LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 février 2012), que l'association Alliance nationale des unions chrétiennes de jeunes gens (l'association) a fait procéder à la rénovation d'un immeuble exploité par l'Union chrétienne de jeunes gens (l'UCJG) ; que la réception des travaux est intervenue le 30 novembre 1994 ; que se plaignant de désordres affectant les canalisations d'eau chaude et d'eau froide, l'association et l'UCJG ont, après expertise ordonnée le 19 décembre 2000, assigné en responsabilité et indemnisation, les 13,14 et 17 novembre 2003, les différents intervenants et leurs assureurs ;
Attendu que l'association et l'UCJG font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leurs demandes à raison du caractère biennal des désordres litigieux, alors, selon le moyen unique :
1°/ que l'expert judiciaire avait souligné dans son rapport que « les éléments atteints font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité » ; qu'en estimant toutefois, sans procéder à aucune autre recherche, qu'il était constant qu'il résultait de ce rapport que le réseau litigieux constituait un élément d'équipement dissociable, la cour d'appel a dénaturé le rapport de l'expert en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le réseau de distribution d'eau chaude et d'eau froide constitue un élément essentiel du fonctionnement de tout immeuble destiné à l'habitation ; que les désordres qui exigent, pour qu'il y soit mis fin, le remplacement intégral de l'installation, rendent nécessairement l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'en écartant toutefois le caractère décennal des désordres constatés par l'expert sur le réseau de distribution d'eau au motif inopérant que l'immeuble était destiné à l'accueil des jeunes gens et non de touristes, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1792 et 1792-2 du code civil ;
3°/ que relèvent de la garantie décennale les désordres affectant un élément d'équipement qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; que ces désordres sont révélés dans toute leur ampleur lorsque seules des interventions répétées d'un service de maintenance a permis le maintien en activité du réseau de distribution d'eau chaude et d'eau froide ; qu'en estimant toutefois que les désordres affectant le réseau de distribution d'eau n'avait pas empêché son fonctionnement normal « dans cet environnement relativement rustique » tout en constatant que l'installation litigieuse avait nécessité l'intervention répétée du service de maintenance de l'association, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1792 et 1792-2 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, que les installations en litige avaient été réalisées sur un immeuble existant et que les désordres affectaient des canalisations fixées aux murs et non encastrées dans la maçonnerie, la cour d'appel, devant laquelle était seule invoquée par les demandeurs au pourvoi l'application de la garantie décennale, a pu retenir, par ces seuls motifs et sans dénaturation du rapport d'expertise, que les désordres affectant des éléments d'équipement dissociables, cette garantie n'était pas applicable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Alliance nationale des unions chrétiennes de jeunes gens et l'Union chrétienne de jeunes gens aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour les associations Union chrétienne de jeunes gens et Alliance nationale des unions chrétiennes de jeunes gens
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré l'Union Chrétienne de Jeunes Gens et l'association Alliance Nationale des Unions Chrétiennes de Jeunes Gens irrecevables en leurs demandes comme étant prescrites à raison du caractère biennal des désordres litigieux ;
AUX MOTIFS QU'iI est constant comme résultant du rapport de l'expert judiciaire que les canalisations d'eau chaude et d'eau froide litigieuses sont simplement fixées aux murs et donc non encastrées dans la maçonnerie de l'immeuble, la meilleure preuve en étant qu'elles ont été apposées dans le cadre d'une rénovation du bâtiment et donc après sa construction ce qui implique qu'elles ne cheminent pas à l'intérieur des murs et des planchers ; que partant, on doit les considérer comme des éléments d'équipement dissociables du gros oeuvre sans détérioration ou enlèvement de matière au sens des dispositions de l'article 1792-3 du code civil ; que, comme telles, elles ressortent au régime de la garantie biennale des constructeurs ; que l'article 1792 du même code dit bien cependant qu'un élément d'équipement peut donner lieu