LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Dassault Falcon service/ Bonneuil-en-France, société à responsabilité limitée, dont le siège est BP 10, 93352 Le Bourget cedex,
contre l'arrêt rendu le 31 mars 2011 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section tarification), dans le litige l'opposant à la caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) d'Ile-de-France, dont le siège est 17-19 avenue de Flandre, 75954 Paris cedex 19,
défenderesse à la cassation ;
La société Dassault Falcon service/ Bonneuil-en-France s'est pourvue en cassation contre l'arrêt de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail en date du 22 janvier 2009 ;
Cet arrêt a été cassé le 6 mai 2010 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ;
La cause et les parties ont été renvoyées devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail autrement composée qui, saisie de la même affaire a statué par un arrêt du 31 mars 2011 ;
Un pourvoi ayant été formé contre cet arrêt, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, par arrêt du 8 novembre 2012, décidé le renvoi de l'affaire devant l'assemblée plénière ;
La demanderesse invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Dassault Falcon service/ Bonneuil-en-France ;
Des conclusions de défense et un mémoire en défense ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau et Fattaccini ;
Le rapport écrit de M. Buisson, conseiller, et l'avis écrit de M. Azibert, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 5 juillet 2013, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, MM. Lacabarats, Louvel, Charruault, Terrier, Espel, Mme Flise, présidents, M. Buisson, conseiller rapporteur, MM. Arnould, Gridel, Bailly, Bizot, Petit, Mas, Mmes Dreyfuss-Netter, Masson-Daum, MM. Chauvet, Poirotte, Zanoto, conseillers, M. Azibert, premier avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;
Sur le rapport de M. Buisson, conseiller, assisté de M. Cardini, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Didier et Pinet, de la SCP Gatineau et Fattaccini, l'avis de M. Azibert, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 31 mars 2011), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 6 mai 2010, pourvoi n° 09-12. 643), que Jean-François X..., salarié de la société Dassault Falcon service (la société) a, le 2 mai 2005, sollicité la prise en charge, au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, d'un cancer broncho-pulmonaire primitif, ayant fait l'objet d'une première constatation médicale le 15 décembre 2004, affection dont il est ensuite décédé ; que cette demande ayant été accueillie par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France a entendu imputer les dépenses y afférentes au compte employeur de la société pour la détermination du taux de ses cotisations dues au titre des accidents du travail ; que la société a saisi d'un recours la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen, que la prise en charge d'un cancer broncho-pulmonaire primitif au titre du tableau n° 30 bis, seul applicable en l'espèce, répond à des conditions distinctes de celles retenues par le tableau n° 30 E antérieurement applicable ; qu'en retenant, pour juger que les dépenses engagées par la caisse ne devaient pas être inscrites au compte spécial, sur la circonstance que la maladie avait été inscrite initialement au tableau n° 30 depuis 1985 et que le tableau n° 30 bis n'était pas un nouveau tableau développant les conditions administratives d'une nouvelle maladie mais une scission du tableau n° 30, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé les articles D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, 2, 2° de l'arrêté du 16 octobre 1995, ensemble le décret n° 96-445 du 22 mai 1996 ;
Mais attendu que le cancer broncho-pulmonaire primitif constitue l'une des maladies, résultant des poussières d'amiante, incluses dans le tableau n° 30, instauré par le décret n° 85-630 du 19 juin 1985, dont l'annulation partielle, tirée de l'abrogation de la présomption d'imputabilité, n'a pas eu pour effet de retirer cette maladie dudit tableau ; qu'ayant relevé que Jean-François X... avait été exposé à l'amiante jusqu'en 1992, donc postérieurement à l'entrée en vigueur de ce décret, la Cour nationale en a exactement déduit que faisait défaut la condition d'exclusive antériorité de l'exposition, nécessaire à l'inscription au compte spécial, quel que soit le tableau qui, applicable au moment de la déclaration de ladite maladie, en l'occurrence le tableau n° 30 bis, régissait les conditions de sa reconnaissance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le pourvoi ;
Condamne la société Dassault Falcon service aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société ; la condamne à payer à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé le douze juillet deux mille treize par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Dassault Falcon service/ Bonneuil-en-France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu d'inscrire au compte spécial les frais liés à la maladie professionnelle de M. X... et a débouté la société Dassault Falcon service de sa demande tendant à ce que soit annulée la décision de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France du 5 octobre 2007 et à ce qu'il soit ordonné à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France de procéder à la révision subséquente du taux de cotisations dues par la société Dassault Falcon service au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles pour l'exercice 2007 ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande d'inscription au compte spécial au regard de l'article 2, alinéa 2, de l'arrêté du 16 octobre 