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17/09/2013 | FRANCE | N°12-18910

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 septembre 2013, 12-18910


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 145-34 du code de commerce, ensemble les articles L. 145-33, R. 145-3 et R. 145-8 du même code et 1134 du code civil ;

Attendu qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expi

ré, de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'i...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 145-34 du code de commerce, ensemble les articles L. 145-33, R. 145-3 et R. 145-8 du même code et 1134 du code civil ;

Attendu qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'il est applicable, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux mentionné au premier alinéa de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 27 février 2012), que M. X... et Mme Y..., alors son épouse (les consorts X...), ont donné à bail à la société Euro Mobile des locaux à usage commercial ; que par acte du 27 avril 2009, ils ont offert le renouvellement du bail moyennant un loyer déplafonné ; que la société Euro Mobile a accepté le renouvellement du bail mais manifesté son désaccord sur le prix; que le juge des loyers commerciaux a été saisi ;

Attendu que pour fixer à sa valeur plafonnée le prix du bail renouvelé, l'arrêt retient que le bail comprend une clause travaux par laquelle le bailleur autorise le preneur à installer notamment un bureau et un portail ainsi qu'une clause d'accession de ces travaux au bailleur en fin de bail, que la société preneuse a aménagé une superficie d'environ 26 m2 en bureau et local d'accueil de la clientèle, que ces transformations d'ampleur qui ont conduit à passer d'un garage à l'état brut d'une contenance de cinq voitures à un local à usage de bureau dans la partie nord du garage, avec cloison percée de baies vitrées, sol moquetté, murs et plafonds peints , éclairage par tubes fluorescents, accueil, bureaux, rangements et tous aménagements adaptés à l'activité de location de voitures, ne peuvent être considérées comme des agencements ni même de simples améliorations au sens de l'article R. 145-8 du code de commerce mais constituent une modification importante des caractéristiques du local, mais que toutefois, en raison du report de l'accession en fin de bail et de l'absence de participation du bailleur aux travaux exécutés et financés en cours de bail par le preneur, les consorts X... ne peuvent invoquer ces modifications pour obtenir le déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement du bail, cette possibilité ne leur étant ouverte que lors du second renouvellement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en présence d'une clause prévoyant l'accession des constructions au bailleur en fin de bail, la modification notable, au cours du bail à renouveler, des caractéristiques du local par la réalisation de travaux par le preneur à ses frais exclusifs entraîne le déplafonnement du prix du bail lors du premier renouvellement, à moins que ces travaux ne constituent des travaux d'améliorations, la cour d'appel, qui n'a pas retenu la qualification de travaux d'améliorations, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Euro Mobile aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Euro Mobile à payer la somme de 3 000 euros aux consorts X... ; rejette la demande de la société Euro Mobile ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile , et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille treize, signé par M. Terrier, président, et par M. Dupont, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour les consorts X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé le loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 3.113,40 euros;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes du bail authentique en date du 1er septembre 1998, il avait été convenu entre les parties au paragraphe « travaux » que le bailleur autorise le preneur à faire les travaux suivants : « -Installation d'un bureau de 20 mètres carrés environ, avec pose de plancher, mur et plafond, - installation d'un portail enrouleur électrique à la place de l'ancien portail, -installation d'une enseigne lumineuse¿ D'ores et déjà les parties déclarent que d'un commun accord si bon semble au preneur ce dernier pourra en fin de bail : - reprendre le portail par lui installé, à charge pour lui de remettre l'ancien¿- reprendre les agencements ayant permis l'installation du bureau dans l'hypothèse où le bail commercial ne dépasserait pas une période de neuf ans. Passé ce délai de neuf ans, l'installation du bureau restera la propriété du bailleur¿ » ; l'expert a indiqué dans son rapport que la société preneuse a aménagé une superficie d'environ 26 m2 en bureau et local d'accueil de la clientèle, l'expert précisant par ailleurs que : « les importants travaux d'aménagement effectués par la société preneuse lors de son entrée dans les lieux méritent d'être pris en considération ¿ le preneur a aménagé près de la moitié de la superficie d'un ancien garage en état brut, en bureau et local d'accueil de la clientèle sur une superficie