LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 avril 2011), que la société civile immobilière du 13 rue Ampère (la SCI) a procédé à la division d'un immeuble en quatre lots et a vendu à M. X... le lot numéro 2 qui était désigné comme une "dépendance à la suite du lot numéro 1 qui est une maison" ; que l'opération a été réalisée à l'aide de deux prêts consentis par la société coopérative Banque populaire Loire et Lyonnais (la banque) ; que se prévalant du fait qu'il ne disposait pas de l'accès à son lot tel qu'il était prévu au permis de construire ni des deux places de stationnement exigées par le plan local d'urbanisme, que le changement de destination des lieux n'était pas autorisé et que cette situation lui avait été dissimulée, M. X... a assigné la SCI et la banque afin d'obtenir l'annulation de la vente sur le fondement de l'erreur et du dol et l'allocation de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé, d'une part, que l'acte authentique ne contenait aucune mention quant à un changement de destination qui obligerait la SCI et que, si M. X... envisageait un changement de destination en aménageant les lieux pour en faire un atelier et une habitation, cette intention n'obligeait pas la SCI qui procédait à la vente d'un lot constituant une dépendance parfaitement connue par l'acquéreur et clairement décrite dans l'acte et, d'autre part, que M. X... n'avait jamais conditionné son acquisition à l'obtention d'une autorisation d'urbanisme, que l'impossibilité d'habiter les lieux acquis n'était pas démontrée, qu'un accès en voiture était possible, ainsi que le démontrait le permis de construire délivré à la copropriétaire des lots numéros 3 et 4 en 2010 de sorte que l'acquéreur n'établissait pas les manoeuvres dolosives de la SCI qui l'auraient amené à donner son consentement, la cour d'appel, qui n'était tenue ni de procéder à une recherche sur la connaissance par les deux parties de l'intention de l'acquéreur ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes et qui a pu en déduire que les demandes formées sur l'erreur et le dol devaient être rejetées, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner M. X... à payer à la SCI des dommages-intérêts pour procédure déloyale et abusive, l'arrêt retient que les circonstances de la cause et le déroulement des faits démontrent que M. X... a agi avec légèreté et malice en sollicitant l'annulation de la vente et que cette faute a causé un préjudice certain à la SCI eu égard aux inconvénients qu'elle a dû supporter par l'effet de la procédure ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la légitimité de l' action engagée par M. X... ayant été reconnue par la juridiction du premier degré, son comportement ne pouvait être jugé fautif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à la SCI du 13 rue Ampère la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure déloyale et abusive, l'arrêt rendu le 14 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de toutes ses demandes, tant à l'égard de la SCI du 13 rue Ampère, en annulation de la vente du 15 janvier 2008 et en paiement de dommages-intérêts, qu'à l'égard de la Banque Populaire Loire et Lyonnais, et de l'avoir en conséquence condamné à exécuter les deux contrats de prêt consentis par la banque ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des pièces communiquées en appel contradictoirement par la SCI, propriétaire depuis le 2 juillet 2004 d'un ensemble immobilier, situé à Collonges au Mont d'Or au 13 rue Ampère, cadastrée AE 212, a procédé à la division de cet immeuble et à la mise en copropriété, selon un acte du 11 juillet 2005, contenant un état descriptif de division, en quatre lots, avant de procéder à la vente du lot n° 2 à Michael X..., dans un acte notarié du 15 janvier 2008, précédé d'un compromis sous seing privé signé le 21 novembre 2007 ; qu'il ressort des termes mêmes des actes que le lot vendu, le lot n° 2 est désigné expressément et sans ambiguïté comme une « dépendance à la suite du lot n° 1 qui est une maison d'habitation » ; que l'acte du 21 novembre 2007 contient une mention que l'acquéreur entend : « vouloir affecter en tout ou en partie les biens, à usage professionnel et personnel » ; que l'acte authentique ne contient aucune mention relative à la destination