La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2013 | FRANCE | N°12-17980

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 juin 2013, 12-17980


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé, par lettre du 5 juin 2000 à effet au 1er juillet 2000, par la société AGF IART, devenue Allianz IARD, en qualité de directeur technique du département indemnisation, expatrié au Venezuela ; que par lettre du 7 août 2000, la société AGF IART lui a indiqué qu'il percevrait un salaire net social et fiscal d'expatriation annuel d'un montant de 496 279 francs payé localement, que l'ensemble des cotisations sociales et fiscales locales afférentes au sal

aire d'expatriation et à ses accessoires serait supporté par la société...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé, par lettre du 5 juin 2000 à effet au 1er juillet 2000, par la société AGF IART, devenue Allianz IARD, en qualité de directeur technique du département indemnisation, expatrié au Venezuela ; que par lettre du 7 août 2000, la société AGF IART lui a indiqué qu'il percevrait un salaire net social et fiscal d'expatriation annuel d'un montant de 496 279 francs payé localement, que l'ensemble des cotisations sociales et fiscales locales afférentes au salaire d'expatriation et à ses accessoires serait supporté par la société Adriatica de Seguros, entreprise au sein de laquelle il était expatrié, et que les cotisations patronale et ouvrière seraient acquittées sur la base du salaire qu'il aurait perçu en France, de 430 000 francs, soit 65 553 euros ; que le salarié a exercé ses fonctions au Venezuela jusqu'au 31 décembre 2003 et a été licencié le 25 février 2004 ; qu'il a été indemnisé au titre du chômage du 12 septembre 2004 au 27 mars 2006 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi selon lui du fait de l'insuffisance de cotisations retraite et chômage durant la période d'expatriation et du fait que l'indemnisation de son chômage avait été obérée par la rédaction de l'attestation d'assurance chômage qui mentionnait le salaire de référence, à l'exclusion du salaire complémentaire et des avantages en nature ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article R. 320-5 du code du travail, alors applicable, interprété à la lumière de la directive n° 91/ 533/ CEE du 14 octobre 1991 relative à l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail ;

Attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, doit informer le salarié expatrié, avant son départ, de sa situation au regard de la protection sociale pendant la durée de son expatriation ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'intéressé a été informé dès son engagement du montant de son salaire d'embauche en France, que l'avenant du 7 août 2000 a explicité les obligations respectives de la société AGF qui a renouvelé son engagement de cotisations sociales en France sur la base de ce salaire, sa filiale au Venezuela devant un salaire fiscal net local supérieur soumis à cotisation dans le pays étranger et des avantages d'expatriation pris en charge par elle ; que les allégations de M. X... selon lesquelles il aurait ignoré que les cotisations sociales étaient cantonnées en France sont contraires aux termes explicites de l'avenant du 7 août 2000 ; que même si cet avenant a défini les avantages liés à l'expatriation sans respecter la directive CEE du 14 octobre 1991 imposant l'information du salarié avant son départ pour l'étranger, le salarié, qui a pratiqué l'expatriation de façon récurrente pour d'autres employeurs pendant le cours de sa vie professionnelle, a accepté de le signer et n'établit pas de vice du consentement attaché au fait qu'il lui a été proposé après sa prise de fonctions au Venezuela ; que M. X... n'est pas plus fondé à demander à la fois de lui déclarer inopposable cet avenant et de le faire bénéficier des suppléments de rémunération d'expatriation qui y sont stipulés et qui ne lui ont pas été reconnus dans l'engagement initial signé par l'AGF ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié n'avait pas été informé avant son départ des conditions dans lesquelles il serait cotisé pour son compte aux divers organismes sociaux au titre des garanties retraite et chômage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 55 de l'annexe IX au règlement annexé à la convention d'assurance-chômage du 1er janvier 2001, relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que les cotisations des employeurs et des salariés sont assises sur l'ensemble des rémunérations brutes plafonnées converties en euros telles que définies à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale sauf si, au moment de l'affiliation et à titre définitif, la majorité des salariés concernés ont décidé avec l'employeur de les acquitter sur la base de la rémunération qui serait versée pour des fonctions correspondantes exercées en France ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'intéressé a valablement consenti au cantonnement des cotisations sociales de chômage au montant du salaire qu'il aurait perçu s'il avait travaillé en France ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un accord conforme de la majorité des salariés concernés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes d'indemnisation fondées sur l'insuffisance des cotisations patronales versées pour lui par son employeur, la compagnie AGF IART devenue la compagnie ALLIANZ IARD ;

