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03/07/2013 | FRANCE | N°12-19473;12-20619

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juillet 2013, 12-19473 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Q 12-19.473 et K 12-20.619 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux Gilbert X... et leur fille Sylvie ont constitué en 1987 une SARL, dénommée Relais de l'aviation, en vue de l'exploitation d'une station-service appartenant à la Société de distribution de produits pétroliers TD Distribution (la société Thévenin-Ducrot) ; que cette exploitation leur a été concédée suivant contrat de location-gérance de fonds de commerce assorti d'une convention de

mandat-vente ducroire, relatif à la distribution de carburants et d'engagements...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Q 12-19.473 et K 12-20.619 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux Gilbert X... et leur fille Sylvie ont constitué en 1987 une SARL, dénommée Relais de l'aviation, en vue de l'exploitation d'une station-service appartenant à la Société de distribution de produits pétroliers TD Distribution (la société Thévenin-Ducrot) ; que cette exploitation leur a été concédée suivant contrat de location-gérance de fonds de commerce assorti d'une convention de mandat-vente ducroire, relatif à la distribution de carburants et d'engagements d'exclusivité pour la fourniture de graisses, lubrifiants et autres produits de la marque Avia, ces actes ayant été régularisés le 4 juillet 1987 entre la société Thévenin-Ducrot et la société Relais de l'aviation, en cours de constitution, représentée par son gérant, Gilbert X... ; que cette exploitation s'est poursuivie jusqu'au 31 mars 2007, Mme Gilberte X... ayant repris la gérance de la société à compter du 1er janvier 2004 à la suite du départ en retraite de son mari ; que celui-ci est décédé le 9 avril 2007 ; que le 31 juillet 2007, Mme Gilberte X... et Mme Sylvie X..., agissant en leur nom propre et en qualité d'ayants droit de Gilbert X..., ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de se voir reconnaître le bénéfice du statut issu de l'article L. 781-1, recodifié L. 7321-1 et suivants, du code du travail et d'obtenir paiement par la société Thévenin-Ducrot de diverses sommes à titre de rappels de rémunération et de dommages-intérêts ;
Sur les moyens du pourvoi n° Q 12-19.473 de la société Thévenin-Ducrot et le premier moyen du pourvoi n° K 12-20.619 des consorts X... :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° K 12-20.619 des consorts X... :
Vu l'article 12 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter les consorts X... de leurs demandes d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il ne résulte ni des écritures des parties ni des pièces communiquées aux débats que l'initiative de la rupture des relations contractuelles ait été prise par la société Thévenin-Ducrot, qu'aucun courrier de résiliation émanant de l'une ou l'autre partie destiné à mettre fin au contrat de location-gérance n'est produit, que le procès-verbal de constat établi le 30 mars 2007 se borne à mentionner que « la restitution de cette station-service doit intervenir ce jour » sans autre précision quant aux circonstances de cette restitution des lieux, que les époux X... étant âgés respectivement à cette date de 64 et 62 ans et Gilbert X... étant gravement malade, il est permis de présumer que la rupture est intervenue à leur initiative ou d'un commun accord pour cause de retraite ;
Qu'en statuant ainsi, par un motif dubitatif, alors que les parties étant d'accord pour admettre que la relation de travail avait été rompue, chacune d'elles imputant à l'autre la responsabilité de cette rupture, il lui incombait de trancher ce litige en décidant quelle était la partie ayant rompu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° K 12-20.619 des consorts X... :
Vu l'article 724 du code civil, ensemble l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ; qu'en vertu du second, « En cas de décès de l'assuré, son conjoint survivant a droit à une pension de réversion si ses ressources personnelles ou celles du ménage n'excèdent pas des plafonds fixés par décret. La pension de réversion est égale à un pourcentage fixé par décret de la pension principale ou rente dont bénéficiait ou eût bénéficié l'assuré, sans pouvoir être inférieure à un montant minimum fixé par décret en tenant compte de la durée d'assurance lorsque celle-ci est inférieure à la durée déterminée par ce décret » ;
Attendu que pour débouter les consorts X... de leur demande d'immatriculation rétroactive de Gilbert X... au régime général de la sécurité sociale, l'arrêt retient que cette demande est sans objet, ce dernier étant décédé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le droit de demander l'immatriculation au régime général de la sécurité sociale était entré dans le patrimoine du défunt et que, ce droit n'ayant pas un caractère personnel, ses héritiers en étaient saisis de plein droit, peu important qu'il n'ait pas intenté cette action de son vivant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le quatrième moyen du pourvoi n° K 12-20.619 des consorts X... :
Vu les articles L. 4121-1 du code du travail, 330, 601 et 604 de la convention collective des industries du pétrole du 3 septembre 1985 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que, selon le deuxième, il est tenu compte de tous les impératifs propres à assurer la santé et la sécurité des travailleurs ; que, selon le troisième, les salariés employés à des opérations nécessitant la mise en oeuvre de produits susceptibles d'occasionner des maladies professionnelles et dans des conditions d'emploi où ces produits sont nocifs, seront l'objet d'une surveillance médicale particulièrement attentive ; que, selon le dernier de ces textes, pour les travaux où le personnel est exposé aux vapeurs, poussières, fumées ou émanations nocives, la direction fournira des effets de protection efficaces (masques, scaphandres) et des vêtements spéciaux (blouses, combinaisons, tabliers, gants, bottes, lunettes, etc.) ;