future du bien acquis ; la cour remarque que cet acte notarié a été conclu en la présence de deux notaires dont l'un est le notaire de Michael X... ; que Michael X... soutient, au visa des articles 1109, 1110 et 1116 du Code civil qu'il a donné son consentement à l'acte par erreur ou par dol, la SCI du 13 rue Ampère ayant dissimulé l'impossibilité d'accès en voiture à son lot et le rejet d'un permis de construire fait par la mairie, le tout rendant impossible le changement de destination de l'immeuble ; qu'il en conclut que la vente doit être annulée pour dol et pour erreur sur la substance ; qu'en revanche, la SCI du 13 rue Ampère conclut au mal fondé des demandes de Michael X... aux motifs qu'il n'existe ni erreur sur la substance, ni dol, dans la mesure où le lot vendu a une destination d'atelier à l'exception de toute autre destination et où aucune clause contractuelle ne l'oblige à garantir à l'acquéreur un changement de destination ; qu'elle ajoute que les copropriétaires des lots 3 et 4 ont obtenu un permis de construire autorisant l'accès par véhicule, le 24 juin 2010, accès régulier à la voie publique dont le copropriétaire du lot n° 2 7 pourra bénéficier, et que la délivrance de ce permis de construire démontre que le lot n° 2 n'est pas privé d'un accès à la voie publique par les règles d'urbanisme ; A) sur l'erreur : que le lot n° 2 de la copropriété, vendu à Michael X..., est décrit, dans l'acte authentique de vente, dans les mêmes termes de l'acte de division du 11 juillet 2005, dont une copie authentique intégrale est produite devant la cour ; que le lot n° 2 est une dépendance à la suite du lot n° 1, à laquelle on accède par un passage commun au sud, élevée d'un rez-de-chaussée et un étage d'une superficie de 90 m² environ et la jouissance privative de la cour devant le bâtiment, d'une superficie d'environ 25 m² ; qu'à bon droit, la SCI du 13 rue Ampère soutient que l'acte authentique de vente ne souffre d'aucune discussion et d'aucune contestation : le lot vendu est à destination d'atelier ; que Michael X..., qui était assisté de son notaire, n'a pas pu commettre, lors de la signature de l'acte authentique, d'erreur sur la substance de la chose et sur les qualités substantielles ; que par ailleurs, l'acte authentique ne contient aucun mention quant à un changement de destination qui obligerait la SCI du 13 rue Ampère ; que s'il est certain que Michael X... envisageait un changement de destination en aménageant les lieux pour en faire un atelier et une habitation, cette intention n'oblige pas la SCI qui procédait à la vente d'un lot constituant une dépendance, parfaitement connue par l'acquéreur qui l'avait visitée et qui connaissait la configuration des lieux, et clairement décrite dans les actes authentiques ; que le lot vendu remplit donc bien l'office de dépendance ou d'atelier tel que décrit et connu ; que l'erreur sur la substance ne peut pas être retenue ; B) sur le dol : que Michael X... soutient que la SCI s'est livrée à des manoeuvres qui ont surpris son consentement, ce que conteste, avec force, la SCI ; qu'à juste titre, la SCI fait valoir que tous les actes préparatoires à l'acte authentique du 25 janvier 2008 décrivent le lot n° 2 comme un local à usage d'atelier ; que c'est ainsi, par exemple, pour la déclaration d'intention d'aliéner, pour l'attestation de superficie ; qu'à bon droit, la SCI fait observer que Michael X... n'a jamais conditionné son acquisition à l'obtention d'une autorisation d'urbanisme ; qu'avec raison, la SCI fait remarquer que le lot n° 2 n'est pas enclavé ; que la configuration de la parcelle AE n° 212 sur laquelle la copropriété a été créée, se situe, en bordure de la voirie publique ; qu'avec justesse, la SCI fait plaider que l'impossibilité d'habiter les lieux acquis n'est pas démontrée et qu'un accès en voiture est possible, ainsi que le démontre le permis délivré à la copropriétaire des lots n° 3 et 4 en 2010 ; qu'en l'état du débat devant la cour qui a été mise en mesure de vérifier la justesse du moyen, après un débat contradictoire et loyal, il ressort que Michael X... n'établit pas les manoeuvres dolosives de la SCI qui l'auraient amené à donner son consentement à l'acquisition qu'il a faite le 15 janvier 2008 ; qu'enfin, la cour remarque que, contrairement à ce