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19/06/2013 | FRANCE | N°12-11858

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 juin 2013, 12-11858


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 8 mars 2010), que par un jugement du 28 mars 1996 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a autorisé la vente, par l'intermédiaire de la SCP X... et Y... (la SCP), notaires, d'une parcelle inscrite depuis le 9 novembre 1995 au cadastre au nom du service des domaines comme étant vacante et sans maître ; que ce bien a été adjugé le 27 janvier 1997 à la société en nom collectif et d'investissements immobiliers et financiers (la s

ociété SIIF), laquelle, après division, à vendu une partie de cette p...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 8 mars 2010), que par un jugement du 28 mars 1996 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a autorisé la vente, par l'intermédiaire de la SCP X... et Y... (la SCP), notaires, d'une parcelle inscrite depuis le 9 novembre 1995 au cadastre au nom du service des domaines comme étant vacante et sans maître ; que ce bien a été adjugé le 27 janvier 1997 à la société en nom collectif et d'investissements immobiliers et financiers (la société SIIF), laquelle, après division, à vendu une partie de cette parcelle, n° AD 166, à la SCI Z... (la SCI) suivant acte authentique des 15 et 20 janvier 1998 ; que par un jugement du 5 avril 2001 devenu définitif, prononcé dans le cadre de la procédure en expulsion menée par la SCI contre l'occupant de la parcelle mentionné dans l'acte de vente, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a déclaré M. A... propriétaire de ce bien par l'effet d'une prescription acquisitive ; que la SCI a agi contre la société SIIF en nullité de la vente et en restitution du prix et demandé que la SCP soit condamnée à payer les sommes mises à la charge de la défenderesse ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article L. 27 ter du code du domaine de l'Etat alors applicable, ensemble l'article 1599 du code civil ;
Attendu que lorsque la propriété d'un immeuble a été attribuée à une commune ou, à défaut, à l'Etat, le propriétaire ou ses ayants droit ne sont plus en droit d'exiger la restitution si le bien a été aliéné ou utilisé d'une manière s'opposant à cette restitution ; qu'ils ne peuvent, dans ce cas, obtenir de la commune ou de l'Etat que le paiement d'une indemnité égale à la valeur de l'immeuble au jour de son utilisation ;
Attendu que pour accueillir les demandes de la SCI, l'arrêt, qui relève que M. A... était le véritable propriétaire de la parcelle litigieuse depuis 1986, retient, par motifs adoptés, que la société SIIF n'était pas propriétaire de la parcelle vendue au moment de la vente ;
Qu'en statuant ainsi, alors que tenant son droit de l'Etat qui avait aliéné le bien déclaré vacant, la société SIIF n'a pas vendu la chose d'autrui, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;
Condamne la SCI Z... aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Z... à payer à la société SIIF et à la SCP X... et Y... la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la Société d'investissements immobiliers et financiers.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité de la vente consentie par la société SIIF les 15 et 20 janvier 1998 à la SCI Z... portant sur le terrain situé à Petit-Canal, lieudit..., cadastré section AD 166, d'une contenance de 12ha 69a 13ca et d'avoir en conséquence ordonnancé la restitution du prix de vente ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la nullité de la vente des 15 et 20 janvier 1998 a été justement déduite par le tribunal de grande instance du défaut de qualité de propriétaire de la société SIIF, telle qu'elle a été reconnue par jugement définitif subséquent du 5 avril 2001 (…) Selon l'article L. 2222-20 du code général de la propriété des personnes publiques, " Lorsque la propriété d'un immeuble a été attribuée, dans les conditions fixées à l'article L 1123-3, à une commune ou, à défaut, à l'Etat, le propriétaire ou ses ayants droit sont en droit d'en exiger la restitution. Toutefois, il ne peut être fait droit à cette demande si le bien a été aliéné ou utilisé d'une manière s'opposant à cette restitution. Ils ne peuvent, dans ce cas, obtenir de la commune ou de l'Etat que le paiement d'une indemnité représentant la valeur de l'immeuble au jour de l'acte d'aliénation ou, le cas échéant, du procès-verbal constatant la remise effective de l'immeuble au service ou à l'établissement public utilisateur ". A défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée par le juge compétent en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. Sur le fondement de ce texte, qui n'exige pas la démonstration d'une faute, possible, du service des Domaines, la restitution ordonnée par le jugement définitif du 15 avril 2001 doit également s'analyser en aliénation du terrain au détriment de la SCI Z..., de nature à donner lieu à indemnisation à hauteur du préjudice justifié subi par elle. La question de l'indemnisation par le service des Domaines, étrangère en vertu du même texte à la compétence du tribunal de grande instance en première instance doit trouver sa solution devant la cour d'appel, juge d'appel de l'ensemble des juridictions du premier degré. Les pièces versées par la SCI Z... (…) justifient les dépenses occasionnées pour tenter de préserver des droits régulièrement acquis à hauteur de la somme de 12. 