Attendu que pour débouter les consorts X... de leur demande tendant à voir reconnaître la responsabilité de la société Thévenin-Ducrot pour exposition à des substances dangereuses, l'arrêt retient que les mesures d'instruction ne sont pas destinées à suppléer

la carence des parties dans l'administration de la preuve, qu'en l'absence de production d'un document médical relatif aux circonstances exactes du décès de Gilbert X... et à la nature de la pathologie dont il était atteint, permettant d'accréditer l'origine professionnelle de celle-ci, la demande d'expertise médicale le concernant ne peut être accueillie ; que, s'agissant de Mme X..., en l'absence d'allégation de manifestations pathologiques, la demande d'expertise à seule fin de soumettre celle-ci à tous les examens nécessaires permettant de rechercher des traces de pollution aux hydrocarbures est dénuée de fondement sérieux ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'absence de maladie professionnelle ou de troubles de santé des travailleurs, alors qu'il n'était pas discuté que les intéressés avaient été exposés à l'inhalation de vapeurs toxiques sans surveillance médicale, ni protection, ce dont il résultait que la société Thévenin-Ducrot avait commis un manquement à son obligation de sécurité de résultat causant nécessairement un préjudice aux travailleurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les consorts X... de leurs demandes d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'immatriculation au régime général de la sécurité sociale et de reconnaissance de la responsabilité de la société Thévenin-Ducrot pour exposition à des substances dangereuses, l'arrêt rendu le 20 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Thévenin-Ducrot aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne également à payer aux consorts X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi n° Q 12-19.473 par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour la société Thevenin-Ducrot distribution
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme Gilberte Y... veuve X..., et les ayants droit de feu Gilbert X... sont en droit de prétendre à des rappels de salaires, prime d'ancienneté, congés payés, majorations pour heures supplémentaires et de nuit, dimanches et jours fériés travaillés, repos compensateurs, sur la base d'une durée moyenne hebdomadaire de travail de 56 heures sur 7 jours effectuée par chacun des époux X... au titre de la période non couverte par la prescription du 1er août 2002 au 30 mars 2007, et sur la base de la rémunération minimale conventionnelle afférente à la qualification d'agent de maîtrise, niveau IV, coefficient 250 de la convention collective applicable à la société Thévenin et Ducrot ;
AUX MOTIFS QUE les époux Gilbert X... et leur fille Sylvie ont constitué le 27 août 1987 une Sarl dénommée « Relais de l'Aviation » en vue de l'exploitation d'une station-service située à La Chapelle-lès-Luxeuil (70) appartenant à la société Thévenin et Ducrot. Cette exploitation leur a été concédée suivant contrat de location-gérance de fonds de commerce assorti d'une convention de mandat-vente ducroire relatif à la distribution de carburants, et d'engagements d'exclusivité pour la fourniture de lubrifiants, graisses, antigel, batteries et autres produits de la marque Avia, tous actes régularisés le 4 juillet 1987 entre la société Thévenin et Ducrot et M. Gilbert X... agissant en qualité de gérant de la Sarl Relais de l'Aviation en cours de constitution. Cette exploitation s'est poursuivie pendant près de vingt ans jusqu'au 31 mars 2007, Mme Gilberte X... ayant repris la gérance de la société à compter du 1er janvier 2004, à la suite du départ en retraite de son mari. Celui-ci est décédé le 9 avril 2007. (¿) Sur la classification : Les consorts X... revendiquent pour chacun des époux la qualification d'agent de maîtrise, coefficient 250 de la convention collective nationale du négoce et de la distribution de combustibles solides, liquides ou gazeux et de produits pétroliers, applicable à l'entreprise. Il n'est pas sérieusement contesté que ceux-ci exerçaient conjointement les responsabilités afférentes à la gestion de la station, au niveau commercial, administratif et financier telles qu'imposées par les contrats de location-gérance et de mandat-vente ducroire, ainsi que la diversité des tâches de gestion et d'animation des activités annexes (boutique, bar, buffet, garage) indispensables à la fidélisation de la clientèle dans un secteur devenu extrêmement concurrentiel. L'argumentation développée par la société Thévenin et Ducrot consistant à dissocier l'activité de distribution de carburants, pour en déduire que la prestation de travail des époux X... correspondait tout au plus à un emploi de pompiste-encaisseur coefficient 130 et que les commissions sur ventes versées par elle étaient largement supérieures à la rémunération nette conventionnelle afférente à celui-ci, est sans rapport avec la réalité concrète du fonctionnement d'une station-service et des obligations contractuelles des époux X.... L'activité du fonds de commerce qui leur a été confié en gérance ne se limitait pas à la distribution de carburants, bien qu'elle en était l'activité principale et impliquait qu'ils procurent à la clientèle les services annexes