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10/07/2013 | FRANCE | N°11-27789

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 juillet 2013, 11-27789


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la fédération départementale des chasseurs de la Gironde (la fédération) a été assignée par M. X..., agriculteur, en indemnisation des dégâts causés à ses cultures par des sangliers ; que soutenant que le gibier à l'origine de ces dégâts proviendrait d'un camp militaire, elle a appelé en la cause le ministre de la défense aux fins de lui voir déclarer communes les opérations d'expertise ordonnées, puis, après dépôt du rapport d'expertise, a assigné en

garantie l'Agent judiciaire de l'Etat ; que ce dernier a soulevé l'incompétence ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la fédération départementale des chasseurs de la Gironde (la fédération) a été assignée par M. X..., agriculteur, en indemnisation des dégâts causés à ses cultures par des sangliers ; que soutenant que le gibier à l'origine de ces dégâts proviendrait d'un camp militaire, elle a appelé en la cause le ministre de la défense aux fins de lui voir déclarer communes les opérations d'expertise ordonnées, puis, après dépôt du rapport d'expertise, a assigné en garantie l'Agent judiciaire de l'Etat ; que ce dernier a soulevé l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire au profit des juridictions administratives ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la fédération fait grief à l'arrêt de déclarer les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes au profit du tribunal administratif de Bordeaux, alors, selon le moyen :
1°/ que selon l'article L. 426-4 du code de l'environnement l'indemnisation des dégâts de gibier par la fédération laisse subsister le droit d'exercice contre le responsable des dommages une action fondée sur l'article 1382 du code civil ; que selon l'article L. 426-6 du même code, tous les litiges nés de l'application des articles L. 426-1 à L. 426-4 sont de la compétence des juridictions judiciaires ; que dès lors en déclarant cette dernière incompétente pour se prononcer sur l'action en responsabilité dirigée contre l'Etat sur le fondement de l'article L. 426-4 du code de l'environnement, l'arrêt attaqué a violé l'article L. 426-6 du même code ;
2°/ qu'il appartient au juge judiciaire de prendre en compte les exigences d'une bonne administration de la justice et le respect du délai raisonnable pour statuer, lorsqu'il le peut, sur l'ensemble des demandes formulées quand bien même certaines relèveraient, en principe, de la juridiction administrative ; qu'ainsi lorsque, comme en l'espèce, le tribunal d'instance est saisi d'une action en réparation des dégâts de gibier à la fois à l'encontre d'une fédération départementale de chasseurs sur le fondement de l'article L. 426-1 du code de l'environnement et à l'encontre d'une personne publique sur le fondement de la faute commise par cette dernière et de l'article L. 426-4 du même code, il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de statuer sur l'ensemble du litige, de façon à entendre les explications de la personne publique, à débattre de la responsabilité de celle-ci notamment en cas de partage de responsabilité avec la fédération à ce que les expertises soient diligentées au contradictoire de l'ensemble des parties intéressées à l'affaire et à éviter de prolonger et compliquer inutilement la procédure devant deux juridictions différentes pour le même dommage ; qu'en conséquence, le juge judiciaire est compétent pour statuer sur l'ensemble du litige quand bien même une personne publique serait mise en cause ; qu'en décidant autrement, la cour d'appel a violé le principe d'une bonne administration de la justice et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que la question de la possibilité pour le juge judiciaire saisi d'une action en réparation des dégâts de gibier à l'encontre à la fois d'une personne publique en raison de la faute susceptible d'engager sa responsabilité et d'une fédération départementale de chasseurs en sa qualité de gestionnaire des fonds d'indemnisation, de trancher tout le litige, soulève un véritable problème de compétence de juridiction, notamment compte tenu de la récente jurisprudence du Tribunal des conflits ; que la Cour de cassation pourrait, si elle l'estime nécessaire, renvoyer à celui-ci le soin de le trancher, en application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 ;
Mais attendu que, dès lors que n'est pas en cause la gestion du domaine privé, les conclusions tendant à rechercher la responsabilité de l'Etat du fait de dégâts causés par du gros gibier provenant d'un terrain militaire relèvent de la juridiction administrative, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant que l'action est exercée par la victime de ces dommages ou par une fédération de chasseurs qui, ayant à verser les indemnités dues à la victime en application des articles L. 426-1 et suivants du code de l'environnement, entend appeler l'Etat en garantie ; que c'est donc à bon droit, et sans méconnaître le principe d'une bonne administration de la justice ni les exigences du droit à un procès équitable, que la cour d'appel, ayant constaté que la demande de la fédération avait pour objet de faire reconnaître la responsabilité de l'Etat dans le préjudice subi par M. X..., a déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour en connaître ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes au profit des juridictions administratives, alors, selon le moyen, que le ministère de la défense a seul compétence pour représenter l'Etat dans les instances judiciaires intéressant le domaine militaire ouvertes avant