à l'application de la garantie décennale constructeurs, mais c'est à la condition qu'il soit démontré que les désordres qui l'affectent ont pour conséquence de rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'iI convient immédiatement de préciser que c'est l'ouvrage dans son entier qui doit être rendu impropre à sa destination et pas seulement l'élément constitutif ou l'élément d'équipement ; que l'appréciation doit se faire au regard non pas d'une destination standard mais bien en fonction de la destination convenue ; qu'ainsi, le fait qu'il s'agisse présentement d'un foyer à caractère social destiné à de jeunes étudiants n'est pas anodin, les exigences de confort de la clientèle n'étant pas les mêmes que dans un hôtel de tourisme ; qu'iI est constant qu'en l'absence de définition légale ou jurisprudentielle de la notion d'impropriété à destination, il s'agit d'une question de fait appréciée souverainement par les juges du fond ; qu'à l'effet d¿appréhender au mieux la réalité et les conséquences des désordres, la cour estime nécessaire de reprendre dans son arrêt l'intégralité du chapitre consacré par l¿expert à cette considération, étant noté qu'aucune note d'un technicien extérieur à I'expertise judiciaire ne vient contredire les propos de monsieur X... ; que l'expert s'exprime ainsi au paragraphe 10, pages et 42 de son rapport : "Les désordres consécutifs aux différentes malfaçons précédemment énoncées, ainsi qu'aux erreurs d'exploitation se manifestent par des perforations des canalisations d'eaux froide et chaude, entraînant des fuites et différents dégâts. Ces perforations ne cesseront pas par elles-mêmes, car elles ne sont pas le fait d'un phénomène passager ; elles risquent au contraire de se développer avec une fréquence plus grande. Jusque là, le service de maintenance de l'U.C.J.G. a réussi à colmater les fuites au coup par coup en pratiquant des brasures sur les perforations ou en obturant à l'aide d'un tampon bloqué sur la fuite par un collier métallique. Ces réparations sont provisoires. Le foyer de jeunes gens U.C.J.G n'a pas estimé nécessaire d'évacuer ses pensionnaires à ce jour, car ses services techniques ont toujours réussi a assurer une distribution d'eau relativement correcte et continue, malgré les coupures nécessaires aux réparations. Il n'est pas certain que l'U.C.J.G. puisse continuer à assurer son hébergement dans les mêmes conditions, si des fuites plus graves apparaissaient, nécessitant des coupures d'eau fréquentes ou de longues durées. Le risque est sensiblement augmenté par la présence de nombreuses réparations de fortunes temporaires. Je (l'expert) peux dire que les désordres risquent de compromettre gravement une exploitation normale et complète de cet immeuble, sans toutefois compromettre sa solidité. Le bâtiment deviendrait alors impropre à sa destination pour des raisons de salubrité. Les éléments atteints font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité." ; qu'il convient immédiatement d'ajouter que le rapport est daté du 23 mai 2003 et que la garantie décennale s'est achevée en novembre 2004, qu'aucun élément sous forme de constat ou d'attestation n'est venu compléter ce rapport dans un sens quelconque et spécialement dans celui d'une aggravation ; que l'on doit donc considérer qu'au jour de l'achèvement de la garantie décennale l'état des lieux était tel que décrit ci-dessus par l'expert ; que par voie de conséquence, il convient bien de dire et juger que le risque annoncé par l'expert d'une aggravation généralisée de ces fuites ne s'est pas produit dans le temps de la garantie décennale ; que peu importe en droit l'évolution future puisque les désordres évolutifs mêmes certains doivent apparaître dans toute la gravité requise dans les dix ans de la réception pour être pris en charge au titre de la garantie décennale ; qu'ainsi, en l'état du constat fait en 2003 par l'expert, il convient de constater que ce foyer a continué de fonctionner normalement, même si pour cela il a fallu procéder à des réparation ponctuelles, provisoires mais efficaces puisque nul ne fait état, logiquement dans cet environnement relativement rustique, de protestations des occupants à la suite directement de ces fuites ou indirectement des coupures d'eau nécessitées par les réparations ; qu'ainsi, il convient bien de dire et juger que les désordres litigieux n'ont pas rendu l'ouvrage impropre à sa destination au sens où il a continué d'être normalement utilisé et occupé. il a donc sans restriction continué de remplir les fonctions pour lesquelles il a été construit