de boutique, bar, restauration rapide, petites réparations, indispensables à la survie d'une station installée en bordure de route nationale, fréquentée par des conducteurs routiers. Les responsabilités liées à l'approvisionnement, la planification, la tenue des comptes de ces différentes activités excèdent largement celles d'un employé de station-service et justifient l'attribution à l'un et l'autre époux pour la période du 1er août 2002 au 31 mars 2007, de la qualification d'agent de maîtrise coefficient 250. Sur la durée du travail : Les consorts X... réclament paiement de rappels de salaire sur la base de 80 heures de travail par semaine pour chacun des époux co-gérants, correspondant à des horaires d'ouverture de la station de 6h30 à 24h, sept jours sur sept, augmentés de 61,5 heures correspondant à l'exécution de tâches annexes à celle de distribution de carburants nécessitant la présence concomitante des deux époux (préparation, service des repas, déplacements à la banque, vérification des livraisons, réparations) et diminués de 14h au titre des pauses repas. L'examen des documents produits aux débats ne permet pas de valider ce mode de calcul. S'agissant de l'amplitude horaire, les attestations produites en preuve sont vagues et peu convaincantes et ne permettent pas de considérer à défaut d'autres éléments probants que les époux X... étaient réellement à la disposition de la clientèle jusqu'à minuit, 7 jours sur 7 et en toutes saisons et que cette amplitude d'ouverture leur était imposée contractuellement par la société Thévenin et Ducrot ou par la nécessité de réaliser le litrage minimum de 200 HL par mois, étant donné la mise à disposition des clients de pompes libre-service et l'utilisation de cartes de paiement depuis de nombreuses années. Il y a lieu en conséquence de prendre en compte une amplitude journalière maximale de 6h30 à 22h30, soit 16h par jour et 112h par semaine, chaque conjoint était réputé assurée la moitié de ce temps de mise à disposition de la clientèle. L'adjonction à celui-ci, à concurrence de plus de 60h par semaine, du temps de travail consacré à certaines des activités annexes n'apparaît pas justifiée étant donné : - d'une part, la présence de pompes libre-service et l'utilisation de cartes de paiement permettant de libérer une grande partie du temps de mise à disposition pour la réalisation des tâches de préparation, service des repas, réparations, vérification des livraisons, tâches administratives, - d'autre part, la faiblesse de chiffre d'affaires déclaré au titre des activité annexes au cours de la période de 2002-2005 ; 2002 : 26.841 €, 2003 : 24.565 €, 2004 : 25.152 €, 2005 : 25.356 €, correspondant à un montant mensuel inférieur à 2.500 € et journalier de l'ordre de 80 à 100 € ne permettant pas de considérer que le temps de travail journalier consacré à celles-ci nécessitait la présence concomitante de l'autre conjoint pour assurer la distribution de carburants. Au vu de l'ensemble de ces considérations, la cour est en mesure d'évaluer la durée moyenne du travail accomplie par chacun des époux à 56h par semaine ;
1) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que l'exploitation de la station-service située à La Chapelle-lès-Luxeuil (70) concédée aux époux Gilbert X... suivant contrat de location-gérance de fonds de commerce assortie d'une convention de mandat-vente ducroire du 4 juillet 1987 « s'est poursuivie pendant près de vingt ans jusqu'au 31 mars 2007, Mme Gilberte X... ayant repris la gérance de la société à compter du 1er janvier 2004, à la suite du départ en retraite de son mari » et que « celui-ci est décédé le 9 avril 2007 », ce dont il résulte que M. Gilbert X... a cessé toute activité au plus tard le 1er janvier 2004 ; qu'en considérant pourtant qu'« il n'est pas sérieusement contesté que (les époux X...) exerçaient conjointement les responsabilités afférentes à la gestion de la station », pour en déduire que l'un et l'autre époux pouvaient prétendre, pour la période du 1er août 2002 au 31 mars 2007, à la qualification d'agent de maîtrise coefficient 250 et à des rappels de salaire, prime d'ancienneté, congés payés, majorations pour heures supplémentaires et de nuit, dimanches et jours fériés travaillés et repos compensateurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1134 du Code civil, violant ainsi ledit article ;
2) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Thévenin et Ducrot faisait valoir que « la cour ne pourra d'ailleurs pas, sur ce chapitre des rémunérations, tenir pour acquis le fait que M. et Mme X... étaient tous les deux, sur la même période de temps, considérés comme intervenant pour la société TDD, et ce d'autant moins que, depuis le départ à la retraite en août 2004 de M. X..., Mme X... qui a donc repris l'activité seule, n'a pas eu à procéder à l'embauche d'un salarié », ajoutant que « l'ancienneté de Mme X... ne peut être prise en compte que depuis le 1er septembre 2004, date à laquelle elle a indiqué succéder à son mari au sein de la Sarl » ; qu'en considérant pourtant qu'« il n'est pas sérieusement contesté que (les époux Gilbert X...) exerçaient conjointement les responsabilités afférentes à la gestion de la station », pour en déduire qu'au titre de la période non couverte par la prescription du 1er août 2002 au 30 mars 2007, Mme Gilberte Y... veuve X... et les ayants droit de feu Gilbert X... étaient en droit de prétendre à divers rappels de salaires, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme Gilberte Y... veuve X..., et les ayants droit de feu Gilbert X... sont en droit de prétendre à des rappels de salaires, prime d'ancienneté, congés payés, majorations pour heures supplémentaires et de nuit, dimanches et jours fériés travaillés, repos compensateurs, notamment, sur la base de la rémunération minimale conventionnelle afférente à la qualification d'agent de maîtrise, niveau IV, coefficient 250 de la convention collective applicable à la société Thévenin et Ducrot et d'avoir condamné dès à présent la société Thévenin et Ducrot Distribution à verser aux consorts X... la somme de 60.000 ¿ à titre de provision à valoir sur leur créance de salaire ;
