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09/07/2013 | FRANCE | N°12-21415

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 juillet 2013, 12-21415


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 14 décembre 2010, pourvoi n° 09-72.521), que Mme X... a ouvert, le 6 juin 1995, un compte dans les livres de la société Leven, devenue Aurel BGC (la société) afin d'intervenir sur le marché des options négociables ; que la société ayant mis en oeuvre des mesures d'exécution pour recouvrer le solde débiteur de ce compte, Mme X..., faisant valoir qu'elle avait manqué à ses obligations cont

ractuelles et réglementaires, l'a assignée en paiement de dommages-intérê...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 14 décembre 2010, pourvoi n° 09-72.521), que Mme X... a ouvert, le 6 juin 1995, un compte dans les livres de la société Leven, devenue Aurel BGC (la société) afin d'intervenir sur le marché des options négociables ; que la société ayant mis en oeuvre des mesures d'exécution pour recouvrer le solde débiteur de ce compte, Mme X..., faisant valoir qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles et réglementaires, l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ; que devant la cour de renvoi, elle a repris ses demandes ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 533-4 du code monétaire et financier dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que le prestataire de services d'investissement intervenant pour le compte d'un donneur d'ordre sur le marché à règlement différé est tenu, même sans ordre de liquidation et nonobstant tout ordre contraire de ce dernier, de liquider les positions de son client lorsque celui-ci n'a pas, le lendemain du dernier jour de la liquidation mensuelle, remis les titres ou les fonds nécessaires à la livraison des instruments financiers vendus ou au paiement des instruments financiers achetés, une telle liquidation d'office devant également avoir lieu lorsque les positions du donneur d'ordre ont été reportées et que celui-ci n'a pas, avant la même date, réglé son solde débiteur et constitué ou complété la couverture afférente à l'opération de report ;
Attendu que pour condamner Mme X... à payer à la société la somme de 40 838,16 euros correspondant à l'insuffisance de couverture de son compte portefeuille arrêté au 31 décembre 1995, l'arrêt retient qu'informée par courrier du 10 octobre 1995 de l'existence d'un solde débiteur de ce compte et d'avoir à couvrir ce solde dans les meilleurs délais, il lui appartenait, dans l'hypothèse où elle ne pouvait reconstituer cette couverture, de mettre fin au mandat délivré à un tiers pour la passation de ses ordres, et qu'à défaut d'avoir agi conformément à ses intérêts, elle ne peut faire reproche à la société d'avoir poursuivi l'exécution du contrat ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la faute imputée à Mme X... n'aurait pu être commise en l'absence de celle de la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble les articles L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable, et 3-3-5 du règlement général du Conseil des marchés financiers, alors applicable ;
Attendu que pour dire que la société n'a pas manqué à son obligation d'information lors de la formation du contrat, l'arrêt retient que si Mme X... ne peut être qualifiée d'opérateur averti, elle ne dément pas avoir reçu, au moment de l'ouverture du compte, une "note d'information du marché à terme international de France (MATIF)" et ne prétend pas que cette information était inadaptée à sa situation personnelle ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs desquels il ne résulte ni que la société avait, lors de l'ouverture du compte, procédé à l'évaluation de la compétence de Mme X... s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus dans ces opérations ni, par suite, qu'elle lui avait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Aurel BGC aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame X... à payer à la société Aurel BGC la somme de 40.838,16 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 1995 et ordonné la capitalisation des intérêts ;
