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12/06/2013 | FRANCE | N°12-12879

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 juin 2013, 12-12879


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 20 septembre 1979 ; que par jugement du 17 décembre 2009, leur divorce a été prononcé sur le fondement de l'article 233 du code civil et que M. X... a été condamné au paiement de la somme de 150 000 euros à titre de prestation compensatoire ;

Attendu que, pour rejeter la demande de prestation compensatoire for

mée par Mme Y..., l'arrêt retient que s'il existe entre les conjoints une importante ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 20 septembre 1979 ; que par jugement du 17 décembre 2009, leur divorce a été prononcé sur le fondement de l'article 233 du code civil et que M. X... a été condamné au paiement de la somme de 150 000 euros à titre de prestation compensatoire ;

Attendu que, pour rejeter la demande de prestation compensatoire formée par Mme Y..., l'arrêt retient que s'il existe entre les conjoints une importante différence de revenus, l'épouse ne peut se prévaloir d'un niveau d'études ni de diplômes équivalents à ceux de l'époux, de sorte que l'inégalité entre les époux préexistait au mariage ;

Qu'en se déterminant ainsi, sur des circonstances antérieures au prononcé du divorce, pour apprécier le droit de l'un des époux à bénéficier d'une prestation compensatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux premières branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande de prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 7 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Y... de sa demande de prestation compensatoire ;

AUX MOTIFS QUE le mariage contracté sous le régime conventionnel de la communauté réduite aux acquêts a duré trente-deux ans et qu'un enfant aujourd'hui majeur et autonome en est issu ; que les époux sont respectivement âgés de quelque cinquante-six ans pour le mari et cinquante-trois ans pour la femme ; que jusqu'à son licenciement pour inaptitude médicale le 30 mars 2010, Marie-Christine Y... exerçait la profession de cadre dans l'industrie ; que Maurice X... exerce quant à lui la profession d'huissier de justice à Lyon ; que l'article 270 alinéa 2 du Code civil dispose que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; que la prestation compensatoire telle qu'elle est définie par ce texte n'a pas pour objet de niveler les fortunes, de corriger l'inégalité des conditions ou des talents non plus que de remédier aux inconvénients du régime matrimonial ; qu'elle vise seulement à rétablir l'équilibre rompu entre les situations respectives des époux lorsque l'un d'eux a sacrifié ou freiné sa carrière pour permettre à son conjoint de faire évoluer la sienne, notamment en le suivant au gré de ses mutations, ou en renonçant à ses propres ambitions professionnelles pour rester au foyer auprès des enfants tandis que l'autre époux se consacrait à son travail et progressait sur le plan social et professionnel ; que l'intimée qui prétend avoir freiné sa propre carrière professionnelle pour favoriser celle de son mari et se consacrer à la vie familiale ne rapporte aucune preuve de ses allégations ; que tout au contraire, il ressort des pièces qu'elle verse elle-même aux débats, et notamment de l'évaluation de ses droits à pension de retraite, qu'elle a toujours travaillé pendant la vie commune et même après la fin de celle-ci ; que si elle a commencé sa vie professionnelle comme employée dans une entreprise familiale, elle a néanmoins montré des dispositions qui lui ont permis d'accéder assez rapidement à des fonctions d'encadrement au service d'autres employeurs, et que ses rémunérations ont connu une progression absolument constante tout au long de sa carrière à telle enseigne que ses gains annuels se sont élevés en 2009, dernier exercice complet avant son licenciement pour inaptitude médicale, à la somme nette imposable de 50.499 € ; à cet égard, que loin d'avoir ralenti sa carrière en se cantonnant au foyer conjugal, elle a bénéficié d'une importante promotion en acceptant un poste à Paris à la fin de l'année 1999 alors que les époux étaient domiciliés à Lyon où son mari est huissier de justice ; que certes, elle est revenue travailler à Lyon à compter du 1er novembre 2003, mais que cette nouvelle mutation n'est que la conséquence de ses choix personnels et qu'elle ne saurait prétendre que ceux-ci ont été dictés par la nécessité de s'occuper de l'enfant François, alors âgé de vingt-trois ans dont elle souligne dans ses écritures qu'il était à cette époque parfaitement en mesure de s'assumer lui-même pour les nécessités de la vie quotidienne bien qu'il ne fût pas alors financièrement autonome, non plus qu'elle ne prétend d'ailleurs qu'un tel choix était impliqué par la nécessité de soutenir son époux dont la position d'officier ministériel reconnu sur la place de Lyon était depuis de nombreuses années une réalité qui ressort de l'ensemble des pièces versées aux débats par l'une et l'autre parties ; qu'au demeurant, l'intimée n'établit en aucune manière que ce retour à Lyon, à un niveau hiérarchique égal et alors que ses rémunérations ont continué à progresser depuis lors, aurait entraîné pour elle l'impossibilité d'accéder à un emploi supérieur ; que l'intimée fait valoir que pendant la première année de mariage elle aurait seule à travailler et à faire vivre le ménage de son salaire pendant que son mari terminait le cursus universitaire qui lui a permis de devenir huissier de justice ; qu'à supposer qu'il en soit ainsi, ce qu'aucune des pièces versées aux débats par l'intimée ne démontre, il pourrait éventuellement y avoir lieu d'en tenir compte lors des opérations de liquidation du régime matrimonial, mais que cela ne saurait constituer la preuve de ce que Marie-Christine Y... a sacrifié ou freiné son évolution sociale et professionnelle personnelle pour favoriser celle de son mari ; que la Cour, en l'état des pièces produites de part et d'autre, ne peut que constater que le mariage, loin d'avoir constitué un frein à la carrière personnelle de l'intimée l'a au contraire favorisée, la situation très aisée rapidement acquise par l'appelant ayant permis à son épouse d'être dégagée de toute contrainte matérielle liée à sa situation de mère de famille et de se consacrer pleinement à sa vie professionnelle ; qu'il est constant que les gains professionnels de l'appelant sont au moins trois fois supérieurs à ceux de l'intimée avant son licenciement, que s'il existe entre les conjoints une importante différence de revenus, celle-ci n'est pas pour autant constitutive d'une disparité dans les conditions de vie créée par la rupture du mariage au sens de l'article 271 du code civil ; qu'en effet, l'intimée ne peut se prévaloir d'un niveau d'études ni de diplômes équivalents à ceux de l'appelant ; que si, par son mérite personnel, elle a réussi à gravir les échelons de la réussite sociale et professionnelle, il n'en demeure pas moins que l'inégalité entre les époux existait avant le mariage et dès le début de leur union et que celleci, non seulement ne l'a pas aggravée, mais l'a tout au contraire réduite ; enfin que si la situation professionnelle et sociale de l'appelante s'est dégradée depuis le licenciement pour inaptitude médicale dont elle a fait l'objet le 30 mars 2010, il n'est pas allégué que la détérioration de son état de santé ait un lien quelconque avec la rupture du lien conjugal ; dans ces conditions, que la preuve n'étant pas rapportée de ce que la rupture du mariage crée, au détriment de la femme, une disparité dans les conditions de vie respectives des époux dès lors qu'il n'est pas établi que les choix opérés par les conjoints dans l'intérêt de la famille l'ont contrainte à limiter ses ambitions professionnelles légitimes et ont restreint ses propres possibilités d'évolution sociale et professionnelle, il échet de réformer la décision querellée et de débouter l'intimée de sa demande de prestation compensatoire ;