AUX MOTIFS QUE, sur la classification, les consorts X... revendiquent pour chacun des époux la qualification d'agent de maîtrise, coefficient 250 de la convention collective nationale du négoce et de la distribution de combustibles solides, liquides ou gazeux et de produits pétroliers, applicable à l'entreprise. Il n'est pas sérieusement contesté que ceux-ci exerçaient conjointement les responsabilités afférentes à la gestion de la station, au niveau commercial, administratif et financier telles qu'imposées par les contrats de location-gérance et de mandat-vente ducroire, ainsi que la diversité des tâches de gestion et d'animation des activités annexes (boutique - bar - buffet - garage) indispensables à la fidélisation de la clientèle dans un secteur devenu extrêmement concurrentiel ; L'argumentation développée par la société Thévenin et Ducrot consistant à dissocier l'activité de distribution de carburants, pour en déduire que la prestation de travail des époux X... correspondant tout au plus à un emploi de pompiste-encaisseur coefficient 130 et que les commissions sur ventes versées par elle étaient largement supérieures à la rémunération nette conventionnelle afférente à celui-ci, est sans rapport avec la réalité concrète du fonctionnement d'une station-service et des obligations contractuelles des époux X.... L'activité du fonds de commerce qui leur a été confié en gérance ne se limitait pas à la distribution de carburants, bien qu'elle en était l'activité principale et impliquait qu'ils procurent à la clientèle les services annexes de boutique, bar, restauration rapide, petites réparations, indispensables à la survie d'une station installée en bordure de route nationale, fréquentée par des conducteurs routiers. Les responsabilités liées à l'approvisionnement, la planification, la tenue des comptes de ces différentes activités excèdent largement celles d'un employé de station-service et justifient l'attribution à l'un et l'autre époux pour la période du 1er août 2002 au 31 mars 2007, de la qualification d'agent de maîtrise coefficient 250 (¿). Sur les demandes de provision : Les documents comptables versés aux débats permettent de considérer que l'obligation de la société Thévenin et Ducrot au paiement de rappels de salaires n'est pas sérieusement contestable pour chacun des époux ;
ALORS QUE la qualification professionnelle devait être appréciée en tenant compte uniquement des activités exercées par les époux X... pour le compte de la société Thévenin et Ducrot et non de leurs activités exercées à titre indépendant ; qu'en se fondant pourtant sur les activités annexes des époux X..., pour estimer qu'ils pouvaient revendiquer la qualification d'agent de maîtrise coefficient 250, la cour d'appel a violé les articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du Code du travail ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme Gilberte Y... veuve X... et les ayants droit de feu Gilbert X... sont en droit de prétendre à des rappels de salaires, prime d'ancienneté, congés payés, majorations pour heures supplémentaires et de nuit, dimanches et jours fériés travaillés, repos compensateurs, notamment, sur la base d'une durée moyenne hebdomadaire de travail de 56 heures sur 7 jours effectuée par chacun des époux X... au titre de la période non couverte par la prescription du 1er août 2002 au 30 mars 2007, et condamné dès à présent la société Thévenin et Ducrot Distribution à verser aux consorts X... les sommes de 20.000 ¿ en réparation du préjudice subi par eux du fait du non-respect de leurs droits à repos hebdomadaires, congés annuels et durée maximale hebdomadaire de travail et 60.000 ¿ à titre de provision à valoir sur leur créance de salaire ;
AUX MOTIFS QUE, sur la durée du travail, les consorts X... réclament paiement de rappels de salaire sur la base de 80 heures de travail par semaine pour chacun des époux co-gérants, correspondant à des horaires d'ouverture de la station de 6h30 à 24h, sept jours sur sept, augmentés de 61,5 heures correspondant à l'exécution de tâches annexes à celle de distribution de carburants nécessitant la présence concomitante des deux époux (préparation - service des repas - déplacements à la banque - vérification des livraisons - réparations) et diminués de 14h au titre des pauses repas. L'examen des documents produits aux débats ne permet pas de valider ce mode de calcul. S'agissant de l'amplitude horaire, les attestations produites en preuve sont vagues et peu convaincantes et ne permettent pas de considérer à défaut d'autres éléments probants, que les époux X... étaient réellement à la disposition de la clientèle jusqu'à minuit, 7 jours sur 7 et en toutes saisons et que cette amplitude d'ouverture leur était imposée contractuellement par la société Thévenin et Ducrot ou par la nécessité de réaliser le litrage minimum de 200 HL par mois, étant donné la mise à disposition des clients de pompes libre-service et l'utilisation de cartes de paiement depuis de nombreuses années. Il y a lieu en conséquence de prendre en compte une amplitude journalière maximale de 6h30 à 22h30, soit 16h par jour et 112h par semaine, chaque conjoint étant réputé assurer la moitié de ce temps de mise à disposition de la clientèle. L'adjonction à