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25/09/2013 | FRANCE | N°12-14784

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 2013, 12-14784


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Versailles, 29 décembre 2011) et les productions, que M. X... a été engagé à compter du 13 octobre 1999 par la société Graphnet France en qualité d'ingénieur commercial suivant contrat qui prévoit que sa rémunération est assortie d'une part variable déterminée périodiquement par des plans de rémunération; que le salarié, délégué du personnel depuis 2003, se plaignant d'avoir été privé de la part variable de sa rémunération au cours de la p

ériode comprise entre juin 2010 et février 2011 du fait de l'impossibilité dans laque...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Versailles, 29 décembre 2011) et les productions, que M. X... a été engagé à compter du 13 octobre 1999 par la société Graphnet France en qualité d'ingénieur commercial suivant contrat qui prévoit que sa rémunération est assortie d'une part variable déterminée périodiquement par des plans de rémunération; que le salarié, délégué du personnel depuis 2003, se plaignant d'avoir été privé de la part variable de sa rémunération au cours de la période comprise entre juin 2010 et février 2011 du fait de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de travailler en raison des mises à pied conservatoires successives dont il a fait l'objet à compter du 8 juin 2010, a saisi la juridiction prud'homale en référé aux fins de faire condamner l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de rémunérations variables et congés payés afférents ainsi qu'une provision à valoir sur des dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de provision sur la part variable de son salaire, alors, selon le moyen,
1°/ que l'existence d'une contestation sérieuse fait obstacle au pouvoir du juge des référés d'accorder une provision à une partie ; qu'en l'espèce était sérieusement contestable l'obligation de paiement de la partie variable du salaire - laquelle était subordonnée à la réalisation d'un chiffre d'affaires généré par le commercial - dès lors que le salarié n'avait généré aucun chiffre d'affaires susceptible d'entraîner un droit à paiement sur les périodes considérées ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande en paiement d'une provision au titre des commissions prétendument dues, la cour d'appel a violé les articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail ;
2°/ que le juge des référés prud'homal ne peut allouer une provision au créancier que lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il existait une contestation sérieuse sur le droit même de M. X... à recevoir des commissions au titre de l'exercice 2010/2011 du fait de son absence de signature du Plan de commissionnement et de l'expiration du précédent plan de commissionnement 2009 ; qu'en lui accordant néanmoins une provision, la cour d'appel a violé les articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail ;
3°/ que si la formation de référé peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent c'est à la condition d'être en présence d'un trouble manifestement illicite ; que seule l'évidence du droit revendiqué permet de caractériser le trouble manifestement illicite ; que dès lors que le droit même du salarié à percevoir des commissions se heurte à une contestation sérieuse, le non versement de commissions par l'employeur ne peut constituer un trouble manifestement illicite que le juge des référés peut faire cesser ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté l'existence d'une contestation sérieuse quant au droit même de M. X... à percevoir des commissions faute de plan de commissionnement applicable ; qu'en considérant néanmoins que l'absence de versement des commissions constituait un trouble manifestement illicite qu'il lui appartenait de faire cesser en lui accordant une provision sur commission, la cour d'appel a tranché une difficulté sérieuse excédant la compétence des juges des référés, en violation de l'article R. 1455-6 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a fait ressortir que l'obligation à la charge de l'employeur de payer la part variable du salaire pendant les périodes de mise à pied conservatoire, dans la limite qu'elle a souverainement fixée en tenant compte de l'absence d'acceptation par le salarié du nouveau plan de commissionnement, n'était pas sérieusement contestable malgré l'absence de chiffre d'affaires personnel du salarié qui n'était que la conséquence des mises à pied prononcées à titre conservatoire, lesquelles étaient privées d'effet du fait des refus successifs de l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande provisionnelle en dommages-intérêts pour discrimination syndicale, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en refusant de statuer sur la demande du salarié au motif le juge des référés ne peut faire droit à une demande de provision sur