AUX MOTIFS QUE « M. X... a été informé dès son recrutement que son salaire d'embauche en France était fait sur la base de 430. 000 F. par an ; que l'avenant du 7 août 2000 a explicité les obligations respectives de la société AGF qui a renouvelé son engagement de cotisations sociales en France sur la base d'un salaire annuel de 430. 000 F., sa filiale Adriatica de Seguros au Vénézuela devant un salaire fiscal net local supérieur soumis à cotisation dans le pays étranger et des avantages d'expatriation pris en charge par elle ; qu'il a été communiqué à M. X... le montant des cotisations salariales qui ont été faites en France sur cette base pour le dernier semestre 2000 et sur la base réévaluée de 66. 667 € pour les années 2001 à 2003 selon les relevés en compte courant qui lui ont été adressés chaque fin d'année ; que les allégations de M. X... selon lesquelles il aurait ignoré que les cotisations sociales étaient cantonnées en France sont contraires aux termes explicites de l'avenant du 7 août 2000 ; que même si l'avenant du 7 août 2000 a défini les avantages liés à l'expatriation sans respecter la directive CEE du 14 octobre 1991 imposant l'information du salarié avant son départ pour l'étranger, M. X..., qui a pratiqué l'expatriation de façon récurrente pour d'autres employeurs pendant le cours de sa vie professionnelle, a accepté de la signer et il n'établit pas de vice de consentement attaché au fait qu'il lui a été proposé après sa prise de fonctions au Vénézuela ; M. X... n'est pas plus fondé à demander à la fois de lui déclarer inopposable cet avenant et de le faire bénéficier des suppléments de rémunération d'expatriation qui y sont stipulés et qui ne lui ont pas été reconnus dans l'engagement initial signé par l'AGF ; qu'il n'y a pas atteinte à l'ordre public français relatif aux cotisations sociales et de chômage dans la mesure où les cotisations sont réglées en France sur le salaire correspondant à un emploi occupé en France ni à la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres en sa délibération D5 en vigueur depuis le 1er janvier 1996, la société AGF n'ayant pas usé de la faculté ouverte par les termes non équivoques de la délibération d'augmenter " éventuellement " dans le contrat d'expatriation la base de cotisation à tout ou partie des primes et avantages en nature par ailleurs consentis ; que l'attestation ASSEDIC indique normalement le salaire mensuel pour lequel il a été versé des cotisations chômage en France ; que la demande subsidiaire attachée à la contestation du montant de la rémunération au regard des fonctions occupées au Vénézuela n'est pas justifiée et alors que la rémunération à considérer pour l'exercice de ces fonctions est le salaire d'expatriation perçu et soumis à cotisation dans ce pays ; que M. X... qui a ainsi valablement consenti au cantonnement des cotisations sociales de chômage et de retraite en France au montant du salaire qu'il aurait perçu s'il avait travaillé en France et à la soumission de salaire local d'expatriation aux cotisations sociales dans le pays du Vénézuela sera débouté de ses demandes » ;