Aux motifs que : «(¿) ce litige tend à déterminer dans quelle mesure un donneur d'ordre à qui est réclamé le solde débiteur de son compte par suite de l'exécution d'ordres sur le marché d'options négociables de Paris est en droit de se prévaloir en défense, d'un manquement commis par le prestataire de services d'investissement choisi par lui pour avoir, au mépris de l'article 4-6-10 du règlement général du Conseil des Bourses de Valeurs (août 1994) et des stipulations de la convention de compte applicable, passé des ordres à découvert ; qu'il importe en premier lieu de relever que Mme Isabelle X... ne contestera la réalité, ni le quantum, ni l'exigibilité du solde débiteur de compte qui lui est réclamé; que ce solde correspond selon ses dires, au fonctionnement de son compte au cours d'une période comprise entre le 6 septembre et le 20 octobre 1995 ; que partant, ce chef de demande sera purement et simplement confirmé ; « (¿) que les avis d'opéré et relevés de compte soumis à l'appréciation de la cour, se rapportent à une période de fonctionnement du compte litigieux comprise entre juillet et octobre 1995; qu'aucun élément du dossier ne permet de soutenir que Mme Isabelle X... pouvait lors de la souscription de son compte être qualifiée d'opérateur averti ; qu'il reste que cet investisseur ne dément pas s'être au moment de la souscription de son compte, vue remettre une notice d'information intitulée « note d'information du marché à terme international de France (MATIF) », référencée TF/MT/10/1990.06 et ne prétend pas que cette information était inadaptée à sa situation personnelle ; (¿qu') ainsi (¿) elle ne peut invoquer un manquement du prestataire de services d'investissement à l'obligation de mise en garde pesant sur lui lors de la souscription du contrat et se rapportant tant aux risques encourus par des opérations à découvert qu'aux conséquences d'un défaut de couverture ; Qu'en revanche, elle reste en droit d'invoquer, ainsi qu'elle le fait au cas présent, un défaut du dit prestataire à l'obligation de mise en garde portant sur la nécessité de régulariser chaque position et sur le risque de liquidation d'office des positions prises à découvert, peu important à ce stade des opérations visées que la seule finalité de la couverture soit ou non la protection du marché et des professionnels puisque cette mise en garde est postérieure à la réalisation des opérations non couvertes et préalable à la liquidation de ces positions par le professionnel ; que l'article 7 de la convention de compte passée entre les parties, intitulé « couvertures » stipule que : « Le versement et le maintien à niveau des couvertures sur le marché RM et sur le marché des options négociables sont régis par les dispositions prévues par le règlement général du Conseil./ S'agissant des marchés relevant d'une autorité autre que celle du Conseil, les règles de couverture sont régies par lesdites autorités./La société de bourse a la faculté de renforcer les règles de couverture minimale exigibles en couverture des engagements du titulaire, dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur. La société de bourse est en droit de procéder à la liquidation partielle ou complète des positions insuffisamment couvertes./Dans le cas où le compte présenterait un débit espèces, la société de bourse est en droit à sa seule initiative de procéder à la réalisation du portefeuille à concurrence du débit constaté » ; Qu'en outre, l'appelante reconnaît dans ses propres écritures avoir reçu un courrier de la société de bourse daté du 10 octobre 1995, rédigé comme suit : « Nous vous précisons que votre compte n° 60.812 présente à ce jour un solde débiteur de 113. 366, 75 F./ La législation particulière des sociétés de bourse nous faisant interdiction absolue d'accepter des comptes débiteurs dans nos livres, nous vous serions très obligés de bien vouloir nous couvrir de ce montant dans les meilleurs délais par tout moyen à voire convenance et nous vous en remercions par avance »; Qu'elle ne peut dans ces conditions, faire grief à la société intimée d'avoir continué à exécuter les ordres de bourse passés par son mandataire alors qu'aux termes de la procuration générale confiée à celui-ci le 6 juin 1995, « l'autorisation donnée était valable jusqu'à révocation expressément notifiée. »; qu'il lui appartenait, dans l'hypothèse où elle ne pouvait reconstituer la couverture de son compte dont le solde débiteur lui était précisé, de mettre fin au mandat confié à M. Philippe Y... ; qu'à défaut d'avoir agi conformément à ses intérêts, elle ne peut être déclarée recevable à faire reproche à la société intimée d'avoir poursuivi l'exécution du contrat conformément aux stipulations contractuellement convenues ; qu'elle apparaît bien être à l'origine de son propre préjudice et partant, irrecevable en sa réclamation tout au moins pour la période comprise entre le 10 et le 20 octobre 1995, date d'arrêt d'exécution des ordres de bourse ; que pour la période antérieure, comprise entre le 6 septembre et le 9 octobre 1995, Mme Isabelle X... ne rapporte pas la preuve qu'elle ne disposait pas des liquidités nécessaires pour verser la somme de 150.000 francs portée au relevé de son compte par la société Aurel BGC ; qu'au demeurant, elle ne justifie pas avoir immédiatement contesté le dit relevé régulièrement versé aux débats par l'intimée lors de sa réception ; que par ce versement, elle a démontré connaître l'exigence de couverture pesant sur elle pour cette première période ; que sur ces diverses constatations et pour l'ensemble de ces raisons, il y a lieu de confirmer la décision déférée » (arrêt attaqué p. 3, deux derniers à p. 5, § 6) ;