celui-ci, à concurrence de plus de 60h par semaine, du temps de travail consacré à certaines des activités annexes n'apparaît pas justifiée étant donné : - d'une part, la présence de pompes libre-service et l'utilisation de cartes de paiement permettant de libérer une grande partie du temps de mise à disposition pour la réalisation des tâches de préparation, service des repas, réparations, vérification des livraisons, tâches administratives, - d'autre part, la faiblesse de chiffre d'affaires déclaré au titre des activité annexes au cours de la période de 2002-2005 - 2002 : 26.841 €, 2003 : 24.565 €, 2004 : 25.152 €, 2005 : 25.356 €, correspondant à un montant mensuel inférieur à 2.500 € et journalier de l'ordre de 80 à 100 € ne permettant pas de considérer que le temps de travail journalier consacré à celles-ci nécessitait la présence concomitante de l'autre conjoint pour assurer la distribution de carburants. Au vu de l'ensemble de ces considérations, la cour est en mesure d'évaluer la durée moyenne du travail accomplie par chacun des époux à 56h par semaine. Sur le montant de rémunérations dues : La mise en oeuvre d'une expertise comptable apparaît nécessaire en vue d'établir le montant de celles-ci comprenant : - la rémunération des heures normales et des heures supplémentaires, - les majorations éventuelles pour les dimanches et jours fériés travaillés, - les congés payés, - les primes, dont la prime d'ancienneté, - les repos compensateurs non pris calculés en application des dispositions légales et conventionnelles en vigueur pendant la période concernée du 1er août 2002 au 30 mars 2007. La prime d'ancienneté doit être calculée, nonobstant la prescription, en tenant compte de leur entrée en fonctions le 1er août 1987, soit la date du 1er août 2002, une prime d'ancienneté de 15 %. Les majorations pour heures de nuit seront décomptées chaque mois et attribuées pour moitié à chacun des époux. Sur la demande de dommages-intérêts au titre du non-respect des droits à repos hebdomadaire et congés payés et de la durée maximale hebdomadaire du travail : S'agissant de droits fondamentaux destinés à assurer la protection de la santé des salariés et à leur permettre d'accéder à une vie familiale décente, le fait par la société Thévenin-Ducrot de ne pas prévoir en faveur de ses gérants de station-service placés dans une situation d dépendance économique telle qu'ils ne peuvent avoir recours de manière effective à des salariés pour les suppléer dans leurs tâches, une organisation du travail leur permettant de bénéficier d'un jour de repos hebdomadaire et de congés payés caractérise, une faute justifiant sa condamnation au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par les intéressés, qu'il convient d'évaluer à une somme de 10.000 € pour chacun des époux, soit au total 20.000 €.
Sur les demandes de provision : Les documents comptables versés au débats permettent de considérer que l'obligation de la société Thévenin-Ducrot au paiement de rappels de salaires n'est pas sérieusement contestable à concurrence de la somme de 30.000 € pour chacun des époux ;
1) ALORS QU'en se bornant à affirmer, après avoir constaté que s'agissant de l'amplitude horaire, les attestation produites en preuve par les consorts X... sont vagues et peu convaincantes, qu'il y a lieu de prendre en compte une amplitude journalière maximale de 6h30 à 22h30, soit 16h par jour et 112h par semaine, chaque conjoint étant réputé assurer la moitié de ce temps de mise à disposition de la clientèle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile, violant ainsi ledit article ;
2) ALORS QU'en tout état de cause, le locataire-gérant ne peut revendiquer l'application des dispositions du livre 1er de la troisième partie du Code du travail relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés que s'il établit que l'entreprise a fixé les conditions de travail ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; qu'en considérant que Mme Gilberte Y... veuve X... et les ayants droit de feu Gilbert X... sont en droit de prétendre à des rappels de salaires, prime d'ancienneté, congés payés, majorations pour heures supplémentaires et de nuit, dimanches et jours fériés travaillés, repos compensateurs sur la base d'une durée moyenne hebdomadaire de travail de 56 heures sur 7 jours effectués par chacun des époux X... au titre de la période non couverte par la prescription du 1er août 2002 au 30 mars 2007, sans rechercher si la société Thévenin et Ducrot avait fixé leurs conditions de travail ou si celles-ci avaient été soumises à son accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7321-3 du Code du travail ;
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme Gilberte Y... veuve X... et les ayants droit de feu Gilbert X... sont en droit de bénéficier de la prime de participation aux résultats de l'entreprise depuis la date de leur entrée au service de la société Thévenin et Ducrot en 1987 ;
ALORS QU'en faisant droit à la demande de prime de participation aux résultats de l'entreprise formée par les consorts X... depuis la date d'entrée des époux X... au service de la société Thévenin et Ducrot en 1987, sans motiver cette décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

Moyens produits au pourvoi n° K 12- 20.619 par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour les consorts X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré soumises à la prescription quinquennale les demandes en paiement de créances de nature salariale présentées par les consorts X... ;
AUX MOTIFS QUE "l'argumentation pléthorique et spécieuse développée par les consorts X... en vue de voir écarter la prescription quinquennale applicable aux créances salariales au profit de la prescription trentenaire de droit commun alors en vigueur ne peut emporter la conviction ;
