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12/06/2013 | FRANCE | N°12-19105

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 juin 2013, 12-19105


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1101, 1134 et 1583 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 février 2012), que, par acte du 30 mars 2000, M. X... a donné à bail des locaux commerciaux aux époux Y... ; que le contrat comportait une promesse unilatérale de vente prévoyant notamment que la réalisation de la vente pourrait être demandée par les bénéficiaires du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ; que le 13 décembre 2005, M. X... a signifié sa décision de

se rétracter de la promesse de vente aux bénéficiaires qui ont fait connaître le 28 f...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1101, 1134 et 1583 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 février 2012), que, par acte du 30 mars 2000, M. X... a donné à bail des locaux commerciaux aux époux Y... ; que le contrat comportait une promesse unilatérale de vente prévoyant notamment que la réalisation de la vente pourrait être demandée par les bénéficiaires du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ; que le 13 décembre 2005, M. X... a signifié sa décision de se rétracter de la promesse de vente aux bénéficiaires qui ont fait connaître le 28 février 2006 leur intention de lever l'option ; que les époux Y... ont assigné M. X... afin de voir ordonner la vente de l'immeuble ;

Attendu que, pour juger la vente parfaite et ordonner sa réalisation, l'arrêt retient que M. X... était lié par son engagement contractuel jusqu'à son terme et que les époux Y... ont levé l'option dans le délai ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la levée de l'option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait ordonné la vente entre Monsieur et Madame Nicolas Y... et Jean X..., sur la commune de Tournon-sur-Rhône, d'un ensemble immobilier cadastré section AB n° 315 pour 8 ares 33 centiares, sis ..., des lots nos d'un bâtiment en copropriété cadastré AB n° 440 pour 4 ares 29 centiares, sis ... section AB n° 441 (87 ares 22 centiares), n° 314 (17 ares 8 centiares) et n° 316 (3 centiares), sis ..., dit que cette vente interviendrait moyennant un prix correspondant au prix de base de 457 347,05 euros stipulé dans l'acte du 30 mars 2000 réévalué en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction entre le 3ème trimestre 1999 et le trimestre précédant l'acte authentique constatant la réalisation de la vente et condamné Monsieur Jean X... à payer à Monsieur et Madame Y... la somme de 1 300 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et, y ajoutant, d'AVOIR déclaré parfaite à la date du 1er mars 2006 la vente des biens et droits immobiliers en cause, d'AVOIR condamné Monsieur Jean X... à comparaître à la réitération de ladite vente par acte authentique dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt, d'AVOIR condamné Monsieur Jean X... à rembourser à Monsieur et Madame Y... les loyers perçus depuis le 1er mars 2006, diminués de 813,01 euros par mois, d'AVOIR ordonné la compensation entre le prix de vente des biens et droits immobiliers susvisés et les sommes dues par Monsieur Jean X... au titre du remboursement de la somme de 813,01 euros par mois et des loyers perçus depuis le 1er mars 2006, d'AVOIR condamné Monsieur Jean X... à payer à Monsieur et Madame Y... la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR rejeté le surplus des demandes formulées par Monsieur Jean X... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « par actes notariés du 30 mars 2000, Monsieur Jean X... a d'une part vendu à Monsieur et Madame Nicolas Y... un fonds de commerce d'hôtel-camping moyennant le prix principal de 1.450.000,00 francs soit 221.051,07 €, d'autre part consenti aux mêmes, sur les locaux dans lesquels il exploitait ce fonds de commerce, un bail commercial de neuf ans du 1er avril 2000 au 31 mars 2009. Ce contrat de bail comportait une promesse de vente stipulant notamment que la réalisation de la vente promise pourrait être demandée par la bénéficiaire à partir du 1er janvier 2006 et au plus tard le 31 décembre 2007 inclusivement, que passé ce délai la promesse serait caduque, que le bénéficiaire pourrait lever l'option par lettre recommandée, par exploit d'huissier ou par écrit remis contre récépissé, que le prix serait payable comptant à la signature de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente, et que l'acquisition de l'immeuble donnerait droit à