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03/07/2013 | FRANCE | N°12-18111

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juillet 2013, 12-18111


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que la création d'un niveau hiérarchique intermédiaire n'emporte pas en soi une modification du contrat de travail dès lors que ni la qualification, ni les fonctions, ni les responsabilités du salarié ne sont modifiées ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 12 janvier 2004 en qualité d'inspectrice-junior par la Confédération nationale du crédit mutuel ; qu'elle est partie en congé de maternité du 15 janvier

au 22 octobre 2007 ; que la salariée a pris acte de la rupture de son contrat ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que la création d'un niveau hiérarchique intermédiaire n'emporte pas en soi une modification du contrat de travail dès lors que ni la qualification, ni les fonctions, ni les responsabilités du salarié ne sont modifiées ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 12 janvier 2004 en qualité d'inspectrice-junior par la Confédération nationale du crédit mutuel ; qu'elle est partie en congé de maternité du 15 janvier au 22 octobre 2007 ; que la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 15 mai 2008 et saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer à celle-ci une somme à ce titre, l'arrêt retient que s'agissant du grief relatif à la désignation, comme supérieur hiérarchique, d'un collaborateur qu'elle avait auparavant encadré, la salariée, de retour de congé de maternité, ne pouvait que considérer comme une rétrogradation le fait de se trouver dans un rapport hiérarchique inversé, de sorte que l'employeur avait manqué gravement à ses obligations contractuelles ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la qualification, les fonctions et les responsabilités de la salariée avaient changé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la Confédération nationale du crédit mutuel association
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte par Madame X... de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR, en conséquence, condamné la CONFEDERATION NATIONALE DU CREDIT MUTUEL à verser à Madame X... 30. 000 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que 2. 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la rupture du contrat de travail : En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur. Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail. Au soutien de sa prise d'acte, Delphine X... invoque la lettre rédigée le 15 mai 2008, en ces termes : « Suite à nos divers échanges et entretien, je reviens vers vous concernant ma situation au sein de l'Inspection générale. En effet, ces tentatives d'explication n'ont pas abouti à une résolution et m'ont encore plus affecté que je ne l'étais déjà. La mauvaise foi dont a fait preuve M Y...qui m'affirme, d'une part, ne pas avoir reçu les deux mails que je lui ai adressés alors que j'ai une copie des accusés de réception et confirmations de lecture et, d'autre part, ne pas avoir eu d'entretiens téléphoniques en fin d'année avec les inspecteurs du service alors que ces derniers me l'ont confirmé, m'a profondément blessé vous avez été témoin de mon état larmoyant lors de notre entrevue. Les arguments qui m'ont été apportés quant à la non attribution de la prime Bâle II n'ont pas été convaincants et confirment l'existence d'une discrimination à mon égard. En effet, vous m'avez indiqué que cette prime était attribuée pour les travaux réalisés en 2007. Or, comme je vous l'ai répondu et bien qu'en congé maternité une partie de l'année, j'ai contribué à ce dossier pendant deux mois en 2007. Mon intervention a donc été plus longue que celle d'Emmanuelle Z...(un mois) et qui a obtenu la prime, alors de surcroît que j'ai fait partie de la première équipe de l'Inspection à travailler sur Bâle II à partir de novembre 2004. Seul cet argument de période m'a été communiqué et malgré mon insistance, vous n'avez pas su me donner une autre justification. A ces éléments de discrimination et de mise à l'écart depuis mon retour de congé maternité, s'ajoute le discrédit vis-à-vis du service puisque mes travaux ont été supervisés par un inspecteur senior que j'ai encadré à son arrivée à l'Inspection. De plus, quelques jours après notre entretien au cours duquel vous m'affirmiez que tout n'était qu'interprétation de ma part, le planning des missions est communiqué au service et je découvre alors mon affectation à une mission de sept semaines en province alors qu'une autre équipe est planifiée à Paris. J'ai bien conscience que les déplacements sont inhérents au métier et que la composition des équipes ne peut être réalisée en fonction des souhaits de chacun, néanmoins la durée prolongée rend difficile l'organisation d'une vie familiale avec un tout jeune enfant. Et il s'avère que dans le service je suis la seule femme à avoir un enfant. Une fois de plus, la composition des équipes aurait pu être différente. S'agissant de la composition des équipes, Antoine A...que je supervisais est devenu mon supérieur. Ce dernier avait en charge de fixer mes objectifs et de corriger mes travaux. Malgré ma bonne volonté, je n'ai pas pu accepter cette situation que j'ai vécue comme une régression au sein du service et qui a conduit à ce que je sois placée en arrêt maladie. Aujourd'hui, cette situation m'est insupportable. Dans ces conditions, ces éléments de discrimination à mon égard, de mise à l'écart, de supervision par un inspecteur senior me contraignent à prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts de la Confédération Nationale du Crédit Mutuel en l'absence de toute résolution ; Je trouve regrettable d'en arriver à cette situation malgré l'investissement dont j'ai pu faire preuve. Néanmoins, je reste à la disposition de l'entreprise pour la durée du préavis de trois mois prévu dans mon contrat de travail ». Delphine X... soutient donc que son employeur lui a injustement confié