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09/07/2013 | FRANCE | N°12-21957

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 juillet 2013, 12-21957


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 mai 2012), qu'un avenant à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie n° 83 du 24 avril 2006, révisé par avenant du 6 septembre 2006, a mis en place, pour cette profession, un régime de remboursement obligatoire complémentaire de frais de santé à compter du 1er janvier 2007 et a désigné comme organisme assureur unique l'institution

de prévoyance AG2R prévoyance (l'AG2R) ; que le 5 avril 2007, la chambre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 mai 2012), qu'un avenant à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie n° 83 du 24 avril 2006, révisé par avenant du 6 septembre 2006, a mis en place, pour cette profession, un régime de remboursement obligatoire complémentaire de frais de santé à compter du 1er janvier 2007 et a désigné comme organisme assureur unique l'institution de prévoyance AG2R prévoyance (l'AG2R) ; que le 5 avril 2007, la chambre syndicale patronale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie du Rhône a signé avec la société Audit gestion études partenariat (l'AGEP) exerçant sous le nom commercial de « Cabinet Abela » un accord de groupe relatif à la mise en place d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé, auquel M. X... a souscrit ; que l'AG2R a fait assigner M. X... en vue d'obtenir son affiliation au régime complémentaire prévu par l'avenant de 2006 et le rappel des cotisations dues depuis sa prise d'effet ; que M. X..., se prévalant d'une clause de l'accord de groupe signé en 2007, a appelé l'AGEP en garantie de toute condamnation ;
Attendu que l'AGEP fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à garantir M. X... de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans les termes de l'article 14 de l'accord du 5 avril 2007, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 3 mars 2011 (AG2R prévoyance c/ Beaudout père et fils SARL, aff. C-437/09) qu'un organisme tel que l'AG2R, désigné aux fins de gérer un régime de remboursement des soins de santé, peut, malgré le haut degré de solidarité qui caractérise ce régime, être qualifié d'entreprise au sens du droit communautaire de la concurrence en fonction des circonstances dans lesquelles il a été désigné et de la marge de négociation dont il a pu disposer quant aux modalités de son engagement et de la répercussion de ces éléments sur le mode de fonctionnement du régime ; que la cour d'appel, qui a retenu que l'AG2R ne pouvait être en l'espèce qualifiée d'entreprise quand il résulte des propres termes de son arrêt qu'elle n'a pas pu vérifier les circonstances dans lesquelles cet organisme avait été désigné, la marge de négociation dont il a pu disposer quant aux modalités de son engagement et la répercussion de ces éléments sur le mode de fonctionnement du régime, a violé les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Mais attendu que les motifs critiqués n'étant pas le soutien du chef du dispositif condamnant l'AGEP à garantir M. X..., le moyen est inopérant ;
Et attendu que le premier moyen et les autres branches du second moyen ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Audit gestion études et partenariat aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... et à la société AG2R prévoyance une somme de 3 000 euros chacun et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la société Audit gestion études et partenariat
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société AGEP agissant sous l'enseigne commerciale ABELA à garantir M. X... de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans les termes de l'article 14 de l'accord du 5 avril 2007, cette garantie comportant notamment les rappels de cotisations et de pénalités et ce, à compter du 1er janvier 2007, outre les frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE : « l'action en garantie d'Eric X... à l'encontre de la SARL AUDIT GESTION ETUDES ET PARTENARIAT - AGEP, dont le nom commercial est LE CABINET ABELA, repose sur l'accord de Groupe relatif à la mise en place d'un régime « Remboursement complémentaire de frais de soins de santé », conclu le 5 avril 2007 avec effet au 1er janvier 2007, entre la Chambre Syndicale de la boulangerie et la boulangerie-pâtisserie du Rhône et Le Cabinet ABELA, situé 2 boulevard du 4 septembre BP26 38 501 VOIRON ; qu'aux termes de l'article 14 de cet accord, il est prévu que « Le Cabinet ABELA prendra à sa charge la défense juridique de ses adhérents ainsi que toutes les éventuelles démarches financières de rattrapage y compris les rappels de cotisation et pénalités en cas de poursuites engagées par l'organisme assureur désigné par l'avenant n°83 à la Convention Collective Nationale » ; que même si le nom et