LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° T1128695 et R1220647 ;
Sur la recevabilité du pourvoi n° T 11-28. 695 :
Attendu que le pourvoi n° T 11-28. 695, formé avant expiration des délais d'opposition à l'arrêt attaqué, rendu par défaut, est irrecevable ;
Sur le pourvoi n° R 12-20. 647 :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Charles X..., qui avait souscrit, après le décès de son épouse, Germaine Y..., un contrat d'assurance-vie désignant en qualité de bénéficiaire Mme Y..., épouse Z..., l'une des trois enfants de celle-ci, est décédé le 10 janvier 2000, en laissant pour lui succéder les deux enfants issus des sa première union, André et Solange, épouse B... et en l'état d'un testament instituant les trois enfants de son épouse légataires universels ; qu'André X... est décédé le 26 août 2004, laissant pour lui succéder son épouse, Mme A..., et leurs deux enfants ; qu'un jugement a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Charles X... ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour dire que les retraits en espèces opérés sur le compte bancaire de Charles X... constituaient des dons manuels consentis par le défunt à Mme Z..., après avoir constaté que l'auteur de ces retraits n'avait pas été identifié avec certitude et que l'intéressée contestait formellement avoir reçu les fonds, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'elle reconnaît qu'à la date où ces retraits ont été réalisés, elle disposait d'une procuration sur les comptes bancaires du défunt, qu'elle était informée de leur fonctionnement, qu'elle ne peut sérieusement soutenir ignorer leur emploi puisqu'elle a nécessairement constaté ces retraits à la lecture des relevés bancaires, qu'elle n'aurait pas manqué, si elle n'en avait pas été bénéficiaire, de s'inquiéter des importantes liquidités retirées et détenues par son beau-père, de sorte qu'en l'absence d'explication sur l'utilisation de ces fonds et compte tenu de la relation privilégiée qu'elle entretenait avec Charles X..., il y a lieu de retenir que les fonds ont fait l'objet de dons manuels à son profit ;
Qu'en statuant ainsi, par un motif hypothétique, alors qu'il incombait aux consorts X... d'établir que les fonds litigieux avaient été remis par le défunt à Mme Z..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen :
Vu l'article L. 132-13 du code des assurances ;
Attendu qu'après avoir retenu que le contrat d'assurance-vie souscrit le 30 mai 1997 constituait une donation déguisée, l'arrêt décide que la somme perçue par Mme Z... devra être prise en compte dans le montant de l'actif successoral, avant de déterminer la quotité disponible ;
Qu'en statuant ainsi, alors que seul le montant des primes versées par le souscripteur doit être réintégré dans l'actif successoral en vue du rapport et de la réduction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° T1128695 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement disant que les retraits en espèces opérés, pour un montant total de 330 000 francs (50 308, 18 euros), sur le compte bancaire de Charles X... sont des dons manuels consentis par le défunt à Mme Z..., qui devront être pris en compte pour déterminer le montant de la quotité disponible, et en ce qu'il a dit que la somme de 21 268, 63 euros perçue par Mme Z... au titre du contrat d'assurance-vie « Predige » souscrit le 30 mai 1997 par Charles X... devra être prise en compte dans le montant de l'actif successoral avant détermination de la quotité disponible, l'arrêt rendu le 3 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne Mme X..., épouse B... et Mme A..., épouse X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., épouse Z..., demanderesse au pourvoi n° R 12-20. 647
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les retraits en espèce opérés pour un montant total de 330. 000 francs correspondent à des dons manuels dont Françoise Z... a bénéficié et qui devront être pris en compte pour déterminer dans le cadre des opérations de compte liquidation et partage le montant de la quotité disponible ;
Aux motifs propres que l'expertise a permis de vérifier que neuf retraits en espèces ont été réalisés pour un montant total de 330. 000 francs entre 1997 et le début de l'année 1998 sur le compte bancaire ouvert au nom de M. X... auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel ; que l'auteur de ces retraits n'a pu être identifié avec certitude, aucune signature n'étant à l'époque demandée sur les bordereaux de retraits ; que Mme Z... conteste formellement avoir reçu la somme de 330. 000 francs ainsi retirée en espèces ; qu'elle reconnaît cependant qu'à la date où ont été réalisés les neuf retraits litigieux elle seule disposait d'une procuration sur les comptes bancaires de M. X... et qu'elle était informée de leur fonctionnement puisqu'elle utilisait régulièrement le chéquier de son beaupère pour payer la maison de retraite ou ses dépenses importantes ; qu'elle ne peut sérieusement soutenir qu'elle ignore l'emploi des espèces ainsi retirées par son beau-père puisqu'elle a nécessairement constaté ces retraits à la lecture des relevés bancaires de M. X... qui étaient adressés à son domicile et non à la maison de retraite dans laquelle était hébergé le défunt ; que Mme Z..., qui visitait quasi-quotidiennement M. X... à la maison de retraite, l'accompagnait dans ses courses et le recevait chaque dimanche, n'aurait pas manqué, si elle n'en avait pas été elle-même bénéficiaire, de s'inquiéter des importantes liquidités retirées et détenues par son beau-père et de l'interroger sur l'usage qu'il pouvait avoir de 10. 