QUE les dispositions de l'article L.781-1 du code du travail ayant pour objet de conférer aux gérants indépendants de stations-services placés dans une situation de dépendance économique à l'égard de leur fournisseur, la protection du code du travail en ce qu'elle garantit notamment aux salariés une rémunération minimale légale ou conventionnelle, le droit au repos hebdomadaire et aux congés payés, il en découle nécessairement que les droits ainsi reconnus à leur profit au paiement de salaires, heures supplémentaires et congés payés afférents ne peuvent s'exercer que dans les conditions prescrites par le code du travail, qu'il s'agisse de la juridiction compétente pour en connaître ou des règles de procédure et de fond applicables ; que la notion de statut spécial exclusive d'une requalification pure et simple des relations contractuelles en contrat de travail est totalement inopérante, alors que les règles de prescription sont déterminées par la nature et le fondement des créances dont le paiement est réclamé, et non par le statut du titulaire de la créance ;
QUE les consorts X.... ne peuvent davantage se prévaloir d'une impossibilité d'agir résultant du montage frauduleux qui leur a été imposé par la société Thevenin et Ducrot ; que l'impossibilité d'agir empêchant la prescription de courir ou suspendant le cours de celle-ci, s'entend d'une impossibilité absolue et non pas seulement relative, résultant soit d'un empêchement résultant de la loi ou de la convention ne permettant pas au titulaire du droit d'agir valablement, soit de la force majeure, le mettant dans l'impossibilité matérielle d'agir en justice ; (qu') en vertu d'une jurisprudence constante, tel n'est pas le cas des gérants de stations-services ne disposant pas de la maîtrise économique de leur exploitation du fait des contraintes imposées par leur cocontractante, dès lors que l'exclusion apparente, résultant du type de contrats les liant à celle-ci, de leur droit à bénéficier des dispositions du code du travail, ne les privait pas de la possibilité de contester cette situation devant la juridiction prud'homale ;
QU'enfin, l'application de la prescription quinquennale à leur situation ne contrevient en aucune façon aux dispositions des articles 13 et 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme relatives au droit de toute personne à un recours effectif en cas de violation de ses droits et libertés et à un procès équitable tant en matière civile que pénale et à celles de l'article 1 du protocole additionnel n°1 relatives au droit de toute personne au respect de ses biens ; que ces dispositions n'ont jamais eu pour objet de consacrer un droit absolu et inconditionnel de toute personne au respect de ses biens et à l'accès au juge, en dehors de toutes considérations d'intérêt général et d'utilité publique et indépendamment des règles internes d'organisation judiciaire, de prescription et de procédure ; que seule une atteinte disproportionnée, non justifiée par des motifs d'intérêt général peut être sanctionnée ; que tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce, dès lors d'une part, que la prescription quinquennale, qui s'applique non seulement aux salaires, mais aux loyers, fermages, rentes, pensions alimentaires, réalise un juste équilibre entre les intérêts des créanciers et ceux des débiteurs et a pour objectif d'éviter une accumulation des dettes préjudiciables à la paix sociale et à la vie économique ; d'autre part que les consorts X... ont pu obtenir la reconnaissance de leur statut de gérants salariés au sens de l'article L. 81-1 du code du travail et sont en mesure de faire valoir leur droit à rappels de salaires pour une période de plus de quatre ans non couverte par la prescription ;
QU'aucune violation délibérée des dispositions de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, prohibant toute discrimination de quelque nature qu'elle soit dans la jouissance des droits et libertés, ne peut non plus résulter de l'application de la prescription quinquennale aux gérants de stations-services ; (que) nonobstant la nature des conventions conclues par eux avec les sociétés pétrolières et l'absence de remise de bulletins de salaire, ceux ci sont en mesure de se rendre compte, après deux ou trois ans d'exploitation au maximum, et donc avant l'expiration de la prescription quinquennale, si celle-ci leur procure une juste rémunération de leur travail au regard de celle prévue par les lois et conventions collectives en vigueur dans la profession, étant rappelé que nul n'est censé ignorer la loi et qu'en leur qualité de gérants indépendants autorisés à embaucher du personnel salarié, ils sont nécessairement informés de la teneur desdites lois et conventions puisque tenus légalement d'en faire application ; que dès lors, dans le cas où l'exploitation de la station-service se révèle lésionnaire (ce qui n'est pas nécessairement le cas et dépend des facteurs liés à l'environnement routier ou commercial ou à une modification de ceux-ci), ils ne sont pas placés dans une situation plus défavorable que celle des salariés qui prenant connaissance de la convention collective applicable, considèrent que leur classification et/ou leur rémunération est inférieure à celle à laquelle ils peuvent prétendre, ou qui se voient imposer l'accomplissement d'heures supplémentaires non payées ; qu'il leur incombe de prendre conseil et d'évaluer l'opportunité et les chances de succès d'une action en justice et de saisir la juridiction prud'homale compétente avant l'expiration du délai de la prescription quinquennale, cette saisine ayant le même effet interruptif dans les deux situations, l'obligation qui est faite aux gérants de faire reconnaître préalablement leur situation de subordination économique n'ayant pas pour effet de retarder le point de départ de la prescription et d'allonger la période couverte par celle-ci ;
