispositions testamentaires, exclusive de dénaturation, que la cour d'appel a souverainement estimé que le défunt avait légué, d'une part, à ses filles, ses meubles tableaux et tapis afin qu'elles puissent se les partager et, d'autre part, à son épouse, le tableau d'Agostini et un tapis, et qu'il n'avait entendu qu'émettre le simple voeu que cette dernière s'entende avec ses enfants pour récupérer d'autres biens meubles pouvant l'intéresser, sans formuler aucune obligation à leur charge ; qu'ayant par là-même exclu que la clause litigieuse constituât un legs avec mandat de détermination, elle en a exactement déduit que les legs consentis par le défunt à ses filles devaient recevoir exécution ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mmes Nathalie X..., épouse Z..., Valérie X... et Stéphanie X..., épouse A..., la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils pour Mme Y...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la délivrance du legs à titre particulier des meubles, tapis, et tableaux ayant appartenu à M. Yves X... au profit de Mmes Nathalie, Valérie et Stéphanie X..., à l'exception du tableau d'Agostini et du tapis de la salle à manger légués à Colette X... ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de délivrance du legs à titre particulier présentée par Mmes Nathalie Valérie et Stéphanie X... ; Il résulte du procès-verbal de description et de dépôt de testament dressé le 23 décembre 2008 par Me Henri C..., que le défunt a laissé un pli portant sa signature et la mention suivante : Nathalie. Valérie. Stéphanie - A ouvrir après mon décès, lequel contenait un testament olographe en date du 8 novembre 2006 signé par le défunt qui indique : En ce qui concerne l'héritage proprement dit Immeubles : Niort - Les Sables - Jard : la donation ayant été réglée, vous n'aurez rien à payer. MAAF - EPARGNE - Colette est bénéficiaire d'une partie du capital, et vous, chacune pour l/3 de la partie restante. SOCIETE GENERALE. Voir si j¿y possède toujours un Plan d¿Epargne SCOR ¿ j'y ai 204 actions qui aujourd'hui valent 2,11 euros ...le cours peut fluctuer ; Objets divers -je l'ai déjà défini quelque part mais le papier a disparu. En gros... vous vous partagerez comme vous le désirez les meubles, tableaux, tapis etc sauf que je donne à Colette le tableau d'Agostini qui représente la jeune femme dans le bois et le tapis de la salle à manger Vous lui ajouterez ce que vous voudrez. Stéphanie a priorité pour les assiettes chinoises (provenant d'une tante de la famille de D...) ». II résulte du procès-verbal de description et de dépôt de testament dressé le 19 mai 2009 par Me Henri C..., que le défunt a laissé un pli portant sa signature et la mention suivante : Colette N'ouvrir qu¿après mon décès, lequel contenait un testament olographe en date du 9 novembre 2006 signé par le défunt qui indique : Tu trouveras, grâce à MAAF-Vie un petit capital... lequel ajouté à ma retraite de réversion plus ta retraite à toi devraient te permettre de ne pas avoir trop de soucis financiers. Surtout n'achète pas d'appartement : tu n'auras pas d'impôt foncier à payer, loue plutôt. J'ai écrit à mes filles que je t'affectais le tableau d'Agostini que tu préférais ainsi que le grand tapis de la salle à manger. Pour le reste, avec mes filles, je pense que tu pourras également récupérer des meubles, tapis, tableaux, bibelots qui t'intéresseraient. Je l'ai écrit également aux filles. Je désire être enterré à Nalliers après un service à Saint-Hilaire. » ; C'est à bon droit que le tribunal a constaté que les deux testaments avaient été rédigés dans un même trait de temps, qu'ils comportaient chacun des références à l'autre et qu'ils devaient être analysés ensemble ; Cependant, s'il est vrai que le défunt n'a pas entendu mettre son épouse en dehors du partage successoral, puisqu'il lui attribue le tableau d'Agostini et le tapis de la salle à manger, legs à titre particulier, dont il fait état dans les deux testaments, cette seule désignation ne peut pour autant permettre d'écarter le pouvoir qu'il a entendu donner à ses trois filles, de n'ajouter à ces deux objets mobiliers, que ce qu'elles voudraient. Il a en effet très clairement indiqué que ses trois filles se partageraient comme elles le désiraient les meubles, tableaux et tapis dépendant de sa succession. Il a également pris soin d'en avertir son épouse, en lui indiquant qu'elle pourrait, « pour le reste, avec ses filles» récupérer des meubles, tapis, tableaux, bibelots qui t'intéresseraient, étant noté qu'il a eu le souci d'inviter ses filles à faire preuve de générosité à l'égard de son épouse sur ce point ; Contrairement à l'analyse du tribunal, la lecture combinée