ALORS 1°) QUE : la directive CEE du 14 octobre 1991 (transposée dans l'ordre juridique par le décret n° 94-761 du 31 août 1994, lequel a successivement été codifié pour la disposition en cause à l'article R. 320-5 puis à l'article R. 1221-11 du Code du Travail jusqu'à leur abrogation par le décret n° 2011-681 du 16 juin 2011) exigeait que tout travailleur expatrié soit en possession avant son départ des informations essentielles relatives à l'exécution du contrat de travail et notamment du montant de base initial de sa rémunération et des autres éléments qui la constituent, notamment des avantages en espèces et en nature liés à l'expatriation ; que ces informations essentielles incluent l'assiette sur la base de laquelle il sera cotisé pour son compte aux divers organismes sociaux au titre des garanties retraite, chômage, etc. ; qu'en constatant expressément que les exigences de la directive n'avaient pas été respectées mais en considérant néanmoins que toutes les dispositions de l'avenant du 7 août 2000 devaient être opposables à Monsieur X..., la Cour d'appel a violé par refus d'application le texte précité dans ses diverses dénominations ;

ALORS 2°) QUE : la violence qui vicie le consentement peut être constituée par toute forme de contrainte injuste et illicite ; que constitue le vice de violence la menace pour un salarié expatrié dans un pays lointain avec sa famille de se retrouver brusquement sans emploi dans ce pays avec la difficulté de financer son retour ; qu'en considérant que l'avenant du 7 août 2000 qui n'avait été présenté à Monsieur X... que plus d'un mois après son installation avec sa famille au Vénézuela avait été signé librement par lui, la Cour d'appel a violé l'article 1112 du Code civil ;

ALORS 3°) QUE : s'agissant d'un cadre employé par une société d'assurances, s'appliquent cumulativement la convention collective nationale de retraite des cadres du 14 mars 1947 (ci-après CCN AGIRC) précisée par ses diverses délibérations et la convention de retraite et de prévoyance du personnel des sociétés d'assurance du 5 mars 1962 ; que si la délibération D5 (dans sa version postérieure au 1er janvier 1996) prise en application de la CNN AGIRC prévoit que les cotisations AGIRC sont en principe calculées sur la base du salaire qui aurait été perçu en France pour des fonctions correspondantes mais que ce salaire peut être augmenté de tout ou partie des primes et avantages en nature ainsi que prévu dans le contrat d'expatriation, il doit nécessairement en être ainsi lorsque la convention collective applicable au secteur d'activité prévoit que, pour le calcul des cotisations de retraite et de prévoyance, le traitement pris en considération est la salaire réel total de l'intéressé, ladite convention collective s'incorporant obligatoirement au contrat de travail ; qu'en faisant application de la délibération D5 accessoire à la CNN AGIRC sans tenir compte, comme il le lui était demandé, des dispositions de la convention collective du 5 mars 1962, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et de ladite convention ;

ALORS 4°) QUE : pour l'assurance chômage, s'appliquent conjointement la convention de retraite et de prévoyance du personnel des sociétés d'assurance du 5 mars 1962 et la convention ASSEDIC du 1er janvier 2001 ; que la convention du 5 mars 1962 prévoit que pour le calcul des cotisations de retraite et de prévoyance, le traitement pris en considération est le salaire réel total de l'intéressé ; que l'article 55 de l'annexe IX au règlement annexé à la convention ASSEDIC dispose que les cotisations des employeurs et des salariés sont assises sur l'ensemble des rémunérations brutes plafonnées converties en euros telles que définies à l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale sauf si, au moment de l'affiliation et à titre définitif, la majorité des salariés concernés ont décidé avec l'employeur de les acquitter sur la base de la rémunération qui serait versée pour des fonctions correspondantes exercées en France ; qu'en excluant la prise en compte du salaire réel de Monsieur X... sans avoir caractérisé l'existence et le contenu d'un tel accord, qui serait de surcroît contraire aux dispositions de la convention collective du 5 mars 1962, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, ensemble la convention collective du 5 mars 1962 et la convention ASSEDIC du 1er janvier 2001.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-17980
Date de la décision : 19/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jui. 2013, pourvoi n°12-17980


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.17980
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award