la qualité du gérant n'ont pas été précisés dans cet accord, rien dans les éléments du dossier ne permet d'établir que le signataire ne serait pas le gérant ou le délégataire de la SARL AUDIT GESTION ETUDES ET PARTENARIAT- AGEP ayant pour nom commercial le Cabinet ABELA, alors que le gérant, Jean-Pierre Y... n'a pas initialement contesté ledit accord puisqu'au contraire, par lettre du 29 décembre 2008, il a pris acte de « la résiliation de l'accord de groupe signé le 5 avril 2007 entre nos deux organismes », qu'il produit un article de presse de 2010 où il précise lui-même, « à l'automne 2007, quelques mois avant la signature de l'avenant à la convention collective des artisans boulangers portant sur la mise en place d'un régime de frais de santé, notre société de courtage a prospecté une centaine de clients relevant de cette profession. Notre contrat s'est par la suite révélé très compétitif¿ » ; qu'enfin, Eric X... produit une attestation signée de Jean-Pierre Y..., en date du 2 février 2007 dont la signature correspond parfaitement à celle figurant sur sa carte d'identité, et selon laquelle « la société ABELA s'engage par la présente auprès de la Chambre Syndicale Patronale de la Boulangerie et Boulangerie Pâtisserie du Rhône sur les deux points suivants : contrôler l'ensemble des tableaux de garanties des salariés qui se sont exclus volontairement du régime Remboursement complémentaire de frais de soins de santé et en assumer seule la responsabilité ; demander annuellement aux salariés exclus du régime, de fournir un justificatif de la couverture souscrite par ailleurs ; que c'est donc à juste titre que le tribunal a écarté l'argumentation de la SARL AUDIT GESTION ETUDES ET PARTENARIAT- AGEP et retenu qu'elle était engagée en tant que partie à l'accord pris sous son enseigne commerciale » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsque l'écriture et la signature d'un acte sous seing privé sont déniées ou méconnues, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté, à moins qu'il puisse statuer sans en tenir compte ; que, si cette vérification ne lui permet pas de conclure à la sincérité de l'acte, la partie qui fonde ses prétentions sur cet acte doit en être déboutée ; que la cour d'appel, qui a reproché à la société AGEP de ne pas avoir apporté la preuve de ce que la signature de l'accord de groupe, sur lequel était fondé l'appel en garantie, n'émanait pas de son gérant et n'a procédé à aucune vérification propre à s'assurer de la sincérité de ladite signature, a violé les articles 1324 du code civil, 287 et 288 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE tout acte passé au nom d'une société qui n'aurait pas été signé par son représentant légal ou par un mandataire dûment habilité, est inopposable à celle-ci ; qu'en déclarant l'accord de groupe opposable à la société AGEP au motif que celui-ci avait été signé en son nom, que son gérant ne l'avait pas contesté pendant plusieurs années et que lui-même avait déclaré, par des manifestations extérieures à cet accord de groupe, être lié par lié par celui-ci, la Cour d'appel, qui, pour déterminer si cet accord était effectivement opposable à la société AGEP, devait uniquement rechercher si celui-ci avait été signé au nom de la société AGEP par une personne habilitée à engager celle-ci, a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 1322 du code civil et L. 223-28 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société AGEP agissant sous l'enseigne commerciale ABELA à garantir M. Eric X... de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans les termes de l'article 14 de l'accord du 5 avril 2007, cette garantie comportant notamment les rappels de cotisations et de pénalités et ce, à compter du 1er janvier 2007, outre les frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE : « il y a lieu de rappeler la primauté du droit communautaire sur le droit national ; que l'appelante fait valoir que les dispositions de l'avenant litigieux sont susceptibles par leurs effets d'affecter le commerce entre Etats membres, entraînant de fait l'application des dispositions du Traité CE ; qu'elle invoque, en considération de l'analyse de l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 3 mars 2011, que l'abus de position dominante réside dans le mode de choix de l'organisme gestionnaire et dans l'absence de contrôle du fonctionnement du régime ; que la Cour de Justice, dans l'arrêt précité, statuant dans une instance similaire à la présente instance, sur la question préjudicielle posée par le tribunal de grande instance de de PERIGUEUX dans son jugement du 27 octobre 2009, dans le cadre d'une instance opposant AG2R PREVOYANCE à une SARL affiliée au titre de l'assurance complémentaire de frais de santé depuis le 10 octobre 2006 à une compagnie d'assurance autre qu'AG2R PREVOYANCE, cette dernière invoquant l'avenant