000, 50. 000 ou 200. 000 francs en liquide ; que l'intimée étant dans l'incapacité de proposer la moindre explication sur l'utilisation de ces fonds, c'est à bon droit que le tribunal a retenu qu'ils ont fait l'objet de dons manuels à son profit ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que sur les retraits d'espèces opérés sur le compte courant ouvert par Charles X... auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre Loire le 14 avril 1997 et représentant jusqu'à son décès en janvier 2000 une somme de 330. 000 francs, l'expert indique que l'auteur de ces retraits n'a pu être identifié avec certitude et notamment pour le seul retrait de 200. 000 francs opéré le 22 juillet 1998 ; qu'il note que la rubrique « donneur d'ordre » est renseigné par la mention Charles X... tandis que la rubrique « signature client » ne comporte aucune signature ; qu'ainsi que le relève l'expert à juste titre, ces retraits n'ont à l'évidence pu être effectués que par Charles X... ou par les personnes ayant procuration sur ce compte, à savoir Françoise Z... ; que si les facultés mentales de Charles X... n'étaient pas altérées, il n'en demeure pas moins qu'il se trouvait affaibli sur le plan physique et que sa belle-fille Françoise Z... l'assistait dans la gestion de son patrimoine et de ses comptes ; que c'est elle notamment qui réglait par chèque la maison de retraite jusqu'à la mise en place de la curatelle renforcée ; que curieusement, Françoise Z... ne s'est jamais inquiétée de ces retraits en espèces pour des montants significations, soit un retrait de 200. 000 francs, un de 50. 000 francs, quatre de 10. 000 francs, un de 7. 000 francs, un de 6. 000 francs, un de 5. 000 francs quatre de 4000 francs et deux de 3000 francs ; que s'il n'y a pas lieu de retenir en l'absence de preuves qu'elle a détourné ces sommes au détriment et à l'insu de son beau-père, il convient néanmoins de retenir compte tenu de son silence sur ces retraits et de la relations privilégiée qu'elle entretenait avec Charles X... que ces retraits correspondent à des dons manuels dont elle a bénéficié et qui devront être pris en compte pour déterminer dans le cadre des opérations de compte liquidation et partage le montant de la quotité disponible ;
ALORS D'UNE PART QUE tout jugement doit être motivé ; que le motif hypothétique équivaut à un défaut de motif ; qu'en énonçant que Mme Z... n'aurait pas manqué de s'inquiéter des liquidités retirées et détenues par son beau-père et de l'interroger sur l'usage qu'il pourrait en avoir « si elle n'en avait pas été elle-même bénéficiaire », pour retenir que ces fonds ont fait l'objet de dons manuels au profit de Mme Z..., la cour d'appel, qui s'est fondée sur une simple hypothèse, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas, à lui seul, reconnaissance de ce fait ; qu'en se fondant sur le silence de Mme Z... quant à l'utilisation des fonds retirés en liquide par son beau-père, pour en déduire qu'ils ont fait l'objet de dons manuels à son profit, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la somme de 21. 268, 63 ¿ perçue par Mme Françoise Y... épouse Z... au titre du contrat d'assurance vie Predige souscrit le 30 mai 1997 par M. Charles X... constitue une donation déguisée qui devra être prise en compte dans le montant de l'actif successoral avant détermination de la quotité disponible ;
Aux motifs que le défunt a souscrit, le 30 mai 1997, alors qu'il était âgé de 92 ans, un second contrat d'assurance vie Predige pour une durée de huit années en l'alimentant au moyen de deux primes de 100. 000 francs et de 30. 900 francs ; qu'il venait juste de sortir de l'hôpital où il avait séjourné plusieurs semaines et présentait une santé physique fragile puisqu'il n'avait pu regagner son domicile et devait s'installer en maison de retraite ; qu'il avait déjà désigné Mme Z... légataire universelle et l'a, au cours de la même période, gratifiée d'importants dons manuels ; que ces circonstances révèlent clairement la volonté de M. X... qui se savait âgé et très fatigué physiquement, non de bénéficier de placements rémunératoires dont il garderait la libre disposition, mais de se dépouiller de manière irrévocable en transmettant directement à sa belle-fille, au moyen d'une assurance sur la vie exclue de sa succession, une somme qui représentait plus de 50 % du montant total de ses actifs ; qu'en application des dispositions de l'article 894 du Code civil, il convient dès lors de qualifier de donation le contrat d'assurance vie-PREDIGE ;
ALORS QUE le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel qui a soumis le capital payé au bénéficiaire de l'assurance vie aux règles du rapport à la succession et à la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant a violé l'article L 132-13 du Code des assurances.