que soutient Michael X..., l'acte de vente, tel qu'il a été conclu, en présence et par le truchement des notaires de chaque partie, porte sur la vente d'un lot décrit comme une dépendance, non aménagée et avec accès piéton ; qu'aucune référence à un accès en voiture n'est mentionnée dans l'acte et n'est discuté au moment où l'acte est conclu, observation faite que le plan annexé à l'acte de division du 11 juillet 2005 décrit bien l'accès à partir de la voie publique et la cour dont bénéficie le lot n° 2 comparable à celle du lot n° 3 ; qu'en conséquence, le dol ne peut être retenu ; que toutes les demandes de Michael X... doivent donc être déclarées mal fondées ; que les contrats de prêt n'étant pas annulés, la banque est fondée à réclamer à Michel X... le paiement des sommes qu'il doit en exécution de ces contrats et telles que la banque les fixe dans ses dernières conclusions du 28 février 2011 en se référant aux stipulations contractuelles et aux tableaux d'amortissement (arrêt attaqué pp. 4-5-6) ;
ALORS, d'une part, QUE le motif déterminant de la conclusion d'un contrat pour un seul des cocontractants devient la cause commune aux deux parties et pénètre dans le champ contractuel si elle a été connue de l'autre contractant, de sorte que doit en conséquence être déclarée nulle pour erreur la convention dont l'exécution selon cet objectif devient impossible ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. « Michael X... envisageait un changement de destination en aménageant les lieux pour en faire un atelier et une habitation » et que « l'acte du 21 novembre 2007 le compromis de vente contient une mention selon laquelle l'acquéreur entend : « vouloir affecter en toute ou partie les biens à usage professionnel et personnel »» ; qu'en refusant d'annuler la vente pour erreur sur la substance, au motif que le lot vendu, tel que décrit dans l'acte authentique du 15 janvier 2008, remplissait bien son office de dépendance et d'atelier, sans rechercher, comme l'y invitaient notamment ses propres constatations, si l'intention de Monsieur X... de changer la destination de l'immeuble n'était pas connue des deux parties et n'était pas de ce fait entrée dans le champ contractuel, et si son impossibilité d'exécution ne caractérisait pas l'existence d'une erreur sur la substance ayant vicié le consentement de l'acheteur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1109 et 1110 du Code civil ;
ALORS, d'autre part, QUE dans ses conclusions d'appel (signifiées le 18 février 2011, p. 11 § 5), Monsieur X... faisait valoir que la SCI du 13 rue Ampère lui avait sciemment dissimulé les refus de permis de construire qui lui avaient été notifiés par la commune et qui rendaient impossible l'habitation du bien immobilier litigieux ; que doit être annulée pour cause de dol la vente à l'occasion de laquelle le vendeur s'est rendu coupable de dissimulations volontaires, sans lesquelles l'acquéreur n'aurait pas contracté ; qu'en estimant que l'existence du dol n'était pas caractérisée, sans répondre aux conclusions de Monsieur X... démontrant les dissimulations dont la SCI du 13 rue Ampère s'était rendue coupable, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à la SCI du 13 rue Ampère la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure déloyale et abusive ;
AUX MOTIFS QUE les circonstances de la cause et le déroulement des faits démontrent que Michael X... a agi avec légèreté et malice, en sollicitant l'annulation de la vente ;que cette faute a causé un préjudice certain à la SCI et fixé à la somme de 6.000 euros, eu égard aux inconvénients qu'elle a dû supporter par l'effet de la procédure introduite le 12 juin 2009 (arrêt attaqué p. 6) ;
ALORS QU' une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières, qu'il appartient alors au juge de préciser, constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation de sa décision en appel ; qu'en condamnant Monsieur X... à payer à la SCI du 13 rue Ampère la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure déloyale et abusive, quand celui-ci avait eu gain de cause devant les premiers juges, sans caractériser les circonstances particulières qui auraient fait dégénérer en abus le droit de Monsieur X... d'agir en justice, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.