litigieux, a reformulé ladite question en indiquant qu'il s'agit de savoir, en substance, si la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des salariés d'un secteur d'activité déterminé, un accord issu de négociations collectives qui prévoit l'affiliation à un régime de remboursement complémentaire de soins de santé géré par un organisme désigné, sans possibilité de dispense, est compatible avec le droit de l'Union, et précise, après avoir visé les dispositions des articles 101 TFUE, lu en combinaison avec l'article 4, paragraphe 3, TUE et 106, paragraphe 1, TFUE, que pour donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il y a lieu de considérer que la question posée par celle-ci porte sur l'interprétation des articles 101 et 102 TFUE, lus ensemble respectivement, avec les articles 4, paragraphes, TUE - et 106 TFUE ; que la Cour de Justice de l'Union Européenne, dans l'arrêt susvisé du 3 mars 2011, a alors dit pour droit : 1°) L'article 101 TFUE, lu en combinaison avec l'article 4, paragraphe 3, TUE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des salariés d'un secteur d'activité déterminé, un accord issu de négociations collectives qui prévoit l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné, sans possibilité de dispense ; 2°) Pour autant que l'activité consistant dans la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause au principal doit être qualifiée d'économique, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, les articles 102 TFUE et 106 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; Attendu que l'article 101 TFUE, lu en combinaison avec l'article 4, paragraphe 3 TUE, impose aux Etats membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures de nature législative ou réglementaire, susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises ; que la Cour de Justice de l'Union Européenne a jugé que les accords conclus dans le cadre de négociations entre partenaires sociaux destinés à améliorer les conditions d'emploi et de travail doivent être considérés, en raison de leur nature et de leur objet, comme ne relevant pas de l'article 101, paragraphe 1 TFUE ; qu'en l'espèce, comme dans celle soumise à la Cour de Justice de l'Union Européenne visant le même accord, il résulte des pièces versées aux débats que celui-ci, conclu sous forme d'avenant à une convention collective et donc résultant d'une négociation collective entre l'organisation représentative des employeurs et celles représentatives des salariés du secteur de la boulangerie artisanale française, met en place, dans un secteur déterminé, un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé qui contribue à l'amélioration des conditions de travail des salariés, non seulement en leur garantissant les moyens nécessaires pour faire face à des frais liés à la maladie, à un accident du travail, à une maladie professionnelle ou à une maternité, mais en réduisant les dépenses qui, à défaut d'une convention collective, auraient dû être supportées par le salarié ; que la Cour de Justice de l'Union Européenne énonce que : cette constatation n'est pas remise en cause par la circonstance que l'affiliation à un tel accord est obligatoire pour toutes les entreprises du secteur d'activité concerné, sans possibilité de dispense et que dès lors l'avenant n°83 ne relève pas, en raison de sa nature et de son objet, de l'article 101, paragraphe l, TFUE et, après avoir analysé la combinaison de cet article avec l'article 4, paragraphe 3 TUE, les pouvoirs publics sont libres de le rendre obligatoire à des personnes qui ne sont pas formellement liés par celui-ci ; que la non application de l'article 101 en l'espèce laisse donc toute possibilité de choix d'un organisme tel que AG2R PREVOYANCE en tant qu'assureur désigné ; Attendu qu'il convient ensuite de rechercher si l'analyse faite par la Cour de Justice de l'Union Européenne, au regard de l'interprétation de l'articles 102 TFUE, lu en combinaison avec l'article 106 TFUE peut permettre à l'appelante de dire qu'en l'espèce, il y a abus de position dominante résidant plus particulièrement dans le mode de choix de l'organisme gestionnaire et dans l'absence de contrôle du fonctionnement du régime ; que l'article 102 TFUE dispose principalement qu'est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celuici ; que l'article 106, de son côté, dispose, dans ses paragraphes 1 et 2 : 1°) « Les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus ; 2) « Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union ; que pour déterminer la possibilité d'application de ces textes au choix d'AG2R PREVOYANCE, comme l'a dit la Cour de Justice de l'Union Européenne, il s'agit de déterminer si une institution telle que cet organisme est une entreprise au sens de l'article 102 TFUE, la dite cour rappelant que : - dans le contexte du droit de la concurrence de