d'environ 25 m2 » ; « l'aménagement externe d'un bureau de moins de 25 m2 en structure légère a été autorisé expressément par le bailleur¿ » ; l'ampleur des transformations qui a conduit à passer d'un garage à l'état brut d'une contenance de cinq voitures à un ¿local à usage de bureau dans la partie nord du garage, en édifiant une cloison percée de baies vitrées sur châssis en aluminium, sol moquetté à l'intérieur, murs et plafonds peints , éclairage par tubes fluorescents, accueil, bureaux, rangements et tous aménagements adaptés à l'activité de location de voitures¿ » ne peut être considérée comme un agencement mais doit être qualifiée de modifications, comme l'a justement relevé le premier juge ; toutefois dès lors qu'il avait été convenu dans le bail que l'accession interviendrait passé le délai de neuf ans et que le bailleur ne justifie pas d'une participation aux travaux, qui ont été exécutés en cours de bail par le preneur et financés par celui-ci, le bailleur ne peut invoquer ces modifications pour obtenir le déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement du bail, cette possibilité ne lui étant ouverte que lors du second renouvellement, comme justement énoncé par le premier juge ; il suffira d'ajouter que même si le loyer fixé initialement était modeste, il n'était pas symbolique ni même dérisoire, qu'aucune clause du bail, ni aucun autre document ne vient justifier qu'il aurait été fixé à ce montant en considération des travaux exécutés par le preneur, qu'au contraire le bail stipulait que pendant 9 ans le preneur pourrait reprendre le portail et les matériaux ayant permis la création du bureau, que ni le montant du loyer initial, ni aucun autre élément ne permettent de considérer que le bailleur aurait indirectement participé au financement des travaux ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'on relève tout d'abord que le bail conclu entre les parties mentionne en sa page 5 que le bailleur autorise le preneur à faire des travaux notamment d'installation d'un bureau de 20 m2 environ, avec pose de plancher, murs et plafond ; que le preneur pourra en fin de bail reprendre les agencements ayant permis l'installation de ce bureau ; que toutefois, passé un délai de 9 ans, l'installation du bureau restera en fin de bail la propriété du bailleur ; qu'il s'ensuit que les effets de la clause d'accession ont été reportés par les parties en fin de bail ; il résulte des pièces versées aux débats ainsi que du rapport d'expertise que lesdits travaux ont été effectivement exécutés par le preneur en cours de bail, et qu'ils ont été financés par lui ; il est certes établi que les travaux susmentionnés effectués par le preneur en cours de bail, ont modifié considérablement les caractéristiques du local considéré, puisque les locaux ainsi modifiés permettent l'exercice d'une activité commerciale avec présence sur place de locaux administratifs hébergeant la gérante et la salariée, et donc l'exercice effectif d'un commerce sur place, alors qu'antérieurement les locaux se bornaient à une surface nue, permettant l'hébergement de cinq véhicules, outre une cour permettant l'hébergement de quelques véhicules supplémentaires ; l'expert relève à cet égard (rapport p.11) que ¿le locataire a aménagé un local à usage de bureau dans la partie nord du garage, en édifiant une cloison percée de baies vitrées sur châssis en aluminium ; sol moquetté à l'intérieur ; murs et plafonds peints ; éclairage par tubes fluorescents ; accueil, bureaux, rangements et tous aménagements adaptés à l'activité de location de voitures y exercée ; baie vitrée à l'ouest Rue Rouget de Lisle' ; cette structure lourde qui ne saurait, au vu des photos versées aux débats, être assimilée à un simple ¿agencement' comme le soutient la société Euro Mobile, ni même à de simples améliorations au sens de l'article R.145-8 du code de commerce, constitue incontestablement une modification importante des caractéristiques du local ; néanmoins, la lecture combinée des articles L.145-33, L.145-34 et R.145-8 du code de commerce, conduisent à considérer, conformément à la jurisprudence dominante à cet égard que, dans l'hypothèse où ces modifications ont été réalisées aux frais du locataire, et surtout si les effets de la clause d'accession sont reportés en fin de bail, le bailleur ne peut pas invoquer ces modifications pour obtenir le déplafonnement, une telle possibilité ne lui étant offerte qu'à l'occasion du second renouvellement du bail suivant l'exécution des travaux (voir par exemple Cass, 3ème Civ 02.12.1998) ; il ne pourrait en être différemment que si le bailleur avait participé d'une façon ou d'une autre, directement ou indirectement au sens de l'article R.145-8 à la charge des travaux ; en l'espèce, aucun élément ne permet de considérer que les bailleurs ont même indirectement contribué ; on note qu'aucune clause du bail n'y fait une quelconque allusion ; de plus, si effectivement le loyer initial doit être considéré comme modéré, voire faible, un tel prix était justifié à l'époque par l'état des lieux particulièrement inadapté, au regard de l'absence totale d'équipement, à l'exercice d'une activité commerciale rentable ;

