La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2013 | FRANCE | N°12-16247;12-16248

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 juin 2013, 12-16247 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° G 12-16.247 et J 12-16.248 ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble la circulaire Pers. 633 du 24 juin 1974 émanant de la direction du personnel d'Electricité de France et Gaz de France ;

Attendu, selon les jugements attaqués, que M. X... et cinq autres agents des sociétés ERDFet GRDF ont attrait leur employeur devant la juridiction prud'homale afin d'obteni

r le rappel pour la période non prescrite de l'indemnité journalière de prise en c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° G 12-16.247 et J 12-16.248 ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble la circulaire Pers. 633 du 24 juin 1974 émanant de la direction du personnel d'Electricité de France et Gaz de France ;

Attendu, selon les jugements attaqués, que M. X... et cinq autres agents des sociétés ERDFet GRDF ont attrait leur employeur devant la juridiction prud'homale afin d'obtenir le rappel pour la période non prescrite de l'indemnité journalière de prise en charge des frais de nettoyage de leurs vêtements professionnels, outre des dommages-intérêts ;

Attendu que pour faire droit au rappel de l'indemnité journalière et ainsi refuser de surseoir à statuer, comme le demandait l'employeur, pour que soit posée à la juridiction administrative la question de la légalité de la circulaire Pers. 633 du 24 juin 1974 relative aux dotations vestimentaires, le conseil de prud'hommes a retenu que les dispositions de cette circulaire étant moins favorables aux salariés que celles contenues dans le code du travail, seules ces dernières devaient recevoir application ;

Qu'en statuant ainsi, par une analyse révélant le caractère sérieux de la difficulté soulevée quant à la légalité de la circulaire Pers. 633 du 24 juin 1974, le conseil de prud'hommes, auquel il revenait d'inviter les parties à saisir la juridiction administrative pour qu'elle se prononce sur la légalité de la circulaire Pers. 633, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les jugements rendus le 27 janvier 2012, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Brest ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits jugements et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Quimper ;

Condamne les salariés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen identique produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour les sociétés Electricité réseau distribution France (ERDF) et Gaz réseau distribution France (GRDF), demanderesses aux pourvois n° G 12-16.247 et J 12-16.248

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir, condamné les sociétés ERDF et GrDF à payer à chacun de leurs salariés demandeurs une somme à titre d'indemnité pour la prise en charge des frais de nettoyage des vêtements professionnels, outre celle de 200 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

1°) Aux motifs que, sur l'exception préjudicielle, les sociétés ERDF et GrDF exercent une mission de service public, mais sont toutefois des sociétés anonymes ; que dans ce contexte, la note du 3 novembre 2008, dont les dispositions ne sont pas rétroactives, ne saurait être analysée, comme un acte relevant du pouvoir règlementaire portant sur l'organisation du service public, mais doit être considérée comme une simple disposition du règlement intérieur de l'entreprise ; que par ailleurs, on peut noter que les demandeurs ne contestent ni la légalité de cette note, ni celle des circulaires PERS 618 et 633, mais se contentent de solliciter l'application des dispositions du Code du travail ; qu'enfin, l'article 15-1 de la loi du 7 décembre 2006 dispose que ces sociétés sont régies par les lois applicables aux sociétés anonymes et par l'article 67 de la loi 2007-290 du 5 mars 2007 qui renvoie, notamment, à l'article L.231-1 du Code du travail, rebaptisé L.4111-1, pour l'application à ces entreprises des dispositions du Code du travail relatives à la santé et à la sécurité du travail ; qu'en conséquence, les demandes relèvent bien de la compétence de la juridiction prud'homale ; que sur le droit à indemnisation, l'article L.4122-2 du Code du travail dispose que « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs », que l'article R.4321-1 du Code du travail impose à l'employeur de mettre « à la disposition des travailleurs les équipements nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé et leur sécurité » ; que l'article R.4321-4 prévoit par ailleurs que « l'employeur met à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés et, lorsque le caractère particulièrement insalubre des travaux l'exige, les vêtements de travail appropriés ; qu'il veille à leur utilisation effective » ; que l'article R.4323-95 dispose également que « les équipements de protection individuelle et les vêtements de travail mentionnés à l'article R.4321-4 sont fournis gratuitement par l'employeur, qui assure leur bon fonctionnement et leur maintien dans un état hygiénique satisfaisants par les entretiens, réparations et remplacements nécessaires » ; qu'enfin, il résulte des dispositions de l'article 1135 du Code civil et de l'article L.1221-1 du Code du travail que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent être supporté par ce dernier ; que la circulaire PERS 633, applicable avant le 1er décembre 2008 laissait aux agents la charge de l'entretien et du nettoyage des vêtements de travail mis à leur disposition ; qu'or, en cas de conflit de normes, la situation des salariés doit être régie par celle qui leur est la plus favorable, étant rappelé que les dispositions du Code du travail qui garantissent aux salariés des avantages minimaux présentent un caractère d'ordre public ; qu'en conséquence, les dispositions du Code du travail, plus favorables que les dispositions statutaires doivent s'appliquer en l'espèce ;