un poste qui l'éloignait de Paris ; qu'il ne l'a pas reçue pour son entretien annuel d'évaluation ; qu'il l'a placée sous la subordination d'un ancien subordonné et qu'il l'a privée sans raison de la prime Bâle II. S'agissant du grief relatif à l'absence d'attribution de la prime Bâle II, versée au titre de l'année 2007, l'employeur rétorque que chaque année, ses collaborateurs sont susceptibles de bénéficier de primes en raison de leur implication dans le projet principal de leur service ; que 2007 a été une année charnière pour la mise en oeuvre, au sein de la CNCM notamment, de la réforme dite « Bâle II » à la suite d'un arrêté du 20 février 2007 intégrant les nouvelles normes Bâle II dans le droit français et qu'il s'en est suivie une période de haute activité pour les inspecteurs en 2007 ; que les plus méritants ont été récompensés par l'attribution d'une prime exceptionnelle, versée fin 2007, discrétionnairement évaluée par leur supérieur (aux alentours de 1500 ¿) ; que Delphine X... n'ayant pas travaillé sur le projet Bâle II en 2007, à l'exception de 5 jours en janvier, elle n'a pas contribué à l'effort particulier qui a dû être déployé immédiatement ayant et après l'adoption de la nouvelle réglementation en 2007, et qu'il n'y avait donc aucune raison de la récompenser à ce titre. L'employeur soutient en outre que Delphine X... ayant travaillé aux phases antérieures du projet, en particulier en 2006, son implication, à ce stade antérieur du projet Bâle II avait été récompensée par une augmentation de 110 points en janvier 2007, soit plus de 10 % d'augmentation individuelle, augmentation qui n'avait été accordée qu'à trois des six inspecteurs seniors, et qu'à un seul des quatre inspecteurs juniors et venait s'ajouter à une précédente augmentation de 80 points en juillet 2005, soit presque 8 % d'augmentation individuelle ; qu'il ne s'agit pas d'augmentations générales, lesquelles passent par une majoration de la valeur du point et non du nombre de points lui-même et se sont encore ajoutées à ces augmentations individuelles ; que l'augmentation de 110 points a eu lieu un mois avant le départ de Delphine X... en congé maternité et que conformément à l'accord d'entreprise, elle a ainsi bénéficié du maintien d'une rémunération fixe sensiblement majorée pendant l'intégralité de son congé maternité. L'employeur conclut que Delphine X... ayant bénéficié de plus de 30 % d'augmentation en un peu plus de 3 ans de présence, son salaire étant passé de 33 700 ¿ à 44 566 ¿ bruts annuels, aucune discrimination ne peut lui être reprochée. Il n'est pas contesté que chaque année, les collaborateurs étaient susceptibles de bénéficier de primes en raison de leur implication dans le projet principal de leur service, que Delphine X... a été en arrêt maternité du 11 janvier 2007 au 22 octobre 2007 et qu'elle avait perçue auparavant, une augmentation de salaire. Si elle affirme que la prime accordée à Mme B...et M. C... lui est due en contrepartie du travail accompli notamment par elle depuis novembre 2004, qui a permis de préparer l'analyse de la commission bancaire, dont les préconisations étaient en attente de sorte que le projet s'est trouvé suspendu en grande partie en 2007, elle ne démontre pas que la prime réclamée était versée de façon constante à l'ensemble du personnel ou à une catégorie déterminée de celui-ci, et que son montant était fixe ou déterminé par référence a un critère fixe et précis. Le grief invoqué par la salariée à l'encontre de l'employeur n'est donc pas fondé. S'agissant du grief relatif à la désignation d'un collaborateur qu'elle avait auparavant encadré, en dépit des explications fournies par l'employeur, la salariée, à son retour de congé maternité, ne pouvait que considérer comme une rétrogradation le fait de se trouver dans un rapport hiérarchique inversé. L'employeur a ainsi manqué de façon suffisamment grave à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner notamment les griefs relatifs à l'éloignement de Paris et l'absence d'entretien annuel d'Évaluation de Delphine X... par Yves Y...au titre de l'année 2007, la prise d'acte était fondée. La prise d'acte ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il en résulte que Delphine X... est fondée à obtenir compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, une somme de 30 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;
ALORS QUE l'ajout d'un échelon hiérarchique intermédiaire entre le salarié et son supérieur direct n'emporte pas en soi une rétrogradation dès lors que les fonctions et les responsabilités du salarié ne sont pas modifiées ; que dès lors ne constitue pas une rétrogradation le simple fait pour un salarié de travailler sous la supervision d'un ancien subordonné, en l'absence de toute diminution effective de ses fonctions, de sa qualification et de son niveau de responsabilité ; qu'en considérant pourtant, pour dire que la prise d'acte par Madame X... de la rupture de son contrat de travail était justifiée et devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que la salariée « ne pouvait que considérer comme une rétrogradation le fait de se trouver dans un rapport hiérarchique inversé » dès lors qu'à son retour de congé maternité elle s'était retrouvée placée sous la responsabilité de Monsieur A...lequel avait été son collaborateur, alors que ni les fonctions, ni la qualification, ni les responsabilités de Madame X... n'avaient été réduites, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1232-1 du Code du travail ;
ET QU'en statuant comme elle l'a fait, sans préciser en quoi les fonctions, la qualification et les responsabilités de Madame X... avaient effectivement été modifiées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1232-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-18111
Date de la décision : 03/07/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2013, pourvoi n°12-18111


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18111
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