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25/06/2013 | FRANCE | N°12-82718

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 juin 2013, 12-82718


Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Gérard X...,- Mme Raphaëlle Y...,- M. Jacques Z...,- La société Editrice Le Monde,- L'association confraternelle des journalistes de la presse judiciaire,- Mme Isabelle A..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 22 mars 2012, qui, dans l'information suivie contre M. Philippe D... et Mme Marie-Christine B..., épouse C..., des chefs de collecte de données à caractère personnel par moyen frauduleux, déloyal ou illicite, violation du secret professionnel e

t recel de ce délit, atteinte au secret des correspondances par per...

Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Gérard X...,- Mme Raphaëlle Y...,- M. Jacques Z...,- La société Editrice Le Monde,- L'association confraternelle des journalistes de la presse judiciaire,- Mme Isabelle A..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 22 mars 2012, qui, dans l'information suivie contre M. Philippe D... et Mme Marie-Christine B..., épouse C..., des chefs de collecte de données à caractère personnel par moyen frauduleux, déloyal ou illicite, violation du secret professionnel et recel de ce délit, atteinte au secret des correspondances par personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 juin 2013 où étaient présents : Mme Guirimand conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Guérin conseiller rapporteur, MM. Beauvais, Straehli, Monfort, Buisson conseillers de la chambre, Mme Divialle, MM. Maziau, Barbier, Talabardon conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Salvat ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
Sur le rapport de M. le conseiller GUÉRIN, les observations de Me SPINOSI, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE de BRUNETON, de la société civile professionnelle MEIER-BOURDEAU et LÉCUYER et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALVAT, Me Boré, Me Waquet et Me Spinosi ayant eu la parole en dernier ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 2 juillet 2012, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
I- Sur la recevabilité du pourvoi formé par Mme A...:
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Mme A..., n'ayant pas été partie à l'instance d'appel, n'avait pas qualité pour se pourvoir en cassation ;
D'où il suit que son pourvoi est irrecevable ;
II- Sur les autres pourvois :
Vu le mémoire commun aux demandeurs et les mémoires en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 6-1, 174, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a prononcé la nullité des actes d'information cotés D 101 à D 1131 ;