de ces deux testaments illustre la volonté affirmée du défunt de léguer à ses filles, ses meubles, tableaux, tapis, afin qu'elles se les partagent, son épouse, à l'exception du tableau d'Agostini et du tapis, n'étant susceptible de récupérer les biens qui l'intéresseraient, qu'à la condition de s'entendre avec ses filles ; Il s'agit donc bien d'un simple voeu exprimé par le défunt, lequel a émis le souhait que ses filles lèguent à son épouse les biens meubles susceptibles de l'intéresser, mais sans formuler une véritable obligation à leur charge. Le legs à titre particulier se définit en ce qu'il porte sur un ou plusieurs biens individuellement déterminés, ou catégorie d'objets, en nombre indéterminé dans le patrimoine testateur, mais sans qu'ils correspondent à la généralité de la catégorie des meubles ; Tel est bien le cas de l'espèce, puisque le défunt a limité le legs à ses trois filles, aux seuls meubles, tableaux, et tapis, à l'exclusion des antres valeurs mobilières dépendant de l'actif de sa succession et des autres objets mobiliers, dont certains font l'objet de legs à titre particulier au profit de Mme Y... veuve X..., et de MM. Z... et A... ; En conséquence, il convient de s'en tenir strictement à la volonté du testateur, et d'ordonner la délivrance du legs à titre particulier des meubles, tapis, et tableaux à ses trois filles, sans y ajouter les objets divers qu'elles réclament, ceux-ci n'ayant pas été précisés dans le testament du 8 novembre 2006, et le terme etc, ayant un sens trop indéterminé pour être interprété valablement par la présente juridiction sans risque de dénaturation.»
ALORS QUE 1°) est nul le legs avec mandat de détermination ; qu'en l'espèce il était stipulé (acte du 8 novembre 2006) « En gros, vous vous partagerez comme vous le désirez les meubles, tableaux, tapis etc sauf que je donne à Colette le tableau d'Agostini qui représente la jeune femme dans le bois et le tapis de la salle à manger Vous lui ajouterez ce que vous voudrez» et (acte du 9 novembre 2006) « Pour le reste, avec mes filles, je pense que tu pourras également récupérer des meubles, tapis, tableaux, bibelots qui t'intéresseraient. Je l'ai écrit également aux filles » ; qu'une telle clause, qui donne mandat aux filles du de cujus de répartir les biens selon leur volonté est nulle et les règles de la dévolution ab intestat doivent dès lors s'appliquer ; que la cour d'appel a bien constaté que cette clause donnait « le pouvoir (¿) à ses trois filles, de n'ajouter à ces deux objets mobiliers, que ce qu'elles voudraient », dont s'évinçait qu'il s'agissait d'un legs avec mandat de répartition et donc la nullité du legs ; qu'en faisant droit aux demandes des consorts X... de se voir légataire de la totalité des «meubles, tableaux et tapis» la cour d'appel a violé ensemble les articles 756, 1010 et 1014 du code civil ;
ALORS QUE 2°) la volonté d'exhéréder un héritier ne peut s'évincer que d'un acte clair et non équivoque ; qu'en l'espèce, la lecture combinée des actes litigieux manifestait la volonté du de cujus de voir sa femme et ses enfants de premiers lits s'entendre sur l'attribution de l'ensemble des meubles, en spécifiant cependant certains legs attributifs ; qu'en considérant qu'il résultait des mentions (acte du 8 novembre 2006) « En gros, vous vous partagerez comme vous le désirez les meubles, tableaux, tapis etc sauf que je donne à Colette le tableau d'Agostini qui représente la jeune femme dans le bois et le tapis de la salle à manger Vous lui ajouterez ce que vous voudrez» et (acte du 9 novembre 2006) « Pour le reste, avec mes filles, je pense que tu pourras également récupérer des meubles, tapis, tableaux, bibelots qui t'intéresseraient. Je l'ai écrit également aux filles », la volonté d'attribuer l'ensemble des biens meubles à ses filles, ce qui entraînait, de fait, que Madame X... soit exhérédée, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 756, 1010 et 1014 du Code civil ;
ALORS QUE 3°) le juge ne peut dénaturer les actes versés au débat ; qu'aux termes de l'acte du 9 novembre 2006 adressé à son épouse, Monsieur X... avait écrit que « Pour le reste, avec mes filles, je pense que tu pourras également récupérer des meubles, tapis, tableaux, bibelots qui t'intéresseraient. Je l'ai écrit également aux filles » ; que ce faisant le de cujus, Monsieur X..., avait clairement établi qu'il entendait que ses filles et sa femme restent héritières de l'ensemble des meubles, tapis, tableaux et bibelots contenus dans la succession ; qu'en disant le contraire la cour d'appel a violé ensemble le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les actes ensemble les articles 756, 1010 et 1014 du code civil.