QUE le moyen d'inconventionnalité de la prescription quinquennale étant dénué de fondement sérieux, il n'y a pas lieu d'écarter celle-ci ; que les demandes en paiement de créances de nature salariale sont donc irrecevables en tant qu'elles concernent la période antérieure au 1er août 2002" ;
1°) ALORS QUE toute personne a le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables lui assurant notamment "la rémunération qui procure au minimum à tous les travailleurs¿un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale - le repos, les loisirs, la limitation raisonnable de la durée du travail et les congés payés périodiques, ainsi que la rémunération des jours fériés " ; que méconnaît ce droit à des conditions de travail justes et à la perception de la rémunération y afférente la loi nationale qui édicte une prescription quinquennale de ces rémunérations à compter de leur échéance, sans considération d'une éventuelle renonciation du travailleur à les percevoir, des conventions conclues entre les parties, ni du comportement du bénéficiaire de la prestation de travail ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 ;
2°) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; que n'est pas de nature à assurer l'effectivité de ce droit la législation nationale qui édicte une prescription quinquennale de l'action en paiement des créances afférentes à la reconnaissance d'un statut protecteur, privant ainsi de facto le bénéficiaire de ce statut de la possibilité de faire utilement valoir ces droits devant un tribunal ; que n'assure pas davantage le respect de ces droits fondamentaux l'unique réserve d'une impossibilité absolue d'agir ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 6 §.1er et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) ALORS QUE toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu'en appliquant au bénéfice de la Société Thevenin et Ducrot une prescription ayant pour effet de priver les Consorts X... des rémunérations constituant la contrepartie de l'activité déployée pour son compte, acquises à mesure de l'exécution de leur prestation de travail, la Cour d'appel leur a infligé une privation d'un droit de créance disproportionnée avec l'objectif légal de sécurité juridique et a, partant, porté une atteinte excessive et injustifiée au droit de ces travailleurs au respect de leurs biens, en violation de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°) ALORS QU'en appliquant à des travailleurs n'ayant jamais été reconnus comme ses salariés par la Compagnie pétrolière mais devant, pour bénéficier des dispositions légales et conventionnelles applicables dans cette entreprise, faire judiciairement reconnaître leur droit au bénéfice du statut réservé aux gérants de succursales, une prescription destinée à éteindre les créances périodiques de salariés régulièrement tenus informés de leurs droits par la délivrance, notamment, d'un bulletin de salaire mensuel, la Cour d'appel a édicté entre les différents travailleurs concourant à l'activité de la Compagnie pétrolière une différence de traitement injustifiée, en violation de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5°) ALORS enfin QU'en énonçant que "nonobstant la nature des conventions conclues par eux avec les sociétés pétrolières et l'absence de remise de bulletins de salaire, ceux ci sont en mesure de se rendre compte, après deux ou trois ans d'exploitation au maximum, et donc avant l'expiration de la prescription quinquennale, si celle-ci leur procure une juste rémunération de leur travail au regard de celle prévue par les lois et conventions collectives en vigueur dans la profession, étant rappelé que nul n'est censé ignorer la loi et qu'en leur qualité de gérants indépendants autorisés à embaucher du personnel salarié, ils sont nécessairement informés de la teneur desdites lois et conventions puisque tenus légalement d'en faire application ", ce dont il résultait que ces gérants de station service devaient connaître pendant le délai d'écoulement de la prescription l'inefficacité de l'interposition entre eux et la Compagnie pétrolière, à l'initiative de cette dernière, d'une personne morale seule titulaire des droits et obligations issus des contrats de gérance, interprétation non seulement imprévisible mais directement contraire au droit positif applicable pendant l'exécution de la relation de travail, la Cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... de leurs demandes d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE "Il ne résulte ni des écritures des parties ni des pièces communiquées aux débats que l'initiative de la rupture des relations contractuelles ait été prise par la société Thevenin et Ducrot ;
QU'aucun courrier de résiliation émanant de l'une ou l'autre partie destiné à mettre fin au contrat de location-gérance n'est produit ; que le procès-verbal de constat établi le 30 mars 2007 par Me Laurence Z..., huissier de justice à la requête des époux X..., se borne à mentionner que "la restitution de cette station-service doit intervenir ce jour" sans autre précision quant aux circonstances de cette restitution des lieux ;
QUE Monsieur et Madame X... étant âgés respectivement à cette date de 64 ans et 62 ans et Monsieur X... étant gravement malade étant donné son décès survenu le 9 avril 2007, il est permis de présumer que la rupture est intervenue à leur initiative ou d'un commun accord pour cause de retraite ; qu'il n'apparaît pas justifié en conséquence d'analyser celle-ci en un licenciement sans cause réelle et sérieuse" ;