ALORS, D'UNE PART, QUE lorsque les travaux réalisés par le preneur constituent une modification des caractéristiques du local loué et non de simples améliorations, le déplafonnement est acquis lors du renouvellement du bail consécutif à ces travaux ; qu'il ressort des constatations mêmes de l'arrêt que les travaux entrepris par le locataire ne constituaient pas de simples améliorations au sens de l'article R.145-8 du code de commerce mais une modification importante des caractéristiques du local relevant de l'article R.145-3 du code de commerce ; qu'en affirmant que le bailleur ne pouvait invoquer ces modifications pour obtenir le déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement du bail, cette possibilité ne lui étant ouverte que lors du second renouvellement du bail suivant l'exécution des travaux, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L.145-33, L.145-34, R.145-3, R.145-4 et R.145-8 du code de commerce ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'un bail renouvelé est un nouveau bail ; qu'il ressortait de la clause du bail initial que, passé le délai de neuf ans, l'installation du bureau resterait en fin de bail la propriété du bailleur, ce dont il s'évinçait que la clause d'accession devait jouer dès la fin du premier bail ; que la cour d'appel a constaté que les effets de la clause d'accession avaient été reportés par les parties en fin de bail ; qu'en retenant néanmoins que dès lors qu'il avait été convenu dans le bail que l'accession interviendrait passé le délai de neuf ans et que le bailleur ne justifiait pas d'une participation aux travaux, qui avaient été exécutés en cours de bail par le preneur et financés par celui-ci, le bailleur ne pouvait invoquer ces modifications pour obtenir le déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement du bail, cette possibilité ne lui étant ouverte que lors du second renouvellement du bail suivant l'exécution des travaux , la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L.145-33, L.145-34, R.145-3, R.145-4 et R.145-8 du code de commerce , ensemble l'article 1134 du code civil;

ALORS, ENFIN, QUE le déplafonnement du loyer doit intervenir en cas de modifications apportées aux lieux loués lorsque le bailleur en a assumé la charge directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit ; que les consorts X... faisaient valoir qu'ils étaient convenus de la fixation du loyer à un montant dérisoire de 198,18 euros par mois, compte tenu de la prise en charge des travaux par la société Euro Mobile et avaient insisté sur le fait qu'au départ, ils avaient loué la totalité de l'immeuble, soit l'appartement du premier étage avec la cour faisant office de garage au fils de la gérante de la société Euro Mobile, ce pour un prix de 3.000 francs par mois et que, lorsque à la demande de cette dernière, ils avaient scindé la location en deux baux et conclu un bail d'habitation pour l'appartement moyennant un loyer de 1.700 francs et un bail commercial pour le garage moyennant un loyer de 1.300 francs, soit le même montant que celui qui était jusqu'alors payé pour le seul bail d'habitation, ce dont il s'évinçait qu'ils avaient contribué indirectement, par les conditions de location consenties à la société Euro Mobile à la prise en charge des travaux exécutés par celle-ci ; qu'en se fondant sur la circonstance qu'aucune clause du bail ni aucun autre document ne venait justifier que le loyer aurait été fixé à ce montant en considération des travaux exécutés, qu'au contraire le bail prévoyait que pendant neuf ans le preneur pourrait reprendre le portail et les matériaux ayant permis la création du bureau, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, impropres à écarter la participation indirecte des bailleurs au financement des travaux, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.145-33, L.145-34, R.145-3, R.145-4 et R.145-8 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 12-18910
Date de la décision : 17/09/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 27 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 sep. 2013, pourvoi n°12-18910


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18910
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