" aux motifs que, sur le premier moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 6-1 du code de procédure pénale ; que l'article 6-1 du code de procédure pénale dispose que lorsqu'un crime ou un délit prétendument commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion a été constaté par une décision devenue définitive de la juridiction saisie ; que le délai de prescription de l'action publique court à compter de cette décision ; qu'il se déduit de ces dispositions que pour que l'exception préjudicielle à la mise en mouvement de l'action publique ainsi créée trouve à s'appliquer, plusieurs conditions doivent être réunies : d'abord que soit visé un crime ou un délit " commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire ", ensuite que l'infraction reprochée " implique la violation d'une disposition de procédure pénale " et enfin que " le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion n'ait pas été encore constaté par une décision devenue définitive " ; que les délits imputés par les parties civiles à M. D... et Mme C...auraient été commis par eux à l'occasion de l'exécution de l'enquête préliminaire, ordonnée oralement par le premier cité, le 3 septembre 2011, puis, par des instructions écrites, le 9 septembre 2011, à la suite de la plainte contre X pour violation du secret professionnel, délit prévu et puni par l'article 226-13 du code pénal, déposée au parquet de Nanterre, le 1er septembre 2010, par Mme H...; que cette enquête a été suivie d'une ouverture d'information, pour violation du secret professionnel, le 26 octobre 2010, par le procureur de la République de Versailles, et a fait l'objet d'un dessaisissement, le 17 novembre 2010, au profit de deux juges d'instruction du tribunal de grande instance de Bordeaux où elle est toujours en cours d'instruction ; qu'en conséquence, si un délit a été commis par M. D... et Mme C..., il l'a bien été à l'occasion d'une poursuite judiciaire au sens de l'article 6-1 du code de procédure pénale ; que ce point n'est d'ailleurs pas discuté par les parties ; que, pour que survienne l'obstacle aux poursuites issu de l'article 6-1 du code de procédure pénale,'il est nécessaire encore que les faits dénoncés " impliquent la violation d'une disposition de procédure pénale " circonstance qui ferait défaut, selon les parties civiles, qui considèrent que leurs poursuites visent " une violation manifeste d'une liberté publique ou d'un droit fondamental garantis par une loi de fond ou une convention internationale ; mais qu'il se déduit de l'application combinée des articles 77-1-1 et 60-1, dernier alinéa, du code de procédure pénale, ainsi que de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, sur la loi de presse, que : en enquête préliminaire, régime d'exécution de l'enquête en cause, le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier de police judiciaire peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'enquête, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel ; qu'à peine de nullité ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus par une réquisition prise en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; que selon les termes de cet article 2 de la loi du 29 juillet 1881, le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public.... Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources. Est considéré comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources. Au cours d'une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l'atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l'importance de l'information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d'investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce que soutiennent les parties civiles, les infractions dénoncées impliquaient bien " la violation d'une disposition de procédure pénale " au sens de l'article 6-1 du code de procédure pénale ; qu'encore qu'à la date du versement de la consignation par les parties civiles, aucune décision définitive n'avait encore constaté le caractère illégal des réquisitions du parquet de Nanterre ; que MM. X..., Z...et la société éditrice du journal Le Monde soutiennent qu'ils étaient dans l'incapacité de poursuivre cette annulation, préalablement au dépôt de leur plainte, dans la mesure où :- ils " ne disposaient d'aucune action qui leur eût permis de solliciter utilement l'annulation des actes commis à leur préjudice... ils n'avaient aucune qualité pour ce faire n'étant pas partie " ; que " conditionner l'engagement de poursuites visant des actes d'enquête à l'annulation préalable de ces actes rend impossible tout accès la justice pour leurs victimes, dès lors que celles-ci sont privées de toute qualité pour agir à cette fin ". Mais considérant que, contrairement à ces affirmations et à l'analyse développée par le parquet général dans ses réquisitions, les deux journalistes et la société éditrice du journal Le Monde n'étaient pas " étrangers " à l'information en cours au tribunal de grande instance de Bordeaux ; qu'en effet, les trois parties civiles avaient une connaissance très complète de l'objet de l'information en cours au tribunal de grande instance de Bordeaux ; qu'à la page 2 de leur plainte avec constitution de partie civile, elles écrivent en particulier : " les plaignants ont appris que, agissant sur réquisitions du parquet de Nanterre, l'IGS s'est fait remettre par des opérateurs téléphoniques les listes des numéros entrant et sortant de Gérard X...et Jacques Z...; que ces listes auraient fait apparaître l'existence de conversations entre Mme A...et Jacques Z...; qu'au vu de ces documents, le procureur de Nanterre a saisi le procureur général de Versailles d'une procédure pour violation du secret professionnel qui vise expressément sa collègue " ; qu'encore que, dans un courrier du 3 février 2011, reçu du procureur de la République de Paris, et annexé à leur plainte, ce magistrat les avait informés également " qu'en suite d'un arrêt rendu le 17 novembre dernier par la chambre criminelle de la Cour de cassation ordonnant le dépaysement de l'intégralité des procédures liées à l'affaire dite " H..." du tribunal de Nanterre vers celui de Bordeaux " ; qu'il se déduit sans équivoque des termes de leur plainte que les deux journalistes et la société éditrice du Monde se savaient visés par