LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble la circulaire Pers. 633 du 24 juin 1974 émanant de la direction du personnel d'Electricité de France et Gaz de France ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... et vingt-deux autres agents de la société EDF et le syndicat CGT DPT Est ont attrait l'employeur devant la juridiction prud'homale afin d'obtenir le rappel pour la période non prescrite de primes de nettoyage de leurs vêtements professionnels, outre des dommages-intérêts ;
Attendu que pour faire droit au rappel de l'indemnité journalière et ainsi refuser de surseoir à statuer, comme le demandait l'employeur, pour que soit posée à la juridiction administrative la question de la légalité de la circulaire Pers. 633 du 24 juin 1974 relative aux dotations vestimentaires, le conseil de prud'hommes a retenu que les dispositions de cette circulaire étant moins favorables aux salariés que celles contenues dans le code du travail, seules ces dernières devaient recevoir application ;
Qu'en statuant ainsi, par une analyse révélant le caractère sérieux de la difficulté soulevée quant à la légalité de la circulaire en cause, le conseil de prud'hommes, auquel il revenait d'inviter les parties à saisir la juridiction administrative pour qu'elle se prononce sur la légalité de la circulaire Pers . 633, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 novembre 2011, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Mulhouse ;
Condamne les salariés et le syndicat CGT DPT Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour la société EDF-CNPE de Fessenheim
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné la société EDF à payer à chacun de ses salariés demandeurs une somme de 1.146 euros à titre de rappel de prime de nettoyage, outre les sommes de 100 euros à titre de dommages et intérêts et de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et au syndicat CGT DPT Est intervenu au soutien de ces demandes la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
1°) Aux motifs que l'employeur met à disposition des salariés des EPI en application de l'article R.4321-4 du Code du travail qui précise : « l'employeur met à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés et, lorsque le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux l'exige, les vêtements de travail appropriés. Il veille à leur utilisation effective » ; que selon l'article R.4323-95 du Code du travail : « les équipements de protection individuelle et les vêtements de travail mentionnés à l'article R.4321-4 sont fournis gratuitement par l'employeur qui assure leur bon fonctionnement et leur maintien dans un état hygiénique satisfaisant par les entretiens, réparations et remplacements nécessaires » ; que selon l'article L.4122-2 du Code du travail : « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs » ; que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; que ces dispositions ont été confirmées par l'arrêt de la Cour de cassation n° 06-44.044 du 21 mai 2008 ; que la défenderesse fait valoir que les dispositions règlementaires en matière de dotations vestimentaires sont plus favorables aux salariés que les textes de droit commun en considérant que les vêtements ne sont pas repris au terme de la période fixée pour leur utilisation ce qui constituerait un avantage supérieur ; que la valeur des vêtements de travail à l'issue de leur utilisation n'est pas précisée, mais que celle-ci est à considérer comme quasi nulle sur le marché de l'occasion ; que la défenderesse fait état que la « circulaire PERS 618 » complétée par la « circulaire PERS 6333 » prévoyait : « il appartient aux agents de nettoyer et d'entretenir les vêtements qui leur sont attribués » ; que l'avantage prévu par le Code du travail selon lequel : « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs » est manifestement plus intéressant que celui prévu par la « circulaire PERS 618 » complétée par la « circulaire PERS 633 » ;
Alors, de première part, que la légalité d'un acte administratif échappe à la compétence des tribunaux judiciaires ; que lorsque sa validité est sérieusement contestée, ils doivent surseoir à statuer jusqu'à décision des juridictions administratives sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; qu'en faisant droit aux demandes des salariés défendeurs, sans répondre au moyen déduit part les sociétés exposantes de ce que leur salarié faisait ainsi nécessairement valoir que les dispositions de la circulaire Pers 633, mettant à leur charge le coût d'entretien des vêtements professionnels, étaient contraires aux dispositions du Code du travail, soulevant ainsi, fût-ce implicitement, une question préjudicielle portant sur l'appréciation de la légalité de cet acte administratif règlementaire, maintenu en vigueur pour la période antérieure au 1er janvier 2009 par la décision du directeur des ressources sociales de la société EDF du 15 janvier 2009, le Conseil des prud'hommes, qui n'a pas répondu aux écritures des sociétés exposantes, a, quel qu'ait été le mérite de ce moyen, entaché son jugement d'un défaut de réponse à conclusions et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Alors, de deuxième part, subsidiairement, que la légalité d'un acte administratif échappe à la compétence des tribunaux judiciaires ; que lorsque sa validité est sérieusement contestée, ils doivent surseoir à statuer jusqu'à décision des juridictions administratives sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; qu'en s'en abstenant, le Conseil des prud'hommes a méconnu l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Alors, enfin, encore plus subsidiairement, de troisième part qu'il appartenait en toute hypothèse au Conseil des prud'hommes de rechercher, au terme d'une appréciation globale et concrète de l'ensemble des dispositions régissant les dotations des salariés d'EDF en vêtements professionnels, si les dispositions réglementaires de leur Statut ne leur accordaient pas des avantages supérieurs à ceux résultant de l'application du Code du travail ; qu'en s'abstenant de cette comparaison, le Conseil de prud'hommes a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) Aux motifs qu'il y a lieu de faire droit à la demande de chaque salarié au titre de l'indemnisation rétroactive du 1er mars 2006 au 1er janvier 2009 des frais occasionnés pour le nettoyage des vêtements de travail sur la base du montant du barème qu'ont décidé d'appliquer les sociétés EDF et GDF à compter du 1er janvier 2009 ; que le montant à retenir est celui qu'ont décidé d'appliquer les sociétés EDF et GDF à compter du 1er janvier 2009, soit 2,01 euros par jour ;
Alors, subsidiairement, de quatrième part, qu'il résulte de la décision du directeur des relations sociales de la société EDF du 15 janvier 2009 que l'indemnité forfaitaire et journalière destinée à compenser les frais de nettoyage prévue par celle-ci ne serait versée qu'à compter du 1er janvier 2009 ; que le Conseil des prud'hommes ne pouvait conférer un effet rétroactif à cette décision administrative sans méconnaître la portée de cette décision réglementaire ;
Alors, encore plus subsidiairement, de cinquième part, que l'employeur n'est tenu de supporter en application des articles 1135 du Code civil et L.1122-2 du Code du travail, que les frais effectivement exposés par ses salariés pour les besoins de leur activité professionnelle ; que dès lors, le Conseil des prud'hommes ne pouvait faire droit aux demandes des salariés sur la base forfaitaire arrêtées pour la période postérieure au 1er janvier 2009 par la direction des relations sociales de la société EDF, sans s'expliquer sur les frais réellement exposés par ceux-ci dont il leur appartenait de justifier, sans priver sa décision de base légale au regard des textes précités ;
3°) Et enfin aux motifs que l'employeur a résisté aux différentes demandes et relances pour qu'il respecte les dispositions légales en matière de prise en charge de l'entretien des vêtements de travail ; qu'il doit être condamné à payer à chaque salarié des dommages et intérêts ;
Alors, de sixième part, que le Conseil des prud'hommes qui ne caractérise pas de la sorte la faute de la société EDF qui aurait fait dégénérer en abus son droit de se défendre en justice, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Et alors, enfin que, n'ayant pas caractérisé pour les salariés l'existence d'un préjudice indépendant du retard au paiement apporté par l'employeur et causé par sa mauvaise foi, le Conseil des prud'hommes a tout autant privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du Code civil ;