804, 24 € au paiement de laquelle le service des Domaines sera condamné à son égard ; la société SIIF ne fait pas de son côté la démonstration qu'elle entre dans les prévisions de l'article L 2222-20, pas davantage que d'une faute du même service, encore moins d'un préjudice qui en résulte pour elle ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 1599 du code civil, la vente de la chose d'autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût d'autrui. Il est de jurisprudence constante que pour que la vente soit prohibée, deux conditions soient réunies :- le vendeur, non propriétaire, n'avait pas été habilité pour agir pour le compte du véritable propriétaire,- il avait défaut de propriété au moment où devait s'effectuer l'effet translatif de la vente. La SCI Z... demande l'annulation de la vente immobilière qui lui a été consentie la Société d'Investissements immobiliers et Financiers au motif que l'immeuble appartenait à un tiers. Or, en l'occurrence, la vente attaquée, consentie par la société SIIF au profit de la SCI Z... a eu lieu par acte authentique en date des 15 et 20 janvier 1998. L'acte stipule que le transfert de propriété est immédiat. De plus, par jugement en date du 5 avril 2001, devenu définitif, rendu entre la SCI Z... et Monsieur B..., le Tribunal de Grande Instance de POINTE-A-PITRE, a déclaré que Henri A... était propriétaire de la parcelle par prescription acquisitive, relevant que cette possession continue et non équivoque datait de 1956 et qu'elle avait duré plus de trente ans. L'usucapion exigeant de celui qui s'en prévaut une possession trentenaire, c'est-à-juste titre que la SCI Z... fait valoir qu'il résulte de ces éléments, que le véritable propriétaire de la parcelle litigieuse était Henri A... depuis 1986. Ainsi, la société SIIF, n'était pas la propriétaire de la parcelle qu'elle a vendue à la SCI Z... les 15 et 20 janvier 1998 et de plus, n'avait pas été habilitée par Henri A... pour agir pour son compte. De plus, ce défaut de propriété existait au moment de l'effet translatif de la vente soit le 20 janvier 1998. Le moyen tiré de l'article 1640 du code civil, opposé tant par le notaire rédacteur de l'acte que par la venderesse à l'acheteuse, pour justifier du rejet de cette action en nullité, est inopérant. En effet, cet article fait obstacle à la garantie contre l'éviction, lorsque certaines conditions légales sont réunies, mais non à l'action en nullité de la vente. Or, la SCI Z... demande l'annulation de la vente. Il convient en conséquence de prononcer la nullité de la vente litigieuse et de condamner la société SIIF à régler à la SCI Z... la somme de 35 749, 29 Euros au titre de la répétition de l'indu ;
ALORS QUE lorsque la propriété d'un immeuble a été attribuée à l'État et lorsque le bien a été aliéné, le propriétaire ne peut obtenir de l'État que le paiement d'une indemnité représentant la valeur de l'immeuble au jour de l'acte d'aliénation ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société SIIF a acquis de l'Etat, en 1997, un terrain déclaré vacant et qu'elle l'a ensuite revendu à la SCI Z... en 1998 ; qu'en estimant cette vente nulle pour la raison inopérante qu'un jugement de 2001 avait déclaré Monsieur A... propriétaire de ce terrain, quand celui-ci n'avait aucun droit à récupérer le terrain, régulièrement vendu par l'Etat, de sorte que la vente consentie par la société SIIF était régulière, la cour d'appel a violé les articles 539 et 713 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 13 août 2004, et L 2222-20 et L 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
ALORS QUE la société SIIF n'était pas partie à la procédure ayant abouti au jugement du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre du 5 avril 2001, lequel n'a nullement statué sur son droit de propriété ; qu'en énonçant que le défaut de qualité de propriétaire de la société SIIF résultait de ce jugement, la cour d'appel l'a dénaturé, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE les droits d'une personne ne peuvent pas être affectés par un jugement rendu dans une procédure à laquelle elle n'était pas partie ; qu'en estimant que le jugement du 5 avril 2001 avait pu affecter les droits de la société SIIF en tant que propriétaire, quand celle-ci n'y était pas partie, la cour d'appel a violé les articles 14 du code de procédure civile et 1351 du code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société Z....
Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société Z... de ses demandes dirigées contre l'étude notariale X... et Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aucune faute ne peut, comme l'a justement relevé le premier juge, être reproché à la SCP Marcel X... et Patrick Y... qui ne pouvait avoir pour mission de qualifier en droit l'occupation de fait dont elle était avisée lors de la vente à la SCI Z..., le titre de l'administration ne pouvant être discuté par le notaire au moment de son intervention ; que dès lors la SCP Marcel X... et Patrick Y... ne peut être condamnée à quelques réparation que ce soit (arrêt, p. 9, § 4 et 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est de jurisprudence constante que le notaire ne peut se contenter d'être un simple rédacteur d'actes et qu'il doit assumer une obligation de conseil envers ceux qui ont recours à son ministère ; que le devoir de conseil oblige à rédiger des actes valables et à vérifier les droits de propriété ; que le notaire doit s'assurer de la qualité de propriétaire du vendeur ; qu'il doit enfin remonter avec soin la chaîne des transmissions successives ; mais que la jurisprudence n'exige pas du notaire un déplacement sur les lieux ni une vérification sur titre ; que la société SIIF reproche au notaire rédacteur de l'acte d'avoir ignoré l'existence d'un élément susceptible de donner lieu à une action sur le fondement de la prescription acquisitive ; que la SCI Z... reproche au notaire rédacteur de l'acte de ne pas s'être assuré ni de la régularité de l'acquisition du terrain par l'Etat, ni de celle de sa revente à la SIIF et de la vente à son profit ; que pour ce qui est des opérations d'adjudication par lesquelles la SIIF a acquis la parcelle du service des domaines le 29 janvier 1997, il n'est pas avéré que le notaire avait alors à ce moment là la connaissance de l'occupation du terrain par Henri A... ; qu'il est indéniable que lors de la vente de la parcelle litigieuse à la SCI Z..., le notaire avait en revanche connaissance de l'occupation du terrain par Henri A... puisque l'acte de vente authentifié par ses soins mentionne que « le vendeur déclare que le terrain présentement vendu est actuellement occupé sans titre par des personnes » et que « l'acquéreur devra en faire son affaire personnelle, sans avoir recours contre le vendeur et sans que la présente vente soit remise en cause concernant ces occupations » ; qu'il n'en demeure pas moins que l'officier ministériel ne pouvait en revanche deviner que les conditions de l'acquisition de la propriété par le jeu de la prescription acquisitive trentenaire étaient alors réunies au profit de l'occupant (à savoir une possession trentenaire, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire) ; qu'en toute hypothèse, un notaire n'est pas maître de la qualification juridique des fait portés à sa connaissance ; qu'il ne pouvait décider de lui-même et en sa qualité de notaire que l'occupant était devenu, depuis 1986 le véritable propriétaire de la parcelle de terre par le jeu de l'usucapion ; que c'est donc vainement que la société SIIF et la SCI Z... tentent de faire juger que le notaire a commis une faute du point de vue de l'obligation qui était la sienne de s'assurer de la régularité des titre de propriété successifs (jugement, p. 3, § 11 à 14, p. 4, § 1 à 7) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le notaire rédacteur d'un acte de vente est tenu de procéder, dans toute la mesure possible, à des recherches complètes sur l'origine de propriété du bien vendu ; qu'en retenant cependant que l'étude notariale n'avait pas commis de faute en s'abstenant de rechercher si monsieur A..., dont elle avait pourtant constaté dans l'acte de vente qu'il occupait le terrain objet de la vente, ne pouvait pas se prévaloir de la qualité de propriétaire par le jeu de la prescription acquisitive, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE lorsque la nullité de l'acte de vente établi par un notaire est prononcée, ce dernier est présumé avoir commis une faute ; qu'en déboutant la société Z... de sa demande formée contre l'étude notariale par la considération que ladite société ne rapportait pas la preuve d'une faute du notaire, cependant qu'elle avait prononcé la nullité de l'acte de vente établi par ledit notaire et que la faute de ce dernier était en conséquence présumée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1382 et 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 12-11858
Date de la décision : 19/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 08 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 jui. 2013, pourvoi n°12-11858


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.11858
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