1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel oralement reprises à l'audience des débats, la Société Thevenin et Ducrot, contestant le montant de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis en considération de l'ancienneté de Madame X... et de l'absence de chiffrage de ses demandes, avait admis que la rupture de la relation de travail lui fût imputable ; qu'en déboutant les consorts X... de leur demande à ce titre aux motifs qu'en l'absence de tout courrier de résiliation destiné à mettre fin au contrat de location gérance il était "¿permis de présumer que la rupture est intervenue à leur initiative ou d'un commun accord pour cause de retraite" la Cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS en toute hypothèse, QUE le juge qui constate la rupture de la relation de travail doit précisément dire à qui cette rupture est imputable et en tirer les conséquences juridiques à l'égard du salarié qui s'en prévaut ; qu'en déboutant les consorts X... de leur demande tendant à voir juger qu'ils avaient été victime d'un licenciement par la Société Thevenin et Ducrot au motif hypothétique qu'en considération de l'âge des gérants et de la maladie de Monsieur X..., il était "¿permis de présumer que la rupture est intervenue à leur initiative ou d'un commun accord pour cause de retraite", la Cour d'appel a violé l'article 12 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE la rupture à l'initiative du salarié ou d'un commun accord de la relation de travail suppose une volonté non équivoque du salarié d'y mettre fin et de renoncer aux indemnités de rupture ; qu'en déboutant les consorts X... de leurs demandes aux termes de motifs qui ne caractérisent pas une telle volonté non équivoque, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1231-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... de la demande d'immatriculation rétroactive de Monsieur Gilbert X... au régime général de la sécurité sociale ;
AUX MOTIFS QUE "la demande d'immatriculation rétroactive de Monsieur Gilbert X... est sans objet, celui-ci étant décédé le 9 avril 2007" ;
ALORS QUE les héritiers sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ; que son immatriculation au régime général de la sécurité sociale et le versement des cotisations correspondantes constituait pour Monsieur X... un droit dont ses héritiers étaient fondés à se prévaloir, dès lors, notamment, que sa mise en oeuvre était de nature à influer sur la pension de réversion dont bénéficierait Madame X... ; qu'en déclarant cette demande "sans objet" du fait du décès de Monsieur X..., la Cour d'appel a violé les articles 724 du Code civil et L.353-1 du Code de la sécurité sociale ;

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... de leur demande tendant à voir reconnaître la responsabilité de la Société Thevenin et Ducrot pour exposition à des substances dangereuses et à ordonner une expertise médicale ;
AUX MOTIFS QU' "¿il est allégué à l'appui de cette demande que les époux X... résidant en permanence sur la station-service ont été exposés pendant près de vingt ans aux émanations toxiques d'hydrocarbures, dont le benzène, substance reconnue comme cancérigène, et ce sans aucune protection ni information de l'employeur et que la probabilité que le décès de Monsieur Gilbert X... soit lié à ces émanations toxiques est très forte ;
QU'il convient toutefois de rappeler que les mesures d'instruction ne sont pas destinées à suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve ; qu'en l'absence de production d'un quelconque document médical relatif aux circonstances exactes du décès de Mr Gilbert X... et à la nature de la pathologie dont il était atteint, permettant d'accréditer l'origine professionnelle de celle-ci, la demande d'expertise médicale ne peut être accueillie ;
QUE de même, s'agissant de Mme X... en l'absence d'allégation de manifestations pathologiques, la demande d'expertise à seule fin de soumettre celle-ci à tous les examens nécessaires permettant de rechercher des traces de pollution aux hydrocarbures est dénuée de fondement sérieux et doit être rejetée" ;
1°) ALORS QUE tenue d'assurer la santé et la sécurité de ses salariés, manque fautivement à cette obligation la Compagnie pétrolière qui expose un gérant de succursale à l'inhalation de vapeurs toxiques sans la moindre surveillance médicale ou protection, pourtant spécifiquement imposées par la convention collective applicable ; qu'en déboutant les consorts X... de leur demande à ce titre, la Cour d'appel a violé les articles 6-1, 9 et 10 de la Convention OIT C 158 sur le milieu de travail du 20 juillet 1977, 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966, L.4121-1 du Code du travail, 330, 601 et 604 de la convention collective des industries du pétrole du 3 septembre 1985 ;
2°) ET ALORS QUE l'exposition d'un salarié sans surveillance ni protection à l'inhalation de vapeurs toxiques lui cause nécessairement un préjudice qu'il incombe au juge d'évaluer s'il ne souhaite ordonner l'expertise sollicitée à cette fin ; qu'en déboutant les consorts X... de leur demande d'expertise médicale destinée à évaluer le préjudice causé par leur exposition à des vapeurs toxiques sans évaluer elle-même ce préjudice, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-19473;12-20619
Date de la décision : 03/07/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 20 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2013, pourvoi n°12-19473;12-20619


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.19473
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