novembre 2011 ; que, tout en ayant constaté que le ministère de la défense avait défendu en première instance au fond sans soulever auparavant l'incompétence de la juridiction, la cour d'appel, en jugeant recevable l'exception d'incompétence soulevée par l'Agent judiciaire de l'Etat en appel alors qu'il ne pouvait être considéré comme représentant l'Etat dans cette procédure, a violé les articles R. 160 du code du domaine de l'Etat, l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 et 74 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que l'Agent judiciaire de l'Etat était habilité à représenter l'Etat en justice dans l'instance en indemnisation introduite par M. X... et en a exactement déduit que l'exception d'incompétence qu'il avait soulevée avant toute défense au fond était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître de la demande de M. X..., l'arrêt retient que celle-ci a pour objet de faire reconnaître la responsabilité de l'Etat dans le préjudice qu'il a subi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, M. X... soutenait que les dégâts causés à ses cultures provenaient essentiellement de sangliers extérieurs au camp militaire et sollicitait exclusivement la condamnation de la fédération à l'indemniser de son préjudice, la cour d'appel, en dénaturant ces écritures, a méconnu l'objet du litige et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître du litige opposant M. X... à la Fédération départementale des chasseurs de la Gironde, l'arrêt rendu le 3 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la Fédération départementale des chasseurs de la Gironde aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Defrénois et Lévis, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du tribunal d'instance de Bazas et D'AVOIR déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes au profit du tribunal administratif de Bordeaux ;
AUX MOTIFS QUE « c'est à bon droit que dans le cadre d'une mesure d'expertise, seul le Ministre de la Défense a été appelé » ; que « lorsqu'il s'est agi de statuer au fond sur la demande d'indemnisation présentée par M X..., l'Agent judiciaire du Trésor a été appelé tant par M X... que par la Fédération » ; que « c'est lors de la première audience, avant toute défense au fond que cette personne distincte du Ministre de la défense et qui ne peut être engagée par les positions prises par ce dernier a invoqué la compétence des juridictions administratives pour connaître de ce litige » ; que « cette exception est donc recevable » ;
ALORS QUE le ministère de la défense a seul compétence pour représenter l'Etat dans les instances judiciaires intéressant le domaine militaire ouvertes avant novembre 2011 ; que, tout en ayant constaté que le ministère de la défense avait défendu en première instance au fond sans soulever auparavant l'incompétence de la juridiction, la cour d'appel, en jugeant recevable l'exception d'incompétence soulevée par l'agent judiciaire du trésor en appel alors qu'il ne pouvait être considéré comme représentant l'Etat dans cette procédure, a violé les articles R 160 du code du domaine de l'Etat, l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 et 74 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du tribunal d'instance de Bazas, D'AVOIR déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes au profit du tribunal administratif de Bordeaux et d'AVOIR dit n'y avoir lieu à évoquer le fond du litige;
AUX MOTIFS QUE « il convient de relever que les textes du code de l'environnement relatifs aux dégâts causés aux cultures par le gibier n'ont pas pour objet de porter atteinte aux règles de compétence entre les ordres de juridictions » ; que « la demande de M X... puis de la Fédération ayant pour objet de faire reconnaître la responsabilité de l'Etat dans le préjudice subi par le premier, il y a lieu pour la juridiction de droit civil de se déclarer incompétente » ; que « compte tenu des circonstances, il n'y a lieu d'évoquer le litige » ;
1/ ALORS QUE lorsqu'un dommage est causé aux agriculteurs par des sangliers soumis à un plan de chasse par la fédération de chasse, le litige sur ce dommage relève de la compétence du tribunal d'instance ; la cour d'appel, en déclarant le tribunal d'instance incompétent sans rechercher la provenance des sangliers à l'origine des dommages causés à Monsieur X... a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 426-1 et suivants et R. 426-20 et suivants du code de l'environnement ;
2/ ALORS QUE dans ses conclusions d'appel Monsieur X... faisait valoir qu'il résultait de l'expertise que les dommages causés à ses cultures par les sangliers étaient dus à des sangliers ne provenant pas des parcelles X..., que les sangliers provenaient de populations extérieures au camps de Captieux sur lesquelles la pression de chasse était très faible et que les sangliers provenaient aussi du camps militaire de Captieux, où la pression de chasse était faible et que par conséquent les dégâts subis par Monsieur X... provenaient essentiellement de sangliers extérieurs au camps militaire de Captieux et Monsieur X... soutenait en conséquence que la fédération départementale des chasseurs avait l'obligation de l'indemniser de son dommage en application des articles L. 426-1 et suivants du code de l'environnement ; qu'en énonçant que Monsieur X... demandait que soit reconnue la responsabilité de l'Etat dans le préjudice qu'il avait subi pour en déduire que la juridiction civile était incompétente, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'exposant et violé ainsi l'article 4 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la Fédération départementale des chasseurs de la Gironde, demanderesse au pourvoi incident