dommages-intérêts pour discrimination syndicale et résistance abusive dès lors que les fondements de la demande relèvent du fond du droit, la cour d'appel a méconnu son office en violation des articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail et des articles 4 et 12 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge des référés peut accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, en se contentant d'énoncer que le juge des référés ne peut faire droit à une demande de provision sur dommages et intérêts pour discrimination syndicale et résistance abusive dès lors que les fondements de la demande relèvent du fond du droit, sans rechercher si l'obligation n'était pas sérieusement contestable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article R. 1455-7 du code du travail ;
3°/ encore que le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en se contentant d'énoncer que le juge des référés ne peut faire droit à une demande de provision sur dommages-intérêts pour discrimination syndicale et résistance abusive dès lors que les fondements de la demande relèvent du fond du droit, sans rechercher si le trouble subi était manifestement illicite et pouvait cesser par l'allocation d'une provision sur la créance de réparation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article R. 1455-6 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a fait ressortir que la demande du salarié se heurtait à une contestation sérieuse, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour la société Graphnet France.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Graphnet France à payer à Monsieur Christophe X... la somme de 5 000 euros à titre de provision sur commission ;
AUX MOTIFS QUE le fait qu'une partie qualifie sa contestation de sérieuse ne suffit pas à priver la formation de référé de ses pouvoirs; aucune démonstration d'urgence n'est nécessaire si l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que les demandes en paiement sont soumises aux dispositions de l'article R. 1455-7 susvisé et les pouvoirs de la cour, statuant en appel de référé sur le fondement de ce texte sont limités par l'existence d'une contestation sérieuse ; que si la provision que peut accorder la juridiction des référés n'a pas d'autre limite que le montant incontestable de la créance alléguée, les magistrats détiennent le pouvoir de fixer discrétionnairement à l'intérieur de cette limite, la somme qu'il convient d'allouer au requérant ; que les dispositions relatives au licenciement des salariés investis de fonctions représentatives instituent au profit de ceux-ci, et dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun que la société Graphnet France ne peut faire valoir que Monsieur Christophe X... n'a généré aucun chiffre d'affaires en 2010 et 2011, alors quelle l'a mis à pied pendant la plus grande partie de ces deux années dans le cadre de procédures de licenciement que l'inspection du travail a toutes refusé d'autoriser ; que l'exercice de recours administratifs contre ces décisions n'en suspend pas les effets ; que la société ne peut davantage faire valoir que Monsieur Christophe X... avait refusé de signer le plan de commissionnement de 2010, alors qu'aucune modification de son contrat de travail ne peut être imposée à un salarié protégé ; que les nouvelles dispositions de l'article 4 du code de procédure pénal, hormis pour l'action en réparation du préjudice résultant de 1 'infraction, n 'impose plus à la juridiction civile de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il ait été statué au pénal, lorsque la décision pénale est susceptible d'influer, même indirectement sur la décision civile ; qu 'en 1 'espèce, les demandes de Monsieur X... et les éventuelles demandes en dommages intérêts de la société devant le tribunal correctionnel sont nécessairement différentes, venant de parties qui s'opposent ; que l'existence de poursuites pénales ne saurait imposer qu'il soit sursis à statuer , que la saisine concomitante du juge du fond et du juge des référés n'est pas irrégulière ; qu'au vu de ces considérations, le non paiement d'une part de son salaire à Monsieur Christophe X..., délégué syndical et délégué du personnel constitue un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés est, dès à présent, compétent pour mettre fin ; que si l'existence d'un trouble manifestement illicite permet au juge des référés de statuer en faveur du salarié demandeur malgré l'existence d'une contestation sérieuse, il peut limiter le montant de la provision allouée ; qu'au vu des pièces du dossier notamment des commissions précédemment payées et des moyens développés par 1 'employeur, il y a lieu de fixer à la somme globale de 5 000 E, congés payés afférents compris, le montant de la provision qui sera allouée à Monsieur Christophe X... de ce chef ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'existence d'une contestation sérieuse fait obstacle au pouvoir du juge des référés d'accorder