1°) alors que, d'une part, en cas de défaut de couverture des positions en options négociables, l'article 4-6-10 du règlement général du Conseil des bourses met à la charge du prestataire de services d'investissement une obligation de « liquidation des positions insuffisamment couvertes à la clôture d'une séance dans le délai maximal du jour de bourse suivant », obligation édictée tant dans l'intérêt de l'opérateur et de la sécurité des marchés que dans celui du donneur d'ordres qui peut l'invoquer à son profit pour mettre en cause la responsabilité du prestataire de services d'investissement ; qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait refuser de retenir la faute de la société Aurel BGC qui n'avait pas procédé à la liquidation des positions insuffisamment couvertes du compte de Madame X... et avait continué à exécuter les ordres émis à découvert par Monsieur Y..., mandataire de Madame X..., au motif inopérant qu' il appartenait à cette dernière de mettre elle-même fin au mandat si elle ne pouvait reconstituer la couverture de son compte ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé par refus d'application les dispositions des articles 4-6-10 du règlement général du Conseil des bourses, L. 533-4 et suivants du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 avril 2007, et 1147 du code civil ;
2°) alors que, d'autre part, que tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de son client profane, le prestataire de services d'investissement doit l'avertir, en tenant compte de ses compétences, sur les risques encourus sur des marchés à terme, hautement spéculatifs; que l'obligation de mise en garde ne se résume pas à la simple remise d'une notice d'information d'ordre général ; qu'ainsi la cour d'appel qui constate que Madame X... présentait la qualité d'opérateur profane ne pouvait se borner à considérer que cette obligation était remplie par la remise, au moment de la souscription de son compte, d'une notice d'information sans priver sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1147 du Code civil, ensemble celles de l'article L. 533-4 et suivant du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 avril 2007 ;
3°) alors que, troisièmement, en tout état de cause, l'article 4-6-10 du règlement général du Conseil des bourses prévoyant que le prestataire de services d'investissement a l'obligation de liquider « des positions insuffisamment couvertes à la clôture d'une séance dans le délai maximal du jour de bourse suivant », ce dernier doit remplir son obligation de mise en garde vis-à-vis du client profane en l'avertissant chaque fois qu'une régularisation immédiate s'avère nécessaire sauf à voir liquider d'office les positions prises à découvert; qu'en considérant que la société Aurel BGC avait rempli son obligation de mise en garde à l'égard de Madame X... par l'envoi d'un courrier du 10 octobre 1995 l'informant de la nécessité de couvrir le solde débiteur de son compte, lequel avait pourtant commencé à présenter un solde débiteur dès le 6 septembre précédent et s'était déjà aggravé de plus de 100 000 Frs (15.245 ¿) au jour de la réception du courrier, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1147 du Code civil, ensemble celles de l'article 4-6-10 du règlement général du Conseil des bourses et de l'article L. 533-4 et suivant du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 avril 2007 ;
4°) alors que, enfin, il appartient à celui qui invoque un fait de rapporter la preuve de son existence; qu'en considérant comme établi le versement de 150.000 frs (22.867,35 ¿) que Madame X... aurait prétendument effectué sur son compte aux motifs qu'elle « (¿) ne rapporte pas la preuve qu'elle ne disposait pas des liquidités nécessaires pour verser (¿cette) somme » (arrêt attaqué p. 5, § 6), la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1315 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-21415
Date de la décision : 09/07/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 avril 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 jui. 2013, pourvoi n°12-21415


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Bénabent et Jéhannin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.21415
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