Monsieur et Mme Y... de réclamer à Monsieur X... le remboursement de la somme de 5333,00 francs par mois de loyer échu depuis leur entrée en jouissance dans l'immeuble. Le 13 décembre 2005, Monsieur X... a fait signifier par acte d'huissier à Monsieur Y... sa décision de se rétracter de la promesse de vente du 30 mars 2000, et par lettre recommandée du 28 février 2006 adressée au notaire et transmise par celui-ci le 8 mars 2006, Monsieur et Madame Y... ont fait connaître leur intention de lever l'option au prix de 541.194 € résultant de la revalorisation du prix initial de 457.347,05 €. (…) que la promesse unilatérale de vente est constatée par acte authentique ; que les intimés ont fait enregistrer la levée de l'option. Attendu que Monsieur X... était lié par son engagement contractuel jusqu'à son terme ; que les manquements allégués au contrat de bail commercial n'ont pas entraîné sa résolution par jugement du 3 mars 2006 confirmé par arrêt de la cour d'appel de céans du 2 décembre 2008 ; que Monsieur et Madame Y... ont levé l'option dans le délai contractuel ; que la vente est parfaite à la date du 1er mars 2006, le prix offert étant l'exacte application de la clause d'indexation contractuelle et la chose étant celle identifiée et décrite au contrat de bail contenant la promesse ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont ordonné la réalisation de la vente et que les intimés demandent à présent qu'il soit constaté que la vente est parfaite. Attendu que la vente étant parfaite à la date du 1er mars 2006, les loyers n'étaient plus dus à cette date par le preneur qui en réclame à juste titre le remboursement et n'a pas omis d'imputer sur ce montant le remboursement contractuel de 813,01 € par mois. Attendu que le jugement entrepris, fondé sur des motifs pertinents, doit être confirmé en toutes ses dispositions ; que Monsieur X... qui succombe doit supporter les dépens ; que pour défendre sur son appel, Monsieur et Madame Y... ont dû exposer des frais non compris dans les dépens, au titre desquels il doit leur être alloué la somme de 4000,00 €. » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « se prévalant de l'introduction dans le bail commercial conclu le 30 mars 2000 d'une promesse unilatérale de vente, dont la levée d'option devait intervenir entre le 1er janvier 2006 et le 30 décembre 2007, reprochant à Monsieur Jean X... d'avoir par courrier du 18 novembre 2005 rétracté sa promesse, les Époux Nicolas Y... demandent à titre principal la réalisation forcée de la vente. Monsieur Jean X... s'oppose à cette demande en faisant valoir que dans la mesure où il a expressément déclaré rétracter sa promesse de vente par notification d'huissier du 13 décembre 2005 il n'y a pas eu de rencontre des consentements, l'article 1589 alinéa 1er du Code Civil énonçant que la promesse de vente ne vaut vente que lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties. La promesse unilatérale de vente est un contrat par lequel le promettant donne dès l'origine son consentement à un contrat futur et déterminé, tandis que le bénéficiaire conserve la liberté de lever ou non l'option ainsi consentie. L'objet essentiel de la promesse est de rendre irrévocable le consentement d'une partie à la vente projetée. Le promettant donne son consentement à une vente dont les conditions sont déterminées et qui sera formée lorsque le bénéficiaire décidera de conclure. L'offre de promesse porte sur l'obligation du promettant de consentir à la vente et de maintenir ce consentement à la disposition du bénéficiaire pendant toute la durée de l'option. L'obligation principale du promettant consiste à maintenir son consentement à la vente à la disposition du bénéficiaire. La promesse se sépare de l'offre en ce qu'elle est déjà par elle-même un contrat reposant sur les volontés concordantes du promettant et du bénéficiaire; elle est un contrat de promesse. Mais la promesse se distingue du contrat définitif en ce qu'elle ne contient qu'un seul des deux consentements nécessaires. Parce qu'elle est un contrat la promesse engage définitivement son auteur pour la durée du délai d'option. Dans les rapports entre les parties il est admis classiquement que le bénéficiaire peut si le promettant se refuse à passer l'acte définitif obtenir une décision de justice qui en tiendra lieu. Le défendeur soutient que dans la mesure où il a déclaré expressément rétract er sa promesse avant la levée de l'option il n'y a pas eu rencontre des consentements En d'autres termes, tant que les bénéficiaires n'auraient pas