Alors, de première part, que la légalité d'un acte administratif échappe à la compétence des tribunaux judiciaires ; que lorsque sa validité est sérieusement contestée, ils doivent surseoir à statuer jusqu'à décision des juridictions administratives sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; qu'en faisant droit aux demandes des salariés défendeurs, sans répondre au moyen déduit par les sociétés exposantes de ce que leurs salariés faisaient ainsi nécessairement valoir que les dispositions de la circulaire Pers 633, mettant à leur charge le coût d'entretien des vêtements professionnels, étaient contraires aux dispositions du Code du travail, soulevant ainsi, fût-ce implicitement, une question préjudicielle portant sur l'appréciation de la légalité de cet acte administratif règlementaire, maintenu en vigueur pour la période antérieure au 1er décembre 2008 par la décision conjointe des directeurs des ressources humaines des sociétés ERDF et GrDF du 3 novembre 2008, le Conseil des prud'hommes, qui n'a pas répondu aux écritures des sociétés exposantes, a, quel qu'ait été le mérite de ce moyen, entaché son jugement d'un défaut de réponse à conclusions et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, de deuxième part, subsidiairement, que la légalité d'un acte administratif échappe à la compétence des tribunaux judiciaires ; que lorsque sa validité est sérieusement contestée, ils doivent surseoir à statuer jusqu'à la décision des juridictions administratives sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; qu'en s'en abstenant et en niant le caractère règlementaire de la note du 3 novembre 2008, le Conseil des prud'hommes a méconnu l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Alors, enfin, encore plus subsidiairement, de troisième part, qu'il appartenait en toute hypothèse au Conseil des prud'hommes de rechercher, au terme d'une appréciation globale et concrète de l'ensemble des dispositions régissant les dotations des salariés d'ERDF et GrDF en vêtements professionnels, si les dispositions réglementaires de leur Statut ne leur accordaient pas des avantages supérieurs à ceux résultant de l'application du Code du travail ; qu'en s'abstenant de cette comparaison, le Conseil de prud'hommes a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°) Et aux motifs que les demandeurs ne justifient pas de façon précise le montant des frais exposés par eux pendant la période concernée pour le nettoyage de leurs vêtements professionnels ; qu'il est aisé de comprendre que cette justification est difficile à appliquer en l'espèce ; qu'on convient donc de retenir la base de 1.927 euros d'indemnité journalière de prise en charge des frais de nettoyage ;

Alors, subsidiairement, de quatrième part, qu'il résulte de la décision conjointe des directeurs des ressources humaines des sociétés ERDF et GrDF du 3 novembre 2008 que l'indemnité forfaitaire et journalière destinée à compenser les frais de nettoyage prévue par celle-ci ne serait versée qu'à compter du 1er décembre 2008 ; que le Conseil des prud'hommes ne pouvait conférer un effet rétroactif à cette décision administrative sans méconnaître la portée de cette décision réglementaire ;

Alors, encore plus, de cinquième part, que l'employeur n'est tenu de supporter en application des articles 1135 du Code civil et L.1122-2 du Code du travail, que les frais effectivement exposés par ses salariés pour les besoins de leur activité professionnelle ; que dès lors, le Conseil des prud'hommes qui a fait droit aux demandes des salariés sur la base forfaitaire arrêtée pour la période postérieure au 1er décembre 2008 par les directeurs des ressources humaines des sociétés ERDF et GrDF sans s'expliquer sur les frais réellement exposés par ceux-ci dont il leur appartenait de justifier, a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-16247;12-16248
Date de la décision : 26/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Brest, 27 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jui. 2013, pourvoi n°12-16247;12-16248


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.16247
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award