ALORS QUE les circonstances énumérées par l'article 271 du Code civil sont des éléments indicatifs pour la fixation du montant de la prestation compensatoire et non des conditions sine qua non de son octroi ; qu'en affirmant que « la prestation compensatoire vise seulement à rétablir l'équilibre entre les situations respectives des époux lorsque l'un d'eux a sacrifié ou freiné sa carrière pour permettre à son conjoint de faire évoluer la sienne, notamment en le suivant au gré de ses mutations, ou en renonçant à ses propres ambitions professionnelles pour rester au foyer auprès des enfants tandis que l'autre époux se consacrait à son travail et progressait sur le plan professionnel » (arrêt p.3), la Cour d'appel a fait d'un des éléments d'appréciation de la prestation compensatoire la condition nécessaire de son octroi et partant violé les dispositions des articles 270 et 271 du Code civil ;

ALORS QUE pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge doit se placer à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel constate une dégradation de la situation de l'épouse suite à son licenciement pour inaptitude médicale le 30 mars 2010, mais refuse de la prendre en considération au motif que la détérioration de l'état de santé serait sans lien avec la rupture du lien conjugal ; qu'en se prononçant ainsi alors que le licenciement est intervenu entre le jugement et le dépôt des premières conclusions de l'époux, soit nécessairement avant que la décision prononçant le divorce ne passe en force de chose jugée, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 260 et 270 du Code civil ;

ALORS QUE la prestation compensatoire est destinée à compenser, autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel constate que les gains professionnels de l'époux sont au moins trois fois supérieurs à ceux de l'épouse avant son licenciement et qu'il « existe donc entre les conjoints une importante différence de revenus » (arrêt p.4) ; qu'en refusant cependant d'accorder à l'épouse une prestation compensatoire au motif inopérant que cette différence de revenus ne résulte pas du mariage mais lui préexistait, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et partant violé les dispositions de l'article 270 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-12879
Date de la décision : 12/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 07 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 jui. 2013, pourvoi n°12-12879


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.12879
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