déclaré acquérir, l'obligation du promettant ne constituerait qu'une obligation de faire et la levée d'option postérieure à la rétractation du promettant exclurait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acheter. Le manquement du promettant à maintenir son offre pendant toute sa durée contractuelle s'analyserait en une violation d'une obligation de faire qui ne pourrait se résoudre par une autre voie que celle prévue à l'article 1142 du Code Civil, à savoir l'allocation des dommages et intérêts. En premier lieu l'article 1142 sus-visé n'interdit nullement de sanctionner autrement que par des dommages et intérêts le manquement à une obligation de faire. Ensuite la promesse unilatérale est caractérisée par le fait que le promettant a d'ores et déjà donné son consentement à la vente au moment de la promesse. Dès la conclusion du contrat de promesse, le promettant a donné son consentement définitif et irrévocable. La rétractation est dépourvue de tout effet car le promettant est tenu en vertu de l'article 1134 du Code Civil de ne pas reprendre son consentement. En vertu de cet article il ne peut révoquer unilatéralement l'engagement qu'il a pris. La formation de la vente ne dépend plus que d'une condition : la levée de l'option. La conclusion de la vente est en raison de la promesse indépendante de toute manifestation de volonté future du promettant. Elle est exclusivement subordonnée à l'expression du consentement du bénéficiaire. En bref, en raison de la promesse, la volonté du promettant est figée une fois pour toutes. Elle n'a pas à être exprimée de nouveau; elle ne peut pas non plus être modifiée. Il ne peut être permis à une partie qui s'est engagée de violer sa promesse, de renier la parole donnée. Par conséquent, en dépit de la rétractation du promettant, il y a bien rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir puisque seule la volonté du bénéficiaire restait libre de se manifester et que la vente promise ne supposait plus, pour sa conclusion, que l'expression de sa volonté d'acquérir. Admettre la possibilité d'une rétractation du promettant perdant le délai d'option rajoute une condition à celle déjà existant pour la réalisation de la vente : à l'obligation de lever l'option pendant le délai contractuel est rajoutée l'obligation du promettant de ne pas revenir sur son engagement pendant le même délai. Il convient donc d'ordonner la vente des biens immobiliers visés dans l'acte du 30 mars 2000, dans la mesure où les demandeurs ont levé l'option le 28 février 2006. Quant aux autres motifs invoqués par le défendeur et relatifs aux manquements allégués des locataires (travaux exécutés sans autorisation, activités non autorisées) il y a lieu de noter que ces « fautes » n'ont pas été reconnues d'une gravité suffisante pour justifier une résiliation du bail commercial mais surtout de dire qu'elles sont sans aucun effet sur la réalisation de la vente. (…) 3°) Sur les demandes accessoires : L'équité commande de ne pas laisser à la charge des demandeurs la totalité des frais non répétibles qu'ils ont été contraints d'engager. En conséquence il leur est alloué une somme de 1 300 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile. L'issue du litige conduit à mettre les dépens à la charge du défendeur, avec distraction au profit de Maître Olivier MARTEL » ;

ALORS QUE dans une promesse unilatérale de vente, la levée d'option par le bénéficiaire postérieurement à la notification de la rétractation du promettant exclut toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne peut alors être ordonnée ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que le promettant avait fait signifier aux bénéficiaires par acte d'huissier le 13 décembre 2005 sa décision de se rétracter de la promesse de vente du 30 mars 2000, soit avant la levée d'option par ces derniers par lettre recommandée adressée au notaire le 28 février 2006 ; que, pour retenir que la vente était parfaite à la date du 1er mars 2006, la Cour d'appel a affirmé que celui-ci était lié par son engagement contractuel jusqu'à son terme, et qu'en dépit de sa rétractation, il y avait bien rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 1101, 1134 et 1583 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 12-19105
Date de la décision : 12/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 28 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 jui. 2013, pourvoi n°12-19105


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.19105
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