pendant tout le temps des désordres et jusqu'à l'échéance de la garantie décennale ; que certes, à côté de cette impropriété - inaptitude, existe en droit positif une - dangerosité dans le mesure où, du fait du désordre litigieux, existe un danger pour ses habitants ou pour des tiers ; que c'est ce qu'ont retenu les premiers juges qui ont cru mettre en évidence l'impropriété à destination recherchée en notant que les fuites d'eau auraient entraîné la décomposition et la chute de plusieurs plaques de faux-plafonds et des risques pour les circuits électriques situés en sous-plafond de sorte qu'il existerait un danger pour les occupants de l'immeuble exposés au chute de matériaux et au risque d'électrocution ; mais qu'outre que ces risques ressortent d'un simple compte rendu rédigé à la suite d'une visite dite "éclair" en mars 2002 et qu'ils n'ont pas été repris un an plus tard dans le rapport définitif de monsieur X... au chapitre de l'impropriété à destination, force est de constater leur caractère ponctuel puisqu'il n'était question alors que d'1/4 de mètre carré de surface endommagée par l'humidité et d'un risque d'électrisation qui n'était pas même formulé expressément s'agissant d'un néon en plafond inaccessible aux habitants et tiers de ce foyer ; qu'ainsi, en l'espèce, même au titre de cette impropriété - dangerosité, les éléments de la cause ne permettent pas de dire et juger que l'ouvrage litigieux en est affecté ; que partant, rien ne milite en faveur d'une application des dispositions de l'article 1792 du Code civil dans la présente espèce ; que par voie de conséquence encore, le jugement déféré doit être entièrement réformé et il convient de statuer à nouveau ; que seule la garantie biennale de bon fonctionnement des équipements dissociables de l'article 1792-3 du code civil aurait été susceptible d'être appliquée ; mais qu'il est constant que la réception des travaux est intervenue le 30 novembre 1994, et que l'action n'a pas été engagée dans les deux ans de la réception. Celle-ci est prescrite et donc irrecevable ; qu'ainsi, il convient de débouter l'UNION CHRÉTIENNE DE JEUNES GENS des actions en responsabilité et indemnisation de ses préjudices qu'elle a engagées à l'encontre de maître Y... pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la SA entreprise JACQUES, la compagnie L'AUXILIAIRE, monsieur Z... et la compagnie MAF, la SA SOCOTEC, la SA GAGNAIRE et la compagnie AGF ; que de la même manière, deviennent sans objet les appels en garantie formés par Monsieur Z... et la compagnie MAF à rencontre de la SARL cabinet Robert THEVENET et la compagnie AGF prise en sa qualité d'assureur de ce bureau d'études ;
ALORS D'UNE PART QUE l'expert judiciaire avait souligné dans son rapport que "Les éléments atteints font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité." (Rapport page 41) ; qu'en estimant toutefois, sans procéder à aucune autre recherche, qu'il était constant qu'il résultait de ce rapport que le réseau litigieux constituait un élément d'équipement dissociable (Arrêt attaqué, page 11, avant dernier §), la Cour d'appel a dénaturé le rapport de l'expert en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT QUE le réseau de distribution d'eau chaude et d'eau froide constitue un élément essentiel du fonctionnement de tout immeuble destiné à l'habitation ; que les désordres qui exigent, pour qu'il y soit mis fin, le remplacement intégral de l'installation, rendent nécessairement l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'en écartant toutefois le caractère décennal des désordres constatés par l'expert sur le réseau de distribution d'eau au motif inopérant que l'immeuble était destiné à l'accueil de jeunes étudiants et non de touristes, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1792 et 1792-2 du Code civil ;
ALORS ENFIN QUE relèvent de la garantie décennale les désordres affectant un élément d'équipement qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; que ces désordres sont révélés dans toute leur ampleur lorsque seules des interventions répétées d'un service de maintenance a permis le maintien en activité d'un réseau de distribution d'eau chaude et d'eau froide ; qu'en estimant toutefois que les désordres affectant le réseau de distribution d'eau n'avait pas empêché son fonctionnement normal "dans cet environnement relativement rustique" tout en constatant que l'installation litigieuse avait nécessité l'intervention répétée du service de maintenance de l'association, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1792 et 1792-2 du Code civil.