l'information en cours à Bordeaux ; que dans la mesure où eux-mêmes considéraient qu'ils étaient mis en cause dans l'infraction dont les juges d'instruction de Bordeaux étaient saisis, les dispositions du code de procédure pénale leur permettaient de demander à être entendus par ces magistrats et de solliciter le bénéfice du statut de témoin assisté, statut qui les aurait autorisés à solliciter alors l'annulation des réquisitions contestées ; qu'il résulte toujours des écritures des parties civiles que celles-ci n'ignoraient pas les difficultés susceptibles de résulter du dépôt d'une plainte sans que, préalablement, le caractère irrégulier des réquisitions sur la base de l'article 771-1 du code de procédure pénale n'ait été constaté ; qu'en effet, après avoir reproduit dans leur plainte, un extrait d'un courrier adressé au parquet de Bordeaux par les juges d'instruction, dont elles avaient été rendues destinataires, et dans lequel ces magistrats notaient " il nous apparaît que la plainte susmentionnée ne saurait relever d'une enquête distincte de celle dont nous avons la charge, mais du seul régime des nullités prévues par les articles 170 à 174-1 du code de procédure pénale, relevant du pouvoir d'appréciation de la chambre de l'instruction de Bordeaux ", ces mêmes parties civiles élevaient une protestation en mentionnant dans le texte de leur plainte avec constitution de partie civile : " le motif invoqué par les juges d'instruction de Bordeaux ne laisse pas de surprendre : il ne leur appartenait en aucune façon de juger du caractère fondé ou non de la plainte " ; que, plus généralement que l'article 6-1 du code de procédure pénale ne fait pas de distinction en fonction des statuts des personnes à l'origine du déclenchement de l'action publique pour la mise en oeuvre de ses dispositions ; que les parties civiles ne l'ignoraient pas puisqu'elles indiquent dans leurs écritures : " certes, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 14 février 2001, il y a plus de dix ans, que les dispositions de l'article 6-1 du code de procédure pénale étaient opposables au tiers à la procédure en cause, car, si ceux-ci ne disposaient pas de recours leur permettant de faire juger l'illégalité de l'acte préalablement à leur plainte, ils pouvaient toujours agir devant les juridictions civiles pour obtenir des indemnités " ; que les dispositions de l'article 6-1 du code de procédure pénale visent seulement à éviter que ne soient engagées des poursuites contre des magistrats et officiers ou agents de police judiciaire à raison de leurs actions ou abstentions au cours d'une procédure pénale à seules fins de les déstabiliser et de retarder ou perturber le cours de la procédure ; qu'elles repoussent le point de départ de la prescription au jour où la décision constatant l'irrégularité de l'acte est devenue définitive ; qu'elles ouvrent un recours en indemnisation devant le juge civil à quiconque aurait été mis dans l'incapacité de poursuivre l'annulation de l'acte à l'origine du délit ou du crime prétendument commis ; qu'elles sont donc conformes aux dispositions des articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en effet, le droit à un tribunal garanti par le premier de ces deux articles se définit comme un accès à " un tribunal de pleine juridiction " c'est-à-dire en mesure de " trancher sur la base de norme de droit et à l'issue d'une procédure organisée toute question relevant de sa compétence " ; que le droit à un accès effectif au juge garanti par l'article 13 suppose que le justiciable jouisse d'une possibilité claire et concrète de contester un acte constituant une ingérence dans ses droits " ; que cette double exigence ne signifie pas un accès sans limites au juge pénal ; que le code de procédure pénale ne restreint pas aux seules parties le droit de poursuivre l'annulation d'un acte ou d'une pièce frappé de nullité ; qu'il ouvre aussi ce droit au procureur de la République et au juge d'instruction lesquels sont donc susceptibles d'agir à la demande d'une personne justifiant d'un intérêt particulier et qui serait empêchée de le faire personnellement ; que la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 a élargi encore ce droit en l'accordant désormais au témoin assisté, qui, pourtant, n'est pas une partie à la procédure ; que la décision du législateur d'enfermer dans un délai le droit de demander l'annulation d'un acte ne méconnaît pas non plus les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme dans la mesure où il s'agit de définir un juste équilibre entre les droits de la défense et la nécessaire sécurité des procédures ; que, pour l'ensemble de ces raisons, les moyens tirés de la violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme par l'article 6-1 du code de procédure pénale seront écartés ; que l'exception préjudicielle de l'article 6-1 code de procédure pénale est une exception d'ordre public ; que sa méconnaissance a pour conséquence une nullité qui peut être invoquée à tout moment de la procédure et même d'office ; qu'elle est exclue du champ d'application de l'article 802 du code de procédure pénale ; que, dans ces conditions, la circonstance que, postérieurement à l'engagement des poursuites, rendu effectif par le versement de la consignation, le caractère illégal des réquisitions ait été constaté par une décision devenue définitive de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux n'a pas eu pour effet de valider a posteriori la plainte avec constitution de partie civile alors qu'à la date du versement de la consignation, le caractère illégal des actes incriminés n'avait pas été constaté par une décision devenue définitive ; qu'il y a lieu dans ces conditions d'annuler l'entière procédure à compter de la cote D 101 et y compris les deux réquisitoires introductifs et de non informer partiel sur plainte avec constitution de partie civile des 1er juin et 5 août 2011 du procureur de la République de Paris ; qu'en effet même si ces réquisitoires satisfont en la forme aux conditions essentielles de leur existence légale, l'exception préjudicielle à l'action publique instaurée par l'article 6-1 du code de procédure pénale privait le procureur de la République du droit de requérir l'ouverture d'une information qu'il tient des articles 40, 41 et 80 du code de procédure pénale ;