une provision à une partie ; qu'en l'espèce était sérieusement contestable l'obligation de paiement de la partie variable du salaire -laquelle était subordonnée à la réalisation d'un chiffre d'affaires généré par le commercial- dès lors que le salarié n'avait généré aucun chiffre d'affaires susceptible d'entraîner un droit à paiement sur les périodes considérées ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande en paiement d'une provision au titre des commissions prétendument dues, la cour d'appel a violé les articles R.1455-6 et R.1455-7 du code du travail,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge des référés prud'homal ne peut allouer une provision au créancier que lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il existait une contestation sérieuse sur le droit même de Monsieur X... à recevoir des commissions au titre de l'exercice 2010/2011 du fait de son absence de signature du Plan de commissionnement et de l'expiration du précédent plan de commissionnement 2009 ; qu'en lui accordant néanmoins une provision, la cour d'appel a violé les articles R.1455-6 et R.1455-7 du code du travail,
ALORS ENFIN QUE si la formation de référé peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent c'est à la condition d'être en présence d'un trouble manifestement illicite ; que seule l'évidence du droit revendiqué permet de caractériser le trouble manifestement illicite ; que dès lors que le droit même du salarié à percevoir des commissions se heurte à une contestation sérieuse, le non versement de commissions par l'employeur ne peut constituer un trouble manifestement illicite que le juge des référés peut faire cesser ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté l'existence d'une contestation sérieuse quant au droit même de Monsieur X... à percevoir des commissions faute de plan de commissionnement applicable ; qu'en considérant néanmoins que l'absence de versement des commissions constituait un trouble manifestement illicite qu'il lui appartenait de faire cesser en lui accordant une provision sur commission, la cour d'appel a tranché une difficulté sérieuse excédant la compétence des juges des référés, en violation de l'article R.1455-6 du code du travail.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts pour discrimination syndicale et résistance abusive ;
AUX MOTIFS QUE toutefois la Cour statuant en appel de référé ne peut faire droit à une demande de provision sur dommages et intérêts pour discrimination syndicale et résistance abusive dès lors que les fondements de la demande relèvent du fond du droit ;
AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QU'il est suffisant de relever dans les écritures des parties l'évidence d'un désaccord entre les parties sur le bien fondé de mesure de licenciement et de mise à pied ; que la certitude d'une situation conflictuelle n'est pas par elle-même constitutive d'une urgence au sens de l'article R 1455-5 du Code du travail, ni n'est porteuse d'un risque de dommage imminent qu'il faudrait prévenir, ou de trouble illicite qu'il conviendrait de faire cesser au sens de l'article R 1455-6 du Code du travail ;
ALORS QU'en refusant de statuer sur la demande du salarié au motif le juge des référés ne peut faire droit à une demande de provision sur dommages et intérêts pour discrimination syndicale et résistance abusive dès lors que les fondements de la demande relèvent du fond du droit, la Cour d'appel a méconnu son office en violation des articles R 1455-6 et R 1455-7 du Code du travail et des articles 4 et 12 du Code de procédure civile ;
ALORS subsidiairement QUE le juge des référés peut accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, en se contentant d'énoncer que le juge des référés ne peut faire droit à une demande de provision sur dommages et intérêts pour discrimination syndicale et résistance abusive dès lors que les fondements de la demande relèvent du fond du droit, sans rechercher si l'obligation n'était pas sérieusement contestable, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article R 1455-7 du Code du travail ;
ALORS subsidiairement ENCORE QUE le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en se contentant d'énoncer que le juge des référés ne peut faire droit à une demande de provision sur dommages et intérêts pour discrimination syndicale et résistance abusive dès lors que les fondements de la demande relèvent du fond du droit, sans rechercher si le trouble subi était manifestement illicite et pouvait cesser par l'allocation d'une provision sur la créance de réparation, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article R 1455-6 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-14784
Date de la décision : 25/09/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 29 décembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 sep. 2013, pourvoi n°12-14784


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.14784
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