1995, la cour rappelle que l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 prévoit l'inscription d'une maladie professionnelle au compte spécial et non au compte de l'employeur, conformément à l'article D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, dès lors, comme en dispose l'alinéa 2, que : « la maladie professionnelle a fait l'objet d'une première constatation médicale postérieurement à la date d'entrée en vigueur du tableau la concernant mais la victime n'a été exposée au risque de cette maladie qu'antérieurement à la date d'entrée en vigueur dudit tableau » ; que l'objet des dispositions de l'article 2, alinéa 2, de l'arrêté du 16 octobre 1995 est de mutualiser les conséquences financières d'une affection à laquelle le salarié n'a été exposé qu'antérieurement à la décision des pouvoirs publics d'inscrire la pathologie sur la liste des maladies professionnelles ; que la cour observe que le cancer broncho-pulmonaire primitif a été inscrit initialement au tableau n° 30 des maladies professionnelles par décret du 19 juin 1985 et se trouvait donc connu des parties dès cette date ; qu'il figure désormais au tableau n° 30 bis instauré par le décret du 22 mai 1996 ; que la cour constate que le tableau n° 30 issu du décret n° 85-630 du 19 juin 1985 fixait un délai de prise en charge du cancer broncho-pulmonaire primitif de quinze ans sans exigence de durée d'exposition aux risques minimale alors que le tableau n° 30 bis fixe un délai de prise en charge de quarante ans sous réserve d'une durée d'exposition de dix ans ; que la cour constate également que la liste des principaux travaux susceptibles de provoquer les maladies relevant du tableau n° 30 issue du décret n° 85-630 du 19 juin 1985 était indicative ; qu'ainsi, les travaux énoncés n'étaient pas décrits de manière exhaustive ; qu'au contraire, le tableau n° 30 bis énonce de manière limitative les travaux susceptibles de provoquer le cancer broncho-pulmonaire primitif ; que le cancer broncho-pulmonaire primitif a donc été isolé des autres pathologies consécutives à l'inhalation de poussière d'amiante par l'intermédiaire du tableau n° 30 bis en introduisant pour la reconnaissance de cette pathologie des critères d'exposition plus restrictifs : liste limitative des travaux et durée minimale d'exposition de dix ans ; que dès lors, le décret du 22 mai 1996 n'a fait que modifier et compléter différents tableaux de maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'ainsi le tableau n° 30 bis modifie les conditions administratives de reconnaissance du cancer broncho-pulmonaire primitif mais cette pathologie était déjà référencée et répertoriée dans le décret du 19 juin 1985 ; qu'en effet, la mise en oeuvre de ce tableau avec des conditions administratives différentes ne correspond pas nécessairement à l'apparition d'une nouvelle pathologie ignorée de l'employeur mais modifie simplement les conditions d'application de celle-ci dans le cadre de la reconnaissance des maladies professionnelles ; que par ailleurs, le fait que le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 10 juin 1994, ait déclaré entachée d'illégalité, l'exigence du lien médicalement constaté à propos du cancer broncho-pulmonaire primitif, ne signifie pas que cette maladie, en tant que telle, ne figurait pas, dès le 19 juin 1985 dans le tableau n° 30 des maladies professionnelles ; qu'en conséquence, la cour en déduit que le tableau n° 30 bis n'est pas un nouveau tableau développant les conditions administratives de reconnaissance d'une nouvelle maladie mais une scission du tableau n° 30 visant à réduire les conditions de reconnaissance de la présente maladie ; qu'ainsi il y a lieu de considérer que la date d'entrée en vigueur du tableau relatif au cancer broncho-pulmonaire primitif est le 19 juin 1985 ; qu'en l'espèce, la pathologie présentée par M. Jean-François X... a été prise en charge au titre du tableau n° 30 bis « cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante » ; que la cour constate, au vu des pièces versées aux débats et des explications de chaque partie, que la maladie déclarée par M. Jean-François X... a été médicalement constatée le 15 décembre 2004 et que le salarié a été exposé à l'amiante lorsqu'il exerçait le métier de mécanicien, soit de 1975 à 1992 ; qu'aussi, la maladie professionnelle de M. Jean-François X... a fait l'objet d'une première constatation médicale postérieurement à la date d'entrée en vigueur du tableau n° 30 bis fixée au 19 juin 1985 mais le salarié a été exposé antérieurement et postérieurement à la date d'entrée en vigueur dudit tableau ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de faire application des dispositions prévues à l'article 2, alinéa 2, de l'arrêté du 16 octobre 1995 et les frais relatifs à la maladie professionnelle de M. Jean-François X... devront être maintenus au compte de la société Dassault Falcon service ;
ALORS QUE la prise en charge d'un cancer broncho-pulmonaire primitif au titre du tableau n° 30 bis, seul applicable en l'espèce, répond à des conditions distinctes de celles retenues par le tableau n° 30 E antérieurement applicable ; qu'en retenant, pour juger que les dépenses engagées par la caisse ne devaient pas être inscrites au compte spécial, sur la circonstance que la maladie avait été inscrite initialement au tableau n° 30 depuis 1985 et que le tableau n° 30 bis n'était pas un nouveau tableau développant les conditions administratives d'une nouvelle maladie mais une scission du tableau 30, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé les articles D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, 2, 2° de l'arrêté du 16 octobre 1995, ensemble le décret n° 96-445 du 22 mai 1996.