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes au profit du Tribunal administratif de Bordeaux ;

AUX MOTIFS QUE les textes du Code de l'environnement relatifs aux dégâts causés aux cultures par le gibier n'ont pas pour objet de porter atteinte aux règles de compétence entre les ordres de juridictions ; que la demande de M. X... puis de la Fédération ayant pour objet de faire reconnaître la responsabilité de l'Etat dans le préjudice subi par le premier, il y a lieu pour la juridiction de droit civil de se déclarer incompétente ;
ALORS, D'UNE PART, QUE selon l'article L.426-4 du Code de l'environnement l'indemnisation des dégâts de gibier par la Fédération départementale des chasseurs laisse subsister le droit d'exercice contre le responsable des dommages une action fondée sur l'article 1382 du Code civil ; que selon l'article L.426-6 du même code, tous les litiges nés de l'application des articles L.426-1 à L.426-4 sont de la compétence des juridictions judiciaires ; que dès lors en déclarant cette dernière incompétente pour se prononcer sur l'action en responsabilité dirigée contre l'Etat sur le fondement de l'article L.426-4 du Code de l'environnement, l'arrêt attaqué a violé l'article L.426-6 du même code ;
ALORS, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, QU'il appartient au juge judiciaire de prendre en compte les exigences d'une bonne administration de la justice et le respect du délai raisonnable pour statuer, lorsqu'il le peut, sur l'ensemble des demandes formulées quand bien même certaines relèveraient, en principe, de la juridiction administrative ; qu'ainsi lorsque, comme en l'espèce, le Tribunal d'instance est saisi d'une action en réparation des dégâts de gibier à la fois à l'encontre d'une Fédération départementale de chasseurs sur le fondement de l'article L.426-1 du Code de l'environnement et à l'encontre d'une personne publique sur le fondement de la faute commise par cette dernière et de l'article L.426-4 du même code, il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de statuer sur l'ensemble du litige, de façon à entendre les explications de la personne publique, à débattre de la responsabilité de celle-ci notamment en cas de partage de responsabilité avec la FDC, à ce que les expertises soient diligentées au contradictoire de l'ensemble des parties intéressées à l'affaire et à éviter de prolonger et compliquer inutilement la procédure devant deux juridictions différentes pour le même dommage ; qu'en conséquence, le juge judiciaire est compétent pour statuer sur l'ensemble du litige quand bien même une personne publique serait mise en cause ; qu'en décidant autrement, la Cour d'appel a violé le principe d'une bonne administration de la justice et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, ENFIN, QUE la question de la possibilité pour le juge judiciaire saisi d'une action en réparation des dégâts de gibier à l'encontre à la fois d'une personne publique en raison de la faute susceptible d'engager sa responsabilité et d'une Fédération départementale de chasseurs en sa qualité de gestionnaire des fonds d'indemnisation, de trancher tout le litige, soulève un véritable problème de compétence de juridiction, notamment compte tenu de la récente jurisprudence du Tribunal des conflits ; que la Cour de cassation pourrait, si elle l'estime nécessaire, renvoyer à celui-ci le soin de le trancher, en application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-27789
Date de la décision : 10/07/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 03 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jui. 2013, pourvoi n°11-27789


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Defrénois et Lévis, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.27789
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