" 1°) alors que l'exception préjudicielle prévue à l'article 6-1 du code de procédure pénale ne s'applique que lorsqu'un crime ou un délit est commis à l'occasion d'une procédure judiciaire impliquant la violation d'une disposition de procédure pénale ; que la cour d'appel ne pouvait entrer en voie d'annulation sur le fondement de ce texte, en relevant que la collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, l'atteinte au secret des correspondances et au secret professionnel, délits poursuivis, impliquaient la violation d'une disposition de procédure pénale, lorsque ces manquements sont nécessairement « extérieurs » à la procédure, seul le versement des éléments découverts à l'occasion de ces infractions au dossier de l'instruction pouvant entrer dans le champ d'application de ce texte ;
" 2°) alors que la nullité d'un acte ou d'une pièce de la procédure entraîne l'anéantissement rétroactif de l'acte lequel est censé n'avoir jamais existé ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction ne pouvait affirmer que l'annulation des réquisitions litigieuses postérieurement à la plainte déposée par la partie civile n'avait pas eu pour effet de la valider a posteriori, en considérant qu'à la date du versement de la consignation, le caractère illégal des actes incriminés n'avait pas été constaté par une décision devenue définitive, lorsque la fiction juridique de la rétroactivité avait privé ces actes de toute existence dès leur origine ;
" 3°) alors qu'en outre, le droit à un recours effectif est celui de nature à apporter un remède effectif au grief allégué permettant au requérant d'obtenir la sanction de son droit ; qu'il est constant qu'à l'époque du dépôt de leur plainte, n'étant parties ni à l'enquête préliminaire, ni à l'instruction ouverte du chef de violation du secret de l'instruction, les exposants ne pouvaient pas solliciter l'annulation des réquisitions litigieuses ; qu'en accueillant le moyen de nullité fondé sur l'article 6-1 du code de procédure pénale, aux motifs que ces dispositions ouvrent un recours en indemnisation devant le juge civil, interdisant ainsi aux demandeurs l'accès au juge pénal aux fins de faire juger les infractions qu'ils dénonçaient, seul recours permettant d'obtenir la sanction des atteintes dont ils se plaignaient, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des dispositions conventionnelles qu'elle citait ;
" 4°) alors que, en jugeant que les demandeurs auraient pu solliciter le bénéfice du statut de témoin assisté, qui les auraient autorisés à solliciter l'annulation des réquisitions concernées, lorsque l'audition d'une personne par le juge d'instruction dépend de la libre discrétion de ce dernier, et qu'ainsi, la simple demande d'être entendu ne peut suffire à obtenir le statut de témoin assisté, la chambre de l'instruction a de plus fort méconnu le principe visé au moyen " ;