l'Union, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de fonctionnement ; - il ressort d'une jurisprudence constante que constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné ; - AG2R PREVOYANCE, en tant qu'institution de prévoyance relevant du code de la sécurité sociale, est une personne de droit privé ayant un but non lucratif, et dont l'objet est la couverture des dommages corporels liés aux accidents et à la maladie ; - ce faisant, d'une part, en vertu de l'article L932-9 de ce même code, une telle institution ne peut ni suspendre les garanties ni dénoncer l'adhésion d'une entreprise en raison du défaut de paiement des cotisations par une entreprise, d'autre part, si les entreprises relevant de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie sont obligées d'adhérer au régime géré par AG2R PREVOYANCE, il en découle corrélativement que cette dernière est obligée, pour sa part, aux termes de l'avenant n°83, d'assurer tous les salariés de ces entreprises, indépendamment du risque à couvrir, et ce en contrepartie d'un taux unique de cotisation, supporté à parts égales par l'employeur et le salarié, sans égard à la taille de l'entreprise ou à la rémunération du salarié assuré ; - partant, en ce qu'il prévoit une protection sociale complémentaire obligatoire pour tous les salariés d'un secteur économique, un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause au principal poursuit un objectif social ; - toutefois, la finalité sociale d'un régime d'assurance n'est pas en soit suffisante pour exclure que l'activité concernée soit qualifiée d'activité économique, il convient encore d'examiner en particulier, d'une part, si ce régime peut être considéré comme mettant en oeuvre le principe de solidarité et, d'autre part, s'il est soumis au contrôle de l'Etat qui l'a instauré, ces éléments étant de nature à exclure le caractère économique d'une activité donnée ; Attendu que le régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause, tant dans l'instance concernée par l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne que dans la présente instance, dans la mesure où il est financé par des cotisations d'un montant forfaitaire et dont, partant le taux n'est pas proportionnel au risque assuré, et où, dans certains cas, les prestations sont servies indépendamment du paiement des cotisations dues, ainsi qu'il résulte des articles 3 et 4 bis de l'avenant n°83 ainsi que de l'article 1er de l'avenant n°1 du 6 septembre 2006, est caractérisé par un degré élevé de solidarité qui ne pourrait être atteint si une partie des entreprises de la profession ne participaient pas à la mutualisation du régime ; qu'en ce qui concerne le contrôle de l'Etat, il y a lieu d'analyser, selon la Cour de Justice de l'Union Européenne, la portée du contrôle des modalités de fonctionnement de ce régime exercé par l'Etat ; que si ne sont effectivement pas précisées les circonstances dans lesquels AG2R PREVOYANCE a été désignée par l'avenant n°83, ni la marge de négociation dont cet organisme a pu disposer quant aux modalités de son engagement et la répercussion de ces éléments sur le mode de fonctionnement du régime concerné dans son ensemble, cependant, il n'apparaît pas que les droits exclusifs qui lui sont conférés par cet avenant puissent l'amener à exploiter de manière abusive la position dominante résultant de ces droits dans la mesure où : - les pouvoirs publics ont exercé un contrôle sérieux, à priori et à posteriori, sur le contenu de l'avenant qui, préalablement soumis à la Commission nationale de la négociation collective, a fait l'objet d'un avis favorable, et ensuite de l'arrêté d'extension pour lequel le Conseil d'Etat, le 19 mai 2008, a rejeté le recours pour excès de pouvoir intenté, alors que l'appelante, par les pièces qu'elle produit sur le comparatif des prestations offertes qui diffère de celui produit par AG2R PREVOYANCE, sans qu'elle ne donne d'explications à ce sujet, ne fasse la moindre démonstration qu'elle-même ou un autre organisme était mieux placé que cette dernière pour assurer celles-ci ; - en outre l'avenant prévoit, en son article 13, un réexamen dans un délai de cinq ans par la Commission nationale paritaire de la branche, des modalités d'organisation et de mutualisation du régime ; que de tout ce qui précède et du contrôle exercé se déduit que l'institution en cause n'exerce pas d'activité économique ; Attendu qu'en tout état de cause, à supposer qu'ait pu être retenue la nature économique de l'activité de l'institution et l'existence d'un abus de position dominante dans ce cadre, d'une part, il n'est pas suffisamment justifié que le marché pourrait être substantiellement affecté par cet éventuel abus, d'autre part, la Cour de Justice de l'Union Européenne, au visa de I'article106, paragraphes 1 et 2, a retenu que les contraintes imposées à AG2R PREVOYANCE qui rendent le service fourni par cet organisme moins compétitif qu'un service comparable fourni par des compagnies d'assurance non soumises à ces contraintes, contribuent à justifier le droit exclusif de cet organisme de gérer un tel régime sans qu'aucune dispense d'affiliation ne soit possible, que partant, la suppression d'une clause de migration telle que celle prévue par l'avenant n° 83 pourrait aboutir à l'impossibilité pour l'organisme concerné d'accomplir les missions d'intérêt économique général qui lui ont été imparties dans des conditions économiques acceptables ; que ce faisant, le monopole d' AG2R PREVOYANCE, qui répond aux services sollicités, dans le cadre des critères de l'article 106, paragraphe 2 TFUE selon lequel les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général sont soumises aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui lui a été impartie, quelles que soient les modalités du choix qui en a été fait, au demeurant sous les contrôles opérés comme dit plus haut, ne peut être susceptible de constituer un abus de position dominante ; Attendu que l'avenant n°83 du 24 avril 2006 a donc à bon droit été considéré conforme au droit communautaire par les premiers juges, sans qu'il y ait lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l'Union Européenne qui a laissé à l'appréciation des juridictions internes la détermination finale de la nature économique ou non de l'activité exercée par AG2R PREVOYANCE, dans le cadre qu'elle a fixé, et a ensuite, comme dit ci-dessus, dit le droit en application de l'article 106 TFUE » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 3 mars 2011 (AG2R Prévoyance c/ Beaudout Père et Fils SARL, aff. C-437/09) qu'un organisme tel que l'AG2R, désigné aux fins de gérer un régime de remboursement des soins de santé, peut, malgré le haut degré de solidarité qui caractérise ce régime, être qualifié d'entreprise au sens du droit communautaire de la concurrence en fonction des circonstances dans lesquelles il a été désigné et de la marge de négociation dont il a pu disposer quant aux modalités de son engagement et de la répercussion de ces éléments sur le mode de fonctionnement du régime ; que la cour d'appel, qui a retenu que l'AG2R ne pouvait être en l'espèce qualifiée d'entreprise quand il résulte des propres termes de son arrêt qu'elle n'a pas pu vérifier les circonstances dans lesquelles cet organisme avait été désigné, la marge de négociation dont il a pu disposer quant aux modalités de son engagement et la répercussion de ces éléments sur le mode de fonctionnement du régime, a violé les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE si les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ne s'opposent pas à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer un régime de remboursement complémentaire des frais de soins de santé pour l'ensemble des entreprises d'un secteur d'activité, sans possibilité, pour les entreprises de ce secteur, d'être dispensées de s'affilier audit régime, il appartient néanmoins aux pouvoirs publics, lorsqu'ils confient à un organisme de prévoyance la gestion d'un tel régime, de respecter les règles fondamentales du traité de l'Union européenne et notamment le principe de non-discrimination, lequel implique le respect d'une obligation de transparence consistant à garantir un degré de publicité adéquat permettant une mise en concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures de choix ; que la cour d'appel, qui a énoncé que le fait d'avoir confié à la société AG2R la gestion exclusive du régime complémentaire de santé institué par l'avenant n°83 à la convention collective nationale des boulangeries et des boulangeries-pâtisseries était conforme au droit communautaire et notamment aux articles 102 et 106 du TFUE, sans rechercher si la société AG2R s'était vu confier cette mission dans le respect des principes communautaires régissant la commande publique et notamment du principe de transparence, a privé sa décision de base légale au regard dudit principe et de l'article 18 du TFUE ;
ALORS, EN OUTRE, QUE la question de savoir si la désignation de l'AG2R en tant qu'organisme assureur est conforme aux principes régissant, en droit communautaire, la commande publique et notamment au principe de transparence, pose une question d'interprétation du droit de l'Union européenne ; qu'il appartient donc à la Cour de cassation de renvoyer celle-ci à la CJUE sur le fondement de l'article 267 du TFUE.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-21957
Date de la décision : 09/07/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 24 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 jui. 2013, pourvoi n°12-21957


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Jacoupy, Me Le Prado, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.21957
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