Attendu qu'il résulte de l'information et des pièces de la procédure que le 1er septembre 2010, Mme Liliane H...a porté plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre du chef de violation du secret professionnel et du secret de l'instruction à la suite d'un article, paru le même jour dans le journal Le Monde, relatant son audition et la perquisition effectuée à son domicile à l'occasion d'une procédure engagée du chef d'abus de faiblesse par sa fille ; que le 9 septembre 2010, le procureur de la République a chargé l'inspection générale des services de procéder à une enquête sur ces faits en donnant autorisation de faire application de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale ; que des réquisitions écrites ont été adressées à divers opérateurs téléphoniques pour identifier les numéros des téléphones portables de MM. Z...et X..., journalistes au Monde, ainsi que les numéros des appels entrants et sortants de ces lignes ; que l'information ensuite ouverte du chef de violation du secret professionnel a été conduite par la juridiction d'instruction de Bordeaux, désignée dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ; que les réquisitions susmentionnées ont été annulées le 5 mai 2011 par la chambre de l'instruction, saisie sur requête des juges d'instruction, le pourvoi formé contre cet arrêt étant rejeté le 6 décembre 2011 ;

Attendu que le 1er juin 2011, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par MM. X...et Z..., a ouvert une information à l'occasion de laquelle M. Philippe D..., procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre, a été mis en examen, le 17 janvier 2012, des chefs de collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite et atteinte au secret des correspondances par personne dépositaire de l'autorité publique et placé sous le statut de témoin assisté pour les délits de violation du secret professionnel et de recel ; que Mme C..., son adjointe, a été, le 6 février suivant, mise en examen et placée sous le statut de témoin assisté pour les mêmes chefs ; que ces deux parties ont présenté des requêtes en nullité en soutenant qu'une information ne pouvait, en l'espèce, être ouverte sans qu'il soit contrevenu à l'article 6-1 du code de procédure pénale, les infractions dénoncées supposant la commission d'une irrégularité de procédure définitivement constatée par la juridiction répressive saisie ;
Attendu que, pour faire droit à ces requêtes, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que l'atteinte à la protection des sources dénoncée par les parties civiles impliquait bien la violation d'une disposition de procédure pénale au sens de l'article 6-1 du code de procédure pénale, retient notamment qu'à la date de mise en mouvement de l'action publique, aucune décision définitive n'avait encore constaté le caractère illégal des réquisitions du parquet de Nanterre, la circonstance que, postérieurement à l'engagement des poursuites, ce caractère illégal ait été définitivement reconnu n'ayant pas eu pour effet de valider à posteriori la plainte avec constitution de partie civile ; que les juges ajoutent qu'un recours en indemnisation est ouvert devant le juge civil à quiconque aurait été mis dans l'incapacité de poursuivre l'annulation de l'acte à l'origine du délit ou crime prétendument commis ; Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, dès lors que, d'une part, les délits dénoncés impliquant la violation de dispositions de procédure pénale, l'action publique ne pouvait être engagée qu'après la constatation définitive du caractère illégal des actes accomplis et que, d'autre part, les demandeurs disposaient d'un recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I-Sur le pourvoi de Mme Isabelle A...:
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
II-Sur les autres pourvois :
Les REJETTE ;
DIT que M. X..., Mme Y..., M. Z..., la société éditrice Le Monde et l'association confraternelle des journalistes de la presse judiciaire devront verser la somme globale de 2 000 euros à M. D... et la somme globale de 2 000 euros à Mme C..., au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq juin deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-82718
Date de la décision : 25/06/2013
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité et rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Crime ou délit commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire - Violation d'une disposition de procédure pénale - Décision définitive constatant l'illégalité de la poursuite ou de l'acte accompli - Moment - Détermination

Lorsque les délits dénoncés impliquent la violation de dispositions de procédure pénale, l'action publique ne peut être engagée qu'après la constatation définitive du caractère illégal des actes accomplis. Justifie en conséquence sa décision d'annulation d'une information la chambre de l'instruction qui, après avoir relevé que l'atteinte à la protection des sources dénoncée par les parties civiles impliquait la violation d'une disposition de procédure pénale au sens de l'article 6-1 du code de procédure pénale, retient qu'à la date de mise en mouvement de l'action publique, aucune décision définitive n'avait encore constaté le caractère illégal des réquisitions contestées et que la circonstance que, postérieurement à l'engagement des poursuites, ce caractère illégal ait été définitivement reconnu n'a pas eu pour effet de valider a posteriori la plainte avec constitution de partie civile


Références :

article 6-1 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 22 mars 2012

Sur la portée de l'absence de décision définitive de la juridiction répressive constatant le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli nécessaire à l'exception préjudicielle à l'action publique prévue par l'article 6-1 du code de procédure pénale, à rapprocher :Crim., 2 septembre 2003, pourvoi n° 02-87799, Bull. crim. 2003, n° 147 (2) (cassation)

arrêt cité ;Crim., 27 septembre 2005, pourvoi n° 05-84032, Bull. crim. 2005, n° 235 (2) (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 jui. 2013, pourvoi n°12-82718, Bull. crim. criminel 2013, n° 151
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2013, n° 151

Composition du Tribunal
Président : Mme Guirimand (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